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la proposition du roi, pourrait alors établir l'impôt et ses différens modes, et que dans ce cas-là les impôts ne seraient pas soumis à la sanction.

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» Par ce moyen les deux puissances législatrice et exccutrice concourront également à l'établissement de l'impôt; et je maintiens que pour qu'il y ait un mode de perception qui puisse lier les citoyens il ne faut pas que ce soit un des deux pouvoirs qui seul l'établisse. Je demande donc que ces diverses dispositions, dont plusieurs semblent être accordées par comité des contributions, soient prises dans la plus grande considération, et que si l'Assemblée détermine que le vote du corps législatif sera fait sans proposition elle décrète au inoins que toutes les dispositions relatives à la perception ne puissent jamais être établies sans sanction. »

M. Dupont (de Nemours). « Je demande l'ajourneinent à demain, attendu qu'il s'agit de la liberté et de la propriété nationales dans leurs points les plus importans. (Adopté.)

(Séance du 27.)-M. Beaumetz. « Vos comités de constitution et de révision, de concert avec celui des contributions publiques, ont reconnu qu'il ne pouvait y avoir de difficulté à l'égard des décrets en matière de contributions que dans la manière de s'exprimer; ils sont presque unanimement convenus de laisser subsister l'article tel qu'il vous a été présenté hier, et d'ajouter à l'article relatif aux comptes à présenter annuellement au corps législatif un amendement qui consisterait à charger les ministres de donner leur opinion sur les moyens de faire les fonds nécessaires pour pourvoir aux besoins de l'Etat.

M. Barrère. « Je demande si l'intention de l'Assemblée est de laisser établir une discussion sur une proposition aussi dangereuse...... (Plusieurs voix : oui, oui. ) En ce cas je demande que l'addition proposée ne soit point adoptée, car demander l'opinion des ministres sur les contributions à établir c'est donner aux ministres la véritable initiative des lois fiscales.....>>

M. Beaumetz. « Sans doute, et nous ne nous en défendous pas; c'est une chose convenue.

>>

M. Barrère. « Hé bien, si c'est convenu, je veux prouver le danger d'accorder cette initiative aux ministres. (M. Barrère monte à la tribune.)

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Messieurs, si je voulais rendre les ministres bien puissans, si je voulais dégrader ou annuler le corps législatif, si je voulais réunir bientôt tous les pouvoirs dans les mains du pouvoir exécutif, si j'avais le dessein de transformer l'Assemblée nationale en un ci-devant parlement de France, je viendrais appuyer l'opinion de MM. Beaumetz et Duport, tendant à donner au roi, c'est à dire aux ministres, l'initiative de la proposition des contributions publiques.

L'ancien régime respectait mieux ces droits que les orateurs que je combats; l'ancien régime vit des parlemens refuser l'impôt en disant qu'il n'appartenait qu'à la nation assemblée de s'imposer; et voilà le germe de la révolution actuelle comment peut-on l'oublier en un instant! L'ancien régime vit le roi et les ministres reconnaître le grand principe qu'à la nation seule appartient le droit inalienable de consentir les contributions publiques; et cette maxime, déjà consacrée par les parlemens, ces ennemis naturels des droits nationaux, fut formellement consacrée dans les lettrespatentes de la convocation de ce qu'on appelait les étatsgénéraux : comment a-t-on pu espérer de vous faire oublier cette maxime, attestée par des siècles, et déposée même dans le berceau de l'Assemblée nationale !

>> Quels sont donc les motifs qui ont pu faire proposer de donner au roi ou à ses ministres l'initiative pour les contributions publiques?

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Serait-ce, comme l'a dit M. Duport, parce que la liberté du peuple exige que rien de ce qui intéresse essentiellement son sort ne soit définitivement décidé par un seul des pouvoirs de la Constitution? Mais la liberté du peuple est toute dans l'impót; c'est là le gage le plus sûr de ses droits; c'est l'arme la plus puissante pour les défendre ou les reconquérir s'ils étaient usurpés. Non, il n'existe pas

deux pouvoirs en matière de contributions; il n'y a d'autre pouvoir que celui du peuple, c'est à dire des députés élus par lui dans un gouvernement représentatif. Pourquoi donc vient-on dépouiller la nation de ses droits essentiels par une subtilité ou une fausse application du principe des deux pouvoirs inventés pour la législation? Pourquoi veut-on faire méconnaître la maxime que la nation ne peut pas aliéner le droit de s'imposer, ne peut le transmettre, le déléguer qu'à ses véritables représentans, à ceux qu'elle choisit tous les deux ans, et à qui elle donne la mission expresse d'établir l'imposition publique ?

>> Serait-ce parce que le roi a la sanction sur la législa'tion? Mais les lois sur l'impôt ne sont pas à proprement parler la législation; c'est une véritable administration paternelle; c'est une grande disposition d'économie politique ; c'est une contribution divisée entre les membres d'une grande famille par la famille elle-même : le roi n'est, quant à l'impôt surtout, qu'un fonctionnaire public, qu'un commis pour faire recevoir ce que la famille a imposé sur ses membres. Vous avez vous-mêmes reconnu ce principe le 17 juin 1789, lorsque vous paralisâtes ainsi le bras du despotisme; lorsque, par cette maxime sacrée, vous desséchâtes dans ses mains les sources du trésor public; lorsque vous dites que le premier usage que l'Assemblée nationale devait faire du pouvoir que la nation recouvrait était d'assurer la force de l'administration publique en légitimant elle seule la perception des impôts alors existans. ( Voyez tome I, page 6. )

» Vous avez vous-mêmes exécuté ce principe déjà authentiquement reconnu par le roi, et solennellement proclamé par toutes les assemblées de la nation; principe qui interdit toute levée de contributions dans le royaume si elles n'ont été nommément, formellement et librement accordées par l'Assemblée nrtionale; librement accordées, c'est à dire spontanément, sans aucune mélange de volonté étrangère. S'imposer seule est un droit de la nation; s'imposer à son gré, dans la forme qu'il lui plaît, pour la somme qui lui paraît convenable à ses besoins, voilà le véritable exercice de la souveraineté nationale : or comment la nation ou ses

représentans seraient-ils libres si la volonté du roi, si les vues, les projets, les systèmes de ses ministres précédaient, entravaient ou influençaient la volonté nationale? (Applaudissemens.)

» L'initiative des lois est refusée au roi par la Constitution, quoique la Constitution lui accorde le veto sur les lois; comment donc lui accorderiez-vous l'initiative sur l'impôt, qui n'est jamais présenté qu'à son acceptation? Il y a deux années que vous avez vous-mêmes donné l'exécution à ce principe; il y a deux années que vous avez établi l'indépendance des représentans de la nation sur cet objet, et aujourd'hui l'on vous propose de les asservir! Est-ce pour agrandir le domaine ministériel, pour augmenter l'influence royale? N'est-ce donc pas assez de lui avoir donné la proposition des objets que l'Assemblée doit prendre en considération, l'initiative sur la paix et la guerre, la nomination des officiers de la trésorerie nationale, la proposition sur les commandemens de l'armée et les ambassades à donner aux membres de sa famille ! Faut-il encore remplir à son gré ou dessécher d'après son veto le trésor public! (Applaudissemens.) Mais à quoi servirait-il donc d'avoir introduit les ministres du roi dans l'Assemblée, d'en avoir fait une espèce de représentans et d'orateurs perpétuels sur tous les objets? Si une disposition sur les contributions publiques est mauvaise, impolitique, insuffisante, inexécutable, les miuistres ne prendront-ils pas la parole? Si les sommes que l'Assemblée décrétera pour être imposées ne suffisent pas le ministre des contributions ou tout autre ne fera-t-il pas l'erreur, et ce concours de lumières et d'efforts ne rend-il pas inutile toute initiative, qui d'ailleurs est inconstitutionnelle même en matière de lois, à plus forte raison en matière d'impôts? (Applaudissemens.)

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>> Les orateurs qui ont demandé cette initiative semblent onvenir du danger radical d'assujétir à la sanction des décrets ur les contributions publiques; ce danger est trop évident pour être contesté; j'aurai donc facilement détruit l'opinion. de l'initiative lorsque j'aurai prouvé le danger le plus grand encore de cette prérogative ministérielle. En effet, M. Beau

metz convient que la sanction de ce genre de décrets est dangereuse en ce sens qu'en suspendant l'impôt, l'action du gouvernement serait arrêtée ; et moi j'y trouve de bien plus grands maux! Un impôt pèse-t-il sur le peuple, le corps législatif veut l'abolir : le veto est apposé sur le décret populaire, et l'impôt pèse encore six ans sur nos têtes! Un impôt nouveau est créé; il peut remplir plus facilement le trésor public c'est encore le veto qui arrête le bienfait! C'est ainsi que la nécessité de la sanction sur les décrets d'impôts serait le plus terrible fléau de la nation; ce n'est pas pour cela qu'on crée un roi et des ministres ; autrement il est bien inutile d'assembler les représentans du peuple.

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» Aussi l'on s'est retranché sur l'initiative, qui sous quelque aspect semble présenter plus de ressources au système des comités et à l'innovation; mais je soutiens que si l'Assemblée accepte l'initiative ministérielle le roi peut arrêter l'action du gouvernemeut non plus par un veto suspensif, mais par un véritable veto absolu, par un veto qui ne s'appli querait point à une détermination prise par le corps législatif, mais qui, plus dangereux encore, empêcherait par une force d'inertie le renouvellement des impôts existans et l'existence des impôts à créer. Ainsi donc M. Beaumetz va directement contre son but s'il veut réellement empêcher que l'action du gouvernement ne soit jamais suspendue par la suspension et l'interruption des impôts; la nation est seule véritablement intéressée à ne pas laisser arrêter l'action du gouvernement qu'elle a créé pour ses besoins; les ministres peuvent avoir d'autres intérêts, d'autres desseins, d'autres vues que celles de la conservation de la liberté de la nation.

Le second objet qu'il se propose est de procurer à la nation les lois fiscales les meilleures possibles par le concours des deux pouvoirs entre les mains desquels reposent la prospérité et la liberté publiques... Il ne me paraît pas plus heureux dans ses moyens. On prétend que les membres des législatures ne pourront pas connaître assez bien l'état des finances du royaume et le système de l'impôt pour faire toujours la meilleure motion sur les contributions publiques...... Hé quoi donc, les finances seront-elles encore

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