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nous pas vu, il Y a quelques années employer à acquitter des créances payables en valeurs de l'arriéré des sommes considérables qui avaient reçu de la loi une autre destination (1)?

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DE LA PROHIBITION DE TOUTE PERCEPTION
NON VOTÉE PAR LA PUISSANCE LÉGISLA-
TIVE.

Suivant la Charte, aucun impôt ne peut être établi ni perçu s'il n'a été consenti par les deux Chambres et sanctionné par le roi; et cette disposition qui semblerait ne devoir pas laisser de doute possibe, ni permettre la plus légère équivoque, est pourtant exposée dans l'application à des atteintes et à des violations continuelles et multipliées.

Il est donc évident que tant que la spécialité ne sera pas établie, tant qu'elle ne servira pas de base aux vérifications de la Cour des comptes, s'il plaisait aux ministres d'attribuer au paiement du personnel tout ou partie de ce qui aurait été affecté au matériel, de faire construire des églises ou des couvens avec les fonds affectés à la confection des routes ou des canaux (et vice versa), de donner une destination toute contraire à l'intention du législateur, aux fonds votés pour les Ainsi, pendant long-temps les produits pensions et les secours accordés ou à ac- (connus) des jeux qui s'élèvent à plusieurs corder aux gens de lettres, etc., etc., etc., millions, n'ont point figuré sur le budget leur responsabilité ne serait pas compro- de l'Etat, et ont passé inaperçus au milieu mise, et ils n'auraient pas même besoin des recettes et des dépenses publiques; ainsi de bill d'indemnité pourvu qu'ils fussent d'autres perceptions dont tout le monde restés dans les limites de leur budget, et connaît l'existence mais dont on ignore que des dépenses fixes ne fussent pas res- le produit, se font journellement au profit tées en souffrance et ne formassent pas de la police et restent également étrand'arriéré (2). gères au compte public des sommes dont l'autorité dispose.

Et lorsque les faits cités parlent si haut, lorsque les conséquences en sont incontestables, la loi ne doit-elle pas environner le vote raisonné et l'emploi de l'impôt de garanties moins incertaines et plus efficaces que celles qui ont existé jusqu'à ce jour (3)?

Ainsi, dans quelques ministères on continue de percevoir, malgré la disposition constitutionnelle, des frais de légalisation sur les pièces destinées à être produites hors du royaume; ainsi, une administration publique, placée auprès du gouver

(1) Voyez les comptes de 1815, et la discus- la perception des diverses contributions, est à sion des Chambres.

(2) Pendant que cet ouvrage s'imprimait, il a paru au Bulletin des lois, une ordonnance royale du 10 décembre 1823, qui semble propre à établir plus de régularité dans la vérification des comptes; mais quelque utiles que soient les nouvelles formalités, rien ne peut remplacer la spécialité, qui ne peut être assurée que par la loi.

(3) La régularité dans le vote de l'impôt est d'une haute importance, et la spécialité assurerait la régularité dans l'emploi des subsides. Mais il est un point qui, quoiqu'étranger au vote et à l'emploi des impôts, devrait aussi fixer l'attention de la législature et des hommes d'Etat; c'est leur perception. L'énormité des frais qu'entraîne en France le mode établi pour

mon avis une calamité publique.

La multiplicité sans nombre des emplois salariés est aussi une portion de l'héritage du governement impérial qu'on devrait s'empresser de repudier, et c'est dans des réformes bien entendues sous ces deux rapports, qu'on peut espérer de trouver des moyens réels, efficaces et durables d'économie. (Voyez plus haut le chapitre de la Puissance législative, page 225 à la note.)

Mais si, comme on l'annonce, le droit d'ainesse et l'inégalité des partages sont rétablis contre le texte des lois actuelles, contre le vœu bien prononcé de la nation, et contre l'intérêt de la prospérité de l'Etat, il faut renoncer à l'espoir de voir diminuer le nombre des employés salariés, car les cadets de famille n'auront de ressources que dans les faveurs et les libéralités du gouvernement.

nement et soumise à sa surveillance di- l'impôt de s'étendre à tout le monde inrecte, perçoit chaque année des sommes distinctement, mais seulement à tous ceux considérables pour frais de sceau, pour qui se trouvent compris dans les catégolettres de grande ou de petite naturalisa- ries prévues par la loi d'imposition. Ainsi tion, pour permission de résidence en la contribution foncière n'atteint que les France, pour autorisation de changement propriétaires; la contribution personnelle de noms, pour dispense de parenté, pour et mobilière ne comprend que ceux qui concession de lettres ou titres de no- tiennent un appartement à loyer; les conblesse, etc., etc., et ces perceptions non comprises dans le budget, soit en recette soit en dépense, et par conséquent non autorisées par les Chambres législatives, et qui donnent chaque année matière à des réclamations, lorsque le budget est discuté, sont évidemment irrégulières et contraires à la Charte.

tributions indirectes ne pèsent que sur ceux qui font usage des objets imposés; et quoique le droit de sceau ne soit payé que par ceux qui réclament l'apposition du sceau, cette perception n'en est pas moins évidemment un véritable impôt, tel que ceux que l'on perçoit sur les terres, sur les personnes, sur les marchandises, etc.

Si les motifs long-temps allégués pour soustraire le produit des jeux à la sur- La distinction que l'on voudrait établir veillance législative, n'ont pu soutenir sur ce que les perceptions au profit du l'examen et la discussion, et ont dû céder sceau ne sont qu'une espèce de prime sur à l'esprit d'ordre qui doit surtout carac-.la vanité, ne serait pas plus réelle; car tériser l'administration des finances, non une foule de contributions publiques moins qu'à la disposition formelle de la comprises actuellement ou précédemment Charte, on peut affirmer que les motifs dans le budget, ont à peu près la même sur lesquels on se fonde pour continuer source, et l'on peut considérer comme de laisser dans l'ombre le produit de ces diverses perceptions, ne sont pas plus solides, et que notamment pour ce qui concerne le sceau il y a des raisons bien plus fortes pour en comprendre le produit dans le budget des recettes, sauf à employer dans le budget des dépenses, les frais divers qu'il occasionne, qu'il n'y en avait pour en agir ainsi à l'égard du produit des jeux.

des impôts mis sur la vanité, ceux qui atteignent les propriétés de luxe, les bois de haute futaie, les jardins d'agrément; ceux qui sont relatifs aux portes et fenêtres; ceux qui concernent les voitures, les chevaux, les domestiques, etc.

Mais en accueillant même, comme aussi bien fondée qu'elle l'est peu, comme aussi solide qu'elle est futile, l'objection tirée de ce que les droits de sceau, devant être exIl convient d'abord d'écarter comme clusivement considérés comme une prime puérile et insoutenable l'allégation que sur la vanité, ne peuvent être rangés dans ces perceptions n'atteignant pas tous les la classe des impôts, cette objection ne sesujets du roi, ne constituent pas un impôt rait admissible que pour une partie de ces proprement dit, et qu'elles échappent par droits, c'est-à-dire pour la concession ou cette raison à l'action législative; car il la récognition de la noblesse et des titres n'est pas de la nature et de l'essence de nus (1); elle ne pourrait pas même s'ap

(1) Lorsque, soit d'après les anciens usages de la graphe ou écrite d'après ses ordres) un titre de monarchie, soit d'après le droit exprimé dans noblesse, comme une récompense de sa fidélité la Charte, le roi a conféré la noblesse ou un et de son dévouement, il serait peu croyable titre quelconque, je ne sais jusqu'à quel point que le descendant reconnu du porteur de cette l'intervention du sceau est nécessaire pour lettre, eût à redouter aujourd'hui qu'on lui constater et rendre authentique cette volonté contestât le rang assigné à son aïeul, quoique sa royale, cette grâce de S. M. tant qu'il n'est point famille eût constamment négligé de prendre des question de la formation d'un majorat. Mais il lettres de chancellerie; comme il me paraît peu me semble que si Henri IV, par exemple, avait vraisemblable que dans les siècles à venir on conavant ou depuis la conquête de son royaume, testât la qualité de noble à celui qui l'aurait reçue conféré à un de ses sujets (par une lettre auto- de S. M. Louis XVIII, pour services rendus dans

pliquer à l'érection des majorats, et lais- leur affectation à des priviléges, à des serait toujours beaucoup d'autres objets hypothèques, etc.; ce qui rentre dans le dans le domaine de la loi commune. domaine de la législation générale, dans le cercle des intérêts communs et individuels, et sort du cercle des grâces.

Ainsi les lettres de grande et de petite naturalisation que la Charte et les lois civiles ont établies, et pour lesquelles l'in- A ce dernier titre, les majorats se rattervention du sceau est nécessaire; ainsi tachent à l'exécution des lois sur les sucles autorisations pour changement ou ad- cessions, à celles qui règlent les droits dition de noms, les permissions de fixer des femmes et des enfans, à celles qui son domicile en France, les dispenses de déterminent le régime hypothécaire. Perparenté, etc., qui sont assujetties à la sonne n'est libre de répudier les obligaformalité du sceau, et sans lesquelles un tions qui sont imposées à cette occasion, Français ne pourrait constater son état et qui, soumises nécessairement à une civil, un ancien défenseur de l'Etat serait vérification préalable, la subissent devant dans l'impossibilité de toucher sa pen- la commission du sceau; et cette seule sion, un savant distingué ou un artiste circonstance prouve que tous les droits habile serait forcé de quitter le territoire perçus au sujet de l'érection des majorats, de sa patrie adoptive, un sujet du roi ne font nécessairement partie des revenus pourrait satisfaire les besoins de son cœur publics, comme tous ceux qui se perçoiet acquitter peut-être les devoirs sacrés vent par suite et en conformité des lois de la reconnaissance ou les doux pen- qui régissent la France. chans d'un honorable attachement en s'unissant à une de ses parentes, ne sont pas à coup sûr des primes sur la vanité. Ce sont des formalités nécessaires, prescrites et déterminées par la loi, pour les quelles on exige une rétribution, un droit dont l'analogie avec le droit d'enregistrement est évidente, et qui doivent, de même que cette branche du revenu public, figurer dans le budget comme recettes de l'Etat fondées sur la loi.

Quant à l'obtention ou à la récognition pure et simple des titres sans érection de majorat, je n'ai rien à ajouter aux obser vations générales sur la perception des taxes que j'. i placées au commencement de cette section, mais puisque depuis la restauration on a maintenu l'impôt que le chef du gouvernement impérial avait mis sur la vanité moderne de sa nouvelle noblesse, et sur l'antique vanité des hommes des anciens jours, des comtes Il faut en dire autant de l'érection des refaits, ainsi que les désignait un jeu de majorats, absolument distincts de la con- mots de l'époque (2), il n'y a aucun mocession ou de la récognition des titres nus. tif, même spécieux, pour en soustraire le Les majorats sont au nombre des insti- produit à l'investigation des Chambres tutions consacrées par la législation ci- législatives; et j'ai démontré sans réplivile (1). Ils dépendent, à la vérité, de que que toutes les branches de revenus l'agrément du souverain sous le rapport du sceau se fondant, sauf peut-être la de la concession du titre, ce qui est un quotité de la contribution, sur une disacte de la pure munificence royale; mais position de la loi, elles appartiennent ils sont soumis à des conditions, à des bien plus positivement, bien plus évirègles, sous le rapport de la quotité dis- demment à la masse générale des subsides, ponible des biens de celui qui veut créer aux diverses classifications du budget, le majorat, de la nature de ces biens, de que le produit des jeux, qui, loin d'avoir

le temps
de son exil, ou depuis la restauration,
quand même le porteur de ce titre négligerait
de se pourvoir au sceau pour la délivrance des
lettres. Mais cette observation fondée sur ce
que le roi fait des nobles à volonté, n'est
point du tout applicable à l'érection des majo-

rats.

(1) Voyez le sénatus-consulte du 14-août 1806, le décret du 1er mars 1808, etc.

(2) On appela alors comtes refaits (contrefaits), ceux qui ayant possédé précédemment des titres supérieurs ou égaux, en sollicitèrent du gouvernement impérial, et prirent rang dans la nouvelle noblesse.

une source pure, une origine légale, incessamment l'objet; que c'est en ce comme les lettres de naturalisation, point capital qu'ils devraient prendre pour comme les dispenses de parenté, comme modèle une nation voisine; que si cette les autorisations de changement de noms, prohibition n'est pas textuellement expricomme l'érection des majorats, et même mée dans la Charte, elle est la consécomme les lettres et les titres de noblesse, quence naturelle et nécessaire de cet sont au contraire prohibés par les lois, axiome fondamental que le roi ne peut et n'existent qu'en vertu d'une tolérance mal faire; mais que le principe de la resjugée nécessaire, et par l'effet d'une espèce ponsabilité des ministres étant le corolde transaction, de capitulation de la laire de cet axiome, rien ne prouve mieux morale publique avec les passions humai- l'impossibilité de justifier l'acte d'une nes et les besoins d'une grande ville. administration responsable qui devient

Après avoir prouvé l'irrégularité du l'objet de la censure des Chambres, que mode suivi jusqu'à ce jour dans la percep- le recours à des moyens si peu parlemention et l'administration des revenus du taires.

sceau, mon but se trouve rempli, puis- Et sans s'appesantir davantage sur un que j'ai constaté le défaut de garantie argument si étrange et si peu monarchidans l'application et le développement que, on peut dire avec assurance que d'un article de la Charte; et je n'ai pas partout où le mystère enveloppe des permême besoin d'examiner un des argumens ceptions et couvre des dépenses, partout présentés aux Chambres pour couvrir ou où il existe une caisse considérable dont pallier le vice d'un pareil état de choses. En effet, lorsque la Charte défend de percevoir aucun impôt s'il n'a été consenti par les Chambres, et sanctionné par le roi, elle n'ajoute pas, à moins que l'on n'en fasse un emploi utile et honorable; et l'argument tiré de la destination des produits du sceau ne pourrait avoir de valeur que dans le cas où la Charte se serait ainsi expliquée.

on soustrait la surveillance aux mandataires du peuple, aux Chambres législatives, la soupçonneuse inquiétude et l'active malveillance doivent trouver beaucoup d'alimens à leurs conjectures, leurs suppositions.

Suivant les uns, cette caisse occulte, dont des conjectures erronées grossiront peut-être outre mesure les produits, assurera dans tous les temps une influence Mais en vain les ministres diraient-ils extraordinaire aux ministres en exercice; que Sa Majesté trouve dans cette caisse suivant les autres, elle excitera la cupides moyens de secourir ses anciens com- dité de ces agens provocateurs (d'origine pagnons d'infortune (1); il faudrait ré- britannique) que l'on retrouve sur tous pondre aux ministres que la liste civile les points, et qui espéreront pouvoir, en étant fixée irrévocablement pour la durée trompant l'autorité, réclamer le prix de du règne, elle ne peut pas plus être aug- leur zèle mercenaire (2). Enfin, les hommentée que diminuée, et que, quelque mes les plus sages craindront avec raison noble, quelque généreuse que fut cette que des fonds considérables qui devraient, pensée du monarque, dont la bienfaisance conformément à la Charte, recevoir une et la mémoire du cœur sont toujours si destination fixe, régulière, une affectaactives, les ministres ne doivent jamais tion légale et publiquement avouée, ne faire intervenir ce nom auguste, ce nom soient employés secrètement, sinon en sacré, dans les discussions publiques, opérations dangereuses et contraires au pour l'opposer aux reproches d'irrégula- bien public, du moins en dépenses absorité dont leur administration peut être lument inutiles, en fantaisies du pou

(1) Voyez la discussion sur cet objet à la Chambre des députés de 1821 et 1822.

(2) Voyez plusieurs procès pour complot ou attentat, jugés depuis 1817 par les diverses Cours du royaume.

Voyez la condamnation prononcée en dernier lieu, pour fait d'escroquerie, dans le département du Haut-Rhin, contre un agent de cette espèce.

Cette nomenclature abrégée des suppo- dépositaires du pouvoir; il faut donc essitions, des conjectures et des craintes pérer que les vœux des amis de l'ordre ne qu'enfantent nécessairement toutes les seront ni trompés ni ajournés à cet égard. perceptions secrètes, toutes les dépenses Mais jusqu'à ce qu'il en soit ainsi, on voit mystérieuses, devrait suffire sans doute que les principes constitutionnels relatifs pour ramener prochainement, immédia- au consentement et à la perception de tement dans le cercle légal du budget, et l'impôt, manquent encore, sous ce rapplacer sous l'influence régulière de l'ac- port, des garanties les plus indispensables tion des Chambres législatives, tous les comme les plus urgentes, et il est fâcheux revenus publics qui sont jusqu'ici restés de reconnaître que partout la législation en dehors, quand même le besoin d'exé- offre les mêmes lacunes et les mêmes becuter franchement et exactement la Charte soins. n'en ferait pas un devoir impérieux aux

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