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électorales à titre de banqueroutier sans présenter la conviction légalement acquise qu'il est convaincu de banqueroute, et vous ne pourriez l'en convaincre que par une preuve criminelle; dès lors il serait sous le coup de la condamnation pénale: il n'est donc pas question des banqueroutiers. Quant aux faillis simples il est indubitable qu'il en est un grand nombre qui sont non seulement excusables, mais qui méritent d'être plaints; car il est des faillites qui ne portent véritablement aucune atteinte à la probité du failli: celui, par exemple, que la banqueroute criminelle d'un homme avec qui il serait lié d'affaires aurait entraîné dans sa chute, ou dont la faillite aurait été déterminée l'incendie des magasins renfermant toutes ses propriétés commerciales, serait un homme à qui on ne pourrait faire aucun reproche; et il y a beaucoup d'accidens, tant physiques que moraux et sociaux, qui entraînent la faillite simple.

»

par

Quand nous arrivons à l'insolvabilité, qui n'est plus la faillite des commerçans, mais celle de tous les citoyens ; lorsqu'un citoyen est réduit à l'état d'insolvabilité par des événemens politiques ou autres qui ne procèdent pas évidemment de sa faute, comme cela est fréquent, il paraît impossible qu'une loi générale transporte de la banqueroute à la faillite, de la faillite à la simple insolvabilité une disposition véritablement dégradante, et qui équivaut à la dégradation civique.

» Ainsi donc quand une loi est susceptible comme celle-ci d'un grand nombre d'injustices particulières dans son application, qu'elle est nécessairement modifiable sous beaucoup d'aspects, il est impossible d'en faire au milieu d'une nation immense comme la nôtre une disposition constitutionnelle qui enlève l'exercice des droits politiques ; ainsi, messieurs, nous croyons que le parti le plus sage est le retranchement absolu de cette disposition de l'acte constitutionnel.

» Et je réponds tout de suite à l'objection qu'on m'a dit avoir été faite hier qu'en la laissant dans la classe réglementaire ce serait abandonner aux législatures la fixation des droits de citoyen actif. Au moyen d'une simple explication cela ne blesse aucun principe effectivement les législatures

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ne doivent pas avoir le droit de créer des citoyens actifs contre les principes constitutionnels fixés; mais ici c'est une exclusion que vous avez prononcée; elle procède de vous, corps Constituant; si en revoyant votre constitution vous êtes convaincus qu'il ne faut pas sanctionner imperturbablement une pareille disposition, mais la laisser dans les lois réglementaires, vous déléguez en quelque sorte à la législature le droit de pouvoir examiner l'effet de cette loi, et son pouvoir se réduira à la relever de la suspension que vous aurez ordonnée. Vous remettrez à la législature à décider, après de mûres considérations et après l'essai de la loi, si elle peut mériter des modifications; or ces modifications ne peuvent être que favorables aux droits politiques et aux droits de cité, puisqu'elles ne peuvent consister qu'à rétablir dans l'exercice de ces droits ceux que vous en avez privés momentanément. C'est là le parti évidemment le plus sage, celui que la stricte équité ordonne, celui que la politique commande à une grande nation; et si vous vous déterminez à laisser l'article dans l'acte constitutionnel, nous sommes encore unanimement d'avis qu'il ne serait susceptible d'aucune espèce d'amendement, et qu'il faudrait l'y admettre tel que le comité le présente. Je vous prie, monsieur le président, de mettre aux voix si l'Assemblée veut le renvoyer aux articles réglementaires ou le comprendre dans l'acte constitutionnel.

» Je prie l'Assemblée de vouloir bien m'entendre sur une seconde partie de la disposition qui m'était échappée, et dont on demande le rétablissement dans la Constitution ; c'est le décret qui concerne les enfans. Je m'étais proposé depuis longtemps, et indépendamment de l'occasion qui se présente ici, de vous faire part d'une observation importante relativement à ce décret. Il a un inconvénient que vous n'avez pas prévu, que vous n'avez pas entendu, et qui a donné lieu jusqu'à présent à des abus intolérables; c'est qu'il a un effet rétroactif. D'après ce décret des enfans qui n'ont plus le bien qu'ils ont reçu de leur père, et qu'aucune loi ne leur défendait d'accepter ou ne les forçait à rendre, sont

irrévocablement privés de leurs droits. Voici, messieurs, l'effet du décret.

» Il y a vingt ans un père a fait faillite; il a tout abandonné à ses créanciers. Son fils a aussi abandonné ce que la loi lui assurait; mais depuis il a travaillé, il s'est marié, il a reçu une dot, des successions collatérales : il aide son père, il le secourt, il le nourrit, et quand la mort le lui enlève il recueille un petit mobilier dont il ne fait point inventaire, et que le père n'avait formé qu'avec les bienfaits du fils. A l'instant où votre décret a été rendu il s'est trouvé privé des droits de citoyen parce que son père est mort insolvable, et qu'à sa mort il a hérité de lui. Il y a beaucoup d'exemples de ce que je vous dis là, et vous n'avez point rendu de décret sur lequel il soit venu plus de mémoires mieux motivés. Vous ne pourriez éviter de pareilles injustices qu'en fixant l'époque de l'exécution de votre décret au 22 du mois de décembre. Il y a donc un vice radical dans ce décret; c'est l'effet rétroactif.

» Maintenant je passe au fond du décret. Un enfant a reçu de son père par un acte légal, inattaquable, des biens quelconques, et son père a postérieurement fait banqueroute aucune loi ne le forçait à abandonner aux créanciers de son père ce qu'il avait reçu; dira-t-on que cet enfant a perdu les droits civils?

>> On ne peut se jouer ainsi des droits des citoyens ; la Constitution ne peut être plus sévère que la loi; et il est inconséquent qu'un homme qui n'est pas sorti des droits civils soit exclu des droits politiques : cet article ne peut donc trouver place dans votre Constitution. Il ne faut pas non plus qu'on y voie un décret qui prive éternellement de ses droits politiques un citoyen de bonne foi que des malheurs inévitables ont plongé dans l'infortune; repoussez avec soin les banqueroutiers, mais ne frappez pas le malheur comme le crime. En laissant cet article parmi les décrets réglementaires vous né détruisez pas la loi, vous ne conférez pas aux législatures le droit de faire et de défaire des citoyens actifs, mais vous leur déléguez le soin de revoir un de vos

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décrets auquel vous reconnaissez que des modifications sont indispensables.

M. Guillaume. « Vous avez décrété le 22 du mois de décembre 1789 qu'aucun banquerouterier, failli, ou débiteur ipsolvable, ne jouirait de ses droits politiques; qu'il en serait de même des enfans qui auraient reçu et qui retiendraient une portion des biens de leur père mort insolvable, et que ces exclusions ne cesseraient d'avoir lieu qu'en payant, de la part des faillis, leurs créanciers, ou en acquittant, de la part des enfans, la portion virile des dettes de leur père. Maintenant on lit dans l'article 5 de la section II du premier chapitre du titre III du projet de Constitution qui vous est soumis : « Sont exclus de l'exercice des droits de citoyen actif ceux qui, après avoir été constitués en état de faillite ou d'insolvabilité, prouvé par pièces authentiques, ne rapporteraient pas un acquit général de leurs créanciers. » Ce changement apporté par vos comités dans la rédaction du décret du 22 décembre 1789 vous a paru hier d'une telle importance qu'après une longue discussion vous avez cru devoir ajourner à ce matin votre délibération. On critique en effet en sens contraire la mesure de vos comités : les uns voulent qu'on rapporte le décret sur les faillis; les autres demandent au contraire qu'en le maintenant on conserve également la disposition relative aux rétentionnaires des biens de leur père insolvable ceux-ci désirent que ces deux lois soient comprises dans l'acte constitutionnel; ceux-là, et M. le rapporteur vient de se ranger de leur bord, ceux-là, dis-je, prétendent reléguer ces décrets dans la législation.

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» Quelques réflexions suffiront pour répondre aux objections de M. Thouret et des préopinans dont il a adopté l'avis. Après l'agriculture le commerce est sans contredit la source la plus féconde de la population, de la puissance et de la prospérité de ce beau royaume; or qu'aurions-nous fait pour le commerce, et conséquemment pour l'État, si, loin de réprimer la mauvaise foi des banqueroutiers, nous permettions l'exercice des droits politiques à ceux qui n'auraient pas rempli leurs engagemens?

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La confiance est la base du négoce : vous poserez cette base avec une inébranlable solidité lorsque vous avertirez le capitaliste forcé de confier ses fonds aux commerçans, à l'étranger qui trafique avec lui, que si ce dépositaire de sa fortune la lui fait perdre par sa mauvaise foi ou même par son indiscrétion il perdra encore le plus beau titre dont un homme puisse s'honorer, le titre de citoyen français. M. le rapporteur a objecté que cette loi aurait besoin d'être modifiée, en ce qu'elle confondait le malheur avec le crime, et déshonorait également le simple failli et le banqueroutier. D'abord ce n'est pas une tache que vous avez voulu imprimer aux citoyens dont vous avez cru devoir suspendre les droits politiques; on ne peut pas prétendre, par exemple, que vous ayez voulu flétrir des accusés qui pourront sortir des tribunaux avec tous les honneurs d'une justification complète.

» En second lieu la privation que vous imposez aux faillis ne doit avoir lieu qu'autant qu'ils ne rapporteront pas une quittance intégrale; or lorsqu'un débiteur honnête, mais malheureux, exposera à ses créanciers des pertes réelles qui n'auront été occasionnées par aucune faute de sa part; quand l'humanité, la religion parleront en sa faveur, nous ne devons pas assez mal présumer du peuple que nous avons l'honneur de représenter pour croire que dans ce cas il existera un seul Français assez barbare pour refuser à cet infortuné de le réintégrer par une quittance finale dans la plénitude de ses droits. Enfin, cette supposition ne fût-elle que le vœu d'une âme sensible, ne serait-il pas encore préférable que quelques malheureux fussent momentanément privés de leur activité que de voir la tourbe des banqueroutiers déshonorer nos assemblées primaires, et quelques-uns prétendre à l'honorable prérogative de représenter une nation qui a mis tant de fidélité à remplir ses engagemens!

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Mais, vous a-t-on dit encore, la loi ne sera pas générale; le négociant seul sera soumis à son application..... Dans l'ancien régime le respect ou la crainte qu'inspiraient certains individus empêchait qu'on ne constatât légalement leur insolvabilité, alors même que de fait elle était le plus

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