LIVRE III. DU POUVOIR JUDICIAIRE. LÉGISLATION CIVILE ET CRIMINELLE. DU CODE PÉNAL. RAPPORT sur le projet du Code pénal, fait au nom des comités de constitution et de législation criminelle par M. Lepelletier Saint-Fargeau. (Séances des 22 et 23 mai 1791.) « Messieurs, le mot de code pénal rappelle à des législateur un devoir pénible. Vous allez enfin descendre dans ces sombres régions des ⚫ crimes et des supplices pour y contempler le plus affligeant spectacle, celui de l'homme coupable et de l'homme souffrant. >> C'est là que, dans le chaos informé de nos anciennes institutions, vous trouverez presque à chaque pas la morale et l'humanité outragées; des faits innocens ou des fautes légères érigés en grands attentats; la présomption du crime punie souvent comme le crime même ; des tortures atroces imaginées dans des siècles de barbarie, et pourtant conservées dans des siècles de lumières; nul rapport entre les délits et les peines, nulle proportion entre les peines des différens délits; le méchant poussé par la loi même au dernier degré du crime, parce que dès ses premiers pas il trouve le dernier degré du supplice; en un mot des dispositions incohérentes, sans système, sans ensemble, faites à des époques diverses, la plupart pour des circonstances du moment, qui jamais n'ont été rassemblées en corps de lois, mais qui, éparses dans de volumineux recueils, tantôt étaient oubliées, tantôt remises en 2 vigueur, et dont l'absurdité féroce ne trouvait de remède que dans cet antre abus, celui d'être interprétées et modifiées arbitrairement par les juges. " Dès longtemps l'humanité avait emprunté la voix de la philosophie et de l'é'oquence pour dénoncer à l'opinion publique ces funestes erreurs de notre législation criminelle; quelques juges mêmes, il faut le dire, obligés de prononcer contre la loi ou contre leur conscience, pressaient avec instance l'ancien gouvernement de les délivrer par un nouveau code de cette alternative pénible: une réclamation universelle, un vœu général entouraient le sanctuaire et sollicitaient l'oracle; mais il ne s'agissait ni d'accroître une autorité arbitraire, ni d'étendre les droits du fisc...., et l'oracle est resté muet! >> Il vous était réservé, messieurs, d'opérer cette réforme si désirée; et le nouveau système de procédure criminelle que vous avez adopté ne permet pas de différer plus longtemps l'établissement du nouveau système des peines : ces deux parties de travail sont intimemcut liées; les jurés ne peuvent être en activité qu'après la formation du code pénal, car la procédure par jurés exelut tout arbitraire, et l'arbitraire seul tempérait les vices des anciennes lois criminelles. >> Les deux comités que vous avez chargés de vous en tracer le plan l'ont médité avec tout le soin qu'exigeaient sa délicatesse et son importance. Il a été satisfaisant pour eux de pouvoir porter dans cette réforme les principes d'humanité qui vous animent; mais là ne se bornait point leur mission: ils ont senti que la société avait aussi des droits à réclamer; qu'il fallait pour la tranquillité publique des peines efficacement répressives, et que la plus dangereuse de toutes les erreurs politiques serait le système de l'impunité des crimes. Puissent leurs efforts avoir rempli ce double objet! Puissent-ils, justement sévères envers les méchans sans oublie amais que les condamnés sont des hommes, avoir conçu quelques idées salutaires! S'ils ont pu épargner, même au coupable, une douleur inutile pour la répression et pour l'exemple; si, par une exacte proportion entre les délits et les peines, ils ont pu opposer au crime un frein efficace, ils seront bien récompensés du travail ingrat et pénible auquel, suivant vos ordres, ils ont consacré longtemps leurs méditations et leurs soins. >> Avant d'entrer dans la discussion de ce plan il est, messieurs, une première observation que nous vous prions de ne pas perdre de vue pour l'intelligence de notre travail. >> Le code pénal ne comprend uniquement que les crimes susceptibles d'être poursuivis par la procédure par jurés, et les peines applicables à ces seuls crimes. >> Quant aux autres délits d'une nature moins grave, susceptibles d'une correction plus légère et d'une poursuite moins solennelle, vos comités n'ont pas cru devoir en embarrasser le travail actuel, et ils se contenteront de vous indiquer ici en peu de mots leurs vues à cet égard. >> Il paraît convenable de distinguer quatre sortes de police: » La police municipale; >> La police correctionnelle; >> La police constitutionnelle; >> La police de sûreté. La police municipale sera, conformément à vos décrets, exercée par les officiers municipaux, avec appel de leurs jugemens aux tribunaux de district. Elle a pour objet les contraventions aux réglemens de police, les troubles apportés au bon ordre et à la tranquillité des rues, marchés, foires et places publiques; elle pourra infliger des peines correctionnelles aux délinquans, telles qu'amendes, injonctions, détentions pendant quelques jours, ainsi que vous l'avez déjà décrété. >> La police correctionnelle sera exercée par le juge de paix, avec appel au tribunal de district. Elle aura pour objet tout ce qui était connu autrefois sous le nom de petit criminel, les rixes, coups, injures, escroqueries et autres délits auxquels vos comités on pensé qu'il était impossible d'appliquer la solennité du jut elle pourra infliger, après une procédure prompte et sommaire, des peines telles qu'amendes, injonctions, et même détention correctionnelle pendant un temps déterminé. >> Le travail détaillé de ces deux espèces de police est achevé, et un des membres de vos comités s'est chargé de vous le présenter incessamment. : >> La troisième espèce de police dont vos comités ont conçu l'idée est la police constitutionnelle : celle-ci a pour objet les fautes des différens fonctionnaires publics dans l'exercice de leurs fonctions, mais dont la gravité ne comporte pas une procédure criminelle. Cette police sera exercée par les supérieurs envers leurs subordonnés: ses moyens de répression sont les monitions, réprimandes, cassation des actes et des corps, suspensions et interdictions momentanées des fonctionnaires ses principes et ses détails se trouvent dispersés dans les décrets relatifs à l'organisation de chacun des pouvoirs que vous avez constitués. >> Aucunes des peines qui seront appliquées par ces trois espèces de police n'emporteront avec elles infamie, et elles laisseront dans leur entier tous les droits politiques et civils de ceux qui les auront subies. Enfin la quatrième espèce de police est la police de sûreté. Elle a pour objet de réprimer les crimes susceptibles de la procédure par juré, c'est à dire les crimes qui méritent peine afflictive ou infamante : ces crimes sont distingués de tous les autres délits par leur importance, par la solennité de la procédure déployée contre les accusés, par la nature et la gravité des peines prononcées contre les coupables. » .. Entre ces quatre espèces de police le code pénal n'appartient qu'à la dernière; il peut être considéré comme le com plément du décret sur les jurés: ces deux lois réunies forment ensemble le code criminel, l'une en prescrivant les peines et spécifiant les délits dont l'autre a déterminé le mode et les formes de la poursuite. >> Veuillez, messieurs, conserver dans vos esprits cette observation; sans elle le code pénal pourrait vous paraître incomplet, çar beaucoup de délits n'y sont pas compris; mais vos comités ont pensé que ce serait absolument sortir le juré de l'objet de son institution que de l'appliquer à l'examen des moindres contraventions : la difficulté de sa convocation, le déplacement long et lointain desjurés et des témoins, la solennité de cet examen, doivent faire réserver cette procédure pour les crimes caractérisés, et il nous a paru indispensable d'adopter auxiliairement au juré des formes promptes, simples et faciles pour la répression habituelle des offenses légères qui blessent l'ordre social et les lois. » Le code pénal ainsi réduit se divise en deux parties: Ce rapport a principalement pour objet de développer les principes de la première partie, c'est à dire la théorie du nouvéau système pénal. >> A'l'égard de la seconde partie vos comités se réservent dans le détail des articles de joindre quelques observations particulières; quant à présent il leur suffit de vous présenter sur cette énumération des délits une seule pensée générale. >> Vous allez enfin en voir disparaître cette foule de crimes imaginaires qui grossissait les anciens recueils de nos lois. Vous n'y retrouverez plus ces grands crimes d'hérésie, de lèse-majesté divine, de sortilége et de magie, dont la poursuite vraiment sacrilége a si longtemps offensé la divinité, et pour lesquels au nom du ciel tant de sang a souillé la terre! >> Nous en avons écarté soigneusement ces contraventions aux lois fiscales, suffisamment réprimées par des réglemens correctionnels lorsque l'impôt est sagement organisé, est équitablement réparti, est modérément perçu, est payé par un peuple qui l'a voté librement, enfin lorsqu'il est utilement employé; nous avons donc essace de notre code tout le code de la ferme, monument honteux d'oppression et de despotisme, tarif abject de l'honneur, de la liberté, de la vie des hommes, qui bonifiait un privilége par une concession de lois pénales, et améliorait une régie par quelques lettres-patentes de galères ou de mort. Vous parlerons-nous de ces codes des capitainerics, des chasses, des eaux et forêts, de la librairie, dont les uns défendaient les retraites de quelques animaux privilégiés avec plus de rigueur et de vigilance que la police n'en apportait à maintenir la sûreté dans les demeures des hommes; dont les DITS 1 |