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rement aussi à la démarcation des pou- de justice, sans l'autorisation du garde des voirs entre les divers ministres, d'après sceaux (1), il serait vrai de dire qu'alors laquelle il n'est pas permis de supposer l'exécution des jugemens serait ou pourque le ministre de la justice puisse de- rait être gravement compromise, et que meurer étranger à ce qui concerne l'exé- le défaut de garantie, déjà si dangereux cution des jugemens, il arrivait que l'au- sous ce rapport, le deviendrait beaucoup torité administrative s'attribuât seule le plus par l'absence de tout concours, de droit de déplacer à sa volonté les condam- toute surveillance, de toute contradiction nés, de retenir les uns dans une prison, de la part du ministère public et des autres de faire transférer les autres sur un point organes de la justice (2). éloigné, sans l'intervention des officiers

(1) Voyez mon Traité de la Législation criminelle, chap. des Cours d'assises, tom. III, pages 260 261, et une circulaire de S. E. Mgr. le à garde des sceaux, du 10 septembre 1822, qui s'y trouve rappelée.

(2) Le moindre inconvénient de cet ordre de choses, serait de fournir des moyens d'évasion certains condamnés, qui, dans quelques circonstances, ont su les mettre à profit.

CHAPITRE X.

RÉSUMÉ.

SECTION I.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRales.

Si, au lieu du plan que j'ai suivi, j'a- par le concours d'une délibération des vais voulu signaler tous les besoins géné- magistrats, et d'une déclaration du jury raux de notre législation criminelle, la faculté si désirable en certaines cirj'aurais fait remarquer la contradiction constances, d'appliquer une peine d'un qui existe entre la disposition juste et degré inférieur à celle que le Code pénal conforme aux principes de l'humanité, a décernée (2). qui ne permet pas de condamner les enfans au-dessous de seize ans à des peines afflictives ou infamantes, et la règle immorale, qui oblige néanmoins à leur faire subir une longue procédure criminelle, et à les faire comparaître aux assises sur les bancs des accusés (1).

J'aurais examiné s'il ne serait pas juste d'autoriser les Cours d'assises à poser la question de discernement à l'égard des accusés âgés de seize ans, mais qui n'auraient pas atteint leur dix-huitième année. J'aurais tâché d'indiquer comment il serait possible, sans tomber dans l'arbitraire, de conférer aux Cours d'assises,

(1) Voyez art. 66, 67 et 68, du Code pénal. (2) J'ai présenté à ce sujet, sous l'un des ministères de S. G. Mgr. le chancelier Dambray, un projet qui avait eu son approbation.

(3) Voyez notamment les arrêts en matière de fausse monnaie, qui prononcent la peine capitale contre l'homme qui a blanchi une pièce de

J'aurais relevé l'extrême sévérité du Code pénal en divers cas; notamment à l'égard du crime d'infanticide, que la loi punit de mort, comme l'assassinat prémédité; et même aussi à l'égard du vol simple, dégagé de toute circonstance aggravante, contre lequel le Code décerne, dans tous les cas, la peine effrayante des travaux forcés à perpétuité, lorsqu'il est commis sur un chemin public.

J'aurais fait voir cette excessive sévérité de nos lois pénales, aggravée encore par la jurisprudence dans une foule de circonstances (3).

J'aurais démontré, 1o la nécessité d'é

cuivre, et l'a fait passer pour une pièce d'argent. Il est évident, à mon avis, que la loi n'est point applicable en pareil cas; mais cette démonstration demande une discussion d'une certaine étendue; et si, comme j'en ai le projet, je publie un Code pénal, dont j'ai depuis longtemps tracé le plan, et pour lequel j'ai déjà

J'aurais fixé l'attention publique sur ces peines inexécutables, telles que la déportation et le bannissement, conservées dans nos Codes, malgré les réclamations générales, et qui constatent tout à la fois l'imprévoyance du législateur et l'insuffisance de la loi.

tablir, dans l'intérêt général de la société, criminelle, vient d'en séquester par une comme dans celui de la morale publique, tache d'infamie. une différence entre les peines applicables au crime consommé, et celles qui sont infligées à la tentative du crime; 2° l'avantage de distinguer différens degrés dans la tentative, et d'en punir l'auteur plus ou moins sévèrement, selon que sa marche dans le sentier du crime l'a plus ou moins rapproché de l'exécution au moment où il vient à être saisi; 3° le danger qui résulte de la définition trop vague de la tentative, danger qui se manifeste surtout à l'égard des crimes les plus graves, puisque l'individu qui en à frappé dans la législation. et blessé un autre peut presque toujours être accusé de tentative d'assassinat ou de meurtre, ou être jugé seulement pour blessures, suivant le caprice et la volonté du magistrat (1).

J'aurais signalé la bizarrerie, et même l'immoralité de la peine du carcan appliquée comme peine principale, qui fait rentrer, immédiatement dans la société, celui qu'une condamnation, en matière

rassemblé beaucoup de matériaux, c'est dans cet ouvrage que mes observations, sur ce point, trouveront naturellement leur place.

(1) S'il m'est permis d'exprimer mon opinion personnelle sur ce grand problème de législation, voici ce qui me parait convenable :

1o Le projet de crime qui n'aurait point été manifesté par des actes extérieurs ne pourrait donner lieu à l'application d'aucune peine, ni servir de base à aucune poursuite, quand même l'existence en serait constante et prouvée (sauf toutefois les complots contre la personne du roi et sa famille, et contre la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat): la pensée, quelque criminelle qu'elle puisse être, n'est point du ressort de la justice humaine.

2o La tentative du crime manifestée par des actes extérieurs, mais suspendue par des circonstances non fortuites et dépendantes de la volonté de l'auteur de la tentative, serait punie d'une peine correctionnelle que les magistrats pourraient graduer dans un cercle donné, suivant la nature, la gravité et les circonstances du crime; la société a été troublée par cette manifestation extérieure, et le trouble qu'elle a éprouvé doit être réprimé.

30 La tentative du crime manifestée par des actes extérieurs, suivie d'un commencement d'exécution et suspendue par des circonstances fortuites ou indépendantes de la volonté de l'au

J'aurais examiné si l'application de la flétrissure, comme accessoire d'une peine temporaire de quelques années, n'est pas un acte d'inhumanité, de barbarie, en même temps qu'un véritable contre-sens

J'aurais mis en parallèle les dispositions qui provoquent et récompensent la délation, en punissant sévèrement le défaut de révélation de crimes de diverses natures (2); et la lacune, qui laisse sans supplice l'action infâme de l'individu qui, par un motif quelconque, suppose faussement l'existence d'un attentat (3), et jette l'alarme dans la société.

J'aurais rappelé à la stupeur publique

teur, serait punie d'une peine d'un degré immédiatement inférieur à celui du crime consommé. Quoique le hasard seul ait empêché l'exécution, on ne peut nier que le trouble ne soit moindre, et cela doit être pris en considération.

J'observe même que cette échelle est conforme à une disposition du Code pénal (art. 310), qui ne punit que des travaux forcés à perpétuité, l'auteur de blessures faites avec préméditation et de guet-à-pens dont il est résulté incapacité de travail pendant plus de 20 jours, et seulement d'emprisonnement (art. 311), si les blessures ont été guéries avant ce terme; quoique l'assassinat soit puni de mort, que le meurtre soit puni des travaux forcés à perpétuité, et que l'intention criminelle étant bien constatée par la préméditation et le guet-à-pens, la durée de la maladie résultant des blessures faites ainsi, soit assurément l'effet du hasard et non celui de la volonté de l'auteur des blessures qui a médité son action et qui a attendu sa victime.

(Note extraite du Traité de la Législation criminelle en France, tome Ier page 116, édit. Tarlier.

(2) Voyez art. 103 et suiv. 136, 138, 139 et 146 du Code pénal.

(3) Ce n'est que pour tentative d'escroquerie qu'a été condamné à un ou deux ans de prison (dont il a ensuite obtenu grâce), le garde forestier du bois de Boulogne, qui, en 1821,

J'aurais récapitulé les faits qui, suivant les lois nouvelles seulement (3), peuvent exposer un citoyen à perdre sa liberté et à subir une condamnation correctionnelle.

les articles qui prescrivent des condamna- d'une Charte qui proclame la liberté de tions contre la femme courageuse et dé- la presse, chaque phrase, chaque mot vouée quia brisé les fers de son époux (1). chaque point et virgule (5), chaque raJ'aurais indiqué l'injustice de la dispo- ture même (6), peut devenir, par l'insition, qui déclare complice du crime, terprétation, le motif d'une poursuite et et punit comme telle la femme faible, d'une condamnation (7); lorsqu'une série mais souvent non coupable, et toujours d'articles non punisables, qui ne peuvent dominée par une force majeure qui, offrir le caractère de délits, publiés ayant reçu dans la maison conjugale le dans un espace de temps indéterminé, produit des vols de son mari, ne livre pas expose néanmoins le propriétaire d'un elle-même, au glaive de la justice, celui journal ou écrit périodique à la perte de que la loi lui donne pour protecteur et sa fortune et de tous ses moyens d'exispour maître (2). tence, par la suppression du journal ou de l'entreprise littéraire à laquelle il a consacré ses capitaux; lorsque ce n'est point seulement ce qu'on a dit, mais ce qu'on est supposé avoir voulu dire, qui est déféré aux mesures de répression; que l'esprit d'une succession d'articles est soumis à l'interprétation d'une succession de juges, dont chacun a nécessairement, comme chaque homme, sa manière de sentir, de penser, de juger les mots, les phrases, les intentions, et de se fixer sur la nature, le but et les caractères de la tendance (8); lorsqu'enfin l'on s'expose à des peines graves, non pas seulement en mettant au jour ses idées sur les gouvernemens et sur les institutions en général mais encore en reproduisant littéralement, et sans y changer un seul mot, des ouvrages imprimés il y a des siècles, réimprimés, vingt fois depuis qu'ils

J'aurais essayé de démontrer qu'il ya nécessairement dans un Code de lois des vices réels qui appellent une prompte et salutaire réforme, lorsque chaque jour on voit les citoyens les plus honorables et les plus justement estimés, par leur amour du bien public, par leur respect pour l'ordre, par leur dévouement à la cause royale, et inême par les sacrifices dont cette cause a été pour eux la source (4), condamnés à un emprisonnement plus ou moins long, pour des opinions sur des théories exprimées avec beaucoup plus de modération et de réserve que l'on n'en mettait dans les siècles précédens; lorsque, sous l'empire

avait supposé avec une foule de circonstances préparées avec soin, un guet-à-pens et une tenlative d'assassinat contre S. A. R. le duc de Bor deaux.

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(1) Voyez art. 237 à 248 du Code pénal. Voyez aussi, dans mon Traité de Législation criminelle, tom. Ier, page 50, ce que j'ai dit à l'occasion de madame de Lavallette qui avait fait évader son mari, en se substituant à lui dans la prison. (2) Voyez, à ce sujet, Traité de Législation criminelle, tom. Ier, page 141.

(3) La récapitulation serait impossible, s'il fallait l'étendre à des lois tombées en désuétude. (Voyez plus haut, chapitre de l'Application des peines, sect. Ire, pag. 117 et suiv. )

(4) Voyez les procès portés chaque jour de vant les tribunaux, pour délits de la presse et délits de tendance.

Voyez notamment les procès relatifs à MM. Dumesnil et Magallon, à MM. Jouy et Jay.

TONE V.

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ont été publiés, répandus dans le monde de compétence en matière criminelle, et entier, et placés avec honneur dans les contre la création de tribunaux extraorbiblothèques de tous les souverains de dinaires et l'exercice de leur juridicl'Europe (1). tion;

Mais ce tableau trop vaste aurait demandé de grands développemens, et aurait sans doute excédé mes forces *.

SECTION II.

DEMONSTRATIONS ET CONCLUSIONS.

En me bornant au plan que je m'étais tracé, j'ai démontré:

4° Qu'ils en sont également dépourvus pour ce qui concerne la publicité des débats, l'exercice libre et complet du droit de défense, la composition régulière de la Cour ou du tribunal qui doit les juger, la prohibition de la procédure écrite, l'usage impartial et inoffensif du pouvoir discrétionnaire remis au président des assises, l'exactitude du résumé de ce magistrat, la position des questions, l'admission des excuses légales, etc., etc.; 5o Qu'indépendamment du droit de 1o Qu'il y a absence de garantie pour choisir les Jurés, dont les agens de l'anassurer la liberté individuelle, et pour torité sont investis, droit qui prive les protéger les citoyens contre les arresta- accusés de la plus forte des garanties, tions inconsidérées et sans motifs, contre ceux-ci n'en ont aucune pour repousser les détentions injustes et prolongées, une composition illégale du Jury, pour contre la lenteur des poursuites, contre prévenir l'influence étrangère à laquelle la prolongation du secret, contre les au- les Jurés pourraient être exposés, pour tres rigueurs auxquelles les détenus sont s'assurer même que la déclaration du exposés (2), contre la composition arbitraire des chambres d'accusation;

2° Que l'inamovibilité prétendue des juges n'a rien de réel, et que l'indépendance judiciaire ne trouve point de bases solides dans l'ensemble de notre législation;

3o Que les citoyens sont sans garantie contre l'interversion des règles générales

:

(1) Il parut en 1787 une brochure portant pour titre Essai sur quelques changemens qu'on pourrait faire dès à présent dans les lois criminelles de France, par un homme qui, depuis qu'il connaît ces lois, n'est pas bien sûr de n'être pas pendu un jour. Le titre de cet écrit pourrait encore (sauf la nature de la peine ) servir aujourd'hui de cadre à un ouvrage très-intéressant et très-piquant sur la réforme de nos lois criminelles, et l'auteur de l'écrit publié en 1787, pourrait, par ses hautes fonctions dans P'Etat, et par l'influence de son talent et de sa considération personnelle, concourir à faire adopter les changemens proposés, s'ils lui paraissaient bien conçus et sagement combinés.

Voyez, au reste, dans la 2o partie de cet ouvrage, le chapitre de la Liberté de la presse. *Plusieurs modifications et améliorations ont été introduites en France par la loi du 28 avril 1832, et en Belgique par l'arrêté du 9 septembre 1814, par l'arrêté du 20 janvier 1815,

Jury, lue publiquement à l'audience, a été rendue à la majorité nécessaire;

6o Que les citoyens de toute classe, de toute condition, peuvent avoir encouru, sans s'en douter, des peines graves dont ils ignoraient entièrement l'existence, ou du moins qu'ils sont sans garantie pour en prévenir l'application; et que, par des motifs de même nature, la confis

et surtout par la loi du 29 février 1831.

(2) J'avais terminé cette partie de mon ouvrage lorsque l'ordonnance du roi, qui supprime l'ancien conseil royal des prisons, a été publiée, et je dois à la vérité de dire que cette mesure et celle qui prive les détenus de la surveillance et des consolations d'un homme comme S. S. le duc de la Rochefoucauld-Liancourt et de ses dignes collègues, me paraissent peu propres à faire cesser ou à rendre plus rares les abus que leurs soins n'avaient pu extirper entièrement. La présence de chacun des membres de ce conseil royal était pour les prisonniers une véritable providence, leur ministère était toujours un ministère de bonté, de protection, et il était doux pour un détenu qui se croyait en butte à des vexations, d'exhaler et de déposer ses plaintes contre les concierges et les geôliers dans le sein d'un protecteur benévole, autre que l'homme du pouvoir qui a nommé et institué ces geôliers et ces concierges.

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