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"Elles ont trois circonstances qui leur sont communes ; la privation de la liberté, l'infamie, l'admission du public une fois chaque mois dans les eachots, les lieux de gêne et la prison.

» Enfin dans toutes les trois le travail est employé comme moyen d'amender les dispositions morales du condamné, d'adoucir la rigueur de ses privations pendant sa peine, et de lui préparer une ressource pour l'époque de sa liberté.

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Quant aux caractères qui les distinguent les unes des autres, le premier c'est la durée.

» La peine du cachot ne pourra être moindre de douze années, celle de la gêne de quatre années, celle de la prison de deux années.

» La première ne pourra s'étendre au delà de vingt-quatre années, la seconde au delà de quinze ans, la troisième au delà de six ans.

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Vos comités ont pensé que ces peines devaient être graduées de telle manière que la plus longue durée de l'une excédât peu la moindre durée de celle qui lui est supérieure, afin qu'elles demeurent sans incertitude et sans équivoque dans cet ordre de gravité, d'abord le cachot, ensuite la gêne, et enfin la prison; autrement cet inconvenable problème aurait pu se présenter à résoudre laquelle de ces peines est la plus sévère, de la gêne pendant vingt-quatre ans ou du cachot pendant douze ans, de la prison pendant douze ans ou de la gêne pendant six années?

» Indépendamment de l'étendue de la durée le cachot est distingué des deux autres peines par ces circonstances: la privation de la lumière, les fers aux pieds et aux mains des condamnés, la solitude absolue, la consolation du travail réduite à deux jours par semaine pendant la première époque et à trois pendant la seconde.

» La gêne est distinguée de la prison, outre la durée, par une ceinture et une chaîne de fer que porteront les condamnés, par la solitude absolue pendant cinq jours dans la semaine, par la réunion à un travail commun deux jours par semaine seulement.

» La prison est distinguée des deux autres sous ce rapport

que les condamnés ne porteront point de fers; qu'il leur sera fourni un lit pour se coucher, tandis qu'au cachot et à la gêne il ne sera donné aux condamnés que de la paille; enfin que le travail commun sera permis tous les jours.

» A l'égard des peines infamantes voici, messieurs, les caractères que nous avons cru convenable de leur imprimer. » Déclarer qu'un tel a commis tel crime c'est le couvrir d'infamie, de l'infamie qui sort moins encore du jugement de la mauvaise action.

que

» Cette déclaration doit avoir la plus grande publicité, pour que la société soit avertie de se tenir en (garde contre le coupable, pour que l'exemple ait un éclat salutaire; pour que la honte du condamné soit d'autant plus pénible qu'elle est plus notoire.

» Il faut que le condamné paraisse devant le peuple daus un état humiliant, c'est à dire qu'il faut que le peuple le voie pendant quelques heures tout chargé de l'opprobre de son

crime.

» L'homme ainsi dégradé est indigne d'être citoyen français: il sera déclaré déchu de tous ses droits : cette peine appartient surtout aux pays libres, où l'honneur d'être citoyen est compté pour quelque chose.

» Enfin l'effet de la condamnation doit être, par une prononciation claire et au moyen d'une formule unique, rendu sensible pour tous les esprits ; à la différence des peines infamantes actuellement usitées, qu'on avait variées et multipliées sous tant de formes que l'honneur semblait susceptible de se diviser en fractions, et qu'un criminaliste éclairé pouvait seul distinguer si telle condamnation emportait infamie, et jusqu'à quel point eile déshonorait le condamné.

» Nous vous proposons en conséquence une seule peine infamante; elle portera le nom de la dégradation civique. Voici les circonstances dont elle sera accompagnée :

» Le condamné sera conduit dans la place publique; le greffier du tribunal criminel prononcera ces mots à haute voix votre pays vous a trouvé convaincu d'une action infame; la loi et le tribunal vous dégradent de la qualité

de citoyen français. Le condamné sera ensuite mis au carcan, et y restera pendant deux heures exposé aux regards du peuple; son nom, son crime, son jugement seront tracés sur un écriteau placé au-dessus de sa tête.

» Pour les femmes la peine infamante sera le carcan. Elles seront également conduites dans la place publique; le greffier prononcera ces mots à haute voix : votre pays vous a trouvée convaincue d'une action infáme. Elles seront mises ensuite au carcan pendant deux heures, avec écriteau indicatif de leur nom du crime et du jugement.

Jusqu'ici nous n'avons fixé vos esprits dans ce rapport que sur de tristes objets, le crime et les rigueurs nécessaires pour le réprimer; mais le remords peut pénétrer dans l'âme du coupable, et il nous a semblé que c'était une conception digne des législatenrs de présenter au condamné l'espoir de renaître un jour à l'honneur par la pratique de la vertu.

» Nous vous proposons de décréter qu'à une époque déterminée après l'expiration de sa peine le condamné puisse être réhabilité par la société, et rétabli dans tous ses droits; mais voici les conditions que nous avons jugé utile d'y apposer.

» D'abord il faut que plusieurs années se soient écoulées depuis l'époque à laquelle il a recouvré la liberté, afin que sa conduite soit suffisamment éprouvée ; ensuite il est convenable que sa réintégration ne soit point un droit ouvert et certain, mais plutôt une espérance, une faculté qui lui présenteront des efforts à faire et un prix à obtenir.

» Ce baptême civique doit être accompagné de solennités; et nul ne pourra y être présenté que par les officiers municipaux du lieu de son domicile, c'est à dire par les magistrats et les organes du peuple, qui, témoins habituels de la conduite du condamné, pourront attester à la société que tel, par un long repentir, a mérité que la société lui rendit son estime.

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Ainsi, après avoir satisfait à l'exemple, le condamné osera reparaître aux yeux de ses concitoyens; il pourra se choisir une demeure; il y vivra sous la protection de l'espérance ; il pourra y vivre avec probité, dans la vue d'y vivre un jour

avec honneur; et la loi, politique et morale tout ensemble, aura appelé dans son âme et récompensé le remords.,

» Vos comités viennent de vous exposer, messieurs, sur quels principes il leur a paru convenable de fonder les institutions destinées à la répression des délits.

» Dans tout état il faut sans doute des lois pénales, car le crime, cette funeste maladie du corps social, nécessite trop souvent un pénible et fâcheux remède; mais, en politique ainsi qu'en physique, l'art qui prévient le mal est mille fois plus certain et plus salutaire que celui qui le guérit.

>> Cette éternelle vérité n'a pas échappé à votre sagesse, et tout nous offre ou nous promet dans l'ensemble de vos lois le supplément le plus efficace du code pénal.

» Vous avez organisé une police active, institué des municipalités pour maintenir l'ordre public, placé partout des juges de paix pour veiller à la sûreté particulière.

» Vous avez formé une gendarmerie nationale, nombreuse, honorée, bien soldée, patriotiquement élue, fortement constituée, qui a tout en un mot pour épouvanter le crime, et rien pour épouvanter la liberté.

» Vous vous proposez de réprimer par des réglemens sages

les abus de la mendicité.

» En multipliant les travaux, en employant inutilement la force oisive, en nourrissant la vieillesse et l'infirmité indigentes, devoir saint et sacré de la société ; en détruisant cette condition si multipliée en France de vagabonds et d'inconnus, êtres toujours cachés pour mal faire, et toujours errans pour éviter le châtiment du mal qu'ils ont fait, vous aurez tari la source la plus abondante des crimes.

» Voilà pour la génération présente.

» Des bienfaits plus grands se préparent pour la génération future.

» C'est dans l'avenir que les mœurs publiques, véritablement régénérées, atteindront la hauteur de notre nouvelle Constitution.

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C'est l'avenir qui, en effaçant peu à peu ces inégalités monstrueuses dans le partage de la richesse et de la pauvreté,

étendra plus généralement et plus uniformément sur toutes les. classes de citoyens le bien-être d'une aisance heureuse.

» Enfin l'avenir recueillera surtout les fruits de cette éducation nationale qui, douant tous les enfans de la patrie de connaissances, d'arts, de métiers utiles, et surtout de vertus, formera des hommes libres et bons, et arrachera au crime jusqu'à la séduction du besoin.

» Ces utiles institutions peuvent bien plus que toutes les lois pénales; avec leur secours la rigueur des peines est moins nécessaire : une bonne police avec de bonnes mœurs, voilà ce qu'il faut pour un peuple libre au lieu de supplices. Partout où règne le despotisme on a remarqué que les crimes se multiplient davantage : cela doit être, parce que l'homme y est dégradé; et l'on pourrait dire que la liberté, semblable à ces plantes fortes et vigoureuses, purifie bientôt de toute produc→ tion malfaisante le sol heureux où elle a germé. »

Discussion sur la peine de mort.

La discussion sur le code pénal s'ouvrit le 30 du même mois par cette question principale : LA PEINE DE MORT SERAT-ELLE OU NON CONSERVÉE?

Opinion de M. Prugnon. (Séance du 30 mai: 791. )'.

«La peine de mort sera-t-elle conservée ou abolie? Si on la conserve à quels crimes sera-t-elle réservée. Je passe avec respect devant un autre problème qui précède ces deux-là; il est de savoir si l'homme a pu transmettre à la société le droit, qu'il n'a pas lui-même, de disposer de sa propre vie.

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» Dans le nombre des hommes qui gouvernent l'opinion Montesquieu, Rousseau, Mably et Filangieri maintiennent qu'il l'a pu : Beccaria le nie, et chacun sait quel est depuis vingt-cinq ans l'ascendant de son esprit sur les autres esprits. Cette question a des profondeurs que l'œil peut à peine mesurer; je m'arrête donc sur les bords, et je suppose que la société ne puisse priver de la vie un de ses membres sous peine d'être injuste; cette supposition adoptée, voici mon raisonnement: garantissez-moi que la société pourra dormir

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