Page images
PDF
EPUB

doute, est déjà, au contraire, une espèce de remède, de soulagement, qui laisse beaucoup moins d'alimens aux sentimens haineux, aux passions turbulentes.

crainte à exprimer dans l'intérêt commun, source de graves mécontentemens et encollectif ou particulier, il est assez étrange fanter des troubles; et la faculté de signaqu'on s'avise de prendre la plume et de ler un mal qu'on éprouve ou qu'on res'adresser aux Chambres législatives, uniquement pour encenser et pour louer ceux qui sont à la tête des affaires, qui dirigent l'administration publique ou locale; et sans avoir le caractère ni morose ni disposé à la contradiction, on peut toujours être porté à soupçonner, en pareil cas, les motifs de ceux qui en agissent ainsi.

L'exercice du droit de pétition est et doit être un appel à la sollicitude, à la surveillance et quelquefois à la sévérité des Chambres, un moyen de signaler les abus de pouvoir.

Si on lit les remontrances du parle ment, on voit que ces corps n'ont jamais considéré sous un autre aspect le droit dont il s'agit; et si on se reporte aux discours que nous avons cités au commencement de ce chapitre, on acquiert la preuve que les orateurs actuels n'ont point, à cet égard, des idées différentes de celles de leurs prédécesseurs.

La pétition est un moyen laissé aux individus pour faire entendre leurs doléances; si c'est un droit utile au peuple, c'est aussi une précaution sage dans l'intérêt du trône et du pouvoir.

Les plaintes qu'on ne peut exhaler, les craintes qu'on est obligé de comprimer, les murmures qu'on ne peut faire entendre, peuvent devenir avec le temps la

(1) Cette observation est, à ce qu'il me semble, d'une vérité incontestable, et répond surtout à l'étrange prétention que l'on a quelquefois exprimée de neutraliser les pétitions dans un sens, en en produisant d'autres dans un sens différent; comme si l'optimisme des uns

C'est donc tout à la fois, blesser les intérêts du peuple, et nuire à l'autorité royale et à la force du gouvernement, que d'entraver le droit de pétition dans son exercice légal, de le contrarier, de le censurer, de le chicaner dans son usage; c'est surtout vouloir le dénaturer entièrement que de lui interdire la plainte et la critique, de le repousser par des sarcasmes, de vouloir lui imposer l'éloge ou prétendre lui fixer d'autres limites et lui l'approbation des actes du pouvoir, et de donner une autre direction que celles qu'a tracées la suite des siècles (1).

Et lorsqu'il est possible de craindre que, par le défaut de protection et de dispositions bienveillantes de la part de ceux auxquels la Charte permet de faire parvenir ses plaintes, un pétitionnaire ne se croie plus exposé en élevant la voix qu'en gardant le silence, et que le droit de pétition, cette dernière ressource (2), ne soit ainsi enlevé aux victimes de l'injustice ou de l'arbitraire, n'est-il pas urgent de venir au secours des gens timides qui se résigneraient à souffrir, et contribueraient par leur pusillanimité à perpétuer des abus qu'il est toujours de l'intérêt des gouvernemens de corriger et de détruire?

pouvait priver les autres de la faculté qu'ils tiennent de la Charte, de se plaindre du malaise qu'ils éprouvent.

(2) Voyez plus haut dans ce chap., page 282, à la note 1.

CHAPITRE XVI.

DE LA GARANTIE DE LA CHARTE CONSTITUTIONNELLE.

S 1er.

(Art. 74 de la Charte constitutionnelle; art. 80 de la Constitution belge.)

DU SERMENT DU ROI.

L'article de la Charte d'après lequel le France et ses rois, comme un nouveau roi et ses successeurs doivent jurer, dans pacte fondamental, et lui imprime ainsi la solennité de leur sacre, d'observer une sorte de garantie qui a manqué dans fidèlement cette Charte constitutionnelle, d'autres temps à des actes émanés de la est un article important, non-seulement puissance royale, et notamment à l'édit à raison du caractère religieux de la cé- de Nantes, qui fut révoqué par le petitrémonie qu'il prescrit, mais encore parce fils de Henri IV (1). qu'en plaçant sous l'égide de l'honneur Quoique la principale et la plus sûre des rois et de la religion du serment la garantie de la Charte se trouve dans la Charte octroyée, et en exigeant qu'elle concession qu'en a faite le roi, dans sa soit jurée dans une solennité qui réunit en promesse royale et dans la foi jurée quelque sorte la nation tout entière (co- par S. M. et par les princes de sa faram populo), elle consacre la Charte mille (2), cependant l'article de la comme un véritable contrat entre la Charte relatif au serment que les rois doi

(1) Voyez le chap. de la Liberté des cultes, et la note i de la page 181.

(2) «Dans ce moment de crise, où l'ennemi >> public a pénétré dans une portion de mon >> royaume, et qu'il menace la liberté de tout le » reste, je viens, au milien de vous, resserrer >> encore les liens qui, vous unissant à moi, font » la force de l'État; je viens, en m'adressant à >> vous, exposer à toute la France, mes senti

» mens et mes vœux. >>>

[ocr errors][merged small]
[merged small][ocr errors]

(Discours du roi, du 16 mars 1815 au sein de la Chambre des députés, en présence de la Chambre des pairs.)

« Nous jurons sur l'honneur, de vivre et de » mourir fidèles à notre roi et à la Charte consti

port de la disposition constitutionnelle relative au serment des rois que la Charte laisse à désirer des garanties de sa durée et de sa perpétuité.

vent faire à leur sacre, réclamait une loi organique *; et quoique la France n'ait point encore été témoin, depuis la restauration, de l'auguste cérémonie du sacre, la loi qui devrait en régler les dispoUne doctrine dont tout annonce que sitions n'en était pas moins nécessaire en nous allons voir prochainement l'applice qui concerne du moins la disposition cation à des articles de la Charte qui touconstitutionnelle qui s'y rattache, et l'on chent à l'existence du gouvernement redoit sans doute être surpris que les minis- présentatif, une doctrine qui n'est pas tres aient négligé de présenter un projet nouvelle et dont toutes les sessions légis à cet égard, aussitôt que S. M. eut pro- latives, depuis 1814, ont offert des déve noncé son discours du 10 décembre 1818, loppemens plus ou moins étendus, aussi à l'ouverture de la session des Chambres, tôt que les ministres ont voulu recourir à et que, depuis cette époque, ils n'aient des lois d'exception, et suspendre, enpas pris soin de réparer cette omission (1). traver ou modifier l'exercice des droits D'ailleurs la Charte octroyée par le roi, constitutionnels (2), une doctrine dont jurée par S. M. et par les princes, n'a pu les limites ne sauraient être ni tracées recevoir de leurs successeurs la sanction exactement, ni même distinctement aperde leur serment ni même de leur adhé- çues, et dont la souplesse et l'élasticité sion; et tout ce qui tend à consacrer les peuvent se prêter à tout ce qu'on veut, dispositions de la Charte comme un con- a mis en avant ces deux principes dont trat, comme un pacte durable et perpé- les conséquences et les résultats sont intuel entre la puissance royale qui l'a fondé calculables; savoir: 1° que l'omnipotence et la nation qui l'a reçu, ne doit point parlementaire, qui se forme du concours être négligé, parce qu'il est de l'essence du roi et des deux Chambres législatives, du gouvernement monarchique de ne pas s'étend indistinctement à tout ce qui peut se borner au moment présent, et de être réglé par des lois; 2° que la Charte chercher des garanties de sa stabilité et comprend dans son ensemble une foule de de sa force, dans des institutions fixes et dispositions réglementaires qui peuvent permanentes. être détruites, altérées, modifiées ou remplacées par l'omnipotence parlementaire, sans que la Charte soit violée, parce que la Charte n'existe réellement que dans ses dispositions fondamentales.

SII.

De la révision de la Charte.

Mais outre que la Charte ne présente point cette division, cette distinction enCe n'est pas au reste sous le seul rap- tre la nature et la valeur de ses divers ar

[blocks in formation]

*«Tous les pouvoirs émanent de la nation.Ils sont exercés de la manière établie par la Constitution.» (Art. 25, Const. belge.)

« Le roi est majeur à l'âge de 18 ans accomplis il ne prend possession du trône, qu'après avoir solennellement prêté, dans le sein des Chambres réunies, le serment suivant :

« Je jure d'observer la Constitution et les lois » du peuple belge, de maintenir l'indépendance >> nationale et l'intégrité du territoire.» (Art, 80, Const. belge.)

(1)« J'ai attendu en silence cette heureuse » époque, pour m'occuper de la solennité na» tionale où la religion consacre l'union intime » du peuple avec son roi. En recevant l'onction » royale au milieu de vous, je prendrai à te» moin le Dieu par qui règnent les rois, le Dieu » de Clovis, de Charlemagne, de saint Louis ; je >> renouvellerai sur les autels le serment d'affer>> mir les institutions fondées par cette Charte » que je chéris davantage depuis que les Fran» çais, par un sentiment unanime, s'y sont » franchement ralliés. »

(Voyez le discours de Sa Majesté, du 10 dėcembre 1818, Moniteur du 11 déc.)

(2) Voyez les diverses sessions des Chambres, où l'on a présenté des lois d'exception, et les discours des ministres de chacune de ces épo

1

mode de révision est tout-à-fait dans les limites de ses attributions.

ticles, et que rien ne peut autoriser le gouvernenement et les Chambres à suppléer à son silence sur ce point, n'est-il Ainsi, on règlerait, par exemple, qu'apas évident que la définition et la dé- près dix années d'exécution de la Charte, signation de ce qui est réglementaire, à la si des changemens étaient déclarés nécesdifférence de ce qui est constitutionnel et saires dans telle ou telle disposition par fondamental peuvent varier à l'infini, trois législatures successives, à une masuivant les époques, les circonstances et jorité des deux tiers des voix, une noula pensée de ceux qui s'attribueront le velle Chambre élective, de laquelle sedroit de prononcer, et que cette distinc- raient exclus ceux qui auraient voté les tion rentrant entièrement dans le domaine modifications, pourrait être convoquée du vague et de l'arbitraire, il n'y a au- pour s'occuper spécialement et uniquement cune raison pour que ce qui paraît au- des articles désignés à son examen ; et que jourd'hui constitutionnel et fondamental la modification serait prononcée si, étant à ceux-ci, ne se présente demain aux adoptée aux deux tiers des voix par la yeux de ceux-là que comme purement Chambre des députés, elle réunissait l'asréglementaire, et que chacune des dispo- sentiment de la Chambre des pairs et celui sitions de la Charte, considérée comme tenant du réglement, ne puisse subir à son tour l'influence de l'omnipotence parlementaire (1)?

Cette pensée, si affligeante, fait remarquer douloureusement dans la Charte l'absence d'une disposition de révision.

de S. M. (2). Un pareil mode, qui laisserait peu d'alimens à ces votes d'enthousiasme dont les temps orageux nous fournissent tant d'exemples, et à l'esprit de parti, qui est de tous les temps, offrirait au trône et au peuple des garanties rassurantes, surtout s'il s'appuyait sur une loi d'élection protectrice de l'égalité et de la liberté des suffrages.

Comme l'expérience est le plus sûr de tous les maîtres, il eût sans doute été Ainsi on concilierait la volonté expriconforme aux besoins de la société d'au- mée du monarque, d'après laquelle, dans toriser cette mesure, dans un temps l'état, aucun article de la constitution ne donné, après des épreuves déterminées, sera révisé (3), parce qu'à côté de l'avanet avec des conditions préalablement tage d'améliorer est le danger d'innover (4), fixées; et il me semble que tous les hom- et les besoins du peuple, dont les instimes amis de l'ordre et de la stabilité mo- tutions peuvent réclamer des changenarchique doivent regretter que l'auguste mens, mais qui ne doivent les recevoir auteur de la Charte ne l'ait pas prescrit

[blocks in formation]

que du résultat de délibérations préparées par la sagesse et portées dans le calme de l'entraînement et des passions.

C'est avec la profonde conviction de l'utilité de ces mesures que je les indique ici: et c'est, à mon avis, le seul moyen de rendre régulier l'exercice de l'omnipotence parlementaire relativement à la révision de la Charte et aux modifications qu'elle pourrait recevoir *.

(4) Voyez le préambule de cette ordonnance.

« Le pouvoir législatif a le droit de déclarer qu'il y a lieu à la révision de telle disposition constitutionnelle qu'il désignera.

» Après cette déclaration les deux Chambres sont dissoutes de plein droit.

» Il en est convoqué deux nouvelles, conformément à l'art. 71.

>> Ces Chambres statueront de commun ac37

« PreviousContinue »