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point à rechercher la paternité, mais à suppléer l'absence forcée de l'acte authentique qui la présuppose et l'établit; et prétendre interdire à l'enfant le droit de recourir aux titres et aux faits postérieurs pour remplacer la preuve qu'une force majeure est venue lui enlever, c'est le réduire à l'impossible, c'est le rendre victime d'un événement fortuit qu'il n'a pu ni prévenir ni empêcher. Il résulterait du système de la cour d'Agen qu'un enfant naturel reconnu n'aurait, dans le titre de sa reconnaissance et dans sa possession d'état conforme au titre, aucune garantie contre l'incendie ou contre toute autre destruction possible de la preuve mátérielle de sa filiation.

Le second moyen de cassation était fondé sur la violation des art. 1440 et 1548 du cod. civ. Ces articles, conçus à peu près dans les mêmes termes, disposent « que les intérêts de la dot courent, de plein droit, du jour du mariage, contre ceux qui l'ont promise, encore qu'il y ait terme pour le paiement, s'il n'y a stipulation contraire ». Ainsi, disait-on, c'est un principe constant, dans la nouvelle comme dans l'ancienne jurisprudence, que les intérêts de la dot courent de plein droit, et sans qu'il soit besoin d'en former aucune demande judiciaire, parce qu'en effet ces intérêts sont destinés à soutenir les charges de l'établissement matrimonial. Pro oneribus matrimonii mariti lucro fructus totius dotis esse manifesti juris est. C'est d'ailleurs ce qui résulte, dans l'espèce, des termes mêmes du contrat: car il y est stipulé que la donation est faite en faveur et contemplation dudit mariage, et pour aider l'époux à supporter les charges d'icelui. La cour d'Agen a donc violé les articles précités du code en n'accordant les intérêts de la constitution dotale que du jour de la demande, tandis qu'elle aurait dû les faire courir à compter du décès de la donataire, époque où la dot devenait exigible.

La filiation des enfants légitimes et celle des enfants naturels, répondait le défendeur, sont essentiellement différentes sous le rapport des preuves, de leur but et de leur effet, et il est sensible que la loi a dû se montrer plus indulgente sur la nature des preuves que doit fournir l'enfant légitime pour établir son état que sur celles exigées de l'enfant naturel pour justifier de sa filiation: l'honnêté publique, les bonnes mœurs, l'intérêt de la société, commandent cette différence. On ne

peut donc pas confondre l'un et l'autre dans la même catégorie, ni leur appliquer, par analogie, les mêmes dispositions législatives.

A l'égard de l'enfant naturel qui réclame son père, il n'a d'autre moyen de succès que de rapporter toute faite la preuve de sa filiation, en justifiant par son acte de naissance ou par un acte authentique que celui qu'il désigne comme son père l'a volontairement reconnu pour son enfant. Les présomptions, les commencements de preuve par écrit, la preuve vocale, la possession d'état, une reconnaissance même sous seing privé, tout cela est inutile, tout cela est repoussé par la loi, comme tendant indirectement à la recherche de la paternité. Les art. 334 et 540 sont absolus; impossible d'échapper à leur disposition irritante, en se plaçant dans un cas d'exception qu'ils n'ont ni prévu ni autorisé. Ainsi c'est sans fondement que le demandeur invoque les art. 46 et 323. Evidemment ces articles ne sont point applicables aux enfants naturels; les preuves de la filiation, à leur égard, sont déterminées par le chap. 3, tit. 7, sect. 2, intitulé DE LA RECONNAISSANCE DES ENFANTS NATURELS, tandis que l'art. 323, qui n'est que la conséquence de l'art. 46, en ce qu'il admet, dans certain cas, la preuve par témoins, est placé au chap. 2 du même titre, intitulé des Preuves de la filiation des enfants légitimes; ce qui démontre encore une fois que ces articles sont absolument étrangers aux enfants naturels, et qu'ils doivent, pour la preuve de leur état, se renfermer dans les limites que leur assigne l'art. 334.

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Ce n'est pas tout: les articles invoqués, fussent-ils applicables à la filiation des enfants naturels, n'auraient pas été viopar la cour royale en ce qu'elle aurait rejeté l'offre de preuve des faits articulés par Florentin. En effet, les art. 46 et 323 permettent bien aux juges d'admettre la preuve testimoniale dans les cas qu'ils énoncent, et notamment lorsque les registres ont été détruits ou perdus; mais c'est une faculté qu'ils leur laissent, et non pas une loi qu'ils leur imposent. Les tribunaux sont donc investis à cet égard d'un pouvoir discrétionnaire. Ils restent les maîtres de recevoir ou de rejeter la preuve, suivant les circonstances, et leur jugement, quel qu'il soit, ne peut, sous ce rapport, donner ouverture à cassation. Feuille 7.

Tome IIe de 1827.

Mais, dit-on, avec un pareil systeme, l'enfant naturel qui aura été reconnu par son acte de naissance n'aura plus de moyen de prouver sa filiation, si les registres sont détruits ou perdus: ainsi vous le rendez victime d'un événement de force majeure dont il n'a pu se garantir. Oui, sans doute: c'est un inconvénient qui tient à sa position; mais cet inconvénient est moins grave que celui qui, sur le prétexte que les registres sont égarés ou détruits, lui permettrait d'établir sa filiation, et de conquérir le bienfait de la reconnaissance, qui doit être purement volontaire, à l'aide de la preuve vocale. D'ailleurs, et encore une fois, le sieur Florentin n'a pas même allégué et offert de prouver qu'il y avait eu reconnaissance de la filiation qu'il réclame dans son acte de naissance: il s'est toujours borné à soutenir que, par cela seul qu'il n'existait plus de registres, il devait être admis à prouver sa filiation par témoins, système insoutenable, et qui, contre la disposition formelle de l'art. 340, tendait évidemment à une recherche de paternité. Le second moyen de cassation, poursuivait le défendeur, n'est pas mieux fondé que le premier. Quand les art. 1440 et 1548 du code ont dit que les intérêts de la dot courraient de plein droit du jour du mariage, ils ont entendu parler d'une dot contistuée à la femme, et dont les fruits appartiennent au mari pour soutenir les charges du ménage; ici, au coùtraire, il s'agit d'une donation faite au mari par un étranger, ce qui suffit pour écarter l'application des articles précités. En second lieu, c'est moins dans la loi que dans le contrat qu'il faut, pour l'espèce, chercher les raisons de décider. Ici la donatrice ne donne qu'après elle; elle se réserve la jouissance de la chose donnée. La disposition doit donc être assimilée à un legs dont les intérêts et les fruits ne courent que du jour de la demande, et on doit le décider ainsi d'autant plus volontiers que, s'il eût été dans l'intention des parties de faire courir les intérêts, de plein droit, du jour du décès, elles n'auraient pas manqué de le stipuler.

Du 13 mars 1827, ARRÊT de la section civile, M. Brisson président, M. Piet rapporteur, MM. Guillemin et OdillonBarrot avocats, par lequel:

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Joubert, avocat-général; Sur le premier moyen, considérant qu'aux termes de l'art. 354 du cod. civ., la reconnaissance d'un enfant naturel ne peut résulter que

d'un acte authentique, lorsqu'elle n'a pas été faite dans son acte de naissance, et qu'aux termes de l'art. 340, la recherche de la paternité est interdite; que Florentin ne présentant ni son acte de naissance, ni aucun acte authentique portant expressément la reconnaissance exigée, il ne pouvait y suppléer par l'offre de prouver que les registres de l'état civil étaient perdus ou détruits; que la demande subsidiaire de cette preuve, avant de prononcer sur celle qu'il offrait principalement de ses autres faits de possession d'état, ne pouvait, d'après lesdits art. 334 et 340, être admise, surtout lorsqu'il n'était point articulé que, dans les registres perdus ou détruits, il existât un acte de naissance portant que Florentin eût pour père le sieur Dubourg et que ce père l'eût reconnu pour son fils; qu'ainsi la preuve subsidiaire offerte ne tendait qu'à faire admettre celle des faits de possession d'état, pour tenir lieu de la recon naissance, à laquelle seule est attaché le droit de prendre le titre d'enfant naturel de tel père;

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Que ce moyen employé pour établir la filiation naturelle à l'aide de la possession d'état et de reconnaissances induites de faits et d'actes autres qu'un acte authentique de reconnaissance expresse de la part du père était repoussé par lesdits art. 334 et 340, comme la cour royale l'a justement établi dans les premiers motifs de son arrêt ; REJETTE le le premier moyen de cassation proposé.

Mais sur le second,

même code;

Vu l'art. 1440 du cod. civ. et l'art. 549 du Considérant que la somme de 6,000 fr. donnée à Flo

rentin par les demoiselles Dubourg, à l'effet de soutenir les charges de son établissement matrimonial, eût de suite profité à cet établissement. si les donatrices n'en eussent suspendu l'effet par la réserve d'usufruit : d'où il résulte qu'à l'expiration de cet usufruit, les intérêts de la somme de 1,500 fr. (faisant partie des 6,000 fr. de constitution dotale) ont appartenu de droit à Florentin, en vertu de son contrat de mariage, et sans qu'il eût besoin d'en former la demande; que même il n'avait point à la former, puisqu'il trouvait ces intérêts dans la possession des biens dont la restitution en partie est ordonnée; que, sur cette restitution à faire, il est juste de tenir compte des intérêts desdits 1,500 fr. à compter de la fin de l'usufruit, cette stipulation d'usufruit étant ellemême la preuve que les fruits ou intérêts des 1,500 fr. devaient lui profiter de ce jour-là; que l'arrêt, en n'accordant les intérêts à Florentin qu'à partir de la demande, a violé les articles ci-dessus cités (549 et 1440) du cod. civ.; Casse en ce chef seulement l'arrêt de la cour royale d'Agen. »

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B.

COUR DE CASSATION.

Le condamné par défaut qui a interjeté appel, au lieu de se pourvoir par opposition, est-il recevable à se plaindre ensuite d'avoir été privé d'un degré de juridiction? (Rés. nég.) L'autorisation du gouvernement est-elle nécessaire pour appeler en jugement un maire et les membres des conseils municipaux, lorsqu'il s'agit d'un tort DIRECT fait à la propriété d'un ou de plusieurs individus ? (Rés. nég.) L'exception tirée de la vicinalité d'un chemin constitue-tune question PRÉJUDICIELLE, lorsque les faits de la plainte sont de nature à entraîner la condamnation dans le cas même où le chemin serait reconnu vicinal? (Rés. nég.) Cette exception n'appartient-elle qu'à la commune, et non à quelques uns de ses habitants? (Rés. aff.)

Les tribunaux, en condamnant un individu prévenu d'avoir abattu des arbres, sont-ils obligés de déclarer explicitement que le délinquant savait que ces arbres appartenaient à autrui ? (Rés. nég.) Cod. pén., art. 445.

L'art. 456 du cod. pén. est-il applicable à la destruction partielle d'une haie aussi bien qu'à sa destruction totale? (Rés. aff.)

BOURGEOIS ET LHERMINIER, C. LE MINISTÈRE public.

Du 6 mars 1826, ARRÊT de la section criminelle, M. Portalis président, M. Ollivier rapporteur, MM. Garnier et Isambert avocats, par lequel:

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« LA COUR, Après avoir délibéré en la chambre du conseil, Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocat-général REÇOIT les parties d'Isambert en leur intervention; Et y statuant, ainsi que sur le pourvoi des demandeurs; Attendu, sur le premier moyen, que celui des demandeurs qui le propose, après avoir été condamné en défaut en première instance, au lieu de former opposition au jugement qui lui fait grief, a lui-même saisi par son appel la cour royale de Rouen, et lui a demandé jugement; que dès lors il est non recevable à exciper, devant la cour, d'un moyen qu'il a couvert par son propre fait, et à se plaindre d'avoir été privé d'un degré de juridiction; qu'il a renoncé à son propre droit, et que dès lors la cour royale

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