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>>ment privé de communication, doit ministration de la justice, pour aggraver » être, à tout autre égard, traité comme le poids d'une mesure rigoureuse, ou >> les autres détenus (1). »

Ces recommandations font beaucoup d'honneur au ministre de qui elles émannaient; mais des recommandations ministérielles ne sont pas des garanties pour la société et pour les citoyens.

pour en protéger l'abus ; et il serait à désirer que tous les ministres fussent toujours dans le cas de repousser ainsi les reproches dont les actes de leur administration sont quelquefois l'objet. Mais quelque soin qu'ait mis le ministre, en 1819, « Pour mieux assurer l'observation de à prévenir un usage irréfléchi, fréquent » ces règles, je désire, ajoutait le minis- ou prolongé du secret, rien ne prouve » tre, que dans les comptes hebdomadai- mieux que sa circulaire même, combien >> res que l'article 127 charge les juges les détenus sont dépourvus de garantie >> d'instruction de rendre à la chambre contre l'injuste emploi des rigueurs de >> du conseil, ils aient toujours soin de cette espèce; et il est donc vrai de dire >> faire connaître les procédures à l'occa- que, sous ce point de vue, comme sous »sion desquelles la défense de communi- ceux qui ont successivement fait la ma» quer aura été faite à un prévenu, pour tière de notre examen, les citoyens en » que le tribunal apprécie les motifs de état de détention sont livrés sans défense >> cette mesure extraordinaire; qu'il pré- à l'arbitraire le plus absolu. >> vienne, par sa surveillance, et réprime Passons à la poursuite. >> au besoin, par son autorité, tout ce qui >> serait irrégulier, injuste et vexatoire; et >> afin d'empêcher que ces rapports ne dé» génèrent en une vaine formalité, vous >> aurez soin, disait-il aux procureurs gé»néraux de Sa Majesté, qu'il me soit » adressé, chaque mois, pour chaque ar>> rondissement, un état exact des procé» dures dont il aura été ainsi rendu au >> tribunal un compte provisoire, avec » l'indication de la durée de l'interdiction » de communiquer, de l'époque où elle » aura cessé et des raisons qui auront dé» terminé à la prescrire ou à la prolon» ger (1). »

SECTION V.

DE LA POURSUITE.

Le juge instructeur étant investi par la loi du droit d'informer sur le fait qui donne lieu à la poursuite, et d'instruire la procédure, ne peut, lorsqu'il a été décerné un mandat de dépôt ou d'arrêt, statuer seul sur la prévention. Cela résulte évidemment, soit des dispositions du Code, qui charge ce magistrat de rendre compte au tribunal de première instance Certes, si dans cette série de précau- des procédures qu'il a instruites, pour tions, dictées par une touchante sollici- qu'il y soit statué par ce tribunal, et qui tude, le ministre se réserve une surveil- accordent au prévenu la faculté de se lance personnelle, une espèce de censure pourvoir, par opposition, contre les décisur les opérations des magistrats instructeurs, relativement à l'emploi du secret, personne du moins ne lui reprochera de s'ètre immiscé, à cet égard, dans l'ad

(1) Voyez la circulaire adressée, le 10 février 1819, par M. de Serre, alors garde des sceaux, aux procureurs généraux de S. M. Voyez aussi le Traité de la Législation criminelle en France, tome Ier, chapitre de l'Arrestation. (2) L'auteur du poème de la Pitié, a dit en beaux vers:

Quels qu'ils soient, n'allez pas, stérilement cruel,
Dans le fatal séjour où la loi les exile,

sions du tribunal, soit de la jurisprudence qui rappelle ces dispositions. Mais le juge instructeur procède seul à tous les actes d'instruction; et, comme dans le système

Aggraver leurs malheurs d'un malheur inutile,
Rendre leurs fers plus lourds, et sans nécessité
Joindre la solitude à la captivité.

Dans ce triste abandon, où lui-même s'abhorre
Par ses pensers cruels le malheur se dévore.
Ah! laissez arriver ses chers consolateurs,
Et que des pleurs du moins répondent à des pleurs!
La Justice est coupable alors qu'elle est cruelle.

(DELILLE, Poème de la Pitié, chant II.)

de notre législation criminelle, toute la à ce que leurs rapports à l'autorité admiprocédure antérieure à la mise en juge- nistrative, qui les salarie, ne soient pas ment doit rester secrète, et que ce n'est infirmés et reconnus inexacts par le pouqu'après que le prévenu est accusé et tra- voir judiciaire, devant lequel ils prometduit devant la Cour d'assises, s'il s'agit tent, sous la foi du serment, de dire toute d'un fait réputé criminel, ou renvoyé la vérité, rien que la vérité (4), et dont devant le tribunal correctionnel, s'il s'a- on cherche même souvent la preuve dans git d'un simple délit, qu'il peut être as- les contradictions réelles ou prétendues, sisté d'un conseil, il en résulte que le entre les interrogatoires subis devant le magistrat procédant, sans contradicteur, magistrat instructeur, et rédigés par lui, aux visites domiciliaires, aux interroga- et les réponses du prévenu devant le tritoires du prévenu, à l'audition des témoins, bunal au moment du jugement. à leur confrontation et à la rédaction des Le mal que j'indique en ce moment, ne actes et procès-verbaux qui constatent ces provient pas, au reste, de ce que telle ou diverses opérations, il en résulte, dis-je, telle disposition de la loi n'est pas exécuque le prévenu est sans garantie contre tée ainsi qu'elle est écrite, ou de ce que toutes les erreurs possibles, les négligen- la loi n'a pas attaché la sanction de la ces, les infidélités, etc.; et le danger au- peine de nullité à l'omission d'une formaquel ce défaut de garantie l'expose se pré- lité qu'elle a ordonnée; il est tout entier sente de lui-même à tous les esprits. dans le secret absolu de ce qu'on appelle la

Cet état de choses, toujours fâcheux et procédure préparatoire ou préliminaire, alarmant dans les procédures qui ont pour système défectueux, qui ne me paraît pas objet des délits ordinaires, le devient susceptible d'être défendu par de bonnes encore plus, lorsque, comme dans le raisons (5); et si, au lieu de démontrer temps actuel, les tribunaux de répression un défaut dans les détails, et une lacune ont chaque jour à s'occuper de délits dans la rédaction, les observations qui réputés politiques, dont l'existence n'est ou peut n'être constatée que par la saisie d'un écrit, par l'éclat de cet écrit, ou par les ratures dont il est chargé (1); par l'exposition en public d'une médaille ou d'un autre objet d'art (2); par l'insertion d'un nom au bas d'une liste de souscripteurs (3); par les déclarations de témoins intéressés

(1) Voyez le procès relatif à M. Bavoux, professeur suppléant à l'Ecole de droit de Paris. Voyez aussi celui qui concerne un ballot de papiers déposé, à Paris, chez un particulier en son absence.

(2) Voyez le procès relatif à une coupe ou une médaille destinée et remise à M. Mercier.

(3) Voyez le procès relatif à la souscription dite nationale, et le compte rendu par les journaux, de la saisie des listes de souscription relative à des objets d'art destinés à M. Manuel, député, ou à M. Mercier.

(4) Voyez le procès relatif à des troubles attribués à l'exclusion de M. Manuel.

(Journaux de mai 1823.)

(5) Ce système a été attaqué dès long-temps par de bons esprits; ou en trouve la preuve dans les ouvrages de Servan, de MM. Lacretelle,

précèdent ont pour objet de signaler un vice radical dans la construction de l'édifice de notre législation criminelle, si, sous ce rapport, elles ne se rattachent pas, d'une manière directe, au but principal que je me suis proposé, au plan que je me suis tracé, elles ne pouvaient pourtant pas être négligées, puisque j'ai pris l'en

aîné, de Pastoret, dans la Bibliothèque philosophique, dans le livre de la Justice criminelle en France, de M. Béranger (1818), dans les observations sur plusieurs points importans de notre législation criminelle, par M. Dupin, aîné (1821).

Indépendamment de la force de dialectique qui distingue les écrits et les plaidoyers de M. Dupin, sa discussion sur le secret de la procédure a encore cela de remarquable, qu'elle tend à établir que ce mode de procédure n'a point survécu à l'ordonnance de 1670, et qu'il n'est point autorisé par la législation actuelle. M. Dupin cite même une circonstance importante où il a été admis aux interrogatoires que l'on faisait subir à son client. Voyez aussi mon Traité de la Législation criminelle en France, à l'introduction et au chapitre de l'Accusation, tome II.

gagement d'exposer, lorsque l'occasion Si, sur le rapport du juge d'instrucs'en présenterait, ce qui me paraîtrait tion, le tribunal, ou un seul de ses susceptible de modification et d'améliora- membres (2), a pensé qu'il s'élève des tion dans l'économie générale de nos indices suffisans de culpabilité contre le lois. prévenu, à raison d'un fait réputé crime, Le juge instructeur, qui procède seul ou si, le contraire ayant été reconnu par à tous les actes d'instruction, rend aussi ce tribunal, le ministère public, ou la à ce sujet toutes les ordonnances qu'il partie civile, s'il y en a une, ont formé juge convenables, et ces ordonnances, opposition, comme ils en ont la faculté, quelque préjudiciables qu'elles puissent à la mise en liberté du prévenu, celui-ci être aux intérêts du prévenu, ne peuvent est autorisé de son côté à faire parvenir être attaquées par voie d'opposition ou tels mémoires qu'il estime convenables à d'appel, si ce n'est dans le cas où le juge la chambre d'accusation qui doit statuer ne serait ni celui du lieu du crime ou sur l'affaire; mais la loi qui lui accorde du délit prétendu, ni celui de la résidence le droit de présenter ainsi ses moyens de du prévenu, ni celui du lieu où il aurait été défense, n'oblige ni le ministère public, trouvé. Toute exception d'incompétence, ni la partie civile, à lui faire connaitre même à raison de la matière, ne peut être que la chambre d'acusation est saisie, et proposée contre une ordonnance de simple qu'il y a opposition à sa mise en liberté; instruction (1); et l'on sent combien une aussi lorsque dans un autre ouvrage (3), pareille jurisprudence peut prolonger la j'ai établi la nécessité de cette notification, détention d'un individu contre lequel on je n'ai pu m'appuyer que sur l'impossibiaura mal à propos décerné des mandats lité où se trouverait le prévenu d'user à et dirigé des poursuites criminelles ou temps de son droit, s'il ignorait le mocorrectionnelles, pour un fait qui n'a ment où son intérêt en réclamerait l'exerpoint le caractère de crime ou de délit, cice; mais on sait que des motifs tirés de et qui ne doit donner lieu qu'à une action l'esprit de la loi, et même de son texte, civile. ne peuvent suppléer à une disposition qui

(1) Un arrêt du 7 novembre 1816 est ainsi

conçu :

« Attendu que les chambres du conseil des tribunaux de première instance, hors les cas des demandes en liberté provisoire sous caution, ne peuvent jamais rendre, au préjudice d'un prévenu, que des ordonnances d'instruction ou des ordonnances qui, sans régler définitivement la compétence, ne font que l'indiquer;-Que ces ordonnances ne pourraient donc être susceptibles d'opposition ou d'appel de la part du prévenu, que par une disposition formelle de la loi;- Que ce droit d'opposition ou d'appel ne lui est point accordé par l'article 135 du Code d'instruction criminelle; — Qu'il ne lui est accordé que par l'article 539, mais que la disposition de cet article ne peut être étendue au-delà du cas auquel il se réfère;-Que cet article, qui fait partie du chapitre du réglement de juges, ne peut être appliqué qu'aux circonstances qui, dans l'art. 526, sont nécessairement supposées exister, c'est-à-dire, au cas où l'exception d'incompétence, relevée contre le juge d'instruction ou la chambre du conseil, serait fondée sur les articles 63 ou 69 dudit Code; Que la loi n'aurait pu admettre; en faveur des prévenus, un droit d'opposition ou

d'appel plus étendu contre les ordonnances du juge d'instruction et des chambre du conseil, sans qu'il en fût résulté pour eux un moyen assuré d'entraver la marche de la première instruction, de se procurer le dépérissement des preuves, et de paralyser ainsi l'action de la vindicte publique; - Et attendu que l'opposition formée ou l'appel relevé par Girardon, contre l'ordonnance de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Lyon, en date du 22 août, ne portait point sur les articles 63 et 69 du Code d'instruction criminelle; qu'il n'était donc point autorisé par l'art. 539 de ce Code; que dès-lors la Cour royale aurait dù le déclarer non-recevable ; —Que le pourvoi formé par Girardon contre l'arrêt de cette Cour ne pourrait avoir pour résultat que de faire prononcer cette fin de non-recevoir; qu'ainsi ce pourvoi est sans intérêt pour ledit Girardon; » D'après ces motifs, la Cour le déclare nonrecevable dans son pourvoi. >>

(2) On sait qu'il suffit d'une seule voix défavorable au prévenu pour que l'affaire soit renvoyée à la chambre d'accusation. (Voy. art. 133 du Code d'inst. crim.)

(3) Voyez le Traité de la Législation criminelle en France.

frappe de nullité l'omission de la formalité prescrite ou l'inexécution de la règle indiquée, et que c'est là seulement que se trouve la garantie, dont le prévenu est encore privé en cette circonstance.

nocence?

en

rer. Mais on ne peut se dissimuler que, depuis que le roulement déterminé par le décret de juillet 1810, pour la formation des chambres civiles et criminelles, a été remplacé par la désignation que fait chaque La chambre d'accusation statue sur le année une commission de la Cour royale, vu des pièces de la procédure et en l'ab- composée du premier président, des prési sence du prévenu. Cette marche est dens de chambre,du doyen de chaque chamquelque sorte la conséquence du secret bre et du procureur général (2), depuis de la procédure préliminaire sur lequel que la chambre d'accusation, ainsi que nous avons exprimé notre pensée. Le pré- les autres chambres, n'est plus composée venu absent, pour lequel aucun défenseur de juges appelés à leur tour par l'ordre ne peut se présenter, et qui, comme on du roulement, mais bien de juges choisis vient de le voir, n'a peut-être pas été mis et spécialement désignés pour siéger à à portée de fournir ses moyens de défense, telle chambre, la garantie légale a reçu la dans des mémoires qu'il est autorisé à plus funeste atteinte; et peut-être penfaire parvenir, est-il sûr du moins de sera-t-on comme moi que cette garantie trouver à la chambre d'accusation une a tout-à-fait disparu depuis que la Cour composition de juges rassurante pour l'in- de cassation a consacré, par sa jurisprudence, & qu'il ne résulte point un moyen >> de cassation de ce qu'un seul juge titu»laire de la chambre d'accusation a conComme on doit supposer que, dans tous » couru à l'arrêt de cette chambre, sans les temps, le gouvernement veut choisir » que rien constatât les motifs du remplades juges habiles et intègres, et qu'il y » cement des quatre autres, ... parce réussit ; certes, tant que, suivant les dis- » qu'il y a présomtion de droit que ceux positions du réglement du 6 juillet 1810, » qui n'ont pas siégé ont été légitimepublié en même temps que la loi d'orga-»ment empêchés et légalement remplanisation du 20 avril précédent, dont il » cés (3); » car il est évident, d'après formait l'appendice, les diverses chambres cette décision, que si les juges désignés, des Cours royales été ont formées chaque aux termes de l'ordonnance de 1820, année de membres désignés à leur tour par pour former la chambre d'accusation un ordre de roulement fixe, connu et ré- d'une Cour royale pendant l'année judigulier (1), les prévenus, trouvant ainsi ciaire, ne conviennent pas pour le jugement dans des dispositions législatives et régle- d'une affaire spéciale, on peut en commentaires une garantie de l'impartialité mettre d'autres à l'effet d'y faire statuer, des juges qui leur étaient donnés pour et que leur décision est à l'abri des critiexaminer s'il y avait lieu à accusation, ques dont l'accusé prétendrait trouver les avaient, à cet égard du moins, tous les motifs dans cette circonstance extraormotifs de sécurité qu'ils pouvaient dési- dinaire.

Examinons cette question.

(1) Voyez la loi du 20 avril 1810, et le décret réglementaire du 6 juillet même année.

(2) Voyez l'ordonnance royale du 11 octobre 1820.

(3) Voyez arrêt de la Cour de cassation, du 2 novembre 1821. (Bull. offic. de cass., an 1821, part. crim., page 529.)—Voyez aussi le Traité de Législation criminelle.

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