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haut degré de force, et à la morale publique une plus grande pureté. On place toutes les institutions utiles sous la sauvegarde de la raison, et l'on prépare pour le gouvernement le succès de toutes les bonnes mesures.

II. CLASSIFICATION.

UNE classification des sophismes présente des difficultés considérables et peut-être invincibles. Ceux qui viennent se placer sous un genre peuvent, dans plusieurs cas, se ranger sous un autre, et l'on retombe dans le vice des divisions arbitraires.

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1o La première méthode qui se présente est de les classer selon les partis politiques. Cette division aurait donné, à Rome, les sophismes des patriciens et ceux des plébéiens, — à Florence, ceux des Noirs et ceux des Blancs, en Angleterre, ceux des Whighs et ceux des Torys; ou mieux encore ceux du parti Ministériel et ceux de l'Opposition: mais quand on voudrait mettre cette division en œuvre, on s'apercevrait bientôt qu'elle n'est pas assez distincte, et qu'elle est sujette de plus à l'inconvénient d'irriter ceux qu'on voudrait instruire.

2° On peut trouver un second principe de démarcation, en observant qu'ils s'appliquent à différentes facultés de l'âme ou à différentes passions. On pourrait, d'après ce principe, les ranger sous les dénominations suivantes : sophismes, 1° ad verecundiam, 2° ad quietem, 3° ad socordiam, ° ad metum, 5° ad superstitionem, 6° ad superbiam, 7° ad odium, 8o ad amicitiam,9° ad inviden

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tiam.* Mais on trouverait encore dans cette division beaucoup de vague; cependant elle présente quelque utilité, et, en conséquence, on a référé chaque sophisme à la disposition de l'âme à laquelle elle s'adresse.

3° On peut enfin les diviser en considérant leur destination ou leur but spécial. Les uns sont destinés à écarter une question sans l'examiner ;

les autres à la différer pour gagner du temps;

les autres à l'obscurcir, si on ne peut se dispenser de la traiter. J'appellerai les premiers, sophismes d'autorité ou de préjugés ; les seconds, sophismes dilatoires; les troisièmes, sophismes de confusion. Je me suis attaché à cette distribution, non comme satisfaisante à tous égards, mais comme

Ces affections ou passions ont toutes un nom propre en français; mais on a préféré de les énoncer dans une langue morte, à raison de la clarté et de la brièveté qui en résultent. La modestie, l'amour du repos, l'amour du repos, la paresse, la crainte, la superstition, l'orgueil, la haine, l'amitié, l'envie. Le mot étranger est plus saillant, et se sépare mieux des notions vulgaires qui importunent l'esprit dans les recherches de cette nature. On a suivi l'exemple de Locke; il a fait usage de dénominations latines pour quatre espèces d'argumens:

1o Ad verecundiam; 2o ad ignorantiam ; 3° ad hominem ; 4° ad judicium.

Ad marque plus nettement le but que la proposition française à.

moins défectueuse que les autres : elle m'a présenté un fil qui conduit assez naturellement d'un sophisme à l'autre, et donne une facilité de plus pour les retenir.*

Il serait bien à désirer qu'on pût trouver un nom propre, un nom caractéristique, qui servît à signaler chaque sophisme, et qui pût entrer dans la langue commune; on aurait rendu par-là un service éminent à l'art de raisonner. La logique aurait, pour ainsi dire, son Code pénal. Chaque mauvais raisonnement aurait un signe particulier de réprobation. Mais je n'ai pas osé hasarder des dénominations nouvelles, et j'ai été réduit à désigner plu

* Cet arrangement n'est pas celui de M. Bentham. Il avait rangé les sophismes sous trois classes; 1o ceux qui sont propres au parti ministériel; 2° ceux qui sont propres au parti de l'opposition; 3° ceux qui sont communs aux deux partis. Il reconnaissait toutefois que cette division n'avait pas le vrai caractère d'une classification logique; les sophismes qu'il avait rangés dans l'une de ces classes auraient pu également se placer dans une autre. Mais j'avais une raison de plus pour ne pas me conformer à ce plan. Mon objet était d'effacer la couleur du polémique anglais qui dominait dans l'ouvrage, et de lui donner un intérêt général. J'avais en conséquence traité tous ces sophismes comme autant d'articles indépendans; mais un ami trèséclairé (M. Sismondi) m'a suggéré la division que j'ai suivie, et dans laquelle tout s'est placé.

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sieurs sophismes par des circonlocutions imparfaites.*

J'ai séparé une classe de sophismes que l'on peut appeler anarchiques, parce qu'ils ont une tendance à détruire toute espèce de gouvernement. Ils appartiennent à la troisième classe des sophismes de confusion et d'obscurité; mais ils ont ce danger de plus, de préparer la dissolution de toute autorité légale.

La plupart de ces sophismes ont été promulgués solennellement dans la Déclaration des droits de l'homme. C'est là ce qui donne un grand avantage pour les combattre. Les autres sophismes n'ont jamais été rédigés en corps de maximes; ils changent de forme comme des Protées, et les extraire d'une

* L'auteur anglais a bravé ce péril. Il a ébauché pour chaque sophisme une dénomination nouvelle ou une phrase courte et populaire qui le caractérise. Mais je me suis bien gardé de les traduire dans une langue plus timide et particulièrement ennemie du grotesque ou du burlesque. Je dirai ici par occasion que la difficulté de rendre en français les idées de M. Bentham est prodigieusement augmentée par le néologisme de son langage. Personne n'écrit, sous le rapport grammatical, plus purement que lui; mais par rapport aux mots, il en crée continuellement de nouveaux; et un dictionnaire beaucoup plus riche que le nôtre lui paraît encore très-insuffisant. Je parle particulièrement de ses dernières productions.

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