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MM. Crussol d'Amboise, Lusignan, Chatenay, et plusieurs autres membres du côté droit, se justifient également du décret du 19 juin 1790, et adhèrent à la déclaration de M. Decroix.

M. Roederer. « Je propose une addition à l'article qui concerne les ordres de chevalerie. Il ne me semble pas inutile d'insérer dans ce préambule les termes précis du décret rendu y a huit jours, et qui supprime tout ordre, toute corporation, toute décoration, tout signe extérieur qui supposait des distinctions de naissance. La noblesse est dans l'esprit de bien de gens une maladie incurable.....

M. Chatenay.

cœur. >>

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«M. Ræderer ne l'a peut-être pas dans le

M. Roederer. « Tant que cette maladie est attaquée par la loi sous une certaine forme elle trouve les moyens de reparaître sous une autre. Il serait possible, par exemple, qu'à la longue on instituât un ordre en France pour faire revivre cette noblesse alors peut-être oubliée par bien du monde; des ordres semblables à ceux qui existent en Espagne, tels que celui de la Toison-d'Or, pour lequel on n'exige point de preuves de noblesse, parce que, dit-on, cet ordre est au-dessus de toute noblesse; et il pourrait même s'introduire une autre sorte de noblesse telle qu'elle existait dans plusieurs parlemens du royaume, qui ne consentaient à ouvrir les cours qu'aux gens possédant la noblesse proprement dite, à ceux qui comptaient quatre à cinq générations de roture vivant noblement. Pour prévenir ces inconvéniens je crois donc qu'il faut ajouter après ces mots : on exigeait des preuves de noblesse, ceux-ci: ou qui supposaient des distinctions de naissance. »

Le préambule de la constitution fut adopté avec l'amendement de M. Roederer.

SUR LE TITRE Ier. Dispositions fondamentales garanties par la Constitution. (Méme séance.)

Des amendemens notables ayant été. faits à ce titre,

suivons d'abord M. Thouret dans la lecture qu'il en donna selon la première rédaction:

«La constitution garantit comme droits naturels et civils:

>> 1°. Que tous les citoyens sont admissibles aux places et emplois; sans autre distinction que celle des vertus et des talens;

» 2°. Que toutes les contributions seront réparties entre tous les citoyens également, en proportion de leurs facultés;

» 3°. Que les mêmes délits seront punis des mêmes peines sans aucune distinction des personnes.

» La constitution garantit pareillement comme droits naturels et civils :

» La liberté à tout homme d'aller, de rester, de partir sans pouvoir être arrêté, accusé ni détenu, que dans les cas déterminés par la loi, et selon les formes qu'elle a prescrites ;

» La liberté à tout homme de parler, d'écrire, d'imprimer ses pensées, et d'exercer le culte religieux auquel il est attaché;

» La liberté aux citoyens de s'assembler paisiblement et sans armes, en satisfaisant aux lois de police ;

» La liberté d'adresser aux autorités constituées des pétitions signées individuellement.

» Comme la liberté ne consiste qu'à pouvoir faire tout ce qui ne nuit ni aux droits d'autrui ni à la sûreté publique, la loi ne peut établir des peines contre les actes qui, attaquant ou la sûreté publique ou les droits d'autrui, seraient nuisibles à la société.

» La constitution garantit l'inviolabilité des propriétés, ou la juste et préalable indemnité de celles dont la nécessité publique, légalement constatée, exigerait le sacrifice,

» Les biens qui ont été ci-devant destinés à des services d'utilité publique appartiennent à la nation; ceux qui étaient affectés aux dépenses du culte sont à sa disposition.

» Il sera créé et organisé un établissement général de secours publics, pour le soulagement des pauvres infirmes et des pauvres valides manquant de travail,

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» Il sera créé et organisé une instruction publique commune à tous les citoyens, gratuite à l'égard des parties d'enseignement indispensables pour tous les hommes, et dont les établissemens seront distribués graduellement dans un rapport combiné avec la division du royaume, » M. Buzot. (Immédiatement apres la lecture de ce titre.)

<< Il ne suffit pas de dire que la constitution garantit les droits civils et naturels ; il faut que l'on connaisse comment

elle les garantit; or ce sont ces formes de la liberté, conservatrices des droits civils, que je ne retrouve point dans ce

titre.

» D'abord, sur le premier paragraphe, il manque une tion essentielle. Si les mêmes délits doivent être punis des mêmes peines sans aucune distinction des personnes, il me faut une loi qui me garantisse que cela sera toujours ainsi : vous l'avez décrété vous-mêmes après une mûre discussion, dans laquelle M. Duport nous montra les inconvéniens de laisser au pouvoir exécutif le droit de faire grâce. (Voyez plus loin, livre III.) Si quelqu'un dans la société a ce droit-là il est certain que rien ne me garantit que les mêmes délits seront punis des mêmes peines. Je demande donc, comme un moyen de garantir les droits civils et naturels, que l'article qui est dans notre code pénal soit mis ici. Cette addition ne suffit pas encore, et quoique j'aie approuvé d'abord ce premier titre, en y faisant une plus sérieuse attention, en le comparant à divers articles de la constitution d'Angleterre, en le comparant avec les articles que vous avez décrétés vousmêmes, je n'ai pas trouvé moi qu'en promettant à chaque citoyen de lui garantir ses droits civils et naturels vous les lui garantissiez. En effet, vous rapportez tout à la loi, c'est à dire vous donnez à chacun de nous la jouissance des droits politiques; mais les droits civils ne sont pas garantis contre les atteintes du Corps législatif lui-même, et il faut rétablir ici je ne dis pas tous les articles, mais les articles en substance que je trouve dans votre projet de loi sur la police de sûreté. (Voyez tome IV.) Dans le juri vous avez fait un décret contre les détentions injustes et contre tous actes arbitraires; il faut donc que la constitution, ne pouvant pas déterminer les cas parce qu'ils peuvent se diversifier à l'infini, il faut qu'elle porte des peines contre ceux qui pourraient attenter à la liberté de quelqu'un; car par ces peines-là il est impossible aux législatures, au pouvoir exécutif, d'y porter aucune atteinte. Je demanderais aussi que l'on ajoutât les diverses lois que vous avez faites sur les prises à partie. (Murmures.) » Si vous ne portez pas cette loi il n'est rien qui puisse protéger un citoyen contre les atteintes de la législature ou

que

du pouvoir exécutif. Examinez le titre que je discute, et vous y verrez non pas que la constitution me garantit des droits, mais que la constitution promet que la loi me les garantira. Hé bien, alors ce n'est donc point la liberté civile. que votre constitution me promet, mais seulement des droits politiques, puisque vous renvoyez aux législatures jusqu'aux atteintes qu'on pourrait y porter. Si vous l'avez entendu ainsi, je dis votre titre est absolument inutile; car, en me conservant mes droits politiques, la loi dans tous les temps me protégera comme les législateurs le trouveront à propos; mais și au contraire, ne suivant que les termes de votre constitution, vous me promettez que votre constitution me garantit, alors il faut que vous me donniez à moi-même des moyens rassurans de garantie, et je n'en vois pas : c'est ainsi que dans beaucoup d'articles de votre police de sûreté vous avez garanti, à l'exemple des Anglais et des Américains, la liberté individuelle en présentant des moyens de donner une caution : vous m'avez promis alors que dans certain cas il me serait possible de quitter la prison en donnant caution; loi qui rappelle la loi de l'habeas corpus, si vantée par les Anglais, et qui assure leur liberté.

» Ces observations me paraissent à moi tellement évidentes, que le paragraphe suivant, tout en disant qu'il garantit la liberté de la presse, ne garanțit absolument rien. Je demande que vous me donnież un article très précis, une loi sur cette matière; je demande que, par suite de ces dispositions, il y ait un article qui détermine que les législatures à venir ne pourront pas toucher à cette liberté sacrée, sans laquelle il n'y a pas dans votre constitution de liberté civile.

>> Je ne disconviens pas avec le comité de constitution qu'il ne soit des cas où l'on doive prononcer des peines contre les actes qui attaquent la sûreté publique et les droits d'autrui; mais je soutiens qu'avec cette maxime générale et abstraite yous n'avez rien qui garantisse la Déclaration..... (Murmures.) Si les législatures à venir, se coalisant peut-être contre la liberté publique, profitaient de quelques circonstances malheureuses pour porter atteinte elles-mêmes à la liberté de la presse, elles ne manqueraient pas de prétextes.

Avez-vous quelque édit de nos rois dont le préambule ne présente quelque idée de justice et d'équité? La constitution, en disant qu'elle garantit aux citoyens les droits civils et naturels, doit en effet les garantir; si elle ne les garantit que par la loi elle ne fait que donner des droits politiques, et non point des droits civils.

Je demande donc qu'on rétablisse dans ce titre 1o la loi qui abolit le droit de faire grâce; 2o qu'on y rétablisse les décrets qui garantissent véritablement la liberté, et les lois qui prononcent une peine contre ceux qui porteraient atteinte à la liberté individuelle; 3° qu'on y ajoute aussi ceux qui établissent cette liberté, la faculté de donner caution en de certains cas, qui sont déterminés dans deux articles seulement de votre loi; 4o qu'on détermine aussi une loi qui garantisse la liberté de la presse de toute espèce d'atteinte; et comme il est vrai et possible dans certains cas de porter des lois pour empêcher la liberté de la presse, je demande enfin qu'on circonscrive ici ces abus. »

M. Pétion. « Le préopinant vous a présenté sur le second paragraphe une idée extrêmement simple, et qu'il est facile de faire sentir jusqu'à l'évidence.

» Je vous prie d'observer que l'intention de votre comité est de dire qu'il n'y a point de loi à faire sur cette matière; qu'il suffit de déclarer que la presse est libre, pourvu qu'on ne nuise ni à la tranquillité ni aux droits d'autrui.... Eh! messieurs, c'est le même langage qu'on tenait dans l'ancien régime : c'est ainsi que les Anglais, lors de leur révolution en 1680, faute d'avoir voulu également ne pas faire de loi pour assurer la liberté de la presse, sont arrivés au point où ils en sentent la nécessité indispensable; en effet, la liberté de la presse décroît journellement en Angleterre par cette raison, et cela est venu au degré de faire condamner au pilori un écrivain pour avoir dit que les vaisseaux n'étaient pas armés contre l'Espagne, mais contre la France; et c'est Pitt qui a trouvé ce moyen. En Angleterre la liberté de la presse était confiée aux jurés, mais insensiblement on la leur a enlevée.

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