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étions tracée, et nous allons vous offrir en peu de mots le tableau complet du nouveau système pénal.

» Il existera deux sortes de peines :

» Les peines afflictives;

» Les peines infamantes.

» Les peines afflictives sont le cachot, la gêne, la prison. » Les peines infamantes seront pour les hommes la dégradation civique, pour les femmes le carcan.

» Les peines du cachot, de la gêne et de la prison, seront aussi infamantes.

>> Chacune des peines afflictives sera sera précédée de l'exposition du condamné dans la place publique : nous avons décrit les caractères de cette exposition en vous parlant de la peine du cachot; quelques circonstances varieront suivant la nature de la peine.

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L'exposition aura lieu pendant trois jours, avec chaînes au milieu du corps, aux pieds et aux mains, pour les condamnés au cachot; pendant deux jours, avec chaînes au milieu du corps pour les condamnés à la gêne; pendant un seul jour et sans chaînes pour les condamnés à la peine de la prison.

» Dans chaque département il sera fórmé un établissement dans lequel seront conduits ceux qui auront été condamnés à l'une des trois peines afflictives; le local sera disposé de manière que les cachots, les gênes et les prisons forment trois enceintes séparées, et sans communication entre elles.

» Les détails de la peine du cachot yous sont connus ; nous ne les répéterons pas ici.

» Voici en quoi consiste la peine de la gêne.

» Le condamné sera renfermé: ainsi, privation de la liberté; premier caractère de sa peine.

» Il sera seul: ainsi, solitude habituelle, sauf les exceptions qui vont être spécifiées; second caractère de sa punition.

» Il portera une ceinture de fer autour du corps, et sera attaché avec une chaîne; mais à la différence des condamnés à la peine du cachot, il ne portera point de fers aux pieds ni aux mains.

»Le lieu où il sera détenu sera éclairé; circonstance qui distingue encore cette peine de celle du cachot.

Tous les jours il sera fourni au condamné du travail; cinq jours par semaine il travaillera seul; mais, cette solitude ne devant pas être aussi absolue ni aussi rigoureuse que celle des condamnés au cachot, deux jours par semaine il pourra se réunir avec les autres condamnés, uniquement pendant le travail et pour un travail commun.

» Ces deux jours là pendant le travail sa chaîne lui sera ôtée.

>> Aucune violence ne le contraindra d'être laborieux : vos comités ont pensé plus efficace et plus moral de l'y porter en le faisant jouir du produit de son industrie. Une partie sera employée pour améliorer sa nourriture, toujours réduite au pain et à l'eau s'il ne gagne pas une plus douce subsistance; une partie sera conservée pour lui être remise au moment où il recouvrera sa liberté après la peine accomplie; un tiers seulement sera prélevé pour la masse commune de la dépense de la maison. Le fond réservé pour l'instant de la sortie du condamné a paru à vos comités une mesure utile; ainsi le besoin et la nécessité ne le pousseront pas à un nouveau crime à l'instant même où son premier crime vient d'être expié.

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Une fois chaque mois le peuple pourra entrer dans le lieu de la gêne, et les condamnés seront exposés à ses regards avec leurs chaînes; leur nom, leur crime, leur jugement seront également inscrits au dessus de la porte du lieu de leur détention. Cette peine sera au plus de quinze ans et au moins de quatre; elle sera toujours terminée par un an de prison, laquelle année fera partie des quinze ans de la condamnation, ou du moindre nombre d'années fixé pour sa durée.

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» La prison, qui dans l'ordre des peines afflictives sera la moins grave, aura pour principal caractère la privation de la liberté. Le condamné sera enfermé seul; mais il pourra tous les jours se réunir avec les autres prisonniers pour un travail commun s'il le préfère, et s'il a un genre particulier d'industrie, il pourra travailler seul dans sa prison; sa nourri

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ture séra ce que la rendra son travail. Le produit de ce qu'il aura gagné sera employé d'après les mêmes principes qui sont développés ci-dessus. Il lui sera fourni un lit pour se coucher.

» Vos comités ont pensé, messieurs, qu'il était préférable de placer les prisonniers dans des réduits séparés au lieu de les entasser dans des salles communes, comme ils le sont aujourd'hui dans la plupart des maisons de force; ce moyen, plus salubre, rendra aussi plus facile la police des prisons et la garde des condamnés : il ne sera pas dispendieux d'établir par quelques cloisons ces petites cases séparées. C'est aussi dans leur prison particulière que les condamnés à cette peine seront exposés aux regards du public le jour où le peuple sera admis dans la maison, et sur leur porte sera placée l'inscription indicatrice du nom du condamné, du crime et du jugemerrt.

» La durée de cette peine ne pourra être moindre de deux années, ni s'étendre au-delà de six ans.

» Vous avez remarqué, messieurs, que c'est toujours dans l'intérieur de la maison que vos comités vous proposent d'établir les travaux : cette mesure contrarie une idée assez généralement adoptée, celle qu'on devrait employer les malfaiteurs aux travaux publics; nous vous devons le développement des motifs qui nous ont empêchés d'adopter ce moyen.

» D'abord les condamnés aux peines du cachot et de la gêne ne peuvent pas être employés à ces ouvrages extérieurs et communs, parce que la solitude fait un des caractères véritablement essentiels de leur punition.

>> Ce motif n'existe pas pour les condamnés à la peine de la prison; puisqu'ils peuvent se réunir pour travailler ensemble; mais voici l'inconvénient que nous y avons trouvé.

>> Dans une maison bien exactement fermée il est fort aisé de garder un grand nombre d'hommes, et une force publique assez modique peut y suffire: pour contenir au-dehors des malfaiteurs occupés à des travaux publics, et les empêcher de s'échapper, il faudrait presque autant de gardiens que de condamnés à garder; cela entraînerait des difficultés et des

soins considérables, et encore beaucoup de prisonniers trouveraient-ils moyen de s'évader: on ne pourrait épargner le frais de garde qu'en multipliant les riguerus personnelles et en mettant au pied du condamné un boulet pesant attaché à une chaîne de fer; mais ce serait agraver la peine. Nous observons d'ailleurs qu'on ne penche vers le système des travaux publics que par l'idée que des travaux pénibles, malsains, rebutans, doivent être naturellement le partage des malfaiteurs, mais ce système est tout à fait contraire au rapport sous lequel nous voulons offrir le travail au condamné : vous lui en inspirez l'horreur lorsque vous le lui présentez sous ces formes hideuses; il faudra en venir aux coups et aux violences arbitraires des gardiens et des conducteurs pour dompter son découragement et sa paresse ; il est bien plus utile et bien plus moral de l'y pousser par son propre besoin et par l'attrait de son intérêt.

» Mais, dira-t-on, quel travail vraiment utile et pour le prisonnier et pour l'Etat peut-on établir dans l'intérieur d'une maison, et surtout dans un cachot ou dans une prison isolée ?

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L'expérience d'un fait qui subsiste depuis fort long-temps répond à cette objection.

» Dans une des parties de la maison de Bicêtre appelée Gabanum les prisonniers étaient enfermés chacun séparément dans de petites cases placées à différens étages au-dessus les unes des autres. Un malheureux y était conduit, et il n'avait en arrivant aucune aptitude ni industrie particulière; au bout de huit jours il était instruit, et il travaillait utilement: sans autre communication que par des paniers descendus avec des cordes, le nouveau venu recevait des anciens une instruction, des modèles, de la matière; après quelques essais il parvenait à réussir et il sortait de ses mains des travaux délicats et très-bien finis : l'ouvrage achevé se descendait par la même voie; d'autres prisonniers moins resserrés le recevaient, le vendaient au public, et bientôt les paniers remontaient avec le prix de l'ouvrage et de nouveaux matériaux pour un nouveau travail, le tout avec un ordre et une fidélité bien remarquables entre de tels fabricans et de tels courtiers.

» Nous ne citons cet exemple qué pour prouver par l'expérience qu'il est possible d'ouvrir des sources d'industrie dans les maisons destinées à recevoir les condamnés, surtout lorsqu'une administration active sera chargée du soin de choisir, de fournir des travaux de disposer des ateliers, et de donner à l'aptitude particulière de chaque détenu tous les moyens possibles de développement.

>> Les travaux publics ne sont pas le seul système pénal indiqué par l'opinion de beaucoup de gens que nos réflexions nous ont déterminés à ne point adopter; il est encore une autre peine dont l'établissement est demandé par plusieurs personnes instruites, et que vous n'avez pas trouvée dans notre plan: je veux dire la déportation.

» Nous avons pensé que toute peine éloignée du lieu du délit manquait du caractère principal d'une peine utile, celui de rendre l'exemple présent et durable; il nous a paru d'ailleurs que la déportation était une peine qui pourrait n'être pas efficacement répressive pour la classe la plus nombreuse des malfaiteurs.

>> Mais voici de quelle manière la déportation nous semble pouvoir être utilement pratiquée; c'est pour le cas de la réci

dive.

Quiconque aura été repris de justice criminellement et condamné ponr la seconde fois subira la peine portée par la loi contre son délit; mais lorsqu'il aura ainsi satisfait à l'exemple il sera conduit au lieu fixé pour la déportation. Par là vous remplirez le double objet et de punir la récidive et de délivrer la société d'un malfaiteur incorrigible.

» Il ne nous reste plus, messieurs, pour compléter la discussion relative aux peines afflictives, que de comparer le rapport qu'elles ont entre elles et les différences qui les distinguent.

>> Le cachot, la gêne, la prison ont pour principe commun d'exclure du système pénal toute espèce de coups et de tortures qui présentent à l'esprit cette repoussante image d'un homme frappant son semblable.

» Ces trois peines ont pour élément commun de faire sortir de privations pénibles tout l'effet de la punition.

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