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1656. Perfuadée que la juftice & l'humanité étoient les fondemens les plus folides du Trône, elle s'attacha à foulager les peuples, & à reprimer les efforts des Grands, qui par un aveuglement déplorable ne fe croyent tels, qu'à proportion qu'ils font fentir le poids de leur grandeur à leurs inferieurs. La moderation, la pieté, le definteressement, reglerent toutes Les actions: Le peuple vint à l'adorer, & les Grands l'admirerent la refpecterent & la craignirent.

Cette Princeffe, après avoir donné une forme au Gouvernement, nomma felon la volonté du feu Roi, pour Gouverneur de Dom Alfonfe, Dom François de Faro, Comte d'Odemira. On lui donna un appartement dans le Palais. Le Comte defcendoit d'une ancienne branche de la Maison de Bragance. Ses richeffes égaloient fa naillance, & il avoit marié fa fille unique au Duc de Cadaval, Marquis de Fereira, Comte de Tentugal defcendant auffi de la même Maison, par Ferdinand Second, Duc de Bragance. Le Comte étoit fage, actif, prudent, confommé dans les affaires par une longue experience, genereux, defintereffe, & dévoué entierement à

la Reine, ce qui lui attiroit des en- 16554 nemis; mais fa conduite toujours conforme aux regles de la raifon, & au zele qu'il devoit aux veritables interêts de l'Etat, le firent triompher de toutes les cabales qu'on trama pour le perdre. Il partageoit la confiance de la Reine avec Dom Antoine-Louis de Menefes, Comte de Cantenhede, Confeiller d'Etat, perfonnage d'une illuftre naiffance, profond dans les affaires du Cabinet, fage à la tête des armées, & propre également à commander & a obéir. Le Comte d'Odemira étoit affable, poli, infinuant : le Comte de Cantanhede, vif, prompt, & quelquefois trop fincere. Pierre Vieira de Silva, Secretaire d'Etat, & Gafpard de Faria Severim, Secretaire des Dépêches, s'étoient entierement attachez à ces deux Seigneurs.L'ambition de vouloir attirer à chacun de ces deux Seigneurs toute l'autorité, caufoir fouvent de la divifion entre les deux derniers mais la Reine rétabliffoit par fa prudence l'union & l'intelligence parmi eux.

Avec le fecours de ces Miniftres & de quelques autres perfonnages qui formoient le Confeil d'Etat, la Reine ne defefpera point de procurer un

1656. Gouvernement fage & utile à fes fujets. Elle fe détermina à pourfuivre la guerre, & à attaquer vivement les Caftillans dans l'Eftramadure, pour effacer de l'efprit des Efpagnols, & même de prefque tous les Peuples de l'Europe, les fâcheufes impreffions qu'on avoit conçûës en dernier lieu, de la conduite du feu Roi Jean IV.à cet égard. On s'étoit imaginé qu'on manquoit de tout dans le Portugal, & que les peuples rebutez d'une fi longue guerre, ne vouloient plus s'y expofer, en fourniffant les chofes neceffaires pour la faire avec fuccès.

D'abord la Reine chargea DomJuan de Cofta, Comte de Soure, qui étoit dans la Province d'Alenteyo, d'aller vifiter toutes les Places de la frontie re pour les mettre en état de défense. Elle ordonna en même tems une levée de nouveaux foldats, pour recruter & augmenter l'armée, afin de pouvoir tenir la campagne, & jetter dans les Places des garnifons en état de repouffer l'effort des ennemis. Elle confirma dans leurs Gouvernemens d'Almeida & de Penamacor, Dom Rodrigue de Caftro, & Sanche Emmanuel. Elle envoya commander dans la Province d'entre Douro & Minho, le

Vicomte de Pont de Lima, & dans 1656, celle de Tra-os-Montes, Dom Juan Mendes de Vafconcellos.

Tous ces differens mouvemens & tous ces préparatifs ne purent fe faire fans éclat, & ils répandirent l'allarme parmi les Caftillans. Le Roi Catholique s'étoit flaté de pouvoir enfin réduire les Portugais ;& il vit avec une efpece de defefpoir, que la Regente alloit lui caufer plus d'embaras, que ne lui en avoit caufé Jean IV. fon époux. On tint un Confeil à ce fujet, & Philippe toujours foible, toujours indeterminé, toujours le jouet de fes Miniftres, ne put s'y refoudre à prendre un parti de lui-même. Ceux qui compofoient ce Confeil n'étoient pas moins irrefolus ni moins embarraffez. Les uns fouhaitoient qu'on donnât la paix aux Portugais, les autres qu'on fît un dernier effort, pour réunir ce beau Royaume à la Čouronne de Caftille. Au milieu de ces divers fentimens, Louis de Haro, Favori & premier Miniftre de Philippe, dont le pouvoir égaloit auprès de ce Prince, celui d'Olivarés, encouragé par le fuccès qu'on avoit remporté fur les Catalans, foutint qu'il falloit réduire les Portugais, & venger fur

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1656. cette Nation les outrages qu'on avoit reçus. Nous le pouvons avec d'au» tant plus de facilité, dit-il, que la Catalogne eft foumife, & que les » mêmes troupes qui ont triomphé » des fiers Catalans, triompheront » facilement des foibles Portugais. » La France ne fçauroit fecourir ces derniers, comme elle a fecouru les » premiers. Les forces de cette puiffante Monarchie font occupées ail» leurs la fortune, & les conjonctures, tout favorife nos deffeins. » Ainfi les Portugais ne doivent efperer aucun fecours de l'Etranger. Ils manquent de tout. Ils font » fans Chefs experimentez, ils font » fans foldats: la confufion regne dans l'interieur de leur Royaume; la cabale, l'intrigue divife les Grands; la haine & la défiance regne dans leurs Confeils, le peuple gémit, tout l'Etat enfin eft réduit dans une affreufe mifere.Il n'attend qu'un dernier effort de notre part, » pour éclatter contre le nouveau » Gouvernement. Quelque courage, quelque fermeté que faffe paroître » la Regente, elle ne fçauroit fe » foûtenir. On la regarde com. » me une Etrangere

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