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tels, les magistrats de la révolution forçoient de toutes parts les Français à venir, par de sacriléges adorations, abjurer aux pieds de l'infâme déesse tout sentiment religieux? Quand la Convention elle-même en donnoit l'exemple, ne professoit-elle que de l'indifférence pour la religion catholique? Et pour abréger cet affreux tableau, lorsqu'enfin des laïcs de l'un et de l'autre sexe, comme les religieuses et les prêtres, étoient conduits à la mort, pour avoir fait dans l'intérieur de leur demeure quelque acte de religion, ou conservé seulement chez eux dans le secret quelque image, quelque livre de piété, n'étoient-ils donc que les victimes d'un entêtement politique et d'un royalisme obstiné ?

Nous conviendrons tout au plus qu'au premier aspect, la cause de la mort de quelques uns, qui se déclaroient aussi royalistes, sembla mixte, c'est-àdire tout ensemble politique et religieuse mais si elle parut telle; si même elle le fut en effet respectivement aux vues politiques des persécuteurs, elle ne l'étoit point sous le rapport de cette haine bien notoire qu'une philosophique impiété leur inspiroit contre la religion; et elle ne l'étoit aucunement dans les sentimens de tant de pieuses victimes, qu'ils semblèrent n'immoler qu'à leur athéiste république. La cause de ces victimes ne fut pas au fond plus mixte que ne l'avoit été dans les premiers siècles du christianisme, celle de tant de pontifes, de prêtres, de diacres et de fidèles, que l'Eglise honoroit comme Mar

tyrs, quoiqu'ils eussent été condamnés à la mort uniquement comme rebelles à l'autorité des empereurs, parce qu'ils avoient craint d'agir contre leur conscience, en jurant par le nom ou la fortune des Césars. Combien d'entre eux ne furent conduits au supplice, qu'en les accusant d'être des provocateurs de sédition, des scélérats, et même aussi des brigands, de même que plusieurs de nos Martyrs! Dans tous les temps, les persécuteurs de l'Eglise ont connu l'artifice de motiver, par de prétendus crimes d'Etat, les sentences de mort contre ceux qu'ils ne faisoient périr en effet que pour leur Foi; et l'Eglise, juste appréciatrice de la véritable cause de leur mort, ne les en plaçoit pas moins aussitôt sur ses autels, empressée qu'elle étoit de leur faire recouvrer l'honneur que cette infernale supercherie leur avoit enlevé.

On ne pourra pas mieux se prévaloir contre les nôtres, de ce que beaucoup ont été mis à mort avec un grand nombre de victimes purement politiques. Est-ce donc que les Domitien, les Galère, etc. etc., ne mêlèrent pas le sang même des païens avec celui des chrétiens que l'Eglise vénère néanmoins comme Martyrs? «< Leur cruauté, après avoir commencé par ceux-ci, dit Lactance, alloit, sans les épargner davantage, frapper les plus notables d'entre ceux-là, condamnant aux mêmes supplices les décurions et les premiers des citoyens, les personnages les plus illustres et les particuliers les plus estimables. De nobles mères de famille étoient arrachées aussi de leur retraite

domestique, et traînées à la mort. On y conduisoit également des jurisconsultes, des juges, des littérateurs même; car les belles-lettres étoient traitées d'art funeste à l'Etat ; et ceux qui les cultivoient, se voyoient immolés pareillement comme des ennemis du gouvernement et du peuple (1) ».

Mais qu'avons-nous besoin de nous appesantir sur des vérités que le DISCOURS préliminaire du présent Martyrologe va mettre dans leur plus grand jour? Le sentiment de son auteur en pareille matière étoit au reste celui de tout l'ancien clergé, celui du pape Pie VI, et même de N. S. P. Pie VII, lorsqu'en 1800, il approuva par son bref spécial du 3 octobre, un ouvrage important où se trouvoit la même doctrine (2):

(1) Torquebantur non decuriones modò, sed primores etiam civitatum, egregii ac perfectissimi viri, et quidem in causis levibus atque civilibus... Matres familias ingenuœ ac nobiles in gynæceum rapiebantur (De Mortibus Persecutorum, n° XXII). Quæ igitur in christianis excruciandis didicerat, consuetudine ipsâ in omnes exercebat... Eloquentia extincta, causidici sublati, jureconsulti aut relegati aut necati. Litteræ autem inter malas artes habitæ; et qui eas noverant, pro inimicis hostibusque protriti et execrati. (Ibid. n° XXII.)

(2) Traité de la conduite à tenir après la persécution, par M. Alexis Saussol, théologien de l'évêque de Lavaur, et maintenant évêque de Séez, 2 vol. in-12: Florence, 1800. Avant de le publier, l'auteur l'envoya, pour être examiné, à M" Marotti, ex-jésuite, et secrétaire des lettres latines du Saint-Siége. Celui-ci le remit pour cet effet à deux théologiens très - renommés : l'abbé Marchetti, aujourd'hui archevêque d'Ancyre, et Bolgeni, ex-jésuite, et théologien de la pénitencerie. L'examen dura six mois; et, quoique ces deux

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Dans cet ouvrage, composé au désert de l'abbaye de Mont-Serrat, près Barcelonne, en 1795, par l'un de nos plus habiles théologiens, et de nos prêtres les

pro fonds examinateurs eussent été sur d'autres points importans d'une dissiden ce éclatante, ils furent unanimes dans les suffrages qu'ils donnèrent à l'ouvrage de M. Saussol: chacun d'eux lui écrivit une lettre de félicitation sur l'excellence de sa doctrine. Sa Sainteté couronna ces suffrages par le bref dont il s'agit, et dans lequel elle lui disoit Dilecte fili, accepimus tibrum.... judicio eorum qui legerunt, et valdè propter doctrinam probari, et mirificè laudari propter utilitatem audivimus. Etenim et temporum necessitati ita prospicit, ut facem quodammodò præferat, quam sequantur presbyteri in futurâ illâ rerum atque animorum perplexitate quæ necessariò consequi tantam temporum perturbationem debet, et simul NIHIL statuit in disciplinû restituendâ, quod non ad ecclesiasticarum legum normam exactum, et ex pontificum ac conciliorum sanctionibus, ex patrum doctrinâ, perennique ecclesiæ traditione depromptum sit. Itaque gratulamur vehementer tibi, etc..... Rogandus igitur Deus ut tandem aliquando tempus illud propitiationis adveniat, quo et salutaribus hisce doctrinæ tuæ fructibus uti detur ecclesiæ, et tibi operæ tuæ quam præclarè in eâ juvandâ posuisti, fructus constare possit, etc. etc. Pius PP. VII. — Dilecto filio Alexio Saussol, presbytero: Florentiam. Ce bref fut imprimé à la tête de l'ouvrage; et nous avons sous les yeux un des exemplaires où il se trouve. Mais alors se négocioit à Paris l'affaire du concordat qui fut signé le 5 juillet de l'année suivante, et ratifié 9 avril 1802 entre le saint Père Pie VII et Buonaparte. Les vues politiques de celui-ci ne permettant pas que l'ancienne discipline, exposée par M. Saussol, fût alors observée en France, Ms Marotti écrivit à cet auteur pour le conjurer de supprimer le bref dans les exemplaires qui restoient en son pouvoir.

le

plus vertueux (sous les yeux et par le conseil de l'archevêque d'Auch, Louis-Apollinaire de la Tour-duPin-Montauban; des évêques de Lavaur, Jean-Antoine de Castellane Saint-Maurice; et de Tarbes, François de Gain-Montaignac), il étoit dit : « L'un des premiers soins qui doivent occuper les évêques et l'Eglise de France, après la persécution, c'est de rendre honneur aux SS. Martyrs et aux confesseurs de la Foi, pendant la révolution. Ce devoir est le plus honorable pour l'Eglise, comme le plus utile pour la rétablir; car cet honneur est un témoignage éclatant de la Foi, et un encouragement pour les fidèles... Plût à Dieu qu'on eût eu cette attention dans les temps des guerres civiles des Calvinistes! Que de Martyrs furent immolés, dont nous ignorons même les noms (1)! Il faudra donc prendre des informations sur toutes les victimes immolées en haine de la Foi, adresser les actes de leur Martyre aux églises de France et aux églises étrangères, comme cela se pratiquoit dans la primitive église (2); et si les évêques ne pouvoient pas ordonner qu'on honorât solennellement ces victimes de la religion comme Martyrs, avant le jugement du Saint-Siége, ils pourroient au moins ordonner, lorsqu'ils le jugeroient convenable, qu'on célébrât le jour anniversaire de leur mort, une messe solennelle d'actions de grâces pour remercier Dieu de

(1) Voy. ci-après, pag. 87, note 1.
(2) Voy. ci-après, pag. 78, à la note.

b.

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