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s'accorde avec celui de l'assuré pour exiger que les actions résultant de la police d'assurance soient exercées dans un court délai. En effet, si l'on attendait trop longtemps, la preuve des circonstances qui auraient précédé ou accompagné le sinistre, et qui auraient pu servir'de fondement aux exceptions des assureurs, serait presque toujours anéantie. Ajoutez que si l'on pouvait exercer, après un espace de près de trente années, comme la loi l'autorise pour la plupart des actions, les demandes en indemnité contre les assureurs, on jetterait la confusion et le désordre dans leur comptabilité.

255. Tels sont les motifs qui ont fait établir pour les actions résultant de la police d'assurance une prescription particulière qui est acquise aux assureurs, après cinq années, à partir de l'époque du contrat. Ces motifs sont, nous le répétons, communs à toutes les espèces d'assurances, et l'on est fondé à penser que si les assurances terrestres avaient été en vigueur lorsque le législateur a statué sur les assurances maritimes, il aurait établi la même prescription pour les unes que pour les autres. Il y a donc lieu d'appliquer aux assurances qu'il n'a point réglées, parce qu'elles n'existaient point encore, la prescription qu'il a établie pour celles qui seules étaient alors en usage. Proclivis est extensio legis ad casus post natos, qui in rerum naturâ non fuerunt, tempore legis late. Ubi enim casus exprimi non poterat, quia tunc nullus erat, casus omissus habetur pro expresso, si similis, fuerit ratio. Bacon, de Processu ad similia, aphor. 20.

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256. L'article 432 du Code de Commerce fait courir le délai de la prescription de la date du contrat d'assurance, et non du jour du sinistre, ce qui néanmoins semblerait plus conforme à la règle établie ticle 2257 du Code civil, qui porte que la prescription ne court point à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive.

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Il pourrait résulter de l'oubli de ce principe, que l'action de l'assuré se trouverait prescrite fort peu de temps après sa naissance : c'est ce qui arriverait dans le cas où l'assurance ayant été contractée pour cinq années au moins, le sinistre viendrait à se réaliser à une époque voisine de l'expiration de ce terme. Mais nous pensons que dans le cas où l'assurance est faite, comme cela se pratique d'ordinaire, moyennant la prime de tant par année, l'assurance est censée se renouveler chaque année; une nouvelle prescription doit donc commencer chaque année avec une nouvelle assurance, en sorte

que les assureurs ne peuvent opposer aux actions exercées pour raison d'un sinistre récent, une prescription qui aurait commencé à courir plusieurs années auparavant, mais seulement la prescription qui a commencé avec l'année dans laquelle le sinistre est arrivé.

Cette prescription court contre toutes personnes, même contre les mineurs et interdits, sauf leur recours. contre qui de droit. (Art. 2279 du Code civil.)

Elle ne peut avoir lieu, porte l'art. 434 du Code de commerce, s'il y a cédule, obligation, arrêté de compte, ou interpellation judiciaire.

CHAPITRE XI.

Des exceptions des Assureurs.

257. Nous avons dit dans le chapitre précédent que l'assuré doit former sa demande en indemnité dans un délai déterminé, et qu'il doit prouver la perte dont il demande la réparation. L'expiration du délai dans lequel l'assuré doit former sa demande, le défaut ou l'insuffisance des preuves qu'il est tenu de produire à l'appui, donnent licu à autant d'exceptions péremptoires en faveur des assureurs.

258. Lors même que l'assuré a intenté son action en temps utile, et qu'il a justifié de ses pertes, les assureurs peuvent encore repousser sa demande, en démontrant que les pertes dont il se plaint ne sont point de celles dont ils répondent; mais, au contraire, de celles qui doivent rester à la charge de l'assuré.

En effet, nous avons dit, dans le chapitre III, où nous avons traité de la nature des risques à la charge des assureurs, qu'ils ne sont garans que des pertes ou dommages qui arriveraient par cas fortuit ou force majeure, et non des pertes ou dommages qui seraient imputables à l'assuré, comme provenant de ses fautes, ou de celles des personnes dont il répond.

259. Nous avons ajouté que le sinistre, soit maritime, soit terrestre, étant présumé fortuit, il incombe aux assureurs de prouver la faute dont ils excipent, pour faire rejeter le sinistre sur-l'assuré, comme lui

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étant imputable. Il suffit à celui-ci de prouver la perte: Sufficit casum probasse; quod si quis dicat culpá nautæ casum evenisse, ille ipse qui hoc dixit, probare debet. Vinnius ad leg. 3. §. Miratur ff. Naut. camp. C'est un principe reçu depuis long-temps en matière d'assurances et que le Guidon de la mer exprime en ces termes : La charge des preuves tombe sur l'assureur, lequel n'est recevable en ses exceptions sans les preuves.

260. Ce principe est applicable en matière d'assurance contre l'incendie, comme en matière d'assurance maritime. Celui qui impute à autrui un fait d'incendie, doit prouver le délit, le quasi délit, ou la faute sur laquelle il fonde cette imputation. Il se constitue demandeur en ce point, et doit comme tel établir le fondement de sa prétention, à moins qu'il n'ait en sa faveur la présomption de droit. Or, la présomption de faute sur le fait d'incendie, présomption qui paraissait autorisée par quelques textes du droit romain, contre les habitans de la maison incendiée, et qui avait été admise dans la plupart des coutumes de la France, quoiqu'elle eût été formellement rejetée par quelquesunes, n'a point été maintenue, au moins comme une règle générale, par les auteurs du Code civil. Ils n'ont établi cette présomption de faute sur le fait d'incendie que dans un cas d'exception unique, savoir : dans le cas prévu par l'art. 1733 du Code civil, qui rend le locataire responsable de l'incendie envers le propriétaire, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé

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par cas fortuit, ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine. Cette disposition exceptionnelle, qui érige une simple présomption de faute en un principe d'imputation et de responsabilité contre le locataire, est une garantie que l'on a jugé nécessaire d'établir dans l'intérêt du propriétaire, parce qu'il n'a aucun moyen de veiller à la conservation de la chose qu'il a donnée à bail. Cette considération particulière, qui a servi de fondement à la disposition de l'art. 1733 du Code civil, avait été naguère appréciée et développée avec autant de justesse que d'énergie par le savant D'Argentré. Pro locatore manifesta ratio facit, quia cùm dominus ædes suas alteri locaverit, non licet posthac domino inquirere quid in suo sed conducto fiat, nec ulla ratione sibi potest prospicere, nec curiosus esse debet, quàm sedulis aut diligentibus servis, aut famulitio, conductor utatur; alieno enim ut suo conductor utitur etiam dominum prohibendo. Quid igitur adferri potest cur non præstet quod nonnisi ab eo caveri potest, nonnisi ab eo aut familia admitti? Justa causatio locatori hæc est, nisi tu conduxisses, ædes mihi meæ salvæ starent ; ubì conduxisti, exclusisti me ne mihi prospicerem, ne prohiberem incendium, quod te aut tuos immisisse necesse est, cum aliunde non potuerit. D'Argentré, sur l'ancienne coutume de Bretagne, no 599. C'est évidemment sur ces motifs, tirés de la situation respective du bailleur et du locataire, et des obligations contractées par celui-ci en

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