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Que tous les Chrétiens qui recitent Verfet,s'examinent donc fur ce point fi important à leur falut. Que les particuliers voyent fi dans les occafions que Dieu leur prefente, ils ont foin de parler pour la verité; s'ils la foûtiennent autant qu'ils en font capables; s'ils en inftruifent leurs freres; s'ils les avertiffent de leur devoir; s'ils leur font par efprit de charité une correction falutaire,lorfqu'ils tombent dans quelques déreglemens; s'ils s'oppofent avec force à ceux qui décrient la pieté en leur prefence, & qui font des railleries profanes des chofes faintes.

Que les Pasteurs de l'Eglife confiderent auffi s'ils témoignent toute la gene rofité neceffaire dans l'exercice de leurs fonctions; s'ils prêchent avec une fainte liberté les veritez que Dieu les a charge d'enseigner à leurs peuples; s'ils ne font point acception des perfonnes,lorfqu'il eft neceffaire de reprendre & de cenfurer les defordres qui s'élevent au milieu de leur troupeau; & s'ils peuvent dire, à l'exemple du grand Apôtre, à tous ceux qui font foûmis à leur conduite: Nous sommes purs & innocens A&t. 20; du fang de vous tous,parce que nous n'a- 26. vons point fui de vous annoncer toutes les volontez de Dieu.

Qui ne fe fert point de fa langue pour tromper. Ce ne font pas feulement les gens de mauvaise foi, & qui commettent des menfonges vifibles & apparens, qui fe fervent de leurs langues pour tromper, mais il y en a beaucoup d'autres;car tous ceux qui flattent les Grands qui leur donnent de vaines louanges, qui applaudiffent à tout ce qu'ils font, & qui juftifient toutes leurs entreprises, doivent ordinairement être regardez comme des trompeurs. Et en effet, ils parlent prefque toûjours contre leur confcience;ils condamnent dans le fecret de leur cœur ce qu'ils relevent à l'exterieur avec des paroles magnifiques; ils feduifent ceux à qui ils font la Cour ; ils leur perfuadent qu'ils ont plufieurs grandes qualitez que perfonne ne remarque en eux; ils les induifent en une erreur d'autant plus dangereufe. qu'elle leur plaît ; ils rempliffent leur efprit de vanité, & ils les font tomber dans la prefomption.

Cela étant ainsi, il eft certain que tous les fideles qui tendent à la Jerufalem celefte, ne doivent point fe plaire dans la compagnie de ces flatteurs, qui pour s'infinuer dans leur efprit, ne font point difficulté de bleffer la verité, en leur attribuant des vertus qu'ils ne poffe,

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dent point, & dont ils font fouvent treséloignez. Saint Jean Chryfoftome paffe même plus avant. Car il foûtient qu'ils font obligez de les fuir, & de les regargarder comme leurs veritables ennemis, & peu s'en faut qu'il ne leur ordonne de les hair. S'il étoit permis à des "87. in Chrétiens, dit-il, d'avoir de l'averfion "Matth. de quelqu'un, ils en devroient plûtôt “ avoir de ceux qui les loüent, & qui les Aattent,que de ceux qui les offenfent & qui les deshonorent ; parce que les flatteries font beaucoup plus dangereufes que les injures, & qu'à moins qu'on ne veilletres exactement fur foi-même, il est tres difficile de ne s'y laiffer prendre. Verfet 4. Qui ne fait mal à perfonne,& qui ne prête point l'oreille aux difcours qui deshonorent fon prochain.

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Qui ne fait mal à perfonne. Saint Ba- In hune file remarque tres-judicieufement qu'il Pfal.,

eft tres-rare de trouver des Chrétiens qui obfervent exactement ce precepte, & qui ne faffent jamais aucun mal au prochain. On en voit à la verité plufieurs qui ne voudroient pas ôter la vie à leurs freres, leur enlever leur troupeaux, leurs heritages & leurs autres biens; fe vanger d'eux d'une maniere fcandaleufe, ni les opprimer à force ou

verte. Mais où font ceux qui ne bleffent jamais leurs droits par quelque adreffe & par quelque fubtilité, qui ne les of fenfent point par des paroles peu charitables, qui ne diminuent jamais leur reputation par des difcours inconfiderez, qui pour fuivre leur paffion & pour contenter leur animofité ne parlent point d'eux avec trop de chaleur & en des termes trop aigres, qui ne foient pas bien aifes d'augmenter leur propre autorité en diminuant la leur, qui ne portent point d'envie à leur bonne fortune, qui ne leur fouhaitent jamais aucune difgrace, & qui ne fe réjouiffent point lorfqu'il leur en arrive? Il faut cependant être exempt de tous ces défauts pour pouvoir dire qu'on ne fait point de mal à fon pro. chain. Et par confequent on a droit de conclure qu'il y a tres peu de perfonnes qui obéïffent à la voix du Prophete, & qui n'ayent point fujet de s'humilier & de demander pardon à Dieu lorfqu'ils

recitent ce Verfet.

Qui ne prête point l'oreille aux difcours qui deshonorent fon prochain. On vient de reprefenter qu'il ne fuffit pas de ne point faire de grands outrages au prochain, & qu'on eft obligé d'éviter de l'offenfer dans les moindres choses. Il

faut maintenant dire qu'un jufte ne doit fe contenter de ne commettre aucupas nes offenfes contre fes freres, quelque legeres qu'elles puiffent être ; mais que la charité demande de lui qu'il s'oppofe aux méchans qui entreprennent quelque chose contr'eux, ou qu'au moins il témoigne qu'il n'approuve pas leur conduite, & qu'il la condamne. Et auffi le Prophete ne marque pas fimplement, que celui qui veut fe repofer fur la Montagne fainte du Seigneur ne dit point de mal de fon prochain; mais il ajoûte, qu'il ne prête pas même l'oreille aux difcours qui le deshonorent. C'est pourquoi que les Chrétiens ne s'imaginent pas être juftes ni innocens devant Dieu, dés qu'ils ne déchirent pas la reputation des autres fideles, & qu'ils ne publient point contre eux des calomnies; car ils font outre cela obligez d'arrêter le cours des médifances qu'on feme dans le public pour les décrier; & s'ils n'en ont pas le pouvoir, ils doivent au moins n'y prendre aucune part, & ne leur prêter point l'oreille; & s'ils en ufent autrement, ils pechent, & ils fe rendent trescoupables, comme nous le voyons dans les faints Peres de l'Eglife.

Saint Ambroise traitant de cette ma

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