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pour la somme qui lui est due et payée monie et peut-être même la stricte éconosur ces fonds; le produit de la munificence mie. Un peuple puissant doit être genéde S. M. aurait été néanmois affecté reux quand il s'agit de doter ses rois; et spécialement à cet objet, conformément les dépenses patentes que peut faire un à ses ordres; et dans le compte rendu des souverain, pourvu qu'il n'y ait pas excès, dépenses pour la solde, les fonds donnés sont presque toujours un bien réel qui par le roi auraient figuré comme produi- peut en prévenir de dangereuses et d'osant un reliquat ou boni de pareille cultes.

somme.

Cependant la prodigalité serait égaleMais, en opérant d'une autre manière, ment dangereuse et ne doit point se faire on a commis une double irrégularité, apercevoir dans cette mesure nationale; puisque d'une part on a diminué le mon- les fonds assignés aux dépenses du motant fire de la liste civile, et qu'on a mis narque, doivent être dans une juste proà sa charge, chaque année, pendant que portion avec les revenus de l'Etat et les cet état de choses a duré, une dépense besoins du roi; il ne faut pas que le prince considérable qu'elle ne devait pas suppor- puisse jamais trouver dans sa liste civile ter et qu'elle ne supporte pas habituelle- les moyens d'opprimer ses peuples et de ment; et que d'un autre côté on affecté à détruire les libertés publiques. la solde d'un corps militaire des fonds spéciaux qui ont une autre destination. L'irrégularité sous ce double rapport ne devient-elle pas plus palpable, si l'on considère qu'un nouveau règne pouvant dans le cours d'une année produire un changement dans la pensée et la volonté du monarque, on s'exposait ainsi ou à priver le roi d'une partie des fonds de la couronne jusqu'à la nouvelle fixation qu'auraient faite les Chambres législatives, ou à laisser dans le vague et l'incertitude, une branche de service public qui doit toujours avoir une affectation précise dans le budget général de l'Etat ?

Mais cet écueil ne saurait être évité et prévenu, si tout ce qui est en dehors de la liste civile n'est exactement déterminé et invarialement fixé. En effet, s'il en est autrement, rien ne s'opposerait à ce que, sous un monarque prodigue et d'un caractère absolu, les produits de la liste civile, au lieu d'être employés au service de sa maison et aux dépenses de sa cour, ne reçussent une destination tout-à-fait opposée, tandis que toutes les charges, toutes les places de ses serviteurs seraient salariées des deniers de l'Etat. Les moyens ne manqueraient pas, dans cette hypothèse, pour ranger tous les courtisans qui reçoivent des gages royaux, sous des dénominations qui se rattacheraient à des services publics; et l'on voit ainsi à quels dangers le bonheur du peuple et la dignité de la monarchie se trouveraient exposés dans des hypothèses possibles, dont l'histoire offre tant d'exemples, parce que la disposition constitutionnelle relative La fixation de la liste civile, dans une à la liste civile est restée, comme tant monarchie forte et constitutionnelle, n'est d'autres dispositions, dépourvue des gapoint une vaine formalité, une opération ranties qui lui sont nécessaires, et que la simple et de peu d'importance. La dignité législation offre à cet égard des lacunes du trône, l'éclat de la couronne, une ma- affligeantes qu'on ne s'est point occupé gnificence bien entendue, inséparable jusqu'ici de remplir. des Cours, et la nécessité de laisser au prince les moyens de satisfaire les besoins de son cœur et même, jusqu'à un certain point, les caprices de sa faveur et de sa générosité, sont autant de considérations qui repoussent la mesquinerie, la parci

Que si l'on passe de ces considérations, qui me paraissent frappantes, à d'autres aperçus que j'ai indiqués au commencement de ce chapitre, les lacunes et les besoins de la législation sur ce point fondamental qui touche aux plus grands intérêts de la monarchie, ne sont pas moins évi

dens.

S II.

Outre l'abus que je viens de signaler

comme pouvant ou diminuer les produits délibérations qui sortent du cercle de de la liste civile au préjudice de la cou- leurs attributions ont quelque chose d'irronne, ou les augmenter au détriment de régulier, malgré la noblesse du but et la fortune publique, il en est un autre la pureté des motifs.

qui offre encore des inconvéniens sous ce Sans doute, il est des événemens heudernier rapport: je veux parler de l'usage reux, naturels ou extraordinaires qui, qui s'introduirait dans le sein des conseils indépendamment des témoignages partigénéraux de département ou des conseils culiers et isolés de la part des citoyens, municipaux, et qui par la suite pourrait peuvent et doivent provoquer un témoimême être stipulé par les ministres, de gnage éclatant de satisfaction ou d'admivoter des offrandes soit en argent, soit en ration publique; et loin de moi la pensée valeurs immobilières, en l'honneur du de vouloir repousser, comprimer ou attésouverain ou de sa famille. nuer ces élans généreux ! mais la joie du peuple (pris collectivement) comme la reconnaissance nationale a des organes naturels; ces organes sont les Chambres législatives. Et lorsque l'avènement d'un prince à la couronne, lorsqu'un hymen qui promet au peuple des descendans de ses rois, lorsque la naissance d'un auguste rejeton, lorsque les succès et la noble conduite d'un prince à la tête des légions françaises, excitent des acclamations d'allégrese et d'enthousiasme, c'est aux Chambres à consacrer ces événemens ou ces époques, parce qu'elles seules, parmi les corps constitués, peuvent le faire dignement, régulièrement, nationalement, et que, hors du sein de la puissance législative on ne peut reconnaître les interprètes des sentimens nationaux.

Ces élans de l'amour des sujets pour le chef de l'Etat ou pour ses proches, sont sans doute aussi honorables pour le peuple qu'ils sont doux au cœur des princes; et rien n'est plus pur que la source d'où ils émanent, lorsque, comme on l'a vu à l'occasion de l'érection de la nouvelle sta tue équestre de Henri IV, et à l'époque de l'heureuse naissance de S. A. R. le duc de Bordeaux, les citoyens individuellement ou collectivement apportent le tribut de leur amour et de leurs espérances, et s'imposent eux-mêmes le doux sacrifice d'une partie de leur superflu ou de leur nécessaire.

Mais quelle mission ont reçue les autorités qui votent des sommes à prendre sur les revenus d'une commune ou sur les centimes additionnels facultatifs d'un département et qui disposent ainsi dans les diverses localités d'une portion de la fortune publique ? Ce n'est point pour faire des offrandes sur des fonds qui ne leur appartiennent pas que les conseils généraux et municipaux ont été établis; et bien que, malgré les dispositions de la loi qui les a créés el qui n'a été rapportée ni modifiée par aucune disposition législative, ils soient les délégués purs et simples du gouvernement, au lieu de réunir comme autrefois la désignation par les suffrages publics et la candidature populaire à la nomination par le pouvoir, il est incontestable et non contesté qu'ils continuent d'être institués pour veiller aux intérêts des départemens et des cantons, et régler de la manière la plus utile et la plus profitable à ces intérêts respectifs, l'emploi des fonds dont ils peuvent disposer. Cette vérité une fois établie et reconnue, il est certain que les

Au reste, ce que je dis ici du droit des Chambres législatives a déjà été consacré et proclamé d'une manière authentique, puisque c'est une loi qui a décerné une récompense nationale à un ministre qui fut déclaré avoir bien mérité de la patrie (1), et c'est de la loi seule, comme le prouve cet exemple, que les princes peuvent recevoir des hommages de cette nature et de semblables témoignages, parce que, placés tout près du monarque et sur les marches du trône, ils ne reconnaissent réellement de supérieur que la loi, et ne peuvent être honorés que par elle.

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viennent encore se grouper une foule de les autres rapports que j'ai précédemment circonstances accessoires qui méritent indiqués, comme sous une foule d'autres d'être prises en considération.

Ainsi, par exemple, il paraît reconnu 7 et il a été jugé par la Cour de cassation que suivant les anciens principes de la monarchie française, comme suivant le nouveau droit de la couronne à l'instant même de l'avènement du roi au trône, tous les biens qu'il possédait auparavant sont de plein droit unis et incorporés au domaine de l'Etat, d'une manière perpé

peut-être que l'examen approfondi de la matière peut suggérer et développer, la disposition relative à la liste civile, réclame avec urgence la protection de garanties efficaces dans l'intérêt du trône et dans celui des sujets.

SECTION II.

tuelle et irrévocable; et que la loi opérant DE L'ÉTABLISSEMENT ET DE LA PERCEPTION

DES IMPÔTS.

S Ier.

Du vote de l'impôt.

une dévolution entière et forcée de tous les droits actifs et passifs du roi en faveur de l'Etat, l'effet nécessaire et légal de ce dessaisissement absolu est d'affranchir la personne du roi de toutes les actions qu'on aurait pu avoir contre lui avant son avènement au trône, et de rendre ses créanciers, créanciers de l'Etat ; et puis- L'établissement des impôts, la concesque d'après ces principes et ces règles, sion des subsides est tellement considérée les anciens domaines du prince devien- comme un acte libre de la part des peurent domaines de l'Etat au moment même ples, qui ne saurait dépendre de la vode son avènement, puisque ses créanciers lonté arbitraire des souverains, que parsont dès lors dans l'impuissance de diri- tout où il a existé et où il existe un corps, ger des actions contre lui, serait-il sans une assemblée, une institution quelconinconvéniens que des autorités locales que qui représente ou qui est censée reeussent la faculté de disposer des fonds présenter la nation, elle est appelée ou à communs dont elles règlent l'emploi, voter l'impôt, ou à le consentir, ou à appour offrir à divers princes qui pourraient prouver les propositions qui lui sont faites se succéder à des intervalles plus ou à ce sujet. L'histoire de la monarchie moins éloignés, des biens considérables française tout-à-fait semblable sous ce qui sortiraient ainsi de la circulation et rapport à celle des autres nations de l'Eudu commerce à l'instant de l'avènement rope, nous montre constamment le peusuccessif des héritiers du trône, et dont ple appelé, soit dans des assemblées généla mutation changerait entièrement la po- rales, soit dans des états provinciaux, sition de leurs créanciers, et pourrait compromettre leurs intérêts et leurs droits (1); et cet argument d'une espèce toute particulière, ne démontre-t-il pas que la puissance législative qui a seule qualité pour en peser la gravité, peut seule aussi en pareil cas, décerner régulièrement des hommages, ou voter des offrandes sur les fonds publics?

N'est-il pas constant dès lors que, sous ce point de vue particulier, comme sous

(1) Voyez l'arrêt de la Cour de cassation du 30 janvier 1822, bulletin officiel de cassation, an 1822, partie civile, page 26 et suivantes.

TONE V.

soit dans des réunions spéciales, à délibérer sur les subsides (2). A défaut des assemblées de la nation et des états-généraux et en concurrence avec les états des provinces qui avaient conservé ce privilége, nous voyons dans les temps rapprochés de nous, les parlemens retarder ou refuser l'enregistrement des édits bursaux et acquérir des droits à la reconnaissance du peuple, en raison de leur résistance plus ou moins énergique à la

(2) Voyez plus haut dans ce volume, au chapitre de la Puissance législative, les lettres patentes de Henri III.

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création de nouveaux impôts ou à l'aug- ce point de la marche constitutionnelle. mentation de ceux qui existaient. La moindre déviation serait le signal cer

La Charte qui a eu pour but de ratta- tain de l'abolition de la Charte tout encher l'anneau des temps anciens à celui tière, puisque, comme nous l'avons déjà des temps modernes, ne pouvait mécon- fait remarquer, le vote régulier de l'imnaître ce principe qui n'a jamais cessé pôt doit être, aux époques de calme et d'être en vigueur; et non-seulement l'im- dans la succession des temps, sinon la pôt foncier doit être consenti chaque an- seule attribution des Chambres, du moins née par les Chambres législatives (sauf leur seule occupation importante, habila faculté de voter pour plusieurs années tuelle; et lorsque ce mode constitutionnel les impositions indirectes), mais encore et les heureux effets d'une discussion pele budget présenté par le gouvernement blique sur la perception des subsides vodu roi auquel appartient exclusivement tés démontrent à quel point le gouvernel'initiative des lois, doit nécessairement ment représentatif est avantageux même être porté d'abord à la Chambre des dé- pour le pouvoir, combien il est propre à putés (1). Et cette règle, analogue à ce prévenir les entraves, les difficultés, les qui se pratique chez un peuple voisin où agitations et les troubles dont l'impot la Chambre des pairs n'a pas même la fa- était avant 1789 l'occasion toujours reculté de faire un amendement quelcon- naissante ou le prétexte perpétuel; lorsque au bill de finances (money-bill) qu'il est évident pour tout le monde que proposé par la Chambre des communes, et par la délibération commune des Chamdoit l'approuver en entier ou le rejeter bres, sur la fixation des dépenses et sur purement et simplement (2); cette règle, la détermination des voies et moyens, la dis-je, maintient cette vérité de tous les tâche des ministres est rendue singulièretemps que le vote des subsides est un acte ment facile, il n'est pas possible de supessentiellement national; que c'est une poser qu'aucun Epimenide nouveau qui prérogative du peuple, un droit inaliéna- parviendrait au pouvoir voulût rétrograble dont l'exercice lui appartient et qui der au-delà d'un ordre de choses qui en ne saurait lui être ravi, sans qu'il y eût favorise à ce point l'exercice et le déveoppression et despotisme. loppement.

Depuis la restauration, le Gouvernement du roi ne s'est jamais écarté de la règle tracée par la Charte; et si pendant long-temps, les amis de l'ordre, sans lequel il ne peut exister ni système financier ni crédit public fortement établi, ont eu à gémir des perceptions provisoires qui se perpétuaient d'année en année, cet état de choses a cessé d'une manière plus ou moins régulière, et le vote des budgets par les Chambres législatives se trouve maintenant d'accord et en harmonie avec la perception de l'impôt et le terme des exercices.

Il serait difficile, au reste, de concevoir et de deviner un motif quelconque qui pût porter les ministres à s'écarter en

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(1) Voyez art. 17, 48 et 49 de la Charte. (Art. 27 les lois anglaises, chap. du Parlement, tome 1, de la Const. belge.)

(2) Voyez à cet égard les historiens et les publicistes anglais, et notamment Blackstone, sur

pages 296, 297 et 298. Voyez le Tableau de la Constitution d'Angleterre, par Georges Custance, traduit sur la 3e édition (1817), pages 76 et 77, chap. 6 du Pouvoir législatif.

cun impôt sans qu'il ait été régulièrement voté?

contient aussi la Charte, de percevoir au- soient soumises à la discussion et à la đẻlibération des Chambres, si chaque ministre reste le maître d'employer, commie il lui plaît, la somme mise à sa disposition dans les différens chapitres de son budget

sabilité tant que cette somme n'est point excédée? A quoi sert d'affecter une somme quelconque à tel genre de service, à telle espèce de dépense si, aussitôt qu'elle est votée, elle est soumise pour l'emploi à la

D'abord une première garantie qui, après le principe fondamental : que tous les Français contribuent indistinctement particulier, et n'engage point sa respondans la proportion de leur fortune aux charges de l'Etat (1), doit être considérée comme l'appendice nécessaire du vote régulier de l'impôt, est l'emploi également régulier des subsides perçus : et la justification de cette régularité ne peut résulter volonté arbitraire des ministres? que de la preuve du montant des perceptions et du compte détaillé des dépenses. C'est sans doute une disposition utile et vraiment organique que celle qui fut insérée dans la loi de finances de 1817, et d'après laquelle les ministres sont tenus de présenter chaque année à la Chambre des députés le compte des exercices précédens avant de soumettre le budget à la discussion, et de faire ainsi précéder de la loi des comptes la loi qui doit imposer de nouveaux sacrifices aux peuples (2).

Mais, ainsi que l'ont dit souvent et dé

montré d'une manière si victorieuse les députés de l'opposition, la spécialité est indispensable pour établir dans les dépenses l'ordre et la régularité sans lesquels il n'y a point de garantie réelle.

En effet, à quoi sert de diviser dans le budget des dépenses les divers articles dont se compose le service de chaque département ministériel, et d'indiquer la somme qui doit y être affectée; à quoi sert que ces indications et ces évaluations

() Voyez art. 2 de la Charte constitutionnelle.

La participation égale aux charges de l'Etat, est la première de toutes les garanties constitutionnelles en matière d'impôts; et tout ce qui tendrait à enfreindre directement ou indirectement cette règle, serait une violation extrêmement dangereuse d'une des premières bases de la Charte royale, devenue le pacte social français, par les sermens réciproques du roi et de la nation.

Cependant on se rappelle avoir lu, il y a quelques années, dans un recueil de pièces administratives, des décisions ministérielles, qui accordaient des remises sur la contribution foncière, sans que ce dégrèvement qui devenait nécessairement une cause de surcharge pour

Et qu'on ne dise pas que, lorsque la discussion des Chambres a motivé la fixation, la réduction ou l'augmentation de quelque dépense dans une partie quelconque du service, les ministres ne manqueront jamais de se conformer à l'intention qu'elles auront manifestée. Cette objection tombe d'elle-même puisque les ministres sont mortels et révocables, et que l'engagement personnel dont l'un d'eux croirait ne pouvoir s'affranchir, ne peut également lier son successeur qui y serait resté étranger.

Ce n'est pas d'ailleurs sur des promesses fugitives et sur des considérations morales que doit se fonder la sécurité des peuples quand il s'agit de l'administration des produits souvent si douloureux de ses sueurs et de ses épargnes. Les exemples ne manqueraient pas pour démontrer l'insuffisance et la futilité d'une pareille garantie, et, pour ne pas multiplier les citations, et donner pourtant une preuve irrefragable de nos assertions, n'avons

d'autres contribuables, ou qui opérait un dé-
ficit dans les recettes, eût pour motif quelqu'un
de ces cas de force majeure, auxquels la pré-
voyance du législateur a affecté
un fonds
spécial.

On a vu aussi plus haut, dans le chapitre de la Liberté des cultes comment les donations ou les legs faits aux établissemens de main-morte, peuvent, en se multipliant, porter atteinte à une juste et égale répartition des impôts. (Voyez plus haut dans le chapitre indiqué les pages 187 et suivantes.

(2) Voyez l'art. 150 de la loi du 25 mars 1817.

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