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DICTIONNAIRE

DE

LA CONVERSATION

ET DE LA LECTURE.

CUBA, la plus grande des Antilles, la plus belle des colonies que les Espagnols soient parvenus à sauver du naufrage de leur ancienne puissance, est située entre la mer du Mexique et l'ancien canal de Baharna, du 76° 30′ au 87° 18' de longitude occidentale, et du 19° 48' au 23° 11' de latitude septentrionale. Sa plus grande étendue est de 100 myriamètres, avec une largeur moyenne de 11 myriamètres, et un développement de côtes d'environ 370 myriamètres, dont les points faisant le plus saillie sont : à l'ouest, le cap San-Antonio; au sud-est, le cap de la Cruz, et, tout à l'extrémité orientale, le cap Maysi. Le détroit de Yucatan sépare cette île de la terre ferme du Mexique; le détroit de la Floride la sépare de la presqu'île du même nom, dans l'Amérique septentrionale, et le canal du Vent de l'île d'Haïti. Elle est située à peu près à égale distance de ces trois contrées, et La Havane, dans la partie occidentale de sa côte septentrionale, où viennent aboutir diverses grandes voies commerciales, l'entrepôt naturel entre Vera-Cruz et la NouvelleOrleans, est l'un des meilleurs ports de toute l'Amérique et F'une des premières places de commerce du monde.

Ses côtes, généralement plates et pourvues d'excellents ports, mais bordées aussi, en beaucoup d'endroits, de récifs, de bancs de sable et d'ilots, qui en rendent l'accès difficile, entourent une superficie totale d'environ 1177 myriamètres carrés, et même de 1238 myriamètres si on y comprend au sud l'ile des Pins (Pinos) et les autres petites îles qui en dépendent. Les baies les plus considérables de Cuba sont celles de Nipe et de Nuevitas, sur la côte septentrionale, de Guantanamo et de Cienfuegos (Jagua), sur la côte méridionale. Les plus importants Ilots qui l'avoisinent sont la suite d'écueils des Colorados et les iles Romano au nord, Pinos et les Cayos de las doce leguas au sud. A l'ouest, Fintérieur de l'ile est une contrée montagneuse, que dominent quelques crêtes d'une certaine hauteur, par exemple le Pico de Matanzas (394 mètres), les Tetas de Managua, la Mesa de Mariel et le Pico de Guayabon (780 m.), et à l'extrémité occidentale les montagnes de la Sierra de los Organos. Dans la partie centrale de l'ile, de hautes chatnes, telles que la Sierra Camarioca, les Lomas de San-Juan (C66 m.), etc., avec leurs sommets dénudés, se rapprochent de la côte méridionale, et offrent sur leurs deux versants des parois déchirées par les nombreuses anfractuosités d'une masse calcaire, de formation récente, analogue au calcaire jurassique. A l'est de la plaine de Principe, ville située au centre de Cuba, le terrain va toujours en s'élevant davantage; et

DICT. DE LA CONVERS.

T. VII.

les plateaux proprement dits commencent avec la Sierra de Carcamessas, parallèle à la côte septentrionale. Cette con trée atteint son point culminant dans les sierras de la côte méridionale, entre le cap de la Cruz et le cap Maysi; sierras qui se composent, en allant de l'ouest à l'est, de la Sierra de Tarquino (2800 m.), de la Sierra del Cobre (Montagnes de Cuivre) et de la Sierra de los Cuchillos.

Le sytème d'irrigation de l'île est assez riche, mais sans de larges proportions. Parmi le petit nombre de cours d'eau navigables, le plus important est le Rio Cauto, qui prend sa source dans les Montagnes de Cuivre et traverse au sudouest la vallée de Bayamo; au nord, la Sagua grande et la Sagua chica.

Le climat d'une île montagnense, voisine du tropique, ne peut en général qu'être fortuné. On indique comme teinpérature moyenne, à La Havane, 20° centigrades, et à SantIago 21°,6. La température moyenne du plus chaud mois de l'année est pour la première de ces villes 22° et pour la seconde 23°5. La plus basse pour La Havane est de 17°1/2 et pour Sant-Jago de 18°,5. Les mois les plus chauds, juillet et août, seraient insupportables, à cause de la chaleur étouffante qu'on y éprouve, si elle n'était pas diminuée par les vents de mer. Les contrées voisines des côtes sont plus ou moins exposées à la fièvre jaune, qui s'attaque surtout aux étrangers; mais l'intérieur de l'ile est fort sain. Les côtes méridionales sont plus exposées aux tremblements de terre et à de violentes tempêtes que les autres parties de l'ile; cependant, ces fléaux y sont bien moins dévastateurs que dans le reste des Antilles. Si le sol n'est pas partout très-fécond, du moins l'humidité océanique et le soleil tropical y développent généralement la plus luxuriante végétation et y favorisent la culture des plus riches produits. Le sucre, le café, le coton, le tabac, le cacao, l'indigo, le maïs et le riz, les fruits de toutes espèces, les bois les plus précieux, tels que l'acajou, le cèdre, etc., y croissent en abondance. Le règne animal n'y offre point les hôtes

dangereux des endroits déserts, mais, en revanche, tous les animaux domestiques de l'Europe; il y a cependant fort peu de moutons. On rencontre quelques caïmans à l'embouchure des cours d'eau ; des tortues, des coquillages et des poissons de tout genre, sur les côtes. En fait de minéraux, l'or du sol d'alluvion a perdu son antique célébrité. On extrait peu d'argent, mais beaucoup de cuivre, surtout au sud. On rencontre de la houille à peu de distance de Guanabacao, et, en outre, diverses espèces de pierres précieuses. La présence de sources minérales, telles que celles de San-Diego, de Madru

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ga, de Guanabacao, etc., trahissent l'action de forces souterraines.

La population, si on réfléchit qu'une grande partie du sol de Cuba est inhabitable, ne laisse pas que de paraître considérable, quoique groupée sur certains points seulement. Le dernier recensement donne au département de l'ouest (chef-lieu, La Havane) 244,109 blancs, 61,694 hommes de couleur libres, et 227,813 esclaves: total, 533,616; au département central (chef-lieu, Puerto-Principe), 114,954 blancs, 34,115 hommes de couleur libres et 46,985 esclaves : total, 196,054 habitants; au département de l'est (chef-lieu, Santlago), 66,704 blancs, 53,417 hommes de couleur libres, et 48,961 esclaves: total, 169,082 habitants. En y comprenant 40,000 soldats, matelots et étrangers de passage, la population totale de l'ile est de 938,752 âmes, dont 425,767 blancs, 149,226 hommes de couleur libres, et 323,759 esclaves. Sur la population fixe, 311,435 habitants habitent 13 villes, 8 bourgs, 102 villages, 14 hameaux et 102 métairies isolées; 587,316 sont répartis sur 1442 plantations de sucre, 1670 plantations de café et 102 plantations de tabac, ainsi que sur d'autres exploitations rurales. Il en résulte que les travaux agricoles et l'élève du bétail occupent la grande majorité de la population, surtout dans les fertiles contrées de l'ouest. Dans tout ce pays, jusqu'au sud-est de La Havane, on dirait d'un immense jardin.

Les habitants de Cuba consomment peu et ont peu de besoins; l'excédant de leur production sert donc à alimenter un commerce dont l'activité est l'une des principales causes de l'état florissant de leur agriculture, tandis que leur industrie, demeurée sans importance, est limitée aux seuls objets d'indispensable nécessité. D'après les dernières publications officielles, la valeur des marchandises importées en 1849, non compris celles laissées en entrepôt, avait été de 23,320,460 piastres; et l'exportation de 22,436,556 piastres. Cette dernière comprenait 1,099, 884 1/4 caissons de sucre (à 200 kilog.), d'une valeur de 15,559,744 piastres; 246,570/4 tonnes de mélasse, d'une valeur de 1,470,202 piastres; 11,640 pipes de rhum, d'une valeur de 232,796 piastres; 877,636 arrobes de café, d'une valeur de 877,636 piastres; 4,019,133 livres de tabac en feuilles, d'une valeur de 501,055 piastres; 123,720 milliers de cigares, d'une valeur de 1,236,762 piastres; 583,310% quintaux de cuivre brut, d'une valeur de 1,459,981 piastres; 35,691 arrobes de cire, d'une valeur de 134,980 piastres; 253,367 gallons de miel, d'une valeur de 48,103 piastres; 2,946 arrobes de coton, d'une valeur de 7,366 piastres; produits divers, valeur de 367,896 piastres; métaux (vieux cuivre), or et argent monnayés et marchandises venues par mer, valeur de 540,029 piastres. Contrariée par une extrème sécheresse, la récolte de 1849 avait été bien moins abondante que de coutume. L'importation laissée à l'entrepôt de La Havane s'élevait à 1,869,481 piastres. Sur un mouvement total d'entrée et de sortie de 62,078,045 piastres, La Havane figurait pour 34,431,623 piastres; Matanzas pour 16,110,080 piastres; Sant-Iago de Cuba, pour 4,956,841; Trinidad, pour 1,792,846; Cienfuegos, pour 1,653, 372; Cardenas, pour 997,795; et dix autres petits ports pour le reste. En 1849 le nombre total des navires entrés dans les seize ports de Cuba avait été de 3,213, dont 877 sous pavillon espagnol et 1,639 sous pavillon américain. Dans le courant de la même année il en était sorti 2,866, dont 87 espagnols et 1,471 américains.

Des services de bateaux à vapeur entretiennent des communications régulières entre les différents ports, et la construction de chemins de fer dans l'intérieur est en rapide progrès. Le plus important est celui qui conduit de La Havane par Guines jusqu'à l'Union, avec embranchements sur Batabano, ce qui met la côte septentrionale en communication avec la côte méridionale, et sur Guanajay. Celuici n'a pas moins de 14 myriamètres de développement. Des chemins de fer partent, en outre, des ports de Matanzas,

Cardenas et lucaro, dans différentes directions de l'intérieur, et se rattachent entre eux, de même qu'avec le chemin de fer principal, par des embranchements. La construction du chemin de fer conduisant de Nuevitas à Puerto-Principe avance, mais lentement. Le petit chemin de fer de Sant-Iago de Cuba aux mines de cuivre en a singulièrement facilité l'exploitation, de même que les autres sont d'un grand secours pour le transport des produits des plantations jusqu'aux ports d'embarquement. Au 1er janvier 1850 près de 40 myriamètres de chemins de fer étaient déjà livrés à la circulation, et il y en avait 11 en voie de construction, entre autres celui de Cienfuegos à Villaclara. L'emploi de la vapeur comme moteur va d'ailleurs toujours en augmentant : sur 1,422 sucreries, 288 marchaient à l'aide de machines à vapeur.

Ces faits et d'autres encore, qui sont le résultat des efforts du commerce, prouvent quels rapides progrès la civilisation a faits parmi les habitants de cette ile; et que, doués d'un caractère plus vif et plus mobile, ils sont bien autrement avancés que la population de la mère-patrie. Ils se distinguent, en outre, par diverses autres bonnes qualités, entre autres par une grande hospitalité et par la manière humaine dont ils en agissent avec leurs nègres.

L'administration a pour chef le gouverneur de La Havane, en sa qualité de gouverneur ou de capitaine général de toute l'île, laquelle est diversement divisée, suivant les différents intérêts administratifs. Au point de vue civil, elle forme les deux provinces de La Havane et de Cuba; au point de vue militaire, elle est partagée en trois départements : ceux de l'est, du centre et de l'ouest; en ce qui est des finances, elle constitue les trois intendances de La Havane, de PuertoPrincipe et de Sant-lago-de-Cuba; pour la marine, on la partage en cinq provinces: La Havane, Trinidad, Remedios, Nuevitas et Cuba; enfin, en ce qui concerne le spirituel, elle forme l'évêché de La Havane et l'archevêché de Cuba. La situation financière de cette colonie s'est singulièrement améliorée dans ces dix dernières années. En 1849 les revenus publics s'y élevaient à 12,664,328 piastres, dont 5,238,094 pour droits d'entrée, 584,477 pour droits de sortie, et €06,687 piastres pour droits de tonnage. Après avoir, jusqu'au commencement de ce siècle, exigé constamment des sacrifices de la part de la mère-patrie, on calculait, en 1850 que le produit net annuel tiré de Cuba par le trésor d'Espagne n'était pas au-dessous de 37,500,000 fr. L'époque actuelle est surtout redevable de ce magnifique développement de prospérité aux efforts de l'intendant Panillos, comte de Villanueva, né à Cuba et placé depuis 1825 à la tête de l'administration financière de la colonie. Les changements de gouverneurs ou capitaines généraux sont d'ailleurs très-fréquents à Cuba.

Les principales villes de Cuba sont : La Havane, avec 129, 994 habitants; Sant-Iago-de-Cuba, avec 24,005 habitants; Puerto-Principe, avec 19,168 habitants; Matanzas, avec 16,986 habitants; Trinidad, avec 13,222; SantoEspiritu, 7,425; Villaclara, 5,837; Guanabacoa, 5,819.

L'ile de Cuba (ainsi l'appelaient les naturels) fut aperçue pour la première fois le 28 octobre 1492, par Christophe Colomb. Il lui imposa le nom de Janua, qu'elle ne conserva pas plus que celui de Fernandina, que lui donna plus tard Vélasquez. En mourant, Christophe Colomb croyait encore qu'elle formait la saillie la plus orientale du continent américain; cette opinion ne fut détruite qu'en 1508 à la suite d'une expédition de circumnavigation entreprise par Sébastien Ocampo, sur l'ordre qu'il en reçut d'Ovando. En 1511, Diego Colomb chargea Diego Velasquez, l'un des premiers compagnons de son père et alors gouverneur de la partie sud-ouest d'Hispaniola (Saint-Domingue), d'en faire la conquête, qui, après une courte résistance opposée par un chef d'Indiens nommé Hatouey, s'opéra sans autre obsiacle. Vélasquez divisa toute l'ile entre un certain nombre

CUBA

J'aventuriers espagnols, et y bâtit, en 1512, la ville de Baracoa. Dans l'espace de quelques années, il y fonda encore cinq ou six autres villes. Il y favorisa l'importation des nègres, établit des communications régulières avec le Mexique, obtint le titre de capitaine général de Cuba et de toutes les conquêtes qu'il pourrait faire ultérieurement, et était parvenu dès l'année 1520 à mettre l'île dans un état trèsflorissant. Après la mort de Vélasquez, arrivée en 1524, ses successeurs s'efforcèrent de développer la prospérité naissante de la colonie; et ils y réussirent, grâce surtout à la manière humaine dont ils continuèrent à traiter les Indiens. Il n'en fut plus de même lorsqu'en 1539 Ferdinand Soto eut été nommé capitaine général de Cuba, avec mission d'entreprendre la conquête de la Floride; et quoiqu'en 1538 il recontruisît La Havane, détruite par des corsaires français, le changement opéré par lui dans les relations avec les indigènes porta un coup fatal à la colonie.

En effet, dès 1560 la race indienne en avait complétement disparu. L'admirable position de La Havane et l'excel· lence de son port purent seules préserver cette colonie du sort des autres Antilles, et y maintenir quelque peu de commerce et de culture. Mais la partie orientale de l'ile alla toujours en dépérissant davantage. Sant-Iago, l'ancien cheflieu, fut abandonné par toute la partie aisée de la population et par les fonctionnaires publics, qui vinrent successivement s'établir à La Havane. On entoura cette ville de fortifications; et en 1633 on finit même par en faire le siége d'un gouvernement particulier. Dans de telles circonstances, il était naturel que Cuba, jouissant de plus de prospérité que les autres Antilles, en proie pour la plupart à une misère toujours croissante, devint plus particulièrement l'objet des déprédations des flibustiers, dont les entreprises étaient favorisées par les nombreux flots et récifs qui bordent ses côtes. La Havane, place fortifiée, était sans doute à l'abri de leurs insultes; mais le reste de l'île eut beaucoup à en souffrir dans le cours du dix-septième siècle. C'est ainsi qu'en 1688 la ville del Principe fut complètement pillée et détruite.

L'établissement d'un impôt territorial à Cuba dès les premières années du dix-huitième siècle témoigne déjàd'une certaine aisance existant chez une population au sein de laquelle l'éloignement de la mère-patrie développait de plus en plus quelque chose d'individuel. Comme le petit nombre de plantations existantes appartenaient aux riches habitants des villes, l'éducation du bétail constitua longtemps la principale occupation des habitants des campagnes; ce ne fut donc qu'assez tard qu'ils entreprirent la culture du tabac, qui peut se faire sans esclaves. Cette industrie devint bientôt si productive, que dès 1717 le gouvernement s'attribuait le monopole de la vente du tabac. Cette mesure devint immédiatement le signal d'une suite de révoltes; mais elles furent comprimées, et le monopole triompha. Il en résulta que la contrebande, qui déjà se faisait avec la Jamaïque, prit alors des proportions immenses, de sorte qu'il fallut de nouveau sévir contre les fraudeurs. De là de fréquentes collisions avec les Anglais. La guerre de 1740 mit quelques entraves au commerce de la contrebande; mais la paix ne fut pas plus tôt rétablie qu'il reprit de plus belle ce qui engagea le gouvernement à affermer, comme moyen terme, le monopole à quelques négociants de Cadix.

La reprise des hostilités entre l'Angleterre et l'Espagne détermina les Anglais, après la conquête de la Martinique, à entreprendre une expédition contre La Havane avec une flotte de 44 bâtiments aux ordres de l'amiral Pococke et 12 à 15,000 hommes de troupes de débarquement commandées par Albermale. Après un mois de résistance, le gouverneur Juan de Prado de Porto-Carrero dut capituler, le 13 août 1762. Les Anglais prirent possession de la ville et de la contrée environnante, et y proclamèrent la liberté du commerce; mais à la paix de 1763 ils échangèrent leur con

3 quête contre la possession de la Floride. Cette courte occupation eut cependant les résultats les plus importants; il fut désormais impossible au gouvernement espagnol d'y rétablir l'ancienne législation commerciale. Il se vit forcé en 1765 d'accorder à La Havane la liberté du commerce avec l'Espagne; c'est à cette mesure qu'il faut attribuer le rapide développement que prit la colonie, La Havane surtout, qui à partir de 1773 devint le grand marché à esclaves de toute l'Amérique espagnole. Les progrès en tous genres de la population allant toujours croissant, en 1777 Cuba fut érigée en capitainerie générale particulière. Après la lutte soutenue pour leur indépendance par les colonies anglaises de l'Amérique du Nord, lutte à laquelle les Espagnols prirent aussi une part des plus actives, Nuevitas obtint l'autorisation de faire le commerce, et La Havane et Sant-Iago le droit de commercer librement avec les nations étrangères.

En 1790 le commerce des esclaves y fut également proclamé libre; aussi, grâce à ces mesures et à quelques autres encore, inspirées par le même esprit, la situation de la colonie devint-elle plus prospère que jamais, quand éclata la Révolution française, qui eut pour Cuba les résultats les plus favorables. Beaucoup de royalistes y émigrèrent de SaintDomingue; ils accrurent le nombre des esclaves, les connaissances et l'expérience des planteurs, qui pour la première fois essayèrent alors de cultiver le café. La cession d'Hispaniola attira aussi à Cuba un grand nombre de riches habitants, en même temps qu'elle détermina le gouvernement espagnol à transférer, en 1797, à Puerto-Principe le siége de l'audience de Santo-Domingo, c'est-à-dire le tribunal suprême des Antilles espagnoles. L'extension de plus en plus grande donnée à la culture du sol et au commerce avec les nations étrangères, de même que la prospérité toujours croissante de la colonie, en éveillant l'esprit d'indépendance au sein de la population, y développèrent aussi le germe déjà préexistant de discordes intérieures. Elles prirent pour la première fois un caractère menaçant quand les nègres ne craignirent plus d'affecter une attitude des plus hostiles visà-vis des blancs. En 1812 une grande insurrection éclata, sous la conduite d'Aponte, noir libre; et depuis lors les révoltes de nègres y ont été fréquentes. C'est ainsi que non-seulement en 1844, dans une insurrection des nègres aux environs de Matanzas, mais même en 1848, lorsque l'affranchissement des esclaves dans les colonies françaises des Indes occidentales eut par contrecoup provoqué une insurrection à Cuba, plusieurs milliers de nègres périrent victimes de la plus cruelle et de la plus impitoyable répression.

Depuis que l'Espagne a perdu ses colonies du continent américain, il est naturel qu'elle attache toujours plus de prix à la possession de Cuba. De là les nombreuses faveurs dont cette colonie a été l'objet de sa part. En 1816 le monopole du tabac y fut supprimé, et en 1818 on y proclama la liberté générale du commerce. On apporte d'ailleurs un soin extrême dans le choix des gouverneurs appelés à ce poste, aussi important que difficile. Il ne s'agit pas seulement en effet à Cuba de contenir une grande masse d'esclaves, excités, soutenus par l'Angleterre dans leurs aspirations à la liberté, mais encore de maintenir dans le devoir et la fidélité à la couronne les blancs, démoralisés par le système de l'esclavage, notamment la population créole. C'est là une tâche qui devient chaque année plus difficile, attendu que les créoles, animés pour la plupart de sentiments républicains, aspirent à l'indépendance, et en dépit de la différence de langue, de religion et d'origine, voudraient se réunir avec les États-Unis.

De leur côté aussi, les Américains du Nord appellent de leurs vœux l'annexion de l'île à l'Union, d'autant plus que l'Angleterre convoite aussi pour elle-même cette riche proie. Déjà en 1845 il avait été question dans le sénat, à Washington, d'acheter Cuba au gouvernement espagnol.

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En 1846 il se forma aux États-Unis une compagnie qui se chargea de réunir une somme de 200 millions de dollars pour acquérir Cuba. Ce ne furent pas des journalistes seuls qui s'y firent les avocats de cette annexion; il s'y constitua secrètement, mais d'accord avec les créoles de Cuba, des corps francs destinés à insurger la colonie et à la délivrer du joug espagnol. Déjà 1,500 hommes s'étaient réunis dans ce but à Round-Island, sous les ordres du colonel White, lorsque le gouvernement américain s'opposa à une entreprise si contraire au droit des gens. Malgré cela, il se forma à New-York une Junta promovedera de los intereses politicos de Cuba, qui manifesta l'intention d'employer tous les moyens licites pour assurer l'indépendance de l'ile. Elle comptait au nombre de ses principaux membres le général Narciso Lopez (né en 1798), vénézuélien d'origine, qui avait commencé par se distinguer dans les rangs de l'armée espagnole employée contre Bolivar, et qui était allé ensuite combattre les carlistes en Espagne. Élu plus tard membre des Cortès, la protection d'Espartero lui avait fait obtenir le poste de gouverneur de la Trinidad, qu'il avait perdu lors de la chute de son patron. Lopez tenta alors d'organiser à Cuba une conspiration contre le gouvernement espagnol; mais, dénoncé aux autorités, il put se réfugier aux ÉtatsUnis. Condamné à mort par contumace, il prit ensuite part, de Rhode-Island, où il résidait, à l'entreprise projetée contre Cuba, conjointement avec plusieurs anciens officiers de l'armée des États-Unis, par exemple le général Ruitman, exgouverneur de l'État de Mississipi et autrefois employé dans la guerre du Mexique. Connaissant parfaitement les localités et espérant que sa popularité déterminerait de nombreuses désertions dans les rangs de la garnison espagnole de Cuba, Lopez débarqua dans cette fle, à Cardenas, le 19 mai 1850, à la tête de 600 hommes. Mais force lui fut de se rembarquer. Traduit en justice d'abord à Savannah, en Géorgie, puis à la Nouvelle-Orléans, il fut deux fois acquitté, et prit alors le commandement d'une seconde expédition, forte de 450 hommes, à la tête de laquelle il s'embarqua le 3 août 1851. Il avait pour lieutenant le colonel américain Crittenden, et le colonel hongrois Tragay. Le 13 août 1851 Lopez débarqua à Chorilla, sans rencontrer dans la population l'appui sur lequel il avait compté. D'ailleurs, les Espagnols, parfaitement instruits des préparatifs faits pour cette seconde tentative, avaient réuni un effectif de 25,000 hommes. Aussi, immédiatement après le débarquement d'un détachement de tirailleurs commandés par le colonel Crittenden, les 52 hommes dont il se composait furent-ils mis en déroute, faits prisonniers par les Espagnols et fusillés plus tard à La Havane. Lopez lui-même perdit la plus grande partie de son monde dans des engagements livrés à Pinar del Rio, à Candelerias et à Fias, et s'enfuit avec le reste dans les montagnes, où le colonel Sanchez lui porta le dernier coup. Pendant plusieurs jours Lopez erra de côté et d'autre, ne sachant que devenir; reconnu par hasard, le 29 août, il fut aussitôt fait prisonnier. Deux jours après, le 31 août, il périssait à La Havane, du supplice de la garrotte.

Quoique le gouvernement américain ait lui-même désapprouvé cette expédition de flibustiers, la malheureuse issue qu'elle a eue semble avoir encore accru les sympathies de la population de l'Union pour le sort de Cuba. La possession de cette île donnerait aux États-Unis la domination complète du golfe du Mexique, et assurerait à leur commerce extérieur d'incalculables avantages. Consultez J. de la Pezuela, Ensayo historico de la isla de Cuba (New-York, 1842); Massé, L'ile de Cuba et La Havane (Paris, 1825 ); Huber, Aperçu statistique de l'ile de Cuba ( Paris, 1826); Humboldt, Essai politique sur l'ile de Cuba (Paris, 1826); Ramon de la Sagra, Historia economica, politica y estaditisca de la isla de Cuba ( Paris, 1837 ), et l'extrait qui en a été publié en français sous le titre de Histoire politique et physique de Cuba ( Paris, 1844 ); la comtesse Merlin: La

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Havane (Paris, 1844); Notes sur Cuba ( Boston, 1844 ); d'Hespel d'Harponville, La reine des Antilles (Paris, 1850).

CUBAGE, action de cuber, ou de comparer à une mesure de solidité, d'évaluer en mètres cubes, par exemple, le volume d'un corps. Quand un solide, tel qu'un prisme, un cylindre, une pyramide, un cône, une sphère, est régulier, il est très-facile d'évaluer son volume. La géométrie nous apprend à faire ce calcul. Mais lorsque les corps, et ce sont les plus nombreux, ont une forme irrégulière, il est impossible d'en faire exactement le cubage par le calcul. Cependant, si le corps peut être mouillé sans inconvénient, on aura assez exactement son volume en s'y prenant ainsi : on plongera le corps dans un bassin rempli d'eau jusqu'aux bords; il est évident qu'il sortira du bassin une quantité de liquide égale en volume au corps qui l'aura déplacée; ayant recueilli cette eau répandue, on la mesurera, et, sachant que la capacité d'un litre équivaut à un décimètre cube, on comptera autant de décimètres cubes pour le volume du corps qu'on aura de litres d'eau. Si l'on connaît la densité d'un corps, il suffira de le peser pour connaître son volume, puisque l'on sait qu'un décimètre cube d'eau, pure pèse un kilogramme. Dans tous les cas où les dimensions et la nature des corps ne permettent pas d'employer le premier moyen, en même temps que son hétérogénéité s'oppose à l'application du second, on devra le décomposer par la pensée en plusieurs parties qui se rapprocheront plus ou moins des figures dont la géométrie apprend à calculer le volume. On aura ainsi le résultat cherché avec l'approximation voulue.

Le cubage des bois se faisait autrefois à la pièce; dans le système métrique, l'unité est le stère. Quand on mesure des bois en grume, on regarde un arbre comme un cône tronqué. Cette mesure des bois est souvent fautive au préjudice de l'acheteur, surtout dans les pays du Nord, où les arbres diminuent rapidement de diamètre jusqu'à la hauteur de deux mètres au-dessus du sol, et beaucoup plus lentement dans le reste de la tige; la seule inspection fait apercevoir que cette forme ne peut être assimilée au cône tronqué passant par les deux sections extrêmes, et que ce solide idéal laisserait entre sa surface et celle de l'arbre une assez grande capacité.

Le mot cubage est spécialement réservé aux applications des arts; l'opération théorique reçoit des géomètres le nom de cubature. La cubature des solides, dont les propriétés géométriques sont connues, peut toujours se ramener à la résolution d'une question de calcul intégral.

CUBATURE. Voyez CUBAGE.

CUBE (en grec xv6o;). En géométrie, on nomme ainsi l'hexaèdre régulier, c'est-à-dire un solide compris sous six carrés égaux. Le cube occupe parmi les corps une place analogue à celle du carré parmi les surfaces: ainsi, l'on est convenu de prendre pour unité de volume le cube de l'unité de longueur. Tous les énoncés de théorèmes relatifs à l'expression des volumes des corps sont subordonnés à cette convention. Le cube étant un cas particulier du parallélipipède rectangle, on obtient sa mesure en multipliant sa base par sa hauteur; c'est-à-dire que si son côté est égal à 7 mètres, par exemple, il faudra multiplier la base 7X7 par la hauteur 7, ce qui donnera, 7X7X7 ou 343 mètres cubes pour le volume du cube proposé; d'où l'on voit que pour évaluer un tel volume, il suffit d'élever son côté à la troisième puissance. C'est pourquoi en arithmétique la troisième puissance d'un nombre en est également nommée le cube: 64 est le cube de 4; réciproquement 4 est la racine cubique de 64.

Les dix premiers nombres, 1, 2, 3, 4, 5.

ont pour cubes respectifs :

6, 7, 8, 9, 10,

1, 8, 27, 64, 125, 216, 343, 512, 729, 1000. Les remarques que nous avons faites sur l'extraction de

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