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par exemple, l'homme qui a donné la mort a été provoqué d'une manière grave, il n'avait cependant pas le droit de donner la mort; sa propre vie n'était pas en danger. Il est coupable; mais il l'est moins que celui qui a tué de dessein prémédité; aussi existe-t-il dans votre code pénal une disposition particulière qui atténue la peine, parce qu'il a existé dans le fait quelques circonstances qui en atténuaient la gravité. Ainsi la prévoyance de la loi se met encore ici à la place de l'arbitraire des lettres de grâce.

» Poussons plus loin les hypothèses, et parcourons toutes les objections. On dit que l'homme a pu être tué sans que le fait ait été accompagné d'aucune des circonstances dont je viens de parler, mais que cependant l'accusé peut encore être sous certains égards excusable; que les grands services qu'il a rendus à la patrie, peuvent faire pardonner la fougue d'un tempérament violent...... Hé bien, votre loi criminelle prévoit encore ces inconvéniens, et après que toutes les questions précédentes ont été pesées, et soumises aux jurés, on vient encore leur dire ; descendez dans votre cœur; voyez dans toutes les circonstances du crime s'il existe un motif d'excuse.

» C'est là qu'est exercé au nom de la société le droit de miséricorde, mais une miséricorde raisonnable et réfléchie; et c'est après que tous ces degrés ont été remplis, après que toutes ces précautions ont été prises, qu'on propose de porter au roi la question de savoir si le crime doit être puni, si une procédure si rigoureuse, si favorable au coupable, doit être annulée! Quelle est donc l'idée qu'on se forme des jurés? Ce sont des citoyens, c'est tout le pays; et c'est lorsque le pays a été souillé et témoin d'un crime, c'est lorsque tout le pays dit : Non, cet homme n'est point excusable ; la justice, l'utilité publique exigent une réparation et une vengeance.....; c'est alors qu'on vous propose de porter au roi la question de savoir s'il infirmera le jugement de tout le pays!(Nombreux applaudissemens.)

» Je demande que pour tous les délits jugés par les jurés l'usage des lettres de grâce soit aboli. » (Aux voix, aux voix. La discussion est fermée.)

que

M. Malouet voulut encore réclamer pour le trône le droit de miséricorde, il proposa comme amendement lorsque les jurés auraient déclaré un crime excusable le prévenu fût renvoyé pardevant le roi...

Le rapporteur. Il y a deux réponses fort simples à faire. au préopinant; l'une est un décret, l'autre est une raison. Dans le décret rendu sur la procédure par jurés vous avez un article qui dit que dans le cas où le juré aura répondu excusable le juge prononcera que l'accusé est innocent. Ensuite, messieurs, voici quelle est la raison : le préopinant désire que le nom 'du roi se trouve à côté du droit de miséricorde; cette idée-là est très belle et très vraie; mais elle existe par le fait. Au nom de qui la justice est-elle rendue? C'est au nom du roi... ( Murmures à droite. ) Aussi, au moment où le tribunal prononce, l'accusé est acquitté, c'est au nom du roi qu'il prononce ce jugement. »

L'article, mis immédiatement aux voix, fut adopté en ces termes (4 juin 1791 ) :

« L'usage de tous actes tendans à empêcher ou à suspendre l'exercice de la justice criminelle, l'usage des lettres de grâce, de rémission, d'abolition, de pardon et de commutation de peine, sont abolis pour tout crime poursuivi par voie de jurés. » ( Art. 13, titre VII du code pénal.)

(Voyez plus haut, page 23 et suivantes, les observations de MM. Buzot et Duport sur l'insertion de cet article dans l'acte constitutionnel.)

Les autres dispositions contenues dans le projet furent admises ou modifiées sans discussion remarquable; la délibération, qui ne se termina qu'en septembre, avait été interrompue par les événemens des mois de juin et de juillet.

PROJET DE DISPOSITIONS CONTRE LE DUEL.

Le projet du code pénal présenté par les comités contenait plusieurs articles sur le duel; on ne crut pas devoir les soumettre à la délibération : le résultat d'une conférence tenue dans les comités, où s'étaient rendus un grand

nombre de membres de l'Assemblée, fut que le caractère français rendait inutile, dangereuse et impraticable une loi sur le duel. Voici ces articles, avec la note qu'y avait jointe le rapporteur :

« 1°. Quiconque sera convaincu de s'être battu en combat singulier, après un cartel donné ou accepté, ou par l'effet d'une rencontre préméditée, sera puni ainsi qu'il suit, soit qu'il résulte ou non quelques blessures dudit combat.

» 2°. Le coupable sera attaché à un poteau sur un échafaud élevé dans la place publique ; il y demeurera exposé aux regards du peuple pendant deux heures, revêtu d'une armure complète.

(Note du rapporteur.) « L'usage des duels a survécu à l'institution antique et aux verius de la chevalerie.

» Il en était l'abus, de même que la chevalerie errante en était le ridicule.

» Emprunter ce ridicule pour en faire la punition de l'abus est un moyen plus répressif que ces peines capitales prononcées vainement contre ce crime par un roi tout puissant, peines atroces et inefficaces tout ensemble, qui, pas une seule fois, n'ont empêché de le commettre, et qui si rarement ont été appliquées contre ceux qui s'en étaient rendus coupables.

» 3o. Ladite exposition aura lieu dans les villes qui sont déterminées aux titres des peines, et tout le surplus des dispositions portées aux mêmes titres seront également observées.

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4°. Le coupable sera ensuite conduit à la maison publique où sont gardés les insensés et les furieux, la plus voisine de la ville dans laquelle aura été convoqué le juré d'accusation; il y demeurera enfermé pendant deux années.

» 5o. Les effets de cette peine seront les mêmes que ceux qui suivent la peine de la prison et qui sont déterminés aux titres des peines.

» 6°. La réhabilitation des condamnés pourra avoir lieu dans les mêmes délais et dans les mêmes formes que pour ceux qui

ont été condamnés à la peine de la prison suivant ce qui est prescrit aux titres des peines.

» 7°. Si l'un des combattans perd la vie par l'effet dudit combat le survivant subira la peine de douze années de cachot. >>

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FIN DU SIXIÈME VOLUME.

Nota. LA TABLE des matières est au commencement du volume. La table générale et analitique, qui sera suivie d'une notice biographique sur chaque orateur cité, sèra placée à la fin de l'ouvrage.

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