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donc « il ne pouvait avoir d'effet qu'après avoir reçu l'assentiment des Chambres» (art. 68, § 2 de la Constitution). Nous ne saurions sans sortir du cadre de cette Revue insister sur ces divers points (1).

A plus forte raison passerons-nous sous silence les vices de cet acte considéré non plus comme traité, mais comme contrat de droit civil (absence au contrat de la future épouse, nullité des procurations données. par le Roi et le Comte de Brabant, assistance irrégulière des futurs époux mineurs, etc.,etc), qui ont pu le faire qualifier par M Dejongh de << musée royal des nullités ».

Hâtons-nous de résumer et de conclure. A notre époque, dans les monarchies constitutionnelles où le Roi n'a d'autre pouvoir et d'autre qualité que «< ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution elle-même (art. 48 de la Constitution belge), où il est soumis pour tous les actes de sa vie civile (état civil, gestion du patrimoine) aux mêmes règles que les autres citoyens, son contrat de mariage, ainsi que celui des Princes de sa famille, est régi par les textes de droit commun. Dans le fond, en vertu de la nature même des choses, dans la forme, en vertu de l'égalité civile, le contrat des Princes de famille souveraine est un contrat de droit privé. Notre conclusion, au point de vue du droit international, est donc que c'est à tort que l'on a fait intervenir le droit international dans cette matière.

J. BARTHÉLEMY,

Avocat à la Cour d'appel,

Chargé de conférences à la Faculté de droit de Paris.

CHRONIQUE DES FAITS INTERNATIONAUX

ESPAGNE ET GRANDE-BRETAGNE. Convention d'arbitrage permanent du 27 février 1904. A la date du 27 février 1904, lord Lansdowne, secrétaire d'État du Foreign Office, au nom de la Grande-Bretagne, et M. l'ambassadeur d'Espagne à Londres, au nom de l'Espagne, ont signé un traité d'arbitrage permanent, dont les termes sont identiques à ceux des conventions conclues par la France les 14 octobre et 25 décembre 1903 el le 26 février 1904 avec la Grande-Bretagne, l'Italie et l'Espagne et de la

(1) V. Despagnet, Les difficultés internationales venant de la Constitution de certains pays, dans cette Revue, t. II (1895), p. 184; Bonfils-Fauchille, op. cit., 3e édit., no 828; Laband, Le droit public de l'Empire allemand, t. II, p. 484.

convention signée le 1er février 1904 entre la Grande-Bretagne et l'Italie (1). Ce traité est en effet ainsi conçu:

« Le gouvernement de Sa Majesté britannique et le gouvernement de Sa Majesté catholique le Roi d'Espagne, signataires de la convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux, conclue à la Haye le 29 juillet 1899; considérant que, par l'article 19 de cette convention, les Hautes Parties Contractantes se sont réservé de conclure des accords en vue du recours à l'arbitrage, dans tous les cas qu'elles jugeront possibles de lui soumettre ; ont autorisé les soussignés à arrêter les dispositions suivantes :

< Article 1er. Les différends d'ordre juridique ou relatifs à l'interprétation des traités existant entre les Parties Contractantes qui viendraient à se produire entre elles et qui n'auraient pu être réglés par la voie diplomatique, seront soumis à la Cour permanente d'arbitrage établie par la convention du 29 juillet 1899 à la Haye, à la condition toutefois qu'ils ne mettent en cause ni les intérêts vitaux, ni l'indépendance ou l'honneur des deux États contractants et qu'ils ne touchent pas aux intérêts de tierces puissances.

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Art. 2. Dans chaque cas particulier, les Hautes Parties Contractantes, avant de s'adresser à la Cour permanente d'arbitrage, signeront un compromis spécial, déterminant nettement l'objet du litige, l'étendue des pouvoirs des arbitres et les délais à observer, en ce qui concerne la constitution du tribunal arbitral et la procédure.

«Art. 3. Le présent arrangement est conclu pour une durée de cinq années, à partir du jour de la signature.

Fait à Londres, en double exemplaire, le 27 février 1904 ». ETATS-UNIS D'AMÉRIQUE. Alaska. Maison de jeu établie sur les glaces au delà de la limite des eaux territoriales (2). Un incident assez singulier vient de se produire à l'extrémité Nord-Ouest du territoire de l'Alaska et il vaut d'être mentionné à raison du problème juridique qu'il pose. Les placers aurifères, très nombreux dans cette région, sont situés dans les sables du littoral, spécialement dans les parages du cap Nome. Comme aux environs de toute exploitation semblable, une maison de jeu s'était installée en cet endroit, où les mineurs venaient jouer et, parait-il, hors de toute mesure. Les autorités américaines s'émurent et expulsèrent les tenanciers du tripot. Ceux-ci ne se tinrent pas pour battus. La mer est prise, dans ces régions, sur une grande étendue.

(1) V. cette Revue, t. X (1903), p. 799 et t. XI (1904), p. 93, 209 et 219.

(2) Communication de M. Louis Rolland, chargé de conférences à la Faculté de droit de Paris.

Ils se transportèrent sur les glaces, et, pour être à l'abri des atteintes des autorités américaines, ils s'établirent au delà des 3 milles marins, limite des eaux territoriales (1).

Voilà le fait. Il est incontestablement bizarre, mais il soulève aussi une question toute nouvelle : les États-Unis ont-ils un moyen juridique de faire disparaître cette singulière maison de jeu? En d'autres termes et de façon plus générale, quelle est la situation juridique d'un établissement installé sur les glaces en dehors des eaux territoriales? Tel est le problème. Nous voudrions essayer sinon de lui donner une solution, tout au moins d'indiquer les idées qui apparaissent en la matière.

I. On pourrait d'abord raisonner de la manière suivante: la glace fait corps avec le littoral; elle n'est qu'un prolongement du territoire. L'État côtier y est donc souverain comme il l'est sur la terre ferme. L'argumentation en ce sens pourrait être assez simple. Pourquoi, en effet, la haute mer n'est-elle soumise à la souveraineté d'aucun État ? Parce que, par sa nature même, elle est insusceptible de prise de possession; parce que, son libre usage étant nécessaire pour le développement de leur vie à toutes les nations, si un État s'en considérait comme le souverain, il nuirait à tous les autres. C'est là l'opinion générale de tous les auteurs (2) depuis Grotius (3). Or, ici les deux motifs indiqués valent-ils quelque chose? Evidemment non. D'une part, la prise de possession se conçoit fort bien d'une surface glacée assez constante pour supporter des baraquements, voire une maison de jeu. Par ailleurs on ne peut dire de cette prise de possession qu'elle gêne les autres nations. Ce n'est pas elle, mais la congélation, qui supprime la pêche et entrave la navigation. Que si, poussant plus loin, on se demande à qui appartient la souveraineté de ce territoire de glace, il faut répondre que c'est à l'État côtier. Il y a là une acquisition du domaine international par accession. Que ce système soit d'apparence logique, il le semble bien. Tel quel cependant, il est, à notre avis, excessif. Il y a lieu, en effet, d'introduire une distinction et de raisonner différemment suivant que les glaces entourant les côtes sont permanentes, ne fondent jamais, ou bien suivant qu'elles disparaissent à la belle saison.

Parler de souveraineté de l'État côtier, dans le premier cas, est assez raisonnable. A côté du territoire continental, il existe, pour ainsi dire,

(1) V. le Temps du 23 février 1904.

(2) V. Bonfils-Fauchille, Manuel de droit intern. public, 3o édit., p. 326; Hautefeuille, Histoire des origines du droit maritime international, p. 15; Heffter, trad. Geffcken, Le droit international de l'Europe, p. 148; Perels, Manuel de droit maritime international, trad. Arendt, p. 23; Testa, Droit public international maritime,, trad. Boutiron, p. 65. (3) V.dans le recueil: Les fondateurs du droit international, p. 171 et suiv., Grotius, monographie par M. Basdevant.

un territoire glaciaire. Il est d'une espèce particulière, mais c'est un territoire. Sans doute la glace n'est que de l'eau solidifiée et se distingue ainsi de la terre ferme. Encore, en dernière analyse, l'écorce terrestre provient du refroidissement et de la solidification de gaz en fusion; le territoire glaciaire est un élément liquide solidifié: c'est bien à peu près la même chose (1). Sans doute, sous l'action d'une chaleur excessive, la banquise peut se disjoindre, mais le sol terrestre peut lui aussi se crevasser à la suite d'un tremblement de terre. Que l'on n'objecte pas enfin l'existence, à l'extrémité des glaces permanentes, d'autres glaces destinées à fondre. De celles-là nous parlerons bientôt. Nous ne nous occupons actuellement que des glaces qui ne disparaissent point. Sur celles-ci une installation stable se conçoit; donc une prise de possession. D'ailleurs, elles ne sont qu'une annexe, une suite naturelle du continent. Aussi loin que la banquise se prolonge, elle doit donc être sous la souveraineté de l'État côtier. Les règles de l'accession s'appliquent ici d'elles-mêmes. Glaces et continent forment un ensemble sur lequel il est impossible de trouver un point assimilable à un territoire vacant (2).

Que, dans cette hypothèse, l'établissement installé sur les glaces soit soumis à la souveraineté de l'État côtier, cela ne soulève point de difficultés. Mais, si ce cas est simple, il en est autrement quand les glaces sont temporaires. Ici la banquise est appelée à disparaître. On n'y peut imaginer un établissement stable. La solidification n'étant point complète, il n'y a plus d'assimilation possible avec la terre ferme. Un territoire qui fond n'est pas un territoire. Le raisonnement exposé dans la première hypothèse est maintenant inadmissible. La question dès lors se pose à nouveau et devient particulièrement délicate. Quelle est la situation juridique d'un établissement quelconque, ici d'une maison de jeu, installé sur des glaces temporaires à plus de 3 milles du littoral ? Il nous faut essayer d'y répondre.

II. De cette situation il est plus facile de dire ce qu'elle n'est pas que ce qu'elle est effectivement. Elle n'est pas d'abord la situation d'un navire surpris par une congélation rapide. Ce navire a, en effet, une vie indépendante de la banquise où il se trouve retenu. Il en est autrement dans notre espèce. La glace disparaissant, la maison de jeu de l'Alaska se

(1) Certaines glaces permanentes portent même une végétation. Ceci rend encore plus apparente l'assimilation avec la terre ferme.

(2) Bien entendu si des glaces réunissaient un continent à l'autre de manière permanente il faudrait peut-être raisonner différemment. Mais la question en fait ne se pose pas, puisque le passage de l'Atlantique au Pacifique est possible, au moins à certaines époques de l'année, soit par le Nord de l'Amérique, soit par le Nord de l'Europe et de l'Asie, les deux routes aboutissant au détroit de Behring.

rait engloutie dans l'Océan. Au surplus, le navire a un port d'attache et ce n'est pas ici le cas. Il n'y a pas non plus d'assimilation possible ni avec un pirate ni avec une épave. Le pirate, à l'opinion générale, est celui qui entreprend sur mer une expédition armée, sans autorisation préalable de l'État et dans le but de s'approprier des navires et leurs cargaisons (1). L'épave est un objet trouvé en mer et provenant ou d'une origine inconnue ou d'un navire perdu en pleine mer (2).

Peut-être pourrait-on invoquer une analogie avec ce que l'on désigne du nom de cabarets flottants. Dans l'espèce présente, s'agissant du tripot du cap Nome, cela ne manquerait pas d'une certaine justesse. C'est pour éviter les abus résultant de la vente des spiritueux sur des bateaux de pêche, dans la mer du Nord, que la convention du 16 novembre 1887 en a interdit le trafic (3). C'est pour éviter les abus résultant des jeux que les ÉtatsUnis cherchent à les supprimer. Mais, si les motifs d'interdiction sont les mêmes, l'analogie s'arrête là. La convention de 1887 a une portée limitée et ne s'applique que dans la mer du Nord. En outre, elle s'occupe de cabarets flottants, c'est-à-dire de navires. Or, l'établissement installé sur les glaces ne flotte pas; il est immobile (4). Par suite, il n'a pas nécessairement, comme un navire, et une nationalité et un port d'attache. En réalité, s'il est établi en dehors des eaux territoriales et si on considère que de ce fait il est en pleine mer, sa situation est unique en droit international, et ce n'est pas en cherchant à l'assimiler à une autre que l'on dégagera une réponse à notre question.

Il nous semble qu'il faut ici faire intervenir d'autres idées et essayer de raisonner différemment. Nous supposons un établissement installé à une distance de la côte, supérieure à 3 milles marins, limite communément admise des eaux territoriales. Mais, lorsqu'une partie de la mer est gelée, est-ce que la mer territoriale ne peut pas être considérée comme dépassant, par le fait même, la limite normale?

Qu'est-ce, en effet, que la mer territoriale? C'est la bande d'Océan qui entoure un territoire continental et dans laquelle l'État riverain peut faire respecter sa puissance (5). C'est, en définitive, pour cet État une

(1) Bonfils-Fauchille, op. cit., 3e édit., p. 341; Perels, op. cit., p. 136; Genly, La piraterie, 1902, p. 52.

(2) Bonfils-Fauchille, op. cit., 3e édit., p. 288.

(3) V. Guillaume, La convention de la Haye de 1887, concernant le trafic des spiritueux dans la mer du Nord, dans la Revue de droit international et de lég. comparée, t. XXVI (1894), p. 488 et suiv.

(4) A moins de supposer qu'il soit constitué par une « roulotte », ce qui est évidemment concevable. Mais dans ce cas il est difficile d'assimiller ce véhicule à un navire. (5) V. Bonfils-Fauchille, op. cit., 3e édit., p. 270.

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