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stituée viendrait à mourir, ne peut-il pas se faire assurer pour ce cas la continuation de la rente pendant un certain nombre d'années, ou un capital équivalent. M. Pardessus présente dans son Cours de droit commercial une pareille assurance comme étant parfaitement valable. Toutefois ne pourrait-on pas objecter que la rente viagère n'ayant point de capital, et n'étant que la créance des arrérages qui courront pendant le temps de sa durée, l'on doit considérer les arrérages garantis par l'assurance comme des bénéfices espérés que le rentier manque de gagner plutôt qu'il ne perd; et qu'une pareille assurance est contraire à la règle, suivant laquelle on ne peut faire assurer que ce que l'on a et que ce que l'on court risque de perdre. Quoique cette objection paraisse fondée sur lės principes rigoureux du contrat de rente viagère, il faut reconnaître que si la rente viagère pour laquelle on a donné un capital peut-être fort considérable, venait à s'éteindre peu de temps après la constitution, par la mort de celui sur la tête duquel elle est constituée, le rentier éprouverait une perte réelle, une diminution sensible dans ses biens. On ne peut donc l'empêcher de prévenir cette chance de perte par un contrat d'assurance qui, d'ailleurs, n'apporte aucun changement aux chances résultant du contrat de rente viagère en faveur du débiteur de la rente.

On doit assimiler au propriétaire d'une rente viagère constituée sur la tête d'un tiers, celui qui reçoit un traitement, unc pension, une récompense annuelle,

de nature à cesser à la mort de la personne qui l'en gratifie.

53.Un grand nombre de familles trouvent leurs moyens de subsistance dans les produits, les salaires des travaux journaliers de leurs chefs. Une femme, des enfans, pourraient-ils se faire assurer une somme équivalente aux secours qu'ils reçoivent du père de famille, pour le cas où il viendrait à mourir. La créance d'alimens qu'une femme a contre son mari, que des enfans ont contre leur père, peut, à ne consulter que les principes rigoureux du droit, servir de base comme toute autre créance viagère à une assurance sur la vie.

Mais une pareille assurance, comme en général toute assurance sur la vie d'un tiers, ne pourrait être stipulée que du consentement de celui sur la vie duquel on ferait assurer. Il serait même beaucoup plus convenable que l'assurance dont on vient de parler fût stipulée par le père de famille lui-même au profit de sa femme et de ses enfans. Une pareille stipulation est parfaitement valable. Si quis ita stipulatus sit, post mortem meam filiæ meæ dari, vel ita post mortem meæ filiæ mihi dari, utiliter erit stipulatus, seu primo casu filiæ utilis actio competit, licet hæres ei non existat. L. 45 ff. 552, de Verb. obl. Aux termes du Code civil, art. 1122, l'on peut stipuler pour ses héritiers, et même suivant l'art. 1121, l'on peut stipuler au profit d'un tiers, lorsque cette stipulation est la condition ou le mode d'une convention dans laquelle le stipulant se rend lui-même partie intéressée, soit

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comme donateur, soit comme vendeur. L'art. 1973 du Code civil nous offre l'exemple d'une stipulation au profit d'un tiers, tout-à-fait analogue à celle dont il s'agit. La rente viagère, porte l'art. 1973 peut étre constituée au profit d'un tiers, quoique le prix en soit fourni par une autre personne. Dans ce dernier cas, quoiqu'elle ait les caractères d'une liberalité, elle n'est point assujettie aux formes requises pour ces donations; sauf les cas de réduction et de nullité énoncés dans l'art. 1970. Si je puis, en vous remettant le prix d'une constitution de rente viagère, stipuler valablement que vous servirez cette rente au profit d'un tiers, je puis de même, en m'obligeant à vous payer une rente ou prime annuelle, stipuler que vous payerez à ma mort un capital fixe ou une rente à ce tiers (1).

(1) Voyez, pour les conventions qualifiées d'assurances sur la vie, qui s'écartent des principes de l'assurance en ce que l'on n'exige point de la part de l'assuré la preuve d'un intérêt en risque, ce que nous avons dit dans la dernière partie du premier chapitre de cet ouvrage.

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CHAPITRE III.

Des Risques.

54. Il est de l'essence du contrat d'assurance, non seulement qu'il y ait une chose qui en soit la matière, mais aussi que cette chose soit, lors du contrat, ou doive être par la suite exposée à des risques dont l'assureur se charge. Pothier, Traité du Contrat d'assurance, no 45.

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55. Les risques auxquels l'assurance est et peut être appliquée, sont aussi divers que les fléaux qui nous menacent (1). Mais ils doivent tous avoir un caractère ¡ (1) L'instruction du Ministre de l'intérieur, du 11 juillet 1818, porte, « que la même société anonyme ne sera point autorisée à assurer des risques différens dont les chances n'ont rien de commun entr'elles.

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en cas de

<«< Il pourrait résulter de l'autorisation accordée à la même société d'assurer des risques différens, qu'elle essuierait des pertes par un genre d'assurances et obtiendrait par l'autre des bénéfices. Si le capital ne formait qu'une seule masse, malheurs propres à une des branches d'assurances les parties intéressées dans la spéculation qui tournerait plus favorablement, et dont les primes produiraient des avantages aux assureurs, auraient à se plaindre de partager la perte résultant d'une spéculation moins prospère à laquelle ils seraient étrangers, et de n'avoir pas, pour leur garantie, les profits que la société faisait sur eux. Si la même société imaginait de laisser deux capitaux distincts, elle pourrait se croire en droit de se liquider, d'un côté, et de partager, de l'autre, les dividendes ce qui serait un scandale: il n'est donc ni naturel ni juste d'admettre la cumulation pour des genres d'assurances soumis à des chances qui n'ont point d'analogie.

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<< Mais rien n'empêche les mêmes capitalistes de former des sociétés différentes pour des risques différens. »

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commun. Il faut que ce soient des risques d'évènemens fortuits ou de force majeure (1), ou du moins d'évènemens qui présenteraient ce caractère par rapport à l'assuré. L'égalité requise entre les parties pour la validité de tout contrat aléatoire et du contrat d'assurance en particulier, ne consiste pas en ce que les chances doivent être égales ni semblables pour les deux parties, mais elle consiste en ce point, que les chances doivent être également indépendantes de l'une et de l'autre. Le contrat serait donc vicié dans son essence, car il cesserait d'être aléatoire, si les chances sur lesquelles l'assureur forme ses combinaisons et mesure le prix de son assurance, n'étaient point abandonnées à leur libre développement; si des causes dépendantes de la volonté ou du fait de l'assuré pouvaient venir s'y mêler, et influer sur l'évènement qui doit donner ouverture aux obligations de l'assureur.

(1) On ne peut, comme quelques personnes paraissent le croire, comprendre dans les risques de cas fortuits susceptibles de donner lieu à des assurances, la chance de perdre un procès. Il y a plus que de l'inconvenance à comparer les arrêts de la justice aux caprices de la fortune. Suivant une présomption de droit, qu'il importe de conserver dans toute sa force, la chose jugée est réputée la vérité même. La perte du procès et la condamnation aux dépens sont la juste punition du plaideur téméraire. Des assurances qui ôteraient aux personnes possédées du démon de la chicane, ces craintes salutaires, seraient contre l'ordre public.

De pareilles assurances auraient encore d'autres inconvéniens. Comme les salaires des agens d'affaires devenus assureurs dans seraient confondus dans la prime d'assurance, c'est-à-dire,

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