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ONZIE ME

SERMON.

SUR L'ETERNITE DE DIEV.

Prononcé dans l'églife françoife de Rotterdam le premier Dimanche de l'année

1724.

Vous, mes bien-aimés

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・vous n'ignorez pas qu'un jour est devant le Seigneur comme mille ans, & mille ans comme un jour. 2 Pierre III, 8.

Ous n'avons pu nous engager dans

Nou

la méditation des paroles, que vous venez d'entendre, mes freres, fans rappeller à notre mémoire cette miraculeufe nuée, qui conduifoit les Ifraélites dans le defert. Elle étoit toute rayonnante de lumiere d'un côté, & toute ténébreuse

de l'autre. (a) Les Juifs difent qu'elle étoit comme le trône & comme le char de triomphe de cet Ange, qui marchoit à la tête du camp d'Ifraël; de cet Ange, qu'ils appellent le Prince du monde, la Schekinah, la présence de la majefté divine, la divinité elle-même. N'examinons pas cette penfée. Je ne fais fi la colomne de nuée étoit le fiege de la divinité, mais elle en étoit un beau fymbole. Qu'eft-ce que la divinité par rapport à nous ? C'eft-ce qu'il y a de plus rayonnant de lumiere: c'eft en même temps ce qu'il y a de plus couvert de ténebres. Que les plus grands philofophes, que les génies les plus tranfcendants guindent leur méditation, prennent le vol le plus rapide, dont ils foient capables, pour pénétrer dans le fond de l'effence divine; plus ils feront d'efforts pour épuifer cet effrayant fujet, & plus ils en feront abforbés: plus ils approcheront des rayons de ce foleil, & plus ils en feront éblouis. Mais auffi que le génie le plus foible & le plus borné, cherche dans la méditation des grandeurs divines les connoiffances, dont il a befoin pour diriger fa foi, pour régler fes

(a) Voy. Rabbi Menachem in Parasch. Befchalec, Exod. 14, 19, fol, 63, édit, de Venife 5283.

mccurs, pour adoucir les miferes qu'il éprouve dans cette vallée de larmes, il fera l'heureuse expérience du Prophête : L'a-t-on regardé? On eft tout éclairé (b).

La divinité fe préfente aujourd'hui à vos yeux comme autrefois aux Ifraélites dans ce merveilleux phénomene. Lumiere d'un côté, ténebres de l'autre. Mille ans devant le Seigneur font comme un jour, & un jour comme mille ans. Que les plus grands philofophes, que ces êtres extraordinaires, dans la formation defquels Dieu femble avoir uni un corps humain à une intelligence angélique, prêchent à notre place qu'ils expliquent à fond les paroles de mon texte. De quels abîmes d'exiftence l'être parfait puife-t-il cette durée, qui fe répand également fur le présent, fur l'avenir & fur le paffé? Comment concevoir une continuation d'exiftence fans

concevoir une fucceffion de temps? Comment concevoir une fucceffion de temps, fans concevoir que celui qui la fubit, acquiert ce qu'il n'avoit point encore? Comment affirmer que celui qui acquiert ce qu'il n'avoit point encore, voit mille ans comme un jour, & un jour comme mille ans? Autant de

(b) Pleau. 34, 6.

questions, autant d'abîmes: obscurité, ténebres pour les pauvres mortels.

Mais fi vous vous bornez à vous convaincre de la vérité des paroles de mon texte; fur-tout fi vous voulez les envifager par rapport à l'influence qu'elles doivent avoir fur votre conduite, Vous allez voir la lumiere fortir de toutes parts, & il n'y a perfonne dans cette afferablée, qui ne puiffe les aborder avec confiance. C'eft auffi ce qui nous a animés à donner à notre méditation un fujet, qui fembloit d'abord devoir nous effrayer.

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Saint Pierre vouloit porter les chrétiens à la piété par l'idée de ce grand jour, où le monde doit être réduit en cendres, les nouveaux cieux & la nouvelle terre ouverts aux enfants de Dieu. Les libertins regardoient ce jour comme une chimere: Où eft la promeffe de l'avénement du Seigneur, difoient-ils, car depuis que les peres fe font endormis, toutes chofes fubfiftent comme elles étoient depuis le commencement de la création ( c ) ? Les paroles de mon texte font une réponfe à cette objection. Idée, que nous développerons bien-tôt, mais que vous devez

(c) 2 Pier, 3, 4. &c.

avoir, du moins d'une maniere vague, préfente à l'efprit, fi vous voulez nous fuivre: dans ce difcours, où nous fouhai→ terions d'embraffer toutes les différentes vues de l'Apôtre. Pour cela trois chofes font néceffaires.

.. I. Nous examinerons notre texte en lui-même, & nous tâcherons d'établir cette propofition; Qu'un jour est devant le Seigneur comme mille ans, & mille ans comme un jour.

II. Nous prouverons ce que nous avons avancé C'est que le but de faint Pierre, dans ces paroles, étoit de repouffer l'ob jection des libertins contre le dogme de l'embrafement du monde ; & nous ferons voir qu'elles rempliffent parfaite

ment ce but.

III. Enfin nous tirerons de ce dogme, mis à couvert contre les objections des libertins, les motifs à la piété, que l'Apôtre nous y préfente.

En envisageant ces paroles fous ce point de vue, nous vous ramenerons aux circonftances où vous vous trouvez, dans lefquelles le renouvellement de l'année qui n'eft à le bien prendre, que l'anniverfaire de la vanité de notre vie, nous appelle à nous détacher de la terre. Et qu'y a-t-il de plus propre à produire ce

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