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225. Il résulte des discussions auxquelles nous nous sommes livrés dans ce chapitre, que dans le cas où les biens assurés viennent à changer de maître, le bénéfice de l'assurance se transmet au nouveau propriétaire, non-seulement en vertu d'une cession expresse et formelle, mais même de plein droit, comme un accessoire de la chose assurée.

Ce principe s'applique-t-il au cas où il s'agit de l'assurance promise par une société d'assurances mutuelles, comme au cas où il s'agit de l'assurance promise par une compagnie d'assureurs à prime? La raison de douter dans le premier cas, provient de ce que la société d'assurances mutuelles ne contractant aucun engagement extérieur envers des tiers, et n'admettant à l'assurance que les personnes qui sont reçues dans l'association, sous la condition essentielle d'une parfaite réciprocité d'obligations, et en la double qualité d'assureurs et d'assurés, ne promet et ne doit d'indemnité qu'à ceux qui peuvent être considérés comme parties dans l'association en cette double qualité.

226. Or, en général, un associé ne peut forcer les autres à recevoir en sa place, dans la société, une personne à laquelle il céderait tout ou partie de ses droits (1). En général, le contrat de société se dissout même par la mort d'un seul des associés, à moins qu'il n'ait été stipulé que la société se continuerait, dans ce cas, avec l'héritier de l'associé décédé, ou seulement

1) Voy. l'art. 1861 du Code civil, et le Cours de Droit commercial de M. Pardessus, tom. IV, n°. 973, dernière édition.

avec les autres associés décédés. (Art. 1865 et 1868 du Code civil.)

227. Mais ces règles générales du contrat de société sont susceptibles d'être modifiées, soit par des clauses expresses, soit même par la nature de certaines associations qui confèrent implicitement à chaque associé la faculté de transmettre son intérêt social. Et d'abord il est évident qu'une société d'assurances mutuelles qui embrasse une portion considérable des propriétaires d'un département et même de plusieurs départemens, n'est point formée dans la vue et sous la condition de se dissoudre au décès de chacun des associés; mais qu'elle est au contraire destinée à demeurer permanente, aussi long-temps que le fonds nécessaire à son existence ne viendra point à lui manquer. Mais les effets de cette association sont-ils susceptibles d'ètre transmis avec les biens assurés, soit aux héritiers, soit. même aux successeurs à titre singulier de chaque associé ? « La faculté de céder tout ou partie de l'intérêt

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qu'on a dans une société, dit M. Pardessus, n'a pas

toujours besoin d'être établie par une stipulation <«< expresse. Quelquefois la nature de l'association suffit pour assurer ce droit. C'est surtout quand la réunion « d'intérêt entre diverses personnes tient plus de la

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simple co-propriété ou communauté que de la société,

« et qu'elle est, si l'on peut s'exprimer ainsi, plus

« réelle que personnelle. »> (1).

(1) Cours de Droit commercial de M. Pardessus, tom. IV, page 11, dernière édition.

228. Aucune association ne présente à un plus haut degré ce caractère que la société d'assurances mutuelles, qui se forme beaucoup moins en contemplation des personnes qu'en considération des immeubles engagés et soumis à l'assurance. Nous pensons donc que la faculté de transmettre à un tiers son intérêt social, faculté qui existe en général pour tout membre d'une association anonyme, dérive de la nature des sociétés d'assurances mutuelles; et qu'en conséquence, chaque membre de ces sociétés peut transmettre non-seulement à ses héritiers, mais même à ses successeurs à titre singulier dans la propriété des objets assurés, tous les droits actifs et passifs résultans de sa participation à la société d'assurances mutuelles. Tel est suivant nous, dans ces sortes d'associations, le droit commun qui existe pour chaque associé à défaut de stipulation contraire dans les statuts. Mais comme la qualité d'assuré ne peut être transmise qu'avec celle d'assureur qui en est indivisible d'après la loi de l'association, il est nécessaire que le cessionnaire, pour devenir assuré, s'engage personnellement en qualité d'assureur, ce qui s'opère ordinairement au moyen d'un transfert inscrit et signé par les deux parties sur les registres de la société.

229. Dans le cas où le nouveau propriétaire n'est engagé envers la société d'assurances mutuelles, ni par une clause de son contrat d'acquisition, ni par aucune obligation postérieurement souscrite, le contrat d'assurance mutuelle qui ne se forme point avec lui à défaut d'engagement de sa part et d'accession à la société,

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ne pouvant non plus subsister avec l'ancien propriétaire qui désormais n'a plus d'intérêt à l'assurance des biens par lui vendus, se trouve nécessairement résolu. Mais la résolution du contrat provenant du fait de l'assuré qui s'est mis volontairement dans le cas de ne pouvoir plus profiter de l'assurance, n'empêche pas que la société ne conserve ses droits contre lui pour la garantie qu'il lui a promise comme assureur, jusqu'au terme fixé pour la durée de son engagement. En effet, dans les sociétés à terme, un associé ne peut, avant l'expiration du terme, renoncer à la société et la priver de l'apport qu'il lui a promis, par le seul effet de sa volonté. (Art. 1869 du Code civil. ) L'associé qui rompt avec la société avant le terme fixé, demeure donc personnellement obligé à lui fournir la garantie qu'il lui a promise ou son équivalent. Mais l'immeuble engagé à l'assurance par cet associé, et ensuite vendu à un tiers, reste-t-il affecté à l'obligation de garantie que le vendeur avait contractée envers la société d'assurances mutuelles? Il n'y demeure affecté qu'autant qu'il a été hypothéqué dans les formes voulues par la loi, pour sûreté de l'obligation contractée envers la société d'assurances mutuelles, et que l'hypothèque a été inscrite dans les délais déterminés par la loi. En effet, dans les sociétés d'assurances mutuelles, chaque associé n’aliène ni la propriété, ni l'usufruit de son bien; seulement il l'affecte à l'exercice d'un droit de créance, et cette affectation ne peut avoir d'effet vis-à-vis des tiers, qu'autant qu'elle a été réalisée par l'hypothèque et par l'inscription.

CHAPITRE X.

Des formalités à remplir et des justifications à faire par l'Assuré.

230. Après un sinistre, la première formalité que doit remplir l'assuré est d'en donner avis aux assureurs. Ordinairement les polices fixent un délai très-court dans lequel cet avis devra être transmis par l'assuré. En matière d'assurance maritime, l'assuré est tenu de signifier aux assureurs les avis qu'il a reçus du sinistre, dans les trois jours de leur réception. (Art. 374 du Code de commerce.)

231. Mais l'assuré qui tarderait ou même qui manquerait à transmettre cet avertissement, n'encourrait point la déchéance de son droit à l'indemnité. En matière d'assurance maritime, malgré l'intérêt pressant que les assureurs paraissent avoir à la prompte dénonciation du sinistre, surtout dans les cas de délaissement, afin d'être mis à portée de faire sur-le-champ les démarches et les diligences nécessaires pour parvenir au recouvrement des objets assurés ou de leurs débris, le défaut de dénonciation du sinistre ne donne lieu qu'à des dommagesintérêts en faveur des assureurs contre l'assuré. Encore l'assuré est-il admis, sur la demande en dommagesintérêts formée contre lui, à faire valoir les motifs d'excuse propres à établir qu'il n'est point en faute, auquel cas il ne peut être prononcé contre lui de condamnation en dommages-intérêts (1).

(1) Voy. le Cours de Droit commercial de M. Pardessus,

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