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valoir mieux qu'eux. Mais, à l'exemple des plus réservés, ne nommant qu'à regret les persécuteurs, il s'est abstenu de les caractériser autrement que par leurs actions. On ne verra donc pas invectiver ici les assassins par ces qualifications passionnées, haineuses, et quelquefois grossières, qui leur sont malheureusement prodiguées dans quelques ouvrages historiques du même genre. Désavouées par l'Evangile et les SS. Pères, elles le seroient aussi par les saintes victimes elles-mêmes. Si nous avons comme elles les vertus de la Foi, au lieu de maudire ceux qui les immolèrent, nous devrions peut-être les bénir de ce qu'ils les ont mis à même de conquérir la palme du martyre, et de montrer à l'univers que, malgré les pronostics de l'impie philosophie du dix-huitième siècle, l'Eglise des Gaules étoit celle de toute la catholicité qui pouvoit fournir de plus intrépides athlètes à la cause de J.-C. et de l'Eglise romaine.

Sans chercher à découvrir les motifs de ceux qui, dès l'annonce du présent Martyrologe, firent attaquer en des feuilles mondaines et politiques le titre de Martyr que notre auteur donnoit à ces généreux athlètes de la Foi, nous devons cependant, afin de rectifier les idées des personnes qu'elles auroient troubler, faire observer, du moins en passant,

pu

que le censeur qu'ils choisirent ne montra pas une connoissance bien exacte de la matière, tout en se disant appelé, quoique laïc et jeune, à défendre ce qu'il nommoit « la doctrine du catholi

cisme (1)». En alléguant, pour toute raison, «qu'il n'appartient pas à un simple fidèle, ni même à un prêtre, de s'emparer du droit de canonisation, quel que soit le mérite de ses héros », savoit-il donc bien en quoi

».

(1) Ne voulant pas être soupçonné d'affoiblir l'attaque afin d'avoir plus d'avantage sur le censeur, nous répéterons ici toutes ses paroles. Il s'exprimoit ainsi (feuille du 13 mai 1820): « Le nouvel historien qui va intituler son ouvrage Les Martyrs de la Foi, n'a peut-être pas assez songé que ce titre est tout-à-fait contraire à l'esprit de l'Eglise Grave erreur que le censeur reconnoîtra, en lisant le Discours préliminaire de notre auteur! Il a trop jugé de cet esprit par les sens, en donnant pour preuve la discipline actuelle, suivant laquelle l'Eglise, dit-il un peu vaguement, «n'admet de Martyrs que ceux qui sont reconnus pour tels par le chef même de cette Eglise». Pour que cette assertion fût exacte, il falloit s'exprimer ainsi : « qui n'admet de Martyrs sur les autels publics, que ceux qui, etc. etc.; » mais alors toute l'attaque retomboit sur l'agresseur. Comme notre auteur ne plaçoit pas ses Martyrs sur les autels publics, ou, ce qui est la même chose, comme il ne prescrivoit pas un culte public et général d'invocation à leur égard, c'étoit donc sans aucune raison quelconque qu'on lui reprochoit «de s'emparer du droit de canonisation ». L'imprudente réprimande continuoit en ces termes : « L'église métropolitaine de... a été plus circonspecte que l'historien; car, jusqu'ici, c'est des prières qu'elle a ordonnées pour les victimes des............. et cela est tout-à-fait conforme à la doctrine du catholicisme (nouvelles méprises. V. ci-après, pag. 83 et suivantes): « Doctrine, conclut enfin le censeur, doctrine qui doit trouver sa défense dans la .......... (nom de la feuille ), lorsque l'occasion s'en présente : ce journal étant également destiné (Par qui ? ..........) à lutter contre les ennemis de toute religion, et à rétablir la paix entre les dissidens d'une même religion (destination bien auguste pour!), Signé, L.....» La mission de celui qu'il attaquoit a des fondemens

consistent et ce que produisent les béatifications ou canonisations (V. ci-après, pag. 79)? Auroit-il cru que, sans ces actes infiniment vénérables du SaintSiége, un chrétien qui a donné sa vie pour J.-C.,

moins équivoques dans son titre, en vertu duquel il peut légitimement et conformément aux volontés du Saint Concile de Trente (Cap. II, De Reform. Sess. xxv): Theologiam docere, de eâ scribere, exercere, etc. etc. L'un des grands inconvéniens de nos jours, est que beaucoup de gens qui croient écrire pour la religion, ressemblent à ceux dont S. Paul disoit : Conversi sunt in vaniloquium, volentes esse legis doctores, non intelligentes neque quæ loquuntur, neque de quibus affirmant. (I. ad Timoth. c. I.)

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Pour compléter d'avance les notions exactes et précises que l'auteur du Martyrologe fournirà sur les procédures et cérémonies de béatifications et canonisations, nous devrions peut-être donner ici l'explication du titre de Vénérable, qu'à Rome on décerne aux serviteurs de Dieu morts en odeur de sainteté, avant de les déclarer, et non de les faire bienheureux ou saints. «Ils sont Vénérables strictement parlant, suivant la coutume de la congrégation des rits, dit Benoît.XIV, dès que la commission de procéder à leur cause de béatification et canonisation a été signée; et elle ne l'est qu'après que l'autorité de l'évêque, au diocèse de qui ces justes appartenoient, a constaté judiciairement leur réputation de sainteté, et (lorsqu'ils ne sont pas Martyrs, comme on le verra ci-après, pag. 81), les miracles dus à leur intercession » VENERABILES Dei servi sunt ii, strictè loquendo, secundùm consuetudinem Congregationis Rituum, in quorum beatificationis et canonizationis causis commissio introductionis signata est; non signatur enim commissio nisi judiciali more constiterit, ex processu authoritate ordinaria confecto, de famâ sanctitatis et miraculorum (De Servor. Dei Beat., L. I, c. xxxvii, N° 1V ).

n'a pas été confessé dans l'instant même par lui devant son père, selon sa parole sacrée ? Mais trèscertainement il ignoroit que la piété des fidelles, en reconnoissant, par des hommages privés, c'est-à-dire individuels, qu'un chrétien a péri pour la religion avec les sentimens nécessaires au mérite du martyre, ne fait ni une béatification, dont le but est seulement d'autoriser à rendre un culte public, dans un lieu ou un ordre religieux particulier, à tel ou tel juste décédé qui n'en recevoit qu'un privé; ni une canonisation dont l'effet est d'étendre à toute l'Eglise cette autorisation, jusqu'alors circonscrite par la béatification dans les limites qu'on vient d'indiquer.

C'est une vérité de Foi, qu'un ministre, qu'un enfant de l'Eglise catholique, mis à mort pour n'avoir pas consenti à lui devenir infidèle, et à manquer aux devoirs de sa religion, reçoit au moment même dans le ciel la palme du martyre; et c'est une vérité de fait, qu'en France, des évêques et des prêtres, des religieux et religieuses, des séculiers de l'un et de l'autre sexe ont été sacrifiés en grand nombre, à cause de leur inaltérable attachement à la Foi catholique, et de leur héroïque fidélité aux devoirs qu'elle impose. La conséquence de ces deux vérités reste plus claire que les raisonnemens contradictoires de ceux qui, par leurs prières funèbres, leurs sacrifices d'expiation, portent à croire que ces victimes, toutes glorieuses qu'ils les con. fessent eux-mêmes, resteront cependant sous le bras vengeur de la justice divine, tant qu'elles n'auront pas

été proclamées Martyres par une bulle de béatification ou de canonisation (1).

Nos évêques, certes! n'en jugeoient pas ainsi dans le cours de la persécution; et le pape Pie VI leur donnoit lui-même l'exemple de les recon

(1) Pour rendre plus frappantes ces contradictions, nous citerons de préférence l'écrit le plus remarquable et le plus chrétien qui ait paru, depuis 1801, sur le massacre des ministres de Jésus-Christ à Paris, le 2 septembre 1792. C'est le touchant discours que le respectable abbé Legris-Duval prononça dans l'église des Carmes, en 1814, le jour anniversaire de ce carnage impie. Dans l'édition qui s'en est faite après sa mort (Voy. Sermons de M. l'abbé Legris-Duval: 2 vol. in-12; Paris, 1820), on reconnoît, on admire le prédicateur, en se trouvant d'accord avec lui, lorsqu'il commence par dire : « Nous ne venons pas vous demander des larmes pour ces prêtres vertueux...... Il est temps de nous consoler, en nous entretenant de leur gloire. Nous appelons Martyrs, ces respectables victimes, parce qu'il n'est point d'autre nom pour désigner le chrétien qui donna sa vie pour la Foi ». L'orateur ensuite, repoussant « les crêpes lugubres, la pompe funèbre, et la tristesse, dont il se trouvoit environné, continuoit ainsi : « Pour nous, nous ne voyons ici que les triomphes des saints Martyrs..... Ils sont pleins de l'immortalité qui les attendoit... Quand ils périssoient, les anges recevoient leurs âmes; la troupe triomphante de nos Martyrs s'élevoit vers les Cieux, en chantant l'hymne de la victoire; et ils alloient prier encore pour leur malheureuse patrie.... O Eglise de France! réjouis-toi dans le triomphe de tes Martyrs; quitte tes vêtemens de deuil... O vous dont le souvenir remplit ce temple auguste! saintes et vénérables victimes, nous croyons vous voir rangées autour de cet autel, tous éclatans de lumière, etc. etc. »

Or, comment concilier avec cette croyance et ces sentimens également orthodoxes, les phrases suivantes qu'on lit dans la seconde partie du même discours? « Voilà, dit le même orateur, voilà qu'après

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