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que de prier, de jeûner, de fe mortifier, & de mener une vie reglée, fi aprés tout cela on n'a pas foin de faire l'aumône & d'affitter le prochain. Car David dit pofitivement que le propre du jufte est d'avoir de la compaffion, & de donner aux pauvres de fon propre bien. C'est donc par les charitez que font les chrétiens qu'on doit juger de leur juftice. Il ne faut pas s'arrêter aux paroles qui fortent de leur bouche, ni à quelques pratiques de devotion qu'ils embraffent fouvent par coû tume, ou par hypocrifie mais il faut voir s'ils font pleins de compaffion pour les pauvres, s'ils ont foin de les fecourir, & s'ils partagent avec eux leurs propres biens.

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Et qu'ils ne viennent point nous dire qu'ils n'ont pas le moïen de les affifter, & que leurs propres biens fuffifent à peine pour les faire eux-mêmes fubfifter. Car il feroit facile de leur répondre que s'ils avoient foin de fe reformer & de mortifier leurs paffions, comme on vient d'obferver que font les juftes, ils feroient toûjours affez riches pour donner l'aumône, & qu'ils ne trouveroient que trop de fuperflu dans l'adminiftration de leurs biens, qu'ils pourroient diftribuer à leurs freres.

Mais il faut paffer plus avant & leur dire avec les faints Peres qu'il y a p'ufieurs manieres de faire l'aumône, & que fi une ne leur convient pas, ils doivent fe reduire aux autres. On peut fecourir le prochain, non-feulement en lui diftribuant de l'argent, mais en le protegeant, en le défendant contre fes ennemis, en le fe vint, en lui donnant confeil, & ́en lui rendant une infinité d'autres bons offices; & par confequent tous font en état de faire l'aumône & même les plus In hunc, pauvres : » Cet homme, dit S. Auguftin, werf. qui mene une vie pauvre, ne poffede au,, curs biens à l'exterieur:mais fon cœur eft plein de charité, & c'eft le propre de cette vertu de fe répandre & de fe communiquer fans s'épuifer. Si elle poffede des biens vifibles, elle les diftribuë tres-vo», lontiers; & fi elle n'en a point, elle témoigne de la bienveillance. Elle donne » confeil à ceux qui en ont befoin, & elle » fecourt ceux qui font foibles & infirmes. Et s'il arrive qu'elle ne puiffe donner ni » confeil ni fecours au prochain, elle defire » au moins de le faire, & elle prie pour ceux qui font dans l'affliction...

In Pf.l.

225.

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Ce Saint Pere enfeigne encore en plufi urs autres lieux, que prêter fes pieds, fes yeux, & les forces à celui qui ne peut

marcher, qui ne voit pas clair, & qui eft foible & debile, c'est une espece d'aumône tres-meritoire devant Dieu. Et en effet, folliciter les affaires & appuïer le bon droit de ceux qui ne font pas en état d'agir; conduire ceux qui font aveugles, & les mettre dans la voïe; porter ceux qui font eftropiez ou caffez de vieilleffe, c'eft quelquefois les obliger davantage que fi on leur donnoit de l'argent. C'eft pourquoi ce grand Docteur conclut que celui qui a le cœur plein de charité, eft toûjours en état de faire l'aumône au prochain: Habet femper unde det,cui ple- In hunc num pectus eft charitatis.

vers. Que tous les chrétiens foient donc perfuadez que rien ne les fçauroit difpenfer de l'aumône, & qu'en quelque mifere qu'ils puiffent fe trouver, ils font toûjours capables de la faire; parce qu'ils ont une infinité de moyens differens pour fecourir leurs freres, & que lors même qu'ils ne font pas en état de leur donner des habits, du bled, du vin, & d'autres provifions de cette nature, ils peuvent au moins prier pour eux, & leur témoigner de la bonne volonté.

Verfet. 23 Ceux qui beniffent le Seigneur auront la terre pour heritage, & ceux qui le maudiffent en feront exterminez.

Les chrétiens qui s'éloignent du bruit & du tumulte du monde, qui témoignent de l'indifference pour les biens & pour fes honneurs, & qui ne s'occupent qu'à louer & à benir le Seigneur, ne s'eftimeroient pas fort heureux, fi la terre que nous foulons de nos pieds étoit leur heritage, & fi tout leur bonheur le terminoit à la poffeder en paix. Et d'ailleurs nous voïons qu'ils en font fouvent privez, & qu'ils fe trouvent pour l'ordinaire reduits à une vie pauvre & humiliée, & que les impies & ceux qui maudiffent le Seigneur, bien loin d'en être exterminez, y dominent & y font les maîtres. Ainfi il faut reconnoître avec les faints Peres qu'il y a une autre terre qui attend les juftes, & qui fera leur recompenfe: & cette terre n'eft autre que celle dont parle David, lorfqu'il dit à Pfal. 141 Dieu: Tu es fpes mea, portio mea in terra viventium: Seigneur, vous êtes mon efperance, vous êtes mon partage dans la terre des vivans. C'est donc cette terre heureufe que les juftes doivent defirer; c'est aprés elle qu'ils doivent foûpirer; c'est elle feule qu'ils doivent avoir en vûë dans tout ce qu'ils font, & qu'ils entreprennent.

6.

Les gens charnels qui regardent ce

monde comme leur veritable patrie, travaillent de toutes leurs forces pour s'y établir, & pour s'y procurer toutes fortes de plaifirs. Et on ne s'en étonne pas : car ils difent dans la Sageffe: C'est là Sapir.7. nôtre fort & nôtre partage. Il faut au contraire que les juftes qui vivent ici-bas comme des pelerins & des étrangers, ne s'occupent que des biens de l'autre vie, qu'ils s'y preparent, & qu'ils faffent tous leurs efforts pour s'en rendre dignes, & pour en acquerir la poffeffion. Et comme en voïant les troubles, les inquietudes, & les empreffemens des mondains pour tout ce qui n'eft que temporel, on juge auffi tôt qu'ils appartiennent à la terre & qu'ils y font attachez; on doit auffi reconnoître par la paix, par la tranquilité, & par le defintereffement des juftes,qu'ils ne font plus de ce monde, & qu'ils n'y pretendent rien: & il faut qu'ils fe conduifent d'une maniere fi pure & fi fainte, que tout le monde foit convaincu qu'ils ont une autre patrie, qu'ils attendent un plus noble heritage, & qu'ils vivent déja dans le ciel, comme le dit le grand Apôtre.

20.

Verfet 24. Le Seigneur conduira les pas Thilip.3 de l'homme, & l'homme voudra fuivre la voïe du Seigneur.•

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