qu'elle eft immortelle, foûpirent fans ceffe aprés l'éternité bien-heureuse, où tout eft ftable & permanent, & qui ne tombent point dans le défaut de la plûpart des gens du monde, qui paffent leur vie à la pourfuite des biens de la terre, qui font caduques & periffables. Il est donc jufte de conclure qu'il n'y a proprement que ceux qui fe regardent ici-bas comme des étrangers, qui n'ayent point reçû leur ame en vain, parce qu'ils fuyent les troubles & les embaras du fiecle, afin de fe donner tout entiers au fervice de Dieu, & pour avoir le loifir & la liberté de mediter fa Loi dans un faint repos. Mais pour ce qui eft des mondains qui ne travaillent que pour acquerir des richeffes, qui ne cherchent qu'à faire fortune, qui fuivent en toutes rencontres leurs paffions déreglées, qui accordent à leurs corps toutes fortes de plaifirs & de voluptez, qui font leur Dieu de leur ventre, qui mettent leur gloire dans leur propre honte, & qui n'ont de penfées & d'affections que pour Philipp. la terre, comme dit l'Apôtre, il eft évident qu'ils ont reçû leur ame en vain ; & il faut leur appliquer cette parole du Pfal. 52. Prophete: Omnis declinaverunt, fimul inutiles facti funt, non eft qui faciat ke 3.19. num, non eft ufque ad unum. Ils se sont détournez du droit chemin, & ils font auffi-tôt devenus inutiles; & il n'y en a pas un feul qui faffe le bien. DU PSEAUME XXXVI. T ERSET 19. Credo videre bona VE Je croi que je verrai lės biens du Seigneur dans la terre des vivans. Un Chrétien qui fe confidere ici-bas comme un pelerin & un étranger, ne court point après les honneurs & les dignitez du fiecle; il ne témoigne que de l'indifference pour tous les biens vifibles, il s'abîtient des joyes & des plaifirs que la plupart des hommes recherchent avec tant de foin, il vit dans une fainte trifteffe, il verfe continuellement des larmes, & fon cœur ne fait que pouffer des foûpirs. Les gens du mon de ne fçauroient comprendre la raifon d'une telle conduite, & ils méprifent ordinairement ceux qui la tiennent. Car, difent-ils, c'eft manquer de courage, & avoir le cœur mal placé que de ne s'efforcer pas de monter aux dignitez, & de ne travailler pas à s'élever dans le monde. Il ne faut pas negliger les biens temporels, ni les fuïr abfolument, parce qu'ils peuvent fervir à la vertu, & devenir la matiere d'une infinité de bonnes œuvres. Il n'eft pas défendu de goûter une joye honnête & des plaifirs innocens; fouvent même cela eft neceffaire, pour délaffer l'efprit & pour lui donner Ecclef.3. une nouvelle vigueur; & l'Ecriture nous le marque affez, puifqu'elle nous afsûre qu'il y a un tems de rire auffi-bien que de pleurer. 4. 'Joan. 18. 36. Ibid. 8. Mais le fidele dont nous parlons ne fait point d'attention à ces fortes de difcours. Il les rejette même avec indignation. Car il fçait que pour être grand devant Dieu, il faut s'humilier & s'aneantir, & que JESUS-CHRIST ayant dit que fon Royaume n'étoit pas de ce monde, & qu'il ne cherchoit point fa propre gloire, un Chrétien ne doit pas prétendre aux honneurs & aux grandeurs de la terre, ni avoir le defir de s'élever au deffus de fes freres, Il fçait que Nôtre Seigneur ayant donné fa malediction aux riches, & publié le bonheur des pauvres, fes Difciples font obligez de méprifer tous les biens vifibles & d'aimer la pauvreté. Il fçait que 6. le Prophete declare que ceux qui auront 129, femé ici-bas en verfant des larmes, recueilleront un jour à venir avec joye, c'eft-à-dire, que ceux qui auront paffé leur vie dans une fainte trifteffe, recevront dans le Ciel une ample confolation, felon la promeffe que Jesus- Math.s. CHRIST en a faite dans l'Evangile. Il fçait enfin, que nous n'avons point ici de Ville permanente, & que nous devons Hebræor. en rechercher une autre, où nous habiterons dans toute l'éternité, & où nous jouirons d'une felicité qui furpaffe tout ce que l'œil a jamais vû, l'oreille entendu, & le cœur de l'homme conçû. Il s'écrie donc : Credo videre bona Domini in terra viventium. Je croi que je verrai les biens du Seigneur dans la terre des vivans; c'eft ce qui me donne du dégoût pour tout ce qui n'est que temporel & paffager. Quand je penfe aux biens fouverains qui me font preparez dans le Ciel, je ne reffens plus d'ardeur ni d'empressement pour ceux de la terre. Quand je m'occupe de la joye que goûteront tous les habitans de la Jerufalem celefte, je ne fçaurois me refoudre à prendre part aux plaifirs & aux divertiffemens de Babylone. Quand je confidere qu'il y a dant l'autre monde des trônes preparez pour tous ceux qui auront 13.14. fui les bonneurs, qui fe feront humiliez & qui auront été petits à leurs propres yeux, je crains tout ce qui eft grand & qui a quelque éclat dans le monde, & je prens la refolution de me rendre vil & meprifable en prefence de tous les hommes, de mener une vie cachée, & de ne me manifefter qu'autant que j'y ferai obligé pour procurer la gloire de Dieu le falut du prochain. Obiens ineffables du Seigneur! biens immuables & éternels! ô biens qui comblez de joye tous ceux qui vous poffedent! biens qui rendez fouverainement beureux les citoyens de la fainte Sion, Qand eft-ce que je vous contemplerai, & que je pourrai vous voir à decouvert ? Helas! ce ne fera point pendant que j'habiterai cette terre étrangere, qui eft le fejour des hommes mortels, & que je ferai affis dans les tenebres & dans l'ombre de la mort. Venez, donc à mon aide, ô Seigneur mon Dieu; je vous attends avec impatience, & c'eft en vous feul que j'efpere. Mettez fin à mon exil & à mon banniffement; attirez moi au plûtôt à vous, car je languis ici bas; & rien ne fera capable de me confoler tandis que je ne jouirai pas de vôtre prefence adorable; introduisez-moi dans cette terre des vivans dont parle vôtre Prophete, don |