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spécifier la nature de la trahison et de la concussion qui peuvent motiver l'accusation contre les ministres, et pour déterminer le mode de poursuites, peut être opposée, le cas arrivant, à la mise en accusation comme au jugement.

nos lois, et qui dénote l'enfance de nos institutions.

Comment concevoir, en effet, que dans un pays où la confection des lois proposées par le roi appartient à un parlement dont une des Chambres est choisie par la D'ailleurs, indépendamment de cette nation, et qui doit être formée des homobjection, tirée de la Charte même, que mes supérieurs en propriété, en industrie, les ministres inculpés pourraient faire en connaissances, en talens, le plus disvaloir contre l'exercice que la Chambre tingué, le plus vertueux des citoyens qui des députés voudrait faire du droit de aura cru remplir un devoir de conscience les accuser, tout aussi bien que contre le pourra ainsi être placé, sans l'intervendroit de les juger que voudrait exercer tion et le concours de la Chambre, sur le la Chambre des pairs (1), il est certain banc correctionnel où viennent s'asseoir que tant que le mode de poursuite n'aura successivement le banqueroutier, l'escroc point été déterminé, ainsi que le prescrit et le filou, et que les choses se passent la Charte, tant que cette partie si impor- ainsi dans un pays où un garde forestier tante des attributions, des prérogatives, et le plus mince préposé des douanes ne des priviléges de la Chambre des députés peuvent pas être mis en jugement pour n'aura point été réglée et organisée, le les crimes qu'ils auraient commis dans principe consigné dans la Charte restera leurs fonctions, au préjudice des particomme frappé de stérilité et pourra tou- culiers, sans que leur poursuite ait été jours, faute de garanties et de sanction autorisée par le Gouvernement, dont ils légale, être contesté, entravé et même sont déclarés agens ! Comment concevoir paralysé dans son exécution, au moment qu'une Chambre que la nature de ses attri. où la Chambre voudrait exercer son droit (2).

butions appelle spécialement à surveiller, à critiquer, à censurer les opérations du ministère et même à accuser les ministres, puisse ainsi être décimée dans l'intervalle des sessions pour des écrits que des députés ont cru devoir publier, parce qu'ils ont peut-être été privés, par une clôture prématurée, de la faculté de les prononcer à la tribune!

Je n'ai relevé jusqu'à ce moment que l'état d'isolement et d'imperfection dans lequel on a laissé les priviléges de la Chambre des députés, exprimés dans la Charte, et les dangers qui en résultent. Mais rien ne me paraît plus contraire à la dignité de la puissance législative, à l'indépendance de la Chambre élective, ainsi Mais si, après que des condamnations qu'à l'essence du gouvernement repré- de ce genre auraient été prononcées consentatif, que de voir les députés exposés tre les députés, il arrivait, comme cela dans l'intervalle des sessions à être tra- se voit fréquemment dans les monarchies duits ex abrupto, d'après l'ordre des mi- constitutionnelles et dans les gouvernenistres, ou sur le réquisitoire spontané mens représentatifs, où l'opinion, quoides officiers du parquet, devant un tribu- que mobile, doit être toute-puissante; nal de trois juges, pour avoir exprimé s'il arrivait, dis-je, que le système qui leur opinion sur l'ensemble des opérations aurait été l'objet de la censure de ces mandu ministère ou sur quelques actes parti- dataires vint à être improuvé par le moculiers de l'administration. Cette marche narque, et que le ministère fût remest à mon avis un contre-sens qui accuse placé; quel serait en définitive le résultat de la manière la plus forte le système de

(1) Voyez dans ce chapitre, la section relative aux priviléges de la Chambre des Pairs, page 262 et suivantes.

(2) Voyez la mème section, p. 263 et suiv.

de ces poursuites indiscrètes, si ce n'est l'improbation générale et le blâme public de ceux qui les auraient provoquées, dirigées et accueillies?

Et si les fausses démarches des dépositaires du pouvoir nuisent toujours plus ou moins à la considération dont l'auto

annoncée en parlant de la loi du 25 session suivante, ce qui est toujours un mars 1822, dans la section précédente mal, soit sous le rapport de l'exemple, relative aux priviléges de la Chambre des soit dans l'intérêt de la dignité de la pairs (1), et que je ne dois pas omettre. Chambre, cet ajournement ne peut-il pas Suivant les dispositions de cette loi, avoir les résultats les plus funestes lorsdans le cas d'offense envers les Chambres que les faits punissables concernent la ou l'une d'elles, par l'un des moyens Chambre des députés ? énoncés en la loi du 17 mai 1819, la Chambre offensée peut, sur la simple réclamation d'un de ses membres, si mieux elle n'aime autoriser les poursuites par la voie ordinaire, ordonner que le prévenu sera traduit à sa barre pour y être jugé (2).

Ainsi, dans cette hypothèse, l'exercice de la juridiction attribuée aux Chambres est facultatif; mais si les Chambres ne jugent pas elles-mêmes, les tribunaux ordinaires ne peuvent connaître des offenses contre les Chambres que lorsqu'elles ont autorisé les poursuites (3).

Dans le cas d'infidélité et de mauvaise foi dans le compte rendu par les journaux ou écrits périodiques des séances des Chambres, la juridiction attribuée aux Chambres par la loi de 1822 est exclusive, et aucun tribunal, aucune cour ne peut connaître de ce genre de délit (4). Maintenant, je demande comment une offense envers les Chambres pourra être punie; comment un compte rendu avec infidélité et de mauvaise foi des séances des Chambres pourra donner lieu à des poursuites et à une condamnation, si les journaux ou les écrits contenant l'offense ou l'infidélité ont paru le lendemain de la clôture d'une session?

Il est évident que, suivant la loi, il n'y a aucun moyen d'atteindre les coupables et d'éclairer l'opinion publique sur les délits dont il s'agit.

Et cependant combien d'inconvéniens sont la suite d'une pareille lacune!

Si, pour les délits qui atteignent la Chambre des pairs, la poursuite et la condamnation peuvent, sans préjudice pour les individus, être ajournées jusqu'à la

(1) Voyez plus haut dans ce chap., page 264. (2) Voyez art. 15 de la loi du 25 mars 1822. (3) Voyez art. 15 et 17 ibid.

Peut-être l'offense ou l'infidélité porteront-elles spécialement sur des députés dont le mandat expire avec la session, qui ne pourront ainsi éclairer la religion des électeurs sur des imputations offensantes et mensongères dont ils auront été l'objet, et la lacune de la loi deviendra peut-être ainsi la cause d'une exclusion pénible pour eux et préjudiciable à la société.

Ou si l'offense et l'infidélité ont un caractère plus général, si l'honneur et la dignité de la Chambre entière ont été attaqués, peut-être avant que les Chambres soient réunies de nouveau, la dissolution de la Chambre des députés aurat-elle été prononcée ; et le préjudice qui, dans la première hypothèse, ne s'applique qu'à quelques individus, s'étendra ainsi sur la masse de la Chambre au moment où on la frappe de mort civile (5) et où tous ceux de ses membres qui briguent l'honneur d'un nouveau mandat ne peuvent se présenter avec confiance dans les colléges électoraux, qu'environnés de l'estime publique et d'une réputation qui commande la confiance.

Ainsi cette juridiction, dont le principe peut être utile, laisse désirer des garanties dont la nécessité est incontestable.

Le droit d'accuser les ministres pour trahison et pour concussion, que la Charte confère à la Chambre des députés, n'est pas moins dépourvu de moyens d'exécution, que celui de les juger la Chambre des pairs se trouve investie; et comme une accusation doit porter sur des faits précis, caractérisés crimes par les lois, l'absence des lois promises pour

(4) Voyez art. 16 et 17, de la loi du 25 mars 1822.

(5) La dissolution, disent les auteurs anglais, est la mort civile du parlement,

spécifier la nature de la trahison et de la concussion qui peuvent motiver l'accusation contre les ministres, et pour déterminer le mode de poursuites, peut être opposée, le cas arrivant, à la mise en accusation comme au jugement.

nos lois, et qui dénote l'enfance de nos institutions.

Comment concevoir, en effet, que dans un pays où la confection des lois proposées par le roi appartient à un parlement dont une des Chambres est choisie par la D'ailleurs, indépendamment de cette nation, et qui doit être formée des homobjection, tirée de la Charte même, que mes supérieurs en propriété, en industrie, les ministres inculpés pourraient faire en connaissances, en talens, le plus disvaloir contre l'exercice que la Chambre tingué, le plus vertueux des citoyens qui des députés voudrait faire du droit de aura cru remplir un devoir de conscience les accuser, tout aussi bien que contre le pourra ainsi être placé, sans l'intervendroit de les juger que voudrait exercer tion et le concours de la Chambre, sur le la Chambre des pairs (1), il est certain banc correctionnel où viennent s'asseoir que tant que le mode de poursuite n'aura successivement le banqueroutier, l'escroc point été déterminé, ainsi que le prescrit et le filou, et que les choses se passent la Charte, tant que cette partie si impor- ainsi dans un pays où un garde forestier tante des attributions, des prérogatives, et le plus mince préposé des douanes ne des priviléges de la Chambre des députés peuvent pas être mis en jugement pour n'aura point été réglée et organisée, le les crimes qu'ils auraient commis dans principe consigné dans la Charte restera leurs fonctions, au préjudice des particomme frappé de stérilité et pourra toujours, faute de garanties et de sanction légale, être contesté, entravé et même paralysé dans son exécution, au moment où la Chambre voudrait exercer son droit (2).

culiers, sans que leur poursuite ait été autorisée par le Gouvernement, dont ils sont déclarés agens ! Comment concevoir qu'une Chambre que la nature de ses attri butions appelle spécialement à surveiller, à critiquer, à censurer les opérations du ministère et même à accuser les ministres, puisse ainsi être décimée dans l'intervalle des sessions pour des écrits que des députés ont cru devoir publier, parce qu'ils ont peut-être été privés, par une clôture prématurée, de la faculté de les prononcer à la tribune!

Je n'ai relevé jusqu'à ce moment que l'état d'isolement et d'imperfection dans lequel on a laissé les priviléges de la Chambre des députés, exprimés dans la Charte, et les dangers qui en résultent. Mais rien ne me paraît plus contraire à la dignité de la puissance législative, à l'indépendance de la Chambre élective, ainsi Mais si, après que des condamnations qu'à l'essence du gouvernement repré- de ce genre auraient été prononcées consentatif, que de voir les députés exposés tre les députés, il arrivait, comme cela dans l'intervalle des sessions à être tra- se voit fréquemment dans les monarchies duits ex abrupto, d'après l'ordre des mi- constitutionnelles et dans les gouvernenistres, ou sur le réquisitoire spontané mens représentatifs, où l'opinion, quoides officiers du parquet, devant un tribu- que mobile, doit être toute-puissante; nal de trois juges, pour avoir exprimé s'il arrivait, dis-je, que le système qui leur opinion sur l'ensemble des opérations aurait été l'objet de la censure de ces mandu ministère ou sur quelques actes parti- dataires vint à être improuvé par le moculiers de l'administration. Cette marche le ministère fût remnarque, est à mon avis un contre-sens qui accuse placé; quel serait en définitive le résultat de la manière la plus forte le système de de ces poursuites indiscrètes, si ce n'est l'improbation générale et le blâme public de ceux qui les auraient provoquées, dirigées et accueillies?

(1) Voyez dans ce chapitre, la section relative aux priviléges de la Chambre des Pairs, page 262 et suivantes.

(2) Voyez la même section, p. 263 et suiv.

et

que

Et si les fausses démarches des dépositaires du pouvoir nuisent toujours plus ou moins à la considération dont l'auto

1

rité doit être environnée, si ce fâcheux tiennent? pourquoi ne s'empresserait-on effet se fait sentir même après que l'auto- pas d'établir, pour les cas dont il s'agit, rité a changé de mains, pourquoi persis- des règles sages et bien calculées qui terait-on dans un mode de procéder qui offrissent des garanties également protecnuit réellement à l'action du pouvoir et trices de l'ordre public et du titre respecaffaiblit ce que son influence peut avoir table que les suffrages électoraux confèd'utile, en même temps qu'il offense les rent à un membre de la Chambre des membres de la Chambre élective et la députés, et dont il ne cesse pas d'être reChambre elle-même, à laquelle ils appar- vêtu dans l'intervalle même des sessions?

CHAPITRE XIII.

DE L'OUBLI DES OPINIONS ET DES VOTES ANTERIEURS A LA RESTAURATION.

(Art. 11 de la Charte constitutionnelle.)

SECTION I.

La disposition de la Charte qui interdit commission de la Chambre des députés toute recherche des opinions et des votes émis avant la restauration, est une disposition importante, quoique transitoire.

L'illustre auteur de la Charte l'avait puisée dans sa haute sagesse et dans le testament du roi martyr, et elle s'exécuta dans les premières années de la restauration avec tant d'exactitude et même de scrupule, que l'on avait vu jusqu'en 1815 des places importantes à la nomination du roi occupées par des conventionnels qui avaient voté la mort de Louis XVI, et qu'après la fatale époque du 20 mars, l'un d'eux fut nommé ministre de S. M., au département de la police générale, et siégea à ce titre dans les conseils du prince.

qui fut chargée de l'examen du projet, proposa d'y ajouter une disposition pénale contre les régicides. Les ministres du roi, et notamment le président du conseil (1), ne négligèrent rien pour repousser cette addition; mais leurs efforts furent inutiles, et l'art. 7 fut introduit dans la loi du 12 janvier 1816.

De nombreuses exceptions individuelles, prononcées par le gouvernement ont démontré depuis combien la volonté du monarque était fixe à cet égard, ainsi que le disaient les ministres de Sa Majesté pendant la discussion; combien elle avait été contrariée de l'insertion dans le projet de loi d'une disposition pénale qui mettait des bornes à la clémence royale. Le Mais lorsqu'après l'interrègne des cent discours du président du conseil des mijours, Sa Majesté, toujours occupée de nistres à la Chambre des pairs, en lui prédétruire les inquiétudes et les divisions sentant le projet adopté par la Chambre parmi ses peuples, fit proposer une loi des députés, indique les motifs qui déd'amnistie générale par ses ministres, la terminèrent Sa Majesté à donner enfin

(1) Voyez dans les séances du 5 et du 5 jan- des 5 et 7 janvier); voyez aussi dans le Monivier 1816, les discours de MM. Decazes et Du-teur du 10 janvier, le discours de M. le duc de bouchage, ministres de la police générale, et de Richelieu en présentant à la Chambre des Pairs, la marine; et surtout dans la séance du 6, le le projet de loi, avec l'art. 7, ajouté par la discours de M. le duc de Richelieu. (Moniteur Chambre des députés.

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