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Manne observée sur un saule;

PAR M. CADET.

EN 1807 je fis planter plusieurs pieds de saules blancs dans un terrain très-humide, dont la surface avait été exhaussée par deux décimètres environ de platras recouverts de sable. Au printems suivant, ces saules poussèrent avec une grande vigueur; leur écorce était très-lisse. La force de la végétation la fit se fendiller en plusieurs endroits, et il découla de ces fentes un peu de sève. Un de ces jeunes arbres, plus exposé que les autres à l'action du soleil, m'offrit du côté du midi une excrétion très-blanche en larmes concrètes. Je vis des mouches de plusieurs espèces se poser sur cette matière et la butiner. J'en pris un peu au bout de mon couteau et la goûtai, elle me parut douce et sucrée. Je mis au-dessus de la fente qui donnait cette substance, un petit abri, pour empêcher la pluie d'enlever celle qui se formerait. Au bout d'un mois j'en récoltai environ un gros. Cette quantité n'était pas suffisante pour faire une analyse comparative, avec la manne; mais la saveur, l'aspect, la solubilité de cette production, ne me permettent pas de douter que ce ne soit une espèce de manne. Pour m'en procurer davantage, j'ai fait sur le même arbre, et sur d'autres de la même espèce, des incisions plus ou moins profondes; il en découla de la sève, mais rien qui ressemblât à la substance que j'avais observée.

Cette matière sucrée était due probablement à quelque circonstance particulière qu'il eût été fort intéressant de remarquer, ou peut-être au travail de quelque insecte que je n'ai point aperçu.

VARIÉTÉS.

Sur une nouvelle fabrique de sirop de raisin, établie à Meze, département de l'Hérault. ANGLADA, docteur en médecine, professeur de chimie à la Faculté des sciences, de l'Académie impériale à Montpellier, aux Rédacteurs.

Je regarde, Messieurs, le bulletin que vous rédigez comme le dépôt des connaissances acquises jusquà présent sur les sirops et conserves de raisins; et comme vous avez promis d'y réserver pour les productions nationales, ainsi que pour tout ce qui intéresse immédiatement la santé, une place distinguée, je ne forme aucun doute que vous ne fassiez un bon accueil à ma lettre, et ne donniez de la publicité à ce qu'elle contient. J'entre en matière.

La médecine, l'économie domestique, et quelques arts importans, sont trop intéressés à l'extension que peut prendre la fabrication du sirop de raisins, pour qu'il ne soit pas utile de signaler au public les établissemens de ce genre qui s'annoncent avec le plus de succès. Sous ce rapport, la fabrique que M. Privat, maire de Meze, vient de créer dans cette commune du département de l'Hérault, me paraît digne d'une distinction particulière.

Il y avait peu de localités aussi propices: un vignoble immense et des raisins excessivement sucrés, y présentent la matière première dans des proportions qui suffiraient aux plus vastes spéculations, et d'une qualité si parfaite, qu'elle garantissait d'avance un plein succès. Ces avantages n'avaient pas échappé à M. Parmentier, qui avait manifesté le vœu de voir s'élever dans cette contrée quelque grande fabrique de ce sirop. Ce vœu est fort bien rempli par M. Privat, qui peut, cette année, en livrer au commerce plus de deux mille quintaux, et qui attend de connaître quels

seront les besoins de la consommation, pour donner à son atelier une bien plus grande activité.

Tous ses sirops proviennent de raisins blancs, et me paraissent parfaitement confectionnés par leur couleur d'un blond doré ; ils different peu de ceux qu'on fabrique avec les belles cassonades. Leur douceur est franche et libre, à très-peu près, de ce goût de caramel qu'on retrouve familièrement dans ces sirops, et qui, très-agréable pour certains usages, n'en est pas moins un inconvénient. D'après le conseil donné par M. Parmentier dans son instruction, M. Privat fabrique du sirop acide et du sirop doux. Le premier ne diffère du second, comme on sait, que par le défaut de saturation des acides du moût. C'est une opération de moins à subir., moins de tems à rester sur le feu, ce qui leur conserve une teinte bien plus claire.

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Le sirop acide édulcore l'eau d'une manière très-agréable, et forme une boisson raffraîchissante faite pour plaire aux plus délicats. Déjà, des dames fort difficiles sur ce point, l'utilisent dans ce sens avec grand plaisir. Dans les hospices, il servira merveilleusement en place d'oxicrat, si l'on renforce sur-tout son acidité par l'addition d'un peu de, vinaigre. Cette acidité ne me paraît pas en effet assez prononcée, et le sera d'autant moins que le raisin se rapprochera le plus du complément de sa maturité. On pourra, la rendre plus saillante à l'aide d'un peu de verjus. Préparer ainsi des sirops à des degrés d'acidité différens, serait un moyen d'obtenir, par leur mélange, un goût acide capable de satisfaire tous les goûts et de remplir tous les besoins. C'est ce que le fabricant se propose de faire : cela imiterait d'autant mieux le sirop de limons, que c'est le même acide qui abonde dans le verjus, et l'emprunt serait d'autant plus légitime qu'on le ferait au raisin lui-même.

Le sirop doux se prête à des usages encore bien plus nombreux. Il sympathise fort bien avec la plupart des aromates, et cette association est d'autant plus avantageuse,

qu'en servant à mieux voiler l'origine du sirop, elle ne contribue pas peu à battre en brèche ces préventions qui naissent de l'habitude, et que fortifient quelques mauvaises préparations qu'on en a faites. Quelque simple et facile que soit l'exécution du procédé si clairement décrit par M. Parmentier, il demande certains soins dont on se dispense trop souvent, non-seulement dans les ménages où cette préparation est devenue générale, mais encore dans quelques pharmacies. Au lieu d'une liqueur sucrée, transparente, à peine colorée et capable de flatter également l'œil et le palais, on n'y obtient fréquemment qu'un liquide épais d'une teinte foncée, dans lequel on retrouve un goût d'extrait de raisin et une douceur irritante bien faite pour repousser les organes appréciateurs. J'ai vu des personnes mettre en doute que les sirops de M. Privat fussent uniquement fabriqués avec du moût de raisin, sans doute parce qu'elles n'en avaient vu jusque-là que de ceux qui portent le cachet de leur origine assez fortement empreint pour que les moins attentifs ne puissent le méconnaître, tant est grande la différence entre tel sirop et tel autre.

La supériorité de ceux de la fabrique de Meze ne dér pend d'aucune pratique particulière, mais bien plutôt de l'excellence du moût qu'on y emploie. On y suit purement le procédé de M. Parmentier, mais il est dirigé avec une sagacité digne d'éloges. On s'est sur-tout appliqué à la concentration rapide du moût: la forme des chaudières à larges surfaces et peu de profondeur, la disposition des fourneaux où l'on peut exciter tout-à-coup le feu ou l'arrêter à volonté, un prompt refroidissement pour le passage des sirops à travers les sinuosités d'un grand serpen→ tin suffisamment réfrigère, telles sont les principales précautions qu'on y prend pour que le sirop reste le moins possible soumis à l'action de la chaleur. On y est parvenu à compléter sa cuisson, en ne le tenant qu'environ deux heures sur le feu ; et avec fort peu de développement

dans l'atelier, on en prépare trente quintaux par jour. C'est avoir beaucoup gagné en célérité, et la célérité est dans ce cas un des élémens de la perfection.

Toutes ces conditions avaient été indiquées par M. Par mentier. M. Privat convient que sa réussite est uniquement le fruit des conseils qu'il a puisés dans l'Instruction de co savant, et que le fabricant, après l'avoir bien méditée, n'a pu aspirer qu'au mérite de ne point gâter ses avis. Un pareil hommage, rendu par la reconnaissance, fait l'éloge de M. Privat, et double en quelque sorte le mérite qui lui appartient bien véritablement, d'avoir apprécié l'importance de cette fabrication, et de s'en être occupé si heu→ reusement. Ses sirops méritent, à bon droit, d'être placés parmi les plus parfaites productions de ce genre. J'ose croire que les consommateurs leur accorderont le degré d'estime qu'ils me paraissent mériter, et que si cette nou, velle acquisition de l'industrie nationale peut espérer quelques perfectionnemens d'une fabrication exécutée dans de vastes proportions, elle doit attendre des résultats très favorables du zèle et de la sagacité que M. Privat apporte à suivre cette entreprise et à améliorer tous ses détails,

Pour vous mettre à portée de prononcer vous-même sur la qualité des sirops préparés à la fabrique de Meze, j'ai pris le parti de vous en adresser, par la voie du roulage. un échantillon, et je suis impatient d'apprendre ce que vous en pensez. Je crois que, dans tous les cas, une petite émulation qui naîtrait sur divers points de l'Empire, ne pourrait que servir efficacement le perfectionnement de cette nouvelle et utile fabrication. Vous trouverez ci-joint la circulaire de M. Privat, avec l'état des frais de futailles et de port tel qu'il me l'a transmis. Il me prévient dans sa dernière lettre, qu'il continue d'être très-satisfait du débit et que son approvisionnement sera bientôt épuisé. Enfin il m'ajoute qu'il ne peut faire qu'un rabais de cinq pour cent des prix indiqués dans sa circulaire, et seulement

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