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des officiers ministériels choisis avant tout, n'est-il pas évident que les garanl'âge ou le temps d'épreuves nécessaire, ties sont insuffisantes, qu'il y a absence ou dispensés de quelqu'une de ces con- de lois ou lacune dans celles qui existent, ditions, etc., etc. (1)? Plusieurs de ces et que le devoir du législateur est d'y faits portent certainement atteinte au pourvoir?

principe de l'égalité devant la loi et à celui de l'aptitude commune des Français à occuper des emplois, et créent des priviléges contraires à l'ordre et qui ne sau

S III.

raient être justifiés par des motifs d'in- Le principe de l'égalité devant la loi, térêt général, parce qu'ils ne tournent proclamé par la Charte, me paraît surpoint à l'avantage de tous (2); les autres tout susceptible d'être envisagé, dans peuvent être considérés comme produi- l'influence qu'il exerce, ou les atteintes sant le même effet. Des faits analogues dont il est l'objet, sous un rapport fort ne peuvent-ils pas se glisser dans l'avan- important et que je crois tout à fait neuf. cement militaire comme ils se rencon- Je ne sais si c'est l'intervention habituelle trent dans l'organisation du service civil? et s'il est possible qu'il en soit ainsi par

juillet 1822, qui casse un jugement de destitution rendu contre un notaire qui avait été pour suivi pour faux, mais acquitté.

On objectera sans doute que les ministres du roi peuvent exiger qu'indépendamment des autres conditions voulues par la loi, les candidats justifient d'un certificat qui constate leurs opinions royalistes; et un noble pair, connu par son dévouement à la cause royale, a fait, dans le sein de la Chambre, une réponse trop péremptoire à cette objection pour que je prétende rien ajouter à ce qu'il a dit : mais je veux, par une seule observation, démontrer combien cette condition nouvelle est bizarre quand on l'examine de près.

de l'autorité dans toutes les circonstances, même les plus indifférentes, et la

pas que le certificat qu'on exige aujourd'hui est une entrave sans utilité, qui peut donner les moyens d'écarter tel ou tel candidat, mais qui ne prouve rien autre chose à l'égard de celui auquel on le refuse, si ce n'est qu'on pense que ses opinions ne sont pas exactement conformes à celles du jour, qui n'étaient pas celles de la veille, et qui ne seront peut-être plus celles du lendemain?

(1) Voyez une foule d'ordonnances qui accordent des dispenses d'àge, et d'autres qui nomment à des fonctions judiciaires des jeunes gens qui n'avaient prêté le serment d'avocat que depuis quelques jours, quoique l'article 64 de la loi du 20 avril 1810 exige deux ans de stage.

Je suis sans doute fondé à croire que les mi- (2) Les priviléges ne sont dangereux et odieux nistres du roi qui ont précédé immédiatement qu'autant qu'ils sont en opposition avec les droits le ministère actuel doivent être considérés et les intérêts de la société. Mais ces droits même et comme de bons royalistes: indépendamment de ces intérêts ne doivent le plus souvent leur exis leurs actes, qu'il ne m'appartient pas de juger, tence qu'à de véritables priviléges. Tous ceux qu'a j'en trouve la preuve dans la confiance dont S. M. créés la Charte sont respectables et doivent être les a honorés pendant long-temps, et même ité- respectés; mais ceux qu'elle proscrit, doivent rativement pour plusieurs d'entre eux, ainsi être repoussés; et si des lois contraires à son texte que dans les grandes récompenses qu'ils ont re- et à son esprit en ont établi, il faut exécuter ces çues en se retirant. Le doute même à cet égard lois tant qu'elles existent mais il est juste et me paraîtrait si étrange et si injurieux pour la utile d'en signaler les vices; et les priviléges qu'il justice et la bienveillance du monarque, qu'il faut surtout frapper de reprobation sont ceux que ne peut pas se supposer. Par une conséquence la volonté arbitraire des hommes du pouvoir élaforcée, les collaborateurs des précédens minis- blirait en faveur des individus ou des classes au tres étaient à leurs yeux des royalistes loyaux préjudice de la masse des citoyens, dont le plus ch bien, n'est-il pas certain qu'un grand nom- faible et le plus pauvre doit pouvoir invoquer le bre de ces collaborateurs ne seraient pas consi- bénéfice de la loi avec autant de facilité et de dérés, par quelques-uns de nos ministres ac- succès que le plus riche et le plus puissant. tuels, comme des hommes bien pensans, dignes Si, comme on l'annonce, le droit d'aînesse d'obtenir un certificat de royalisme? ( Je n'exa- vient à être rétabli, rien ne sera plus contraire mine pas quelle serait à cet égard leur opinion au principe constitutionnel de l'égalité devant la sur leurs prédécesseurs eux-mêmes.) Et si cette loi; et l'inégalité des partages sera une singuassertion est incontestable, ne démontre-t-elle lière loi organique du principe dont il s'agit.

présence continuelle des agens du pouvoir à tous les actes de la vie sociale et de la vie privée, qui ont dénaturé en France l'idée que l'on doit se former, dans un pays civilisé, de l'administration publique; mais il me paraît certain que l'opinion est entièrement faussée à cet égard.

au gré de l'autorité, un moyen de paralyser l'industrie ou les spéculations de tel ou tel individu, de surprendre les secrets de famille, d'effleurer et même de froisser les scrupules d'une amitié susceptible et délicate, et de déchirer les voiles mystérieux d'un sentiment plus tendre.

Pour avoir la liberté de sortir de sa Sans vouloir explorer les archives semaison, il faut prendre garde d'être récrètes de chaque partie du service, si puté mal pensant par le commissaire de l'on en juge seulement par une foule de police de son quartier, et par le curé de faits patens, reconnus et avoués, et par sa paroisse. Si on ne vous fait aujourd'hui un devoir d'aller à la messe, la profession de foi même des hommes que on exirevêtus du pouvoir, il est évident qu'on gera peut-être demain le billet de confesse persuade que l'administration est créée sion (1); et toutes ces recherches que l'adet doit agir dans l'intérêt de telle ou telle ministration peut prescrire (puisqu'elle opinion et au profit de tels ou tels memles juge convenables) pour conférer à un bres de la société, et que tout ce qu'elle trésor de l'Etat, et que, dans ce cas-là de ses agens une place salariée par le autorise, permet, accorde ou sanctionne du moins, on peut essayer de justifier par de son approbation, étant une faveur, une grâce, une sorte de privilége, c'est un système exclusif de gouvernement, pour les élus que son ministère doit être on les applique à la délivrance d'un pasréservé. Cette étrange doctrine, que l'es- sport, à un acte évidemment obligé de prit de parti et les nuances marquées clame est domicilié, qu'il a des moyens l'administration lorsque celui qui le réd'opinions ont sans doute fait naître, est d'existence et qu'il n'est frappé d'aucune propagée et soutenue par les mêmes causes. Dans un temps calme et plus éloigné des orages, la raison et le simple bon sens en auraient bientôt fait justice; mais le moment n'est pas encore venu où son empire doit être anéanti.

de ces recherches pour refuser le passecondamnation; on s'autorise du résultat port que la loi, obligatoire pour l'autorité non moins que pour les citoyens, lui fait un devoir de délivrer, comme elle en fait un aux particuliers de s'en pourvoir; et Ainsi, le citoyen paisible, le proprié- si, forcé par des circonstances pressantes taire indépendant, le négociant probe, qui ne peuvent admettre de retard, et l'artiste livré à ses travaux, le savant peut-être par des motifs impérieux qui ne occupé de découvertes, l'ouvrier indus- permettent point à l'homme d'honneur trieux, ne peuvent se flatter d'obtenir de temporiser et de calculer ses propres un passeport à l'étranger ou pour l'inté- dangers, celui qui a exécuté la loi autant rieur, si outre la preuve de leur profes- qu'il était en lui et à qui on a refusé les sion, de leur état social, ils ne peuvent moyens d'exécution dépendans de l'auproduire des certificats relatifs à leurs torité, vient à franchir la barrière du opinions politiques et religieuses; et cette lieu où il est consigné, il se verra tout à entrave déjà si gênante de la nécessité d'un coup arrêté par la même autorité qui repasseport, qui, resserrée dans ses justes fusa de signer le passeport qu'il avait delimites, ne devrait être qu'une garantie mandé, et conduit comme un vagabond contre le vagabondage, une précaution ou un criminel dans ces mêmes lieux qui contre les gens sans aveu, peut devenir, furent témoins de son exactitude à se

(1) Cette observation était écrite avant que les justifier une pareille mesure. Mais depuis la journaux nous eussent appris l'exclusion, en connaissance de pareils faits, cette espèce de qualité de parrain, d'un membre de la Chambre prévision n'est plus qu'une conséquence toute des députés, et avant que nous eussions lu dans naturelle de ce qui se passe déjà sous quelques-uns d'entre eux des articles tendant à yeux.

nos

soumettre à la loi, et du refus illégal ter un fait matériel et donner à une expéqu'on lui fit éprouver. dition la régularité nécessaire? Quels inAinsi les mêmes difficultés, les mêmes convéniens ne peut pas produire un entraves, les mêmes conséquences s'alta- système suivant lequel des extraits de chent aux permis de port d'armes, dont mariage, de naissance, de décès, des l'établissement ne peut être régulière- actes civils, des procurations, etc., resment considéré que sous le double aspect teront imparfaits selon le bon plaisir de d'une mesure fiscale et d'un moyen de celui qui doit les légaliser, parce qu'an surveillance, et dont la délivrance ne lieu de reconnaître qu'il n'est en pareil devrait jamais être subordonnée qu'à cas qu'un instrument nécessaire qui reun cens déterminé de celui qui le de- çoit l'impulsion de la loi sans qu'il lui mande (1), à son domicile connu et à ses soit permis de s'y soustraire, l'adminismoyens d'existence; et la faculté de par- trateur se croit autorisé à rechercher les courir en armes ses propres domaines opinions, à scruter la pensée de celui qui étant ou pouvant être refusée, suivant a besoin de ces pièces pour recueillir une le caprice et la volonté, aux plus riches succession, contracter une alliance ou dépropriétaires et aux hommes les mieux fendre des droits litigieux ? famés, les permis de port d'armes peu- Et qu'on ne dise pas que c'est ici une vent devenir par la pratique la source supposition gratuite; les faits sont là pour d'un privilége odieux contre lequel la en démontrer l'existence; chaque année nation entière manifesta son indignation les archives de la Chambre des députés dans les cahiers qu'elle remit à ses dé- constatent que des expéditions d'extraits légués, et un moyen toujours nouveau de persécution contre ceux qu'on veut abreuver d'amertume.

Ainsi, des actes qui ne sont réellement que des formalités auxquelles tous les citoyens doivent se soumettre, à condition que l'autorité s'empressera de les remplir, sont considérés comme des grâces laissées dans le domaine de l'arbitraire (2). Et si, détournant ses regards de ces cas usuels mais pourtant spéciaux, on les porte sur des formalités plus générales encore, plus fréquentes, plus habituelles, telles que l'expédition des actes de l'état civil ou des arrêtés de l'autorité administrative, telles même que le simple visa sur des pièces qui doivent être employées hors d'un département, hors du royaume, que penser et que dire du refus ou du retard de l'autorité pour des opérations de cette nature, où la pensée du fonctionnaire ne peut pas ou ne doit pas être mise en action; où sa main seule doit agir avec l'impassibilité d'une griffe, pour consta

(1) J'entends par cens déterminé la preuve que le citoyen qui demande le permis de port d'armes n'est pas un homme sans aveu.

(2) Le mal vient de ce que, par suite d'une confusion dans les idées relatives à l'administration, à son but légal et à ses droits, on con

des rôles de contributions, ou des certificats des directeurs, ont été vainement réclamés par des électeurs et même par des députés élus (3), ou que les administrateurs ont refusé de viser ces pièces; et quand les choses se passent de la sorte pour l'exercice d'un droit politique d'où dérive l'exercice même de la puissance législative, qui pourrait espérer qu'il en sera autrement pour des actes moins aperçus et par conséquent susceptibles d'échapper à l'attention publique et à la juste censure de la société et des membres qui la composent ?

Quel serait le moyen de protéger les principes dans leur application? je ne me flatte point de pouvoir l'indiquer; mais dans un gouvernement représentatif, dont la publicité fait la force, dans un gouvernement où, pour me servir de l'expres sion si précise de M. le président du conseil des ministres, on doit jouer les cartes sur table, les ministres ne devraient-ils pas soumettre aux Chambres un compte

fond partout la surveillance avec la tutelle et le besoin d'autorisation.

(3) Voyez notamment la discussion sur l'ajournement prononcé à l'egard de l'élection de M. Kératry, député de Brest, élu en 1822.

l'in

annuel de leur gestion relativement à tion, appartiennent donc à cette discustoutes les lois qui se rattachent à la Charte sion; et si les espèces particulières doivent constitutionnelle? ne serait ce pas ainsi en être habituellement écartées, ou si du que les lacunes de la législation ou son moins elles ne peuvent être rappelées et insuffisance seraient bientôt remarquées, invoquées que comme des faits à l'appui que l'incohérence des lois faites sous les des argumens que l'on fait valoir, comme gouvernemens antérieurs à la promulga- des preuves de l'erreur ou de l'abus que tion de la Charte, la contrariété de leurs l'on signale, les résultats généraux, dispositions, l'opposition de leur esprit fluence de l'action gouvernementale sur avec les principes constitutionnels, se- les masses, par rapport à chaque branche raient mis en évidence, que les inter- de service public, ne doivent point être prétations vicieuses seraient relevées, et soustraits aux regards des pouvoirs qui qu'on arriverait enfin à un système de concourent à la confection de la loi. lois homogène dans toutes ses parties, à En effet, si la garde et la surveillance une exécution franche et uniforme de des garanties n'existe nulle part, si la tout ce que le législateur aurait prescrit? puissance législative n'est pas chargée de ne serait-ce pas ainsi que tous les droits, cet auguste dépôt, n'est-il pas évident tous les intérêts auraient de nouvelles et que cette puissance constitutionnelle sera plus solides garanties: le trône, dans la annihilée dans son influence? Elle fera force et la bonté des institutions monar- des lois sans doute, et c'est pour cela, chiques; le peuple, dans la surveillance dira-t-on, qu'elle est instituée; mais si de ses mandataires et des pouvoirs inter- ces lois sont éludées ou écartées, si elles médiaires; les ministres ou le gouverne- sont violées par des actes du pouvoir ment, dans la confiance universelle dont ils seraient environnés ?

ministériel et de l'administration; si des ordonnances royales sont substituées aux Prétendrait-on que ce serait transporter dispositions législatives; si des arrêtés mil'administration dans les Chambres ? Il est nistériels même en arrêtent l'exécution, loin de ma pensée de provoquer rien de en paralysent les effets; si des délégués semblable; mais si le maintien de l'éga- du gouvernement déclarent que l'on peut lité dans la répartition des charges est se dispenser de les observer, la puissance incontestablement un droit comme un de- législative ne doit-elle pas être autorisée voir de ceux qui votent l'impôt, pour- à se faire rendre compte des faits pour rait-on nier que le maintien de l'égalité les apprécier, et pour exercer, s'il y a constitutionnelle devant la loi, et des con- lieu, son droit constitutionnel d'accusaséquences qui en découlent, ne soit un tion, ou déclarer du moins que la loi est droit et un devoir corrélatif? Toutes les violée ou éludée dans son application? branches du service public entrent nécessairement dans le domaine de la surveillance et de la censure parlementaire, comme l'emploi et l'application des subsides qui y sont destinés; le mode d'exécution de toutes les lois d'ordre public, ainsi que la manière dont les principes constitutionnels sont développés et mis en ac

Le recours incertain au consel d'Etat, c'est-à-dire la plainte portée devant une autorité subordonnée en fait, contre des actes de l'autorité qui lui est supérieure, peut-il suffire pour réprimer les abus existans et en prévenir de nouveaux? et l'insuffisance et les vices d'un pareil système ne ressortent-ils pas de toutes parts?

TOME V.

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