Page images
PDF
EPUB

Quel a donc pu être, me dira-t-on', le prit contraire à celle qui guidait le prébut de la Cour de cassation, en modifiant sident d'assises, dans l'affaire dont nous dans un des considérans de son arrêt, venons de rendre compte, ce magistrat, sinon les effets, du moins l'expression de écartant les faits et les preuves de l'aceusa doctrine absolue, relative au résumé sation, s'occupât uniquement de dévedu président des assises? Je crois que tout lopper la défense, et que, par suite de ce en rejetant, dans l'espèce qui lui était système, il retraçât, par exemple, quelsoumise, le pourvoi formé contre un arrêt ques circonstances favorables à l'accusé, rendu à la suite d'un résumé très-irrégu- dont le débat n'aurait offert aucune trace, lier du président d'assises, elle a voulu ou soumettait au jury quelques certificats pourtant prévenir des écarts trop graves étrangers jusque-là aux pièces de la prodont elle a entrevu la possibilité; mais je cédure, le ministère public se eroirait crois aussi très-fermement que sa théo- sans doute autorisé, par la distinction de rie, en ce qui concerne les faits nouveaux la Cour de cassation, à faire des réquisiet les pièces nonvelles, est impuissante tions; et, si elles devaient produire quelcontre les dangers de sa doctrine géné- que effet, il faudrait reconnaître que les rale, et contre les abus qu'on peut en accusés supporteraient tout le poids de la faire dans les résumés; je suis même per- jurisprudence de la Cour de cassation, suadé que, loin de prévenir ou d'atténuer sans participer même à la seule chance le mal, elle ne fera que l'aggraver, du favorable qu'elle aurait eu l'air d'indimoins au préjudice des accusés, parce que quer (1). s'il arrivait que, par une disposition d'es

(1) Quoique j'aie inséré dans cette section quelques parties des considérans de l'arrêt de la Cour de cassation, du 28 avril 1820, pour les examiner et les discuter; comme les jurisconsultes seront bien aises de connaître l'ensemble du système de la Cour de cassation sur ce point important, je crois devoir placer ici le texte de cet arrêt:

<< Sur la demande de Pierre Lavandier, avocat à la Cour royale de Rouen, en cassation de l'arrêt rendu par la Cour d'assises du département de la Seine-Inférieure, le 24 février dernier, qui le suspend, pendant dix jours, de ses fonctions d'avocat, pour s'être permis d'interrompre, d'une manière irrévérentielle, le résumé du président de ladite Cour d'assises, fait à la suite des débats contre Marie-Rose-Félicité Léger, accusée de vol, est intervenu l'arrêt sui

vant :

» Ouï le rapport de M. le conseiller Aumont, et M. Hua, avocat-général, pour M. le procureur général du Roi, en ses conclusions, et après en avoir délibéré à la chambre du conseil;

» Sur le premier moyen de cassation proposé par le demandeur, et fondé sur ce que le fait pour lequel il a été condamné, n'est qualifié délit par aucune loi :

aux Jurés les principales preuves du débat à charge et à décharge; mais que lorsque la loi a confié au président cet acte important de l'instruction criminelle, elle n'a pu en soumettre l'impartialité et l'exactitude qu'au jugement de sa propre conscience;

» Qu'en effet, les réclamations et la discussion sur ce résumé n'auraient pu porter que sur des objets vagues, différemment sentis et appréciés, suivant la différence des esprits ou celle des intérêts; qu'il n'en serait donc résulté qu'une controverse particulière entre le président et les parties, qui aurait pu détourner la pensée des Jurés des véritables élémens de l'affaire, et aurait toujours été nuisible à la dignité de l'audience et de la justice;

>> Que si le ministère public et les accusés doivent être admis à faire des observations sur la manière dont les questions ont été posées, quoique le Code d'instruction criminelle ne renferme, à cet égard, aucune disposition, c'est parce que l'article 376 du Code du 3 brumaire an IV leur en accordait le droit, et que cet article, qui n'a point été explicitement abrogé par le nouveau Code, ne peut être réputé l'avoir été implicitement dans le cas, du moins, où les questions n'ont pas été rédigées dans les termes du résumé de l'acte d'accusation, et conformėment à la formule réglementaire et démonstrative de l'article 337 du Code;

» Attendu que le Code d'instruction criminelle n'autorise aucune réclamation ni aucunes conclusions contre le résumé dont son arti» Que d'ailleurs, la discussion sur une posicle 336 charge le président de la Cour d'as- tion de questions, se réduit toujours à des faits sises; précis, qui présentent un sujet déterminé à la » Que ce résumé doit fidèlement rappeler délibération des juges, et que cette discussion,

SECTION VIII.

DE LA POSITION DES QUESTIONS.

La position des questions, qui suit le résumé du président, et qui en est le

dont l'objet n'est point irrévérentiel pour le président, ne peut affaiblir le respect religieux qui doit accompagner tous les actes de l'instruction criminelle;

» Que, du droit de réclamer ou de prendre des conclusions sur la position des questions, il ne peut donc être déduit aucune conséquence pour étendre le même droit sur le résumé des débats;

» Qu'à l'égard de ce résumé, il doit être reconnu et maintenu en principe qu'il ne peut être interrompu par aucune observation ou aucune réclamation, soit du ministère public, soit des parties, soit de leurs défenseurs;

» Que lorsqu'il est terminé, il ne peut être pris de conclusions ni fait des observations sur la forme dans laquelle il a été fait, et sur le fond de ce qui a été dit, que dans la seule circonstance où le président, sortant du cercle des preuves discutées ou relevées dans les débats, se serait permis de présenter des faits nouveaux ou des pièces nouvelles;

» Qu'à l'égard de ces nouveaux faits et de ces pièces nouvelles, le discours du président n'aurait pas été le résumé du débat; qu'il n'aurait été qu'un acte auxiliaire de l'accusation ou de la défense; que l'accusé ou le ministère public seraient donc fondés à demander d'être entendus sur ces faits ou sur ces pièces, et qu'à cette fin, leurs conclusions devraient tendre à ce que la clôture des débats, et ce qui s'en était ensuivi, fussent annulés par la Cour d'assises, et que ces débats fussent continués sur les faits ou sur les pièces sur lesquels ils n'auraient pas été mis à mème de présenter leurs moyens ;

» Que les interruptions faites au résumé du président, ou les conclusions contre ce résumé, hors le cas où elles peuvent être légitimes, peuvent donc avoir, d'après les circonstances, un caractère d'irrévérence, et même d'injure, qui donne ouverture à la juridiction dont les Cours et tribunaux sont investis relativement aux fautes de discipline commises à leurs audiences;

Et attendu que, dans l'espèce, il y a connexité intime et nécessaire entre les faits d'interruption et d'interpellations que le demandeur s'est permis contre le président, pendant son résumé, et qui sont constatés dans le procès-verbal de la séance, et les conclusions et autres faits rappelés dans l'arrêt qui est inscrit immediatement après, et dans la même partie

complément, est réglée par divers articles du Code; mais, quoique cette opération importante prépare la réponse du jury, qui ne peut pas s'écarter des questions soumises à son examen et à ses délibérations, elle se trouve livrée à un arbitraire absolu par le défaut de disposition qui

de ce procès-verbal; que la condamnation prononcée contre le demandeur se réfère donc à tous ces faits, et que, dès-lors, cette condamnation a été l'exercice légitime de la juridiction de discipline, qui appartenait à la Cour d'assises;

» Sur le second moyen, pris d'une prétendue fausse application de l'article 23 de la loi du 17 mai 1819, d'une prétendue violation du décret du 14 decembre 1810, et d'un prétendu excès de pouvoir :

» Attendu que les dispositions dudit article 23 de la loi du 17 mai 1819, sont conçues en termes généraux;

» Que d'ailleurs, il serait sans objet d'examiner si la peine de discipline à laquelle le demandeur a été condamné, a pu être régulièrement prononcée d'après les dispositions de cet article, puisque cette condamnation est justifiée par l'article 105 du décret du 30 mars 1808, qui porte que « dans les Cours et dans les tribunaux

de première instance, chaque chambre con» naîtra des fautes de discipline qui auraient » été commises ou découvertes à son audience;

>> Que cet article n'est nullement dépendant de l'article 102 qui le précède; qu'il n'est pas, comme lui, relatif exclusivement aux officiers ministériels; qu'il est, au contraire, général, et s'applique à toutes les fautes de discipline, commises dans une audience, par un individu quelconque, exerçant auprès des tribunaux des fonctions qui le soumettent à la juridiction de discipline;

>> Que le décret du 14 décembre 1810, en accordant aux conseils de discipline des avocats une juridiction particulière, n'a ni aboli ni restreint celle qui appartenait aux Cours et aux tribunaux, d'après les lois et réglemens antėrieurs;

>> Que si l'article 38 de ce décret ne porte, à l'égard des avocats, qu'une injonction, sans disposition pénale, c'est qu'il n'a eu pour objet que de leur rappeler, ainsi qu'il est annoncé dans le préambule de ce même décret, les règles dont l'observation devait conserver la dignité de leur profession, et que, pour la répression de l'infraction à ces règles, il s'en est rapporté à la législation déjà existante;

» Que l'article 39 a prévu des délits d'une nature toute autre que de simples fautes de discipliue; que son objet est donc different de celui de l'article 38, et que, dès-lors, il a dû régler,

assure aux accusés les effets de la garantie circonstances qui ressortent des débats(4), écrite dans la loi.

D'abord, quoique divers articles du Code offrent des exemples de la manière de poser les questions, il est reconnu que ces articles n'étant point prescrits à peine de nullité, n'assujétissent la position des questions à aucune forme, et que leur exécution est laissée à la conscience des juges (1). Par suite du même principe, les articles relatifs à la manière dont le jury doit répondre aux questions posées ne sont considérés que comme indicatifs; et, pour que la réponse soit régulière, il suffit qu'elle soit concordante avec la question, et qu'elle présente un sens clair et un résultat certain (2).

Ensuite comme ce n'est, dit la Cour de cassation, que par une faveur que l'on admet les accusés ou leurs défenseurs à faire des réclamations sur la position des questions, puisque cette faculté n'est ac cordée par aucune disposition du Code d'instruction criminelle, il en résulte que le rejet des réclamations, de quelque nature qu'elles soient, et même le refus de les entendre, ne peut jamais être considéré comme une violation de la loi, ni donner lieu à cassation (3); et, au moyen du droit dont est investi le président de poser des questions, non-seulement sur les faits de l'accusation, mais aussi sur les

par une disposition particulière, la répression des faits qu'il détermine dans sa prohibition; » Que sous aucun rapport, par conséquent, la condamnation prononcée contre le demandeur ne renferme ni excès de pouvoir, ni violation des règles de compétence, ou des dispositions des lois pénales;

» Sur le troisième moyen, fondé sur les articles 153, 190 et 335 du Code d'instruction criminelle, en ce que le demandeur n'aurait pas été entendu, dans sa défense, sur les conclusions prises contre lui par le ministère public;

» Attendu qu'il était présent à l'audience lorsque ces conclusions y ont été prises, et qu'il n'a pas demandé à être entendu;

>> Sur le quatrième moyen, résultant de ce qu'il a été prononcé contre lui une peine de discipline plus forte que celle qui avait été requise par le ministère public;

» Attendu que les Cours et les tribunaux ne sont pas liés par les conclusions du ministère public; qu'ils doivent prononcer d'après la loi

ce silence, qu'il n'est permis à l'accusé de rompre que sous le bon plaisir du président des assises, le laisse sans voix pour réclamer contre la position des questions, qui compromettraient à la fois ses intérêts et ceux de la justice.

D'un autre côté, quoiqu'un article du Code pénal porte qu'il n'y a ni crime ni délit lorsque le prévenu était en état de démence au temps de l'action, ou lorsqu'il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister; quoique, suivant un autre article du même Code, nul crime ou délit ne puisse être excusé que dans les cas et dans les circonstances où la loi déclare le fait excusable. . . . .; et qu'un article du Code d'instruction criminelle porte que, lorsque l'accusé aura proposé, pour excuse, un fait admis comme tel, par la loi, la question SERA ainsi posée : «Tel fait est-il constant; » quoiqu'enfin, suivant d'autres articles de ce Code, lorsque l'accusé n'a pas seize ans accomplis, la question de discernement doive être posée et décidée, que l'acquittement doive être prononcé si l'accusé agi sans discernement, et que s'il a agi avec discernement la peine doive être commuée ou modifiée suivant une échelle et un tarif déterminés (5), la Cour de cassation décide, 1°que la démence et la force majeure n'étant

sur l'appréciation qu'il leur appartient de faire des faits et de leurs circonstances;

» Attendu, enfin, que l'arrêt attaqué ne présente, d'ailleurs, sous aucun autre rapport, de moyen valable de cassation;

» D'après ces motifs, la Cour rejette le pourvoi du demandeur, et le condamne à l'amende de cent cinquante francs envers le trésor royal.

(1) Voyez arrêts de la Cour de cassation, des 10 septembre 1812, 28 octobre 1813, 27 janvier 1814 et 17 août 1816, etc.

(2) Voyez arrêts de la Cour de cassation, des 23 nov. 1815 et 9 août 1816, etc.

(3) Voyez arrêt de la Cour de cassation, du 15 juin 1816 (Sirey, 1820, 1re part., p. 478 ), et l'arrêt déjà cité du 27 avril 1820.

dans mon Traité de Législation criminelle, au (4) Voyez article 338 du Code, et voyez, chap. des Cours d'assises, paragraphie de la Position des questions, comment s'exerce ce droit. (5) Voyez art. 64, 65, 66 et 67 du Code pénal.

pas des faits d'excuse, mais constituant de discernement, ou de son insuffisance des circonstances exclusives de la culpa- présumée, lorsque le prévenu est âgé de bilité, le président des assises n'est pas moins de seize ans, ne peut être appliqué tenu, malgré la réclamation de l'accusé, au délinquant (3). de poser une question à cet égard, attendu que cela rentre dans la question principale relative à la culpabilité (1);

2o Que l'article 339 du Code d'instruction (celui dont je viens de rappeler les termes concernant la position de la question d'excuse) n'étant point prescrit à peine de nullité, son inexécution ou le refus d'une Cour d'assises de poser une question d'excuse sur un fait même admis comme tel par la loi, ne donne pas ouver ture à cassation (2);

3o Que dans les matières régies par les lois spéciales, et notamment en matière de contraventions aux lois des douanes, le bénéfice des articles 66 et 67 du Code pénal, qui modèrent la peine ou en interdisent l'application, à cause du défaut

(1) Voyez arrêts de la Cour de cassation, du 26 octobre 1815 (Sirey, 1817, 1re part., p. 17), et du 23 juin 1820.

(2) Voyez arrêt de la Cour de cassation, du 16 avril 1819, qui rejette le pourvoi de Denat. Voyez un autre arrêt du 14 janvier 1820, qui a rejeté le pourvoi des nommés Lambert et Martin, condamnés à mort pour complot. Le pourvoi était fondé sur ce que, dans cette affaire, la Cour d'assises, malgré la demande de l'accusé, n'avait pas posé de question sur l'excuse résultant de l'article 108 du Code pénal. Le motif du rejet est pris de ce que la question ne doit être posée que lorsque la Cour d'assises le trouve con

venable.

Voyez, d'un autre côté, un arrêt de la Cour de cassation, du 26 octobre 1820, duquel il résulte que les jurés ne peuvent pas donner de déclaration sur une question qui ne leur a pas été

soumise.

(3) Voyez arrêt de la Cour de cassation, du 15 avril 1819. (Bulletin officiel de cassation, an 1819, partie criminelle, p. 152. Sirey, an 1820, 1re part., p. 498.)

En sorte que, suivant la jurisprudence consacrée par la Cour de cassation, un homme qui n'a commis matériellement un fait punissable, que parce qu'il était en état de démence, pourra néanmoins être n'a décernées que contre le crime commis condamné aux peines que le législateur en connaissance de cause; l'auteur d'une action réputée excusable n'en subira pas moins le supplice réservé au véritable criminel, et l'enfant sans discernement, capable de distinguer le bien du mal, qui aura commis un délit ou un crime prévu par les lois spéciales relatives aux douanes ou à toute autre matière fiscale, sera frappé, au sortir du berceau (4), d'une peine grave, que le Code du bon sens, avant celui des délits et des peines, a défendu de lui appliquer (5).

in

(4) Que l'on ne dise pas que l'expression est impropre et la conséquence forcée; car, aussitôt que la question de discernement ne peut pas être posée, on peut et on doit condamner l'enfant reconnu auteur ou complice du fait criminel, quand il ne serait âgé que de cinq ou six ans, et l'on ne prétendra pas, sans doute, que le droit de faire grâce, peut être le correctif de ce résultat nécessaire; car, la grâce qui n'appartient qu'au roi, qui est une prérogative de la personne royale, ne peut suppléer ni remplacer la justice. Elle ne s'exerce, d'ailleurs, que lorsqu'il y a crime ou délit, et quand l'auteur du fait a agi sans discernement, la loi et la raison veulent qu'il soit acquitté.

(5) Il m'a passé sous les yeux une affaire dans laquelle un enfant de trois ans avait, pendant l'absence de ses parens, étouffé sa sœur, enfant au berceau, en lui mettant de la cendre dans la bouche pour l'empêcher de crier. Si ce même enfant avait introduit une marchandise prohibée, ou transporté, en fraude, une bouteille de liquide, il aurait dû être condamné, suivant la jurisprudence de la Cour de cassation.

« PreviousContinue »