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TRAITÉ

ENTRE

la France et les États de Mascate

CONCLU A ZANZIBAR LE 17 NOVEMBRE 1844

Ratifié le 4 février 1846.

ART. 1er. Il y aura paix constante et amitié perpétuelle - entre Sa Majesté l'Empereur des Français, ses héritiers et successeurs, d'une part, et Son Altesse l'Iman de Mascate, ses héritiers et successeurs, d'autre part, et entre les sujets des deux États, sans exception de personnes ni de lieux.

ART. 2. Les sujets de Son Altesse l'Iman de Mascate pourront, en toute liberté, entrer, résider, commercer et circuler, en France, avec leurs marchandises. Les Français jouiront de la même liberté dans les États de Son Altesse le Sultan de Mascate, et les sujets de chacun des deux Pays auront réciproquement droit, dans l'autre, à tous les priviléges et avantages qui sont ou pourront être accordés aux sujets des Nations les plus favorisées.

ART. 3. Les Français auront la faculté d'acheter, de vendre ou de prendre à bail des terres, maisons, magasins, dans les États de Son Altesse le Sultan de Mascate. Nul ne pourra, sous aucun prétexte, pénétrer dans les maisons, magasins et autres propriétés, possédés ou occupés par des Français ou par des personues au service des Français, ni les visiter sans le consentement de l'occupant, à moins que ce ne soit avec l'intervention du Consul de France.

Les Français ne pourront, sous aucun prétexte, être retenus, contre leur volonté, dans les États du Sultan de Mascate.

ART. 4. Les sujets de Son Altesse le Sultan de Mascate, qui seront au service des Français, jouiront de la même protection que les Français eux-mêmes. Mais, si les sujets de Son Altesse sont convaincus de quelque crime ou infraction punissable par la loi, ils seront congédiés

par les Français au service desquels ils se trouveraient, et livrés aux autorités locales.

ART. 5. Les Hautes Parties contractantes se reconnaissent réciproquement le droit de nommer des Consuls et Agents consulaires pour résider dans leurs états respectifs. Toutefois, ces Agents ne devront entrer en fonctions qu'avec l'exequatur du Souverain dans les États duquel ils résident. Ces Agents jouiront des mêmes droits et prérogatives que ceux de la Nation la plus favorisée.

Les Consuls et Agents consulaires français pourront arborer le pavillon français sur leur habitation.

ART. 6. Les autorités, relevant de Son Altesse le Sultan de Mascate, n'interviendront point dans les contestations entre Français ou entre des Français et des sujets d'autres nations chrétiennes. Dans les différends entre un sujet de Son Altesse et un Français, la plainte, si elle est portée par le premier, ressortira au Consul français, qui prononcera le jugement. Mais, si la plainte est portée, par un Français, contre quelqu'un des sujets de Son Altesse, ou de toute autre Puissance musulmane, la cause sera jugée par Son Altesse le Sultan de Mascate, ou par telle personne qu'il désignera. Dans ce cas, il ne pourra être procédé au jugement qu'en présence du Consul de France ou d'une personne désignée par lui, pour assister à la procédure. Dans les différends entre un Français et un sujet de Son Altesse le Sultan de Mascate, la déposition d'un individu convaincu de faux témoignage dans une occasion précédente, sera récusée, soit que la cause se trouve appelée devant le Consul de France, soit qu'elle soit soumise à Son Altesse le Sultan ou à son Représentant.

ART. 7. Les biens d'un Français décédé dans les États de Son Altesse le Sultan de Mascate, ou d'un sujet de Son Altesse décédé en France, seront remis aux héritiers ou exécuteurs testamentaires, ou, à leur défaut, au Consul ou Agent consulaire de la Nation à laquelle appartenait le décédé.

ART. 8. Si un Français fait faillite dans les États du Sultan, le Consul de France prendra possession de tous les biens du failli et les remettra à ses créanciers, pour être partagés entre eux. Cela fait, le failli aura droit à une décharge complète de ses créanciers. Il ne saurait être ultérieurement tenu de combler son déficit, et l'on ne pourra considérer les biens qu'il acquerra, par la suite, comme susceptibles d'être détournés à cet effet. Mais le Consul de France ne négligera aucun moyen d'opérer, dans l'intérêt des créanciers, la saisie de tout ce qui appartiendra au failli, dans d'autres pays, et de constater qu'il a fait l'abandon, sans réserve, de tout ce qu'il possédait au moment où il a été déclaré insolvable.

ART. 9. Si un sujet de Son Altesse le Sultan de Mascate refuse ou élude le paiement d'une dette envers un Français, les Autorités, relevant de Son Altesse, donneront, au créancier, toute aide et facilité pour recouvrer ce qui lui est dû; et, de même, le Consul de France donnera toute assistance, aux sujets de Son Altesse, pour recouvrer les dettes qu'ils auront à réclamer des Français.

ART. 10. Le droit, à percevoir sur les marchandises apportées, par navires francais, dans les États de Son Altesse le Sultan de Mascate, n'excédera point 5 pour 100 de la valeur; et si les marchandises, importées par quelque autre Nation, étaient admises à un droit inférieur, le bénéfice de cette réduction est garanti aux produits similaires importés par navires francais.

Moyennant l'acquittement de ce droit unique, les navires français et leurs cargaisons seront affranchis de toute taxte d'importation, d'exportation, de tonnage, de licence, de pilotage, d'ancrage et de toute autre taxe quelconque, soit à l'entrée, soit à la sortie.

Il ne sera exigé aucun droit sur la partie de la cargaison qui ne sera point débarquée, et, si ces marchandises sont ensuite transportées sur un autre point des États de Son Altesse le Sultan de Mascate, elles n'y seront soumises à aucun droit additionnel ou plus élevé.

Après le paiement du droit ci-dessus mentionné, les marchandises pourront être vendues en gros ou en détail, sans acquitter de nouveaux droits.

Aucune taxe quelconque ne sera exigée des navires français qui entreront dans les ports des États de Son Altesse le Sultan de Mascate pour se réparer, faire des vivres ou connaître l'état du marché.

Les navires français jouiront, de plein droit, dans les ports dépendant de Son Altesse le Sultan de Mascate, de tous priviléges et immunités accordés à ceux de la Nation la plus favorisée.

ART. 11. Aucun article quelconque de commerce ne sera prohibé, soit à l'importation, soit à l'exportation, dans les États de Son Altesse le Sultan de Mascate. Le commerce y sera parfaitement libre et ne sera soumis qu'au seul droit d'importation autorisé par l'article précédent et à aucun autre. Les Français auront l'entière liberté d'acheter, de vendre, à qui bon leur semblera, dans toute l'étendue des domaines de Son Altesse, et cette liberté ne pourra être entravée par aucun monopole ou privilége exclusif de vente ou d'achat.

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Toutefois, la France s'abstiendra de faire le commerce de l'ivoire et de la gomme copale, à la Côte orientale d'Afrique, depuis le port de Tangate, situé par 4o 30' latitude sud, jusqu'au port de Quiloa, situé par 70 au sud de l'Équateur, ces deux ports inclus, jusqu'à ce

que l'Angleterre, ou les États-Unis d'Amérique, ou toute autre Nation chrétienne aient la faculté de s'y livrer.

ART. 12. S'il s'élève quelque contestation sur la valeur des marchandises importées dans les États du Sultan de Mascate, et sur lesquelles le droit de 5 pour 100 doit être perçu, la douane aura le droit de demander la vingtième partie des marchandises en nature, au lieu du paiement de 5 pour 100, et le négociant sera tenu de livrer le vingtième ainsi réclamé, toutes les fois que la nature des marchandises rendra praticable ce mode de paiement. Mais le négociant, qui aura acquitté ce droit, n'aura plus rien à payer, à la douane, pour les dixneuf autres vingtièmes de ses marchandises, dans quelque partie des États de Son Altesse le Sultan de Mascate qu'il lui convienne de les transporter.

Si la douane se refuse à prélever le droit du vingtième, ou si les marchandises ne comportent point ce fractionnement, le point en litige sera soumis à deux personnes compétentes choisies, l'une par le Chef de la douane, l'autre par le négociant, — lesquelles évalueront les marchandises. Si les arbitres diffèrent d'opinion, ils nommeront un tiers arbitre dont la décision sera définitive, et le droit sera prélevé d'après la valeur ainsi établie.

ART. 13. Il ne sera point permis à un négociant français de mettre ses marchandises en vente pendant les trois jours qui suivront leur arrivée, à moins qu'avant l'expiration de ce délai, le négociant et le Chef de la douane ne soient tombés d'accord sur la valeur des marchandises. Si, dans l'espace de ces trois jours, le Chef de la douane n'a point accepté l'un des deux moyens indiqués pour la perception du droit, les Autorités, dépendant de Son Altesse le Sultan de Mascate, devront, sur la demande qui leur en sera faite, obliger la douane à adopter l'un ou l'autre de ces deux modes.

ART. 14. Si Sa Majesté l'Empereur des Français ou Son Altesse le Sultan de Mascate se trouvaient en guerre avec un autre pays, les sujets français et ceux de Son Altesse le Sultan pourraient néanmoins se rendre dans ce pays, en passant par les États respectifs des deux Puissances, avec des marchandises de tout genre, excepté des munitions de guerre. Mais ils ne pourront entrer dans aucun port ou place assiégée ou soumise à un blocus effectif.

ART. 15. Si un navire français en détresse entre dans un port dépendant de Son Altesse le Sultan de Mascate, les Autorités locales lui donneront toutes facilités pour se réparer, se ravitailler et continuer son voyage.

Si un bâtiment, sous pavillon français, fait naufrage sur les côtes des États de Son Altesse, les naufragés seront accueillis avec bienveil

lance et secourus. Les Autorités locales donneront tous leurs soins au sauvetage, et les objets sauvés seront exactement remis aux propriétaires ou au Consul français. La même assistance et la même protection sont assurés aux navires des sujets du Sultan de Mascate, qui feraient naufrage sur les côtes de France.

ART. 16. Si des navires français étaient pris par des pirates autres que des Chrétiens; et conduits dans les États de Son Altesse le Sultan de Mascate, l'équipage et les passagers de ces bâtiments seraient remis, ainsi que leurs cargaisons, entre les mains du Consul ou de l'Agent consulaire de France.

ART. 17. Les Français auront la faculté de former, soit à Zanzibar, soit sur tout autre point des États de Son Altesse le Sultan de Mascate, des dépôts ou magasins d'approvisionnements de quelque nature que ce soit.

ART. 18. Toute convention, négociée ou stipulée antérieurement au présent Traité, est de nulle valeur.

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