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Protocole No. 15.-Séance du 26 Mars, 1856.

PRESENTS:-Les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande Bretagne, de la Prusse, de la Russie, de la Sardaigne, de la Turquie.

Lecture étant donnée du Protocole de la séance précédente, MM. les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la Grande Bretagne, et de la Turquie, déclarent considérer les explications fournies par MM. les Plénipotentiaires de la Russie, au sujet du Monténégro, comme impliquant l'assurance que la Russie n'entretient pas avec cette Province des relations d'un caractère politique exclusif.

Aali Pacha ajoute que la Porte regarde le Monténégro comme partie intégrante de l'Empire Ottoman, et déclare toutefois que la Sublime Porte n'a pas l'intention de changer l'état de choses actuel. Après ces explications, le Protocole est lu et approuvé.

M. le Comte Walewski donne une lecture générale et définitive de toutes les stipulations adoptées par le Congrès, et qui sont successivement insérées au présent Protocole, après avoir reçu les modifications convenues d'un commun accord:

"Leurs Majestés, &c., animées du désir de mettre un terme aux calamités de la guerre, et voulant prévenir le retour des complications qui l'ont fait naître, ont résolu de s'entendre avec Sa Majesté l'Empereur d'Autriche sur les bases à donner au rétablissement et à la consolidation de la paix, en assurant, par des garanties efficaces et réciproques, l'indépendance et l'intégrité de l'Empire Ottoman.

"A cet effet, Leurs dites Majestés ont nommé pour Plénipotentiaries, &c.; lesquels se sont réunis en Congrès à Paris.

"L'entente ayant été heureusement établie entre eux, Leurs Majestés l'Empereur des Français, l'Empereur d'Autriche, la Reine du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d'Irlande, l'Empereur de Toutes les Russies, le Roi de Sardaigne, et le Sultan, considérant que, dans un intérêt Européen, Sa Majesté le Roi de Prusse, signataire de la Convention du 13 Juillet, 1841, devait être appelé à participer aux nouveaux arrangements à prendre, et appréciant la valeur qu'ajouterait à une œuvre de pacification générale le concours de Sa dite Majesté, l'ont invitée à envoyer des Plénipotentiaires au Congrès.

"En conséquence, Sa Majesté le Roi de Prusse à nommé pour ses Plénipotentiaires, &c.

ART. I. "Il y aura, à dater du jour de l'échange des ratifications du présent Traité, Paix et Amitié entre Sa Majesté l'Empereur des Français, Sa Majesté la Reine du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d'Irlande, Sa Majesté le Roi de Sardaigne, Sa Majesté le Sultan, d'une part, et Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies, de l'autre part, ainsi qu'entre leurs héritiers et successeurs, leurs états et sujets respectifs, à perpétuité.

“II. La paix étant heureusement rétablie entre Leurs dites Majestés, les territoires conquis ou occupés par leurs armées pendant la guerre seront réciproquement évacués.

“Des arrangements spéciaux régleront le mode de l'évacuation, qui devra être aussi prompte que faire se pourra.

"III. Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies s'engage à restituer à Sa Majesté le Sultan la ville et citadelle de Kars, aussi bien que les autres Parties du territoire Ottoman dont les troupes Russes se trouvent en possession.

"IV. Leurs Majestés l'Empereur des Français, la Reine du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d'Irlande, le Roi de Sardaigne, et le Sultan, s'engagent à restituer à Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies les villes et ports de Sébastopol, Balaklava, Kamiesch, Eupatoria, Kertch, Jenikale, Kinburn, ainsi que tous autres territoires occupés par les troupes alliées.

"V. Leurs Majestés l'Empereur des Français, la Reine du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d'Irlande, l'Empereur de Toutes les Russies, le Roi de Sardaigne, et le Sultan, accordent une amnistie pleine et entière à tous ceux de leurs sujets qui auraient été compromis par une participation quelconque aux événements de la guerre en faveur de la cause ennemie.

"Il est expressément entendu que cette amnistie s'étendra aux sujets de chacune des parties belligérantes, qui auraient continué, pendant la guerre, à être employés dans le service de l'un des autres belligérants.

"VI. Les prisonniers de guerre seront immédiatement rendus de part et d'autre.

"VII. Sa Majesté l'Empereur des Français, Sa Majesté l'Empereur d'Autriche, Sa Majesté la Reine du Royaume Uni de la Grande Bretagne et d'Irlande, Sa Majesté le Roi de Prusse, Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies, et Sa Majesté le Roi de Sardaigne, déclarent la Sublime Porte admise à participer aux avantages du droit public et du concert Européens. Leurs Majestés s'engagent, chacune de son côté, à respecter l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Empire Ottoman, garantissent en commun la stricte observation de cet engagement, et considéreront, en conséquence, tout acte de nature à y porter atteinte comme une question d'intérêt général.

“VIII. S'il survenait entre la Sublime Porte et l'une ou plusieurs des autres Puissances signataires, un dissentiment qui menaçât le maintien de leurs relations, la Sublime Porte et chacune de ces Puissances, avant de recourir à l'emploi de la force, mettront les autres Parties Contractantes en mesure de prévenir cette extrémité par leur action médiatrice.

"IX. Sa Majesté Impériale le Sultan, dans sa constante solli

citude pour le bien-être de ses sujets, ayant octroyé un firman qui, en améliorant leur sort, sans distinction de religion ni de race, consacre ses généreuses intentions envers les populations Chrétiennes de son Empire, et voulant donner un nouveau témoignage de ses sentiments à cet égard, a résolu de communiquer aux Puissances Contractantes le dit firman spontanément émané de sa volonté souveraine.

"Les Puissances Contractantes constatent la haute valeur de cette communication. Il est bien entendu qu'elle ne saurait, en aucun cas, donner le droit aux dites Puissances de s'immiscer, soit collectivement, soit séparément, dans les rapports de Sa Majesté le Sultan avec ses sujets, ni dans l'administration intérieure de son Empire.

"X. La Convention du 13 Juillet, 1841, qui maintient l'antique régle de l'Empire Ottoman relative à la clôture des Detroits du Bosphore et des Dardanelles, a été révisée d'un commun accord.

"L'Acte conclu à cet effet et conformément à ce principe entre les Hautes Parties Contractantes, est et demeure annexé au présent Traité, et aura même force et valeur que s'il en faisait partie intégrante.

"XI. La Mer Noire est naturalisée: ouverts à la marine marchande de toutes les nations, ses eaux et ses ports sont formellement et à perpétuité interdits au pavillon de guerre soit des Puissances riveraines, soit de toute autre Puissance, sauf les exceptions mentionnées aux Articles et du présent Traité.

"XII. Libre de toute entrave, le commerce, dans les ports et dans les eaux de la Mer Noire, ne sera assujetti qu'à des réglements de santé, de douane, de police, conçus dans un esprit favorable au développement des transactions commerciales.

"Pour donner aux intérêts commerciaux et maritimes de toutes les nations la sécurité désirable, la Russie et la Sublime Porte admettront des Consuls dans leurs ports situés sur le littoral de la Mer Noire, conformément aux principes du droit international.

"XIII. La Mer Noire étant neutralisée aux termes de l'Article XI, le maintien ou l'établissement sur son littoral d'arsenaux militaires-maritimes devient sans nécessité comme sans objet. En conséquence, Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies et Sa Majesté le Sultan s'engagent à n'élever et à ne conserver, sur ce littoral, aucun arsenal militaire-maritime.

"XIV. Leurs Majestés l'Empereur de Toutes les Russies et le Sultan ayant conclu une Convention à l'effet de déterminer la force et le nombre des bâtiments légers, nécessaires au service de leurs côtes, qu'elles se réservent d'entretenir dans la Mer Noire, cette Convention est annexée au présent Traité, et aura même force et valeur que si elle en faisait partie intégrante. Elle ne pourra être ni annulée

ni modifiée sans l'assentiment des Puissances signataires du présent Traite.”

Le Congrès renvoie la lecture et l'adoption des autres Articles à la séance suivante.

(Suivent les signatures.)

Protocole No. 16.-Séance du 27 Mars, 1856.

PRESENTS:-Les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande Bretagne, de la Prusse, de la Russie, de la Sardaigne, de la Turquie.

Le Protocole de la précédente séance est lu et approuvé.

M. le Comte Walewski donne lecture du projet de Convention destiné à remplacer l'Acte signé à Londres, le 13 Juillet, 1841.

Ce projet est agréé, et le Congrès décide qu'il sera annexé au présent Protocole.

Le Congrès arrête, en outre, qu'un Protocole particulier, qui sera signé avant cette Convention, stipulera, pour le délai nécessaire à l'évacuation des territoires par les armées belligérantes, une exception temporaire à la règle de la clôture.

M. le Comte Walewski reprend la lecture des Articles du Traité Général, interrompue à la fin de la précédente séance; ces Articles sont successivement adoptés dans les termes suivants:

“ART. XV. L'Acte du Congrès de Vienne ayant établi les principes destinés à régler la navigation des fleuves qui séparent ou traversent plusieurs Etats, les Puissances Contractantes stipulent entre elles qu'à l'avenir ces principes seront également appliqués au Danube et à ses embouchures. Elles déclarent que cette disposition. fait, désormais, partie du droit public de l'Europe, et la prennent sous leur garantie.

“La navigation du Danube ne pourra être assujettie à aucune 、 entrave ni redevance qui ne serait pas expressément prévue par les stipulations contenues dans les Articles suivants. En conséquence, il ne sera perçu aucun péage basé uniquement sur le fait de la navigation du fleuve, ni aucun droit sur les marchandises qui se trouvent à bord des navires. Les réglements de police et de quarantaine à établir, pour la sûreté des Etats séparés ou traversés par ce fleuve, seront conçus de manière à favoriser, autant que faire se pourra, la circulation des navires. Sauf ces réglements, il ne sera apporté aucun obstacle, quel qu'il soit, à la libre navigation.

"XVI. Dans le but de réaliser les dispositions de l'Article précédent, une Commission, dans laquelle l'Autriche, la France, la Grande Bretagne, la Prusse, la Russie, la Sardaigne, et la Turquie, seront, chacune, représentées par un Délégué, sera chargée de désigner et de faire exécuter les travaux nécessaires, depuis Toult

cha,* pour dégager les embouchures du Danube, ainsi que les parties de la mer y avoisinantes, des sables et autres obstacles qui les obstruent, afin de mettre cette partie du fleuve et les dites parties de la mer dans les meilleures conditions possibles de navigabilité.

"Pour couvrir les frais de ces travaux, ainsi que des établissements ayant pour objet d'assurer et de faciliter la navigation aux bouches du Danube, des droits fixes, d'un taux convenable, arrêtés par la Commission à la majorité des voix, pourront être prélevés, à la condition expresse que, sous ce rapport comme sous tous les autres, les pavillons de toutes les nations seront traités sur le pied d'une parfaite égalité."

MM. les Plénipotentiaires de la Turquie déclarent que la Sublime Porte fera volontiers les avances nécessaires à l'exécution des travaux dont il est fait mention dans l'Article ci-dessus.

"XVII. Une Commission sera établie, et se composera des Délégués de l'Autriche, de la Bavière, de la Sublime Porte, et du Wurtemberg (un pour chacune de ces Puissances), auxquels se réuniront les Commissaires des 3 Principautés Danubiennes, dont la nomination aura été approuvée par la Porte. Cette Commission, qui sera permanente: 1. Elaborera les réglements de navigation et de police fluviale; 2. Fera disparaître les entraves, de quelque nature qu'elles puissent être, qui s'opposent encore à l'application au Danube des dispositions du Traité de Vienne; 3. Ordonnera et fera exécuter les travaux nécessaires sur tout le parcours du fleuve ; et 4 Veillera, après la dissolution de la Commission Européenne, au maintien de la navigabilité des embouchures du Danube et des parties de la mer y avoisinantes.

"XVIII. Il est entendu que la Commission Européenne aura rempli sa tâche, et que la Commission Riveraine aura terminé les travaux désignés dans l'Article précédent sous les Nos. 1 et 2, dans l'espace de 2 ans. Les Puissances signataires réunies en Conférence, informées de ce fait, prononceront, aprés en avoir pris acte, la dissolution de la Commission Européenne; et, dès lors, la Commission Riveraine permanente jouira des mêmes pouvoirs que ceux dont la Commission Européenne aura été investie jusqu'alors.

“XIX. Afin d'assurer l'exécution des réglements qui auront été arrêtés d'un commun accord, d'après les principes ci-dessus énoncés, chacune des Puissances Contractantes aura le droit de faire stationner, en tout temps, 2 bâtiments légers aux embouchures du Danube.

"XX. En échange des villes, ports, et territoires énumérés dans l'Article IV du présent Traité, et pour mieux assurer la liberté de la navigation du Danube, Sa Majesté l'Empereur de Toutes les Russies consent à la rectification de sa frontière en Bessarabie.

* Altered to "Isatcha," by Protocol 18. See page 115.

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