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cation, abolie de droit, pourrait cependant encore être exécutée de fait.

J'observe d'abord qu'une pareille doctrine tendrait à proscrire d'avance toute 7o. Enfin, qu'il n'existe aucune garan- amélioration dans la législation positive. tie pour s'opposer utilement à l'exécution J'affirme ensuite que, loin que les modifide jugemens tout-à-fait irréguliers, pour cations que réclament ces lois, d'après en constater les vices radicaux, pour pré- mon opinion, présentent des obstacles venir même, dans certains cas, un nou- insurmontables, ou exigent seulement de veau jugement sur le même fait, après un grands travaux, les vices les plus graves premier acquittement; pour empêcher et les plus nombreux disparaîtraient deque l'usage du droit de grâce, de ce droit vant une seule disposition législative de si admirable dans son principe, ne donne la plus grande simplicité. lieu aujourd'hui, comme autrefois, aux On a remarqué, en' effet, que si des plaintes des magistrats les plus distin- règles utiles, écrites dans la loi, sont ou gués, des hommes les plus fortement ani- peuvent être impunément violées, c'est més de l'esprit de justice et de l'amour qu'aucune sanction n'en assure, n'en gades lois, et que l'exécution des jugemens rantit l'exécution. Donnez cette sanction ne soit entièrement livrée, en définitive, à la règle, et tout rentrera ou restera dans aux décisions de l'autorité administra Pordre. Ainsi, au lieu de laisser à la Cour tive. de cassation le soin de décider si telle ou Le tableau qui ressort de cette démons telle disposition est ou n'est pas substantration affligeante est-il celui de l'admi- tielle et constitutive, appliquez la peine de nistration générale de la justice criminelle nullité à la violation ou à l'omission de en France? Tous les arrêts sont-ils empreints la formalité, et vous aurez atteint le du sceau d'illégalité qui résulte de chacun but.

des vices signalés? On peut affirmer que « Le premier caractère de la procédure non et si beaucoup de procédures offrent » criminelle, comme l'a si bien dit des irrégularités, c'est sans doute presque » M. Dupin, est d'être fixe, d'être réglée toujours dans des circonstances indépen- » d'avance par la loi, et de ne pas dépendantes de la volonté des magistrats qu'il » dre du caprice de l'homme (1). » faut en rechercher la cause..

Mais ce qui est incontestable, c'est que chacun des vices signalés existe, et qu'il pourrait se rencontrer dans chaque procédure criminelle.

Certes je mets trop de bonne foi dans mon travail, et je recherche avec trop de franchise la solution du problème qui consiste à donner à la société, en même temps qu'aux citoyens, des garanties Et puisqu'il en est ainsi, puisque toutes suffisantes, pour vouloir, en renouvelant mes assertions sont appuyées de l'autorité une erreur du Code des délits et des peides exemples, il est incontestable aussi nes du 3 brumaire an IV, demander et qu'il suffit non-seulement que chacune proposer le retour d'un ordre de choses des irrégularités indiquées ait été com- qui, pour une irrégularité commise au mise une seule fois, mais même qu'elle, commencement d'une instruction crimiait pu l'être, et que cela puisse se renou- nelle, exposerait une procédure entière à veler, pour qu'il y ait nécessité de corri- être annulée après le jugement définitif : ger la loi, de la modifier, de l'expliquer, je sais que l'exemple est le but principal de remplir la lacune qui s'y fait remar- de la répression des délits, et que, pour quer; enfin, de l'environner de la garantie dont la société et chaque citoyen ont un égal besoin.

Mais une pareille entreprise n'est-elle pas immense, n'est-elle pas, sinon impraticable, du moins d'une exécution extrêmement difficile? et si le mal est sans remède, n'aurait-il pas mieux valu garder le silence?

être salutaire, il doit être rapproché, autant qu'il est possible, de la perpétration du crime; mais je sais aussi que, puisque la loi a indiqué des formalités et prescrit des règles, elles les a jugées utiles, et

(1) Voyez les observations sur quelques points de la Législation criminelle de M. Dupin, p. 33.

qu'elles doivent être remplies et exécu

tées.

moi, ne serait pas pourtant applicable à tous; mais les autres moyens d'amélioration et de garantie que provoquent des vices d'une autre espèce, ne seraient probablement guères plus difficiles que celuilà. Il est à ma connaissance que, depuis long-temps déjà, des projets utiles et destinés à corriger quelques parties défectueuses du Code d'instruction criminelle et du Code pénal, ont été soumis à la discussion du conseil d'Etat, et y ont même été approuvés (1); il ne s'agirait que de compléter le travail.

On pourrait donc diviser chaque proedure, comme elle se divise naturelle ment, en plusieurs périodes; l'une des périodes se composerait de tous les actes qui précèdent la décision du tribunal de première instance, sur le rapport du juge d'instruction, la seconde comprendrait cette décision et l'arrêt de la chambre d'accusation; dans la troisième, se trouverait rangée la procédure intermédiaire qui précède l'examen et le débat; la quatrième, enfin, se formerait de l'instruc- Au reste, il ne m'appartient point de tion qui a lieu devant la Cour d'assises tracer la marche que l'on doit suivre pour le recours en cassation serait ouvert à parvenir au but; et si je me suis permis chaque période, comme il l'est aujour- d'exprimer une pensée à cet égard, c'est d'hui contre l'arrêt de mise en accusation uniquement pour faire sentir que ce qui seulement. De cette manière, les citoyens paraît d'abord hérissé de difficultés, parce auraient des garanties; et si l'annulation qu'on n'a point approfondi la matière, d'un acte irrégulier venait à être pronon- s'aplanit souvent de soi-même dans l'exécée, les actes des périodes précédentes cution. étant maintenus, on n'aurait point à redouter l'inconvénient qu'il importe d'éviter.

Ce mode si simple, qui remédierait à la plus grande partie des dangers et des lacunes que le lecteur a reconnus avec

J'ai rempli ma tâche en indiquant le mal; que d'autres remplissent la leur en le corrigeant!

(1) Voyez, à ce sujet, le Traité de la Législation criminelle en France.

ET DES BESOINS

DE

LA LÉGISLATION FRANÇAISE

EN MATIÈRE POLITIQUE.

CHAPITRE PREMIER.

OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.

SECTION I.

La Charte a proclamé tous les grands bres, sous la condition expresse que c'est principes dont le développement et l'ap- toujours à la Chambre élective que sont plication doivent, sous un gouvernement d'abord portées les propositions en cette monarchique, assurer le bonheur des ci- matière. toyens et les mettre à l'abri des abus du pouvoir, des empiètemens, des usurpations de l'autorité, des vexations et de l'arbitraire.

La responsabilité déclarée des ministres, et le droit de les accuser pour concussion ou trahison conféré à la Chambre des députés, forment, avec le droit de les juger dont est investie la Chambre des pairs, le complément de la législation politique, et sont en quelque sorte la clef de la voûte de l'édifice social.

Ainsi, sous l'égide tutélaire du trône constitutionnel et de l'inviolabilité du monarque, la Charte consacre l'égalité de tous les Français devant la loi, leur droit commun de parvenir à tous les emplois, Certes, si tous ces principes féconds l'abolition de tout privilége, la sûreté et étaient développés et appliqués respectila liberté individuelle, la liberté reli- vement à toutes les parties du gouvernegieuse et une protection égale pour tous ment, à toutes les branches de l'adminisles cultes reconnus en France; l'inviola- tration publique, aucun intérêt ne serait bilité des propriétés, le gouvernement méconnu ou ne le serait impunément, représentatif, la coopération à l'exercice aucun droit ne resterait sans garantie. de la puissance législative, de deux Cham. bres, dont l'une est élective et l'autre est héréditaire et à la nomination du roi; et le vote libre de l'impôt par les deux Cham

Mais quel est réellement l'état des choses? Les dispositions qui portent avec elles des moyens d'exécution sont-elles partout exécutées avec franchise, comme sans

restriction et sans réserve ? celles qui ré- pour cette seconde partie ce que nous clament le secours de la loi, pour ne pas avons fait pour la première, mettons le demeurer stériles, ont-elles reçu cet ap- lecteur dans le cas de se former une idée pui nécessaire ? enfin la législation orga- exacte sur la force ou l'absence des garan nique et l'action gouvernementale sont- ties, sur les besoins, les nécessités, les elles partout en harmonie, en rapport lacunes de la législation en cette matière. entre elles ainsi qu'avec les théories écrites? ou bien cette action, qui est le droit pratique en matière politique, contrarie-t-elle ou peut-elle contrarier constamment, habituellement ou quelquefois, le droit théorique tel qu'il est écrit dans la Charte constitutionnelle et dans les lois politiques ?

SECTION II..

DISPOSITIONS PRINCIPALES DE LA CHARTE
RELATIVES A L'ORDRE POLITIque *.

1. « La personne du roi est inviolable Examinons ces questions; et en faisant et sacrée. Le roi fait les réglemens et or

*Nous croyons qu'il est utile de reproduire roi ne peut soustraire un ministre à la responquelques-uns des articles de la Constitution sabilité. » (Art. 89, Const. belge.) belge analogues à ceux de la Charte française: le lecteur se trouvera à mème de juger par là de l'applicabilité des observations de M. Legraverend aux principes qui dominent nos institutions actuelles.

« La personne du roi est inviolable; ses ministres sont responsables. » (Art. 63, Const. belge.) Il fait les réglemens et arrêtés nécessaires pour l'exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution. » (Art. 67, ibid.)

« La Chambre des représentans a le droit d'accuser les ministres et de les traduire devant la Cour de cassation, qui seule a le droit de les juger, chambres réunies, sauf ce qui sera statué par la loi, quant à l'exercice de l'action civile,

, par la partie lésée, et quant aux crimes et délits que les ministres auraient commis hors de l'exercice de leurs fonctions. Une loi déterminera les cas de responsabilité, les peines à infliger aux ministres et le mode de procéder contre eux, soit sur l'accusation admise par la Chambre des représentans, soit sur la poursuite des parties lésées. » (Art. 90, Const. belge.) Il faut ajouter à cet article la disposition transitoire de l'art. 134. « Jusqu'à ce qu'il y soit pourvu par une loi, la Chambre des représentans aura un pouvoir discrétionnaire pour accuser un ministre, et la Cour de cassation, pour le juger, en caractérisant le délit et en déterminant la peine. Néanmoins, la peine ne pourra excéder celle de la réclusion, sans préjudice des cas expressément prévus par les lois pénales.»

« Le roi ne peut faire grâce au ministre condamné par la Cour de cassation, que sur la demande de l'une des deux Chambres. » (Art. 91, Const. belge.)

« En aucun cas, l'ordre verbal ou écrit du

« Les Belges sont égaux devant la loi, seuls ils sont admissibles aux emplois civils et militaires, sauf les exceptions qui peuvent être établies par une loi, pour des cas particuliers. (Art. 6, Const. belge.)

« La liberté individuelle est garantie. (Art. 7, Const. belge.)

« Il ne peut être établi de privilége en matière d'impôts. - Nulle exemption ou modération d'impôt ne peut être établie que par la loi.» (Art. 112, Const. belge.)

« La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l'occasion de l'usage de ces libertés. » (Art. 14, Const. belge.)

«La presse est libre; la censure ne pourra jamais être établie; il ne peut être exigé de cautionnement des écrivains, éditeurs ou imprimeurs. — Lorsque l'auteur est connu et domicilié en Belgique, l'imprimeur ou le distributeur ne peut être poursuivi. » (Art. 18, Const. belge.)

« L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi. L'instruction publique donnée aux frais de l'État est également réglée par la loi.» (Art. 17, Const. belge.) « Les Belges ont le droit de s'assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l'exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable. Cette disposition ne s'applique pas aux rassemblemens en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police. » (Art. 19, Const. belge.)

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« Les Belges ont le droit de s'associer droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive. » (Art. 20, Const. belge.)

donnances nécesaires pour l'exécution des tant aucune différence entre elles. L'Etat lois et la sûreté de l'Etat. » (Art. 13 et 14 peut exiger le sacrifice d'une propriété de la Charte constitutionnelle.) pour cause d'intérêt public légalement constaté, mais avec une indemnité préalable. » (Art. 9 et 10. )

2. « Les ministres du roi sont responsables; la Chambre des députés a le droit de les accuser et de les traduire devant la Chambre des pairs, qui seule a le droit de les juger. Ils ne peuvent être accusés que pour fait de trahison ou de concussion. Des lois particulières spécifieront cette na ture de délits et en détermineront la poursuite.» (Art. 13, 55 et 56.)

8. « La puissance législative s'exerce collectivement par le roi, la Chambre des pairs et la Chambre des députés des départemens. Toute loi doit être discutée et votée librement par la majorité de chacune des deux Chambres. » (Art. 15 et 18).

9. « La Chambre des députés est composée des députés élus par les colléges électoraux dont l'organisation est déterminée par des lois.

3. « Les Français sont égaux devant la loi, quels que soient d'ailleurs leurs titres et leurs rangs; ils contribuent indistinctement dans la proportion de leur fortune » Les électeurs qui concourent à la noaux charges de l'Etat ; ils sont également mination des députés ne peuvent avoir admissibles aux emplois civils et militai- droit de suffrage s'ils ne paient une conres.» (Art. 1, 2 et 3.) tribution directe de 300 francs, et s'ils ont moins de trente ans.» (Art. 35 et 40.)

4. « La liberté individuelle des Français est également garantie, personne ne pouvant être poursuivi ni arrêté que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit. » ( Art. 4. )(1).

5. « Chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection. Cependant la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l'Etat. » (Art. 5 et 6.)

6. « Les Français ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent réprimer les abus de cette liberté. » (Art. 8.) 7. « Toutes les propriétés sont inviolables, sans aucune exception de celles qu'on appelle nationales, la loi ne met

« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la manière établie par les lois, et moyennant une juste et préalable indemnité. » (Art. 11, Const. belge.)

« Tous les pouvoirs émanent de la nation. Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution.» (Art. 24, Const. belge.)

« Le pouvoir législatif s'exerce collectivement par le roi, la Chambre des représentans et le Sénat.» (Art. 26, Const. belge.)

« La Chambre des représentans se compose des députés élus directement par les citoyens, payant le cens déterminé par la loi électorale, lequel ne peut excéder 100 fl. d'impôt direct, ni être au-dessous de 20 fl. » (Art. 48, Const. belgr.)

10. « La liste civile est fixée pour toute la durée du règne par la première législature assemblée depuis l'avènement du roi. Aucun impôt ne peut être établi ni perçu s'il n'a été consenti par les deux Chambres et sanctionné par le roi. » (Art. 23 et 48.)

11. « Aucun pair ne peut être arrêté que de l'autorité de la Chambre et jugé que par elle en matière criminelle.

>> Aucun membre de la Chambre des députés ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, qu'après que la Chambre a permis sa poursuite. » (Art. 34 et 52.)

12. « Toutes recherches des opinions

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