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intérêts, et ces dommages-intérêts ne sont que la juste indemnité de ce que l'assureur perd à l'inexécution du

contrat.

102. Mais si, en thèse générale, on ne peut concevoir l'existence de la prime sans l'existence d'un risque quelconque, il ne faut pas croire pour cela que la diminution de la durée du risque entraîne une diminution de la prime : il suffit que le risque ait commencé, n'eût-il duré qu'un seul instant, pour faire acquérir à l'assureur un droit irrévocable à la prime entière. En effet le risque est, avec raison, réputé indivisible; il ne peut se mesurer et s'estimer par la comparaison du temps qu'il a duré avec le temps qui restait à courir; car le danger peut être plus imminent dans un seul moment que pendant un espace de temps infiniment plus long: le sinistre peut se réaliser dans un instant : l'assureur qui a couru le risque un seul instant a couru le risque de perte, c'est-à-dire le risque entier; il est donc juste qu'il reçoive la prime entière. C'est aussi ce que décident les articles 351 et 354 du Code de commerce.

103. D'après les statuts de la plupart des compagnies d'assurance, la prime doit être payée d'avance et comptant la première année en souscrivant la police, et les années suivantes dans la quinzaine qui suit l'échéance pour tout délai : les assureurs sont responsables du sinistre qui arriverait durant cette quinzaine, pourvu que l'assuré paie la prime avant son expi

ration.

104. Le défaut de paiement de la prime donne-t-il

lieu à la résiliation du contrat en faveur de l'assureur?

Il faut distinguer entre le cas où la prime a été stipulée payable comptant, celui où elle a été stipulée payable à terme, mais sans clause résolutoire expresse, et enfin celui où elle a été stipulée payable à terme, mais avec condition expresse que si elle n'est point acquittée dans le délai fixé, le contrat sera résolu de plein droit.

Cependant la résolution du contrat n'est encourue par l'assuré, qu'autant qu'il est constitué en demeure. Le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par un autre acte équivalent. (Art. 1139 du Code civil.)

105. Dans le cas où la prime a été stipulée payable comptant, le défaut de paiement de la prime donne lieu à la résolution du contrat en faveur de l'assureur. On doit appliquer dans ce cas le principe établi pour le cas où la vente a été faite au comptant, non habitá fide de pretio.

Le vendeur non payé du prix est en droit de revendiquer sa chose: si non abii in creditum dicendum est vindicare me posse. L. 5, §. 18, ff. de Tribut. act. Si la vente a été faite sans terme, porte l'art. 2102 du Code civil, le vendeur peut même revendiquer ses effets, etc.

106. Dans le cas où la prime a été stipulée payable à terme, mais sans stipulation que le contrat serait résolu dans le cas où la prime ne serait point acquittée au terme convenu, le défaut de paiement n'entraîne

point de plein droit la résolution du contrat. L'assureur a seulement le droit, ou de forcer par les voies ordinaires l'assuré au paiement de la somme due, ou de demander contre lui la résolution du contrat, qui peut n'être pas immédiatement prononcée par le juge, maître d'accorder au défendeur un délai de grâce selon les circonstances. (Art. 1184 du Code civil.)

107. Mais les juges n'auraient point le pouvoir de refuser ni de retarder la résolution du contrat, dans le cas où il aurait été stipulé, qu'à défaut de paiement de la prime au terme convenu le contrat serait résolu de plein droit. Dans ce cas les parties ont elles-mêmes fixé de la manière la plus formelle l'effet qu'elles voulaient attacher au défaut de paiement dans le délai convenu, savoir, la résolution du contrat.

Juger qu'une pareille clause n'est que comminatoire, ce serait violer la loi que les parties se sont imposée ce serait anéantir une clause pénale qui n'a rien que de très-licite, ce serait dépouiller le contrat de la sanction que les parties ont jugé nécessaire d'y ajouter pour en assurer l'exécution.

Il faut néanmoins appliquer dans ce cas la distinction que la jurisprudence a faite entre les rentes. quérables et portables. Si le lieu où la prime doit être payée n'est point désigné dans la police, les assureurs sont obligés d'envoyer chercher la prime chez leur débiteur, qui n'est obligé à rien autre chose qu'à se tenir prêt à payer au terme fixé, et non à faire des offres. C'est donc aux assureurs à constater par une somma

tion qu'ils ont envoyé chercher la prime, et qu'ils n'ont point trouvé leur débiteur prêt à payer.

Si au contraire la prime est portable, l'assuré est obligé de faire ses offres et de les constater, faute de quoi la demeure est acquise, et le droit à la résolution du contrat ne peut plus être enlevé aux assureurs par des offres postérieures (1).

108. Ce que nous avons dit dans ce chapitre s'applique particulièrement à l'assurance que l'on nomme assurance à prime, et qui est faite par des entrepreneurs, moyennant une prime stipulée à tout événement, que les entrepreneurs gagnent dans le cas où il n'y a point de sinistre. Dans l'assurance mutuelle que forment entre eux des propriétaires, non dans la vue de faire des bénéfices, mais seulement dans le but de mettre en commun les risques qui menacent leurs propriétés, le prix de l'assurance, pour chaque propriétaire, consiste dans la part contributive qu'il est luimême obligé de fournir éventuellement pour indemniser ceux de ses co-associés qui seraient atteints d'un sinistre. La valeur estimative de la propriété assurée à chaque associé est tout à la fois la base du réglement de l'indemnité à laquelle il a droit en cas qu'il soit atteint du sinistre, et la base proportionnelle du contingent qu'il est obligé de fournir dans la contribution générale, destinée à indemniser les sinistrés.

(1) Voy. M. Toullier, tom. VI, n.o 559; et deux arrêts de la du Cour de cassation; le premier, du 3 avril 1818; le second, 10 novembre de la même année. Recueil de Sirey, tom. XVIII, pag. 239; et tom. XIX, pag. 13.

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ON

contrat d'assurance.

109. On peut se rendre partie dans un contrat d'assurance, soit comme assureur, soit comme assuré. Les conditions de capacité sont différentes, selon qu'on veut contracter en l'une ou en l'autre de ces qualités : il convient donc de les examiner séparément.

§ I.er

Des assureurs.

110. Les opérations des assureurs constituent de leur part des actes de commerce, puisque ce sont des spéculations faites dans la vue de bénéficier. (Esprit du Code de commerce de M. Locré sur l'art. 332.)

Toutefois, si un particulier qui ne se livrerait point habituellement à de pareilles spéculations consentait, en faveur d'un autre particulier, une assurance contre l'incendie, ou une assurance sur la vie, il serait difficile de reconnaître dans cette opération isolée un acte de commerce, car elle n'offrirait en soi aucun des caractères qui distinguent essentiellement les actes com

merciaux.

L'on pourrait voir, il est vrai, dans ce contrat de garantie aléatoire une spéculation de la part de l'assureur; mais l'on trouve une spéculation du même genre dans les

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