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COUR D'APPEL DE NISMES.

Des gendarmes peuvent-ils étre employés comme recors pour l'exécution des emprisonnements, en matière civile? (Rés. aff.)

Les formalités prescrites pour l'emprisonnement, en matière civile, le sont-elles à peine de nullité ? Dans tous les cas, le débiteur incarcéré serait-il recevable à se plaindre que telle formalité n'a pas été remplie, si l'omission provenait de son fait, c'est-à-dire de sa résistance à l'exécution? (Rés. nég.) Cod. de proc., art. 794.

HILAIRE, C. MARCELLIN ET AUTRES.

Les sieurs Marcellin et Peillon, ayant obtenu au tribunal de commerce un jugement de condamnation par corps contre le sieur Hilaire, chargèrent un huissier de l'exécution. Cet officier, accompagné de deux gendarmes, se rendit à Saint-Jean-du-Gard, où demeurait le débiteur, et l'ayant rencontré dans la rue, il se préparait, avant de l'arrêter, à lui faire l'itératif commandement de payer, exigé par la loi, lorsque celui-ci prit la fuite, et se cacha dans une maison voisine. Le peuple s'attroupa, prit le parti de l'individu qu'on E poursuivait, et menaça les gendarmes et l'huissier, ce qui plaça celui-ci dans la nécessité de dresser un procès verbal de rébellion et de recourir au juge de paix pour réclamer son intervention et sa présence à l'exécution. Pendant que l'huissier était allé chercher le juge de paix, Hilaire, voulant s'évader, se présenta sur la porte de la maison où il s'était réfugié, armé d'un instrument tranchant; mais les gendarmes placés en dehors pour prévenir sa fuite le désarmèrent et le conduisirent dans la prison de leur caserne. Ce fut là que l'huissier lui fit un itératif commandement, le constitua prisonnier, et le conduisit à la maison d'arrêt du chef-lieu de l'arrondissement.

des

Hilaire a demandé la nullité de son emprisonnement, 1o parce qu'il avait été arrêté et conduit en prison par gendarmes hors la présence de l'huissier, bien qu'en matière civile, la loi ait exclusivement confié à ces officiers ministériels l'exécution des jugements; 2o parce que ce n'était qu'a

près son arrestation et son dépôt dans la prison de SaintJean-du-Gard que l'huissier lui avait notifié l'itératif commandement de payer le montant des condamnations intervenues contre lui, tandis qu'il devait le lui faire avant de porter la main sur sa personne, ce qui constituait une violation manifeste de l'art. 785 du cod. de proc. civ., violation qui entraînait la nullité de l'emprisonnement, aux termes de l'art. 794 du même code.

Ces moyens, rejetés en première instance, n'ont pas été mieux accueillis sur l'appel.

Du 12 juillet 1826, ARRÊT de la cour royale de Nismes, première chambre, M. Cassaignoles président, MM. Cremieux et Viger avocats, par lequel:

« LA COUR, -Sur les conclusions de M. Goirand-de-Labaumc, avocat-général; Attendu qu'aucune loi ne défend d'employer les gendarmes comme recors pour l'exécution des emprisonnements;

» Attendu que l'art. 794 du cod. de proc. civ. ne prononce point la nullité absolue à défaut d'observation des articles qui le précèdent; qu'il dispose seulement que la nullité en pourra êtré demandée; que, par ces expressions, la loi laisse aux tribunaux la faculté et leur impose par conséquent le devoir d'apprécier les circonstances d'après lesquelles l'emprisonnement doit être cassé ou maintenu;

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Attendu, en fait, que, si quelque irrégularité pouvait être reprochée à l'emprisonnement dont s'agit, ce serait l'appelant lui-même qui y aurait donné lieu par sa résistance, et qu'il ne pourrait s'en prévaloir pour faire annuler son emprisonnement;

» Par ces motifs, MET l'appellation au néant; ordonne que le jugement attaqué sortira à effet; condamne l'appelant à l'amende et au dépens. » B.

COUR D'APPEL DE LYON.

Le créancier qui a formé, sur le procès verbal d'ordre, un contredit dont le résultat peut être profitable aux autres créanciers, a-t-il la faculté de s'en désister? (Non rés.) Un créancier produisant est-il recevable à contredire l'état de collocation provisoire, un mois après la signification qui lui en a été faite, et tant que l'ordre n'est pas clos? (Rés még.) Cod. de proc., art. 756.

Est-il non recevable encore qu'il demande la distribution de sommes qui n'ont pas été comprises dans la collocation provisoire? (Rés. aff.)

GUILLON, C. LES MÉRITIERS GOYET.

Le sieur Goyet, créancier des héritiers Bay pour une somme de 572 fr., acquit de ses débiteurs un immeuble moyennant 1,600 fr. La créance de 572 fr. fut compensée par le prix de la vente, qui se trouva ainsi réduit à 1,028 fr.

Un ordre s'est ouvert pour la distribution de ce prix. Parmi les créanciers produisants figuraient le sieur Goyet ou ses héritiers, pour les frais de dénoncation du contrat de vente, et les sieurs Jean Guillon et Dumiron, créanciers inscrits sur l'immeuble vendu.

Le sieur Damiron a demandé que, sans avoir égard à la compensation, la distribution portât sur la somme intégrale de 1,600 fr.; mais quelques jours après il s'est désisté de ce contredit.

Le juge-commissaire a dressé l'état de collocation provisoire, en prenant pour base la somme de 1,028 fr. - Cet état a été dénoncé aux créanciers produisants, avec sommation de contredire dans le délai d'un mois (art. 755 du cod. de proc. civ.).

Après l'expiration de ce délai, le sieur Jean Guillon a renouvelé la demande formée précédemment par le sieur Damiron; il a demandé que la somme de 1,600 fr. fût comprise en entier dans la distribution. Le juge - commissaire ayant renvoyé les parties à l'audience, il est intervenu, le 8 mars 1825, un jugement qui a déclaré Jean Guillon non recevable dans l'incident par lui élevé, et, en conséquence, a maintenu le tableau de distribution en ce qu'il portait seulelement sur la somme de 1,028 fr.

Appel de la part de Jean Guillon. Il a prétendu que le sieur Damiron, en demandant que la somme intégrale de 1600 fr. fût comprise dans la distribution, avait formé un contredit qui profitait à tous les créanciers; que dès lors il n'avait pu s'en désister à leur préjudice; que le désistement portant atteinte à des droits acquis à des tiers était nal. Du reste, l'appelant soutenait que, même après l'expiration du délai fixé pour contredire, il était encore recevable à Tom Ile de 1827.

Feuille 18.

demander la distribution de sommes qui n'avaient pas été comprises dans l'état de collocation provisoire; que c'était là en quelque sorte une nouvelle distribution; que d'ailleurs if n'y avait aucune déchéance encourue, puisque l'art. 757 ne prononce point la forclusion contre les créanciers non produisants qui n'ont pas contredit dans le délai; qu'il se contente de mettre à leur charge les frais que leur production tardive a occasionés, et que c'était, dans l'espèce, tout ce qu'on pouvait exiger, parce qu'un créancier, par cela seul qu'il s'était conformé à la loi, qu'il avait produit ses titres, ne pouvait être traité avec plus de rigueur que les créanciers non produisants. «Tant que l'ordre n'est n'est pas clos, disait l'orateur du gouvernement, il serait injuste de rejeter un créancier parce qu'il se présenterait après le délai expiré. » Telle est aussi l'opinion de M. Berriat-Saint-Prix, pag. 529 et 550.

Les intimés répondaient, sur la première question, que, si le contredit profitait à tous les créanciers, il n'était pas moins vrai qu'aucune loi n'empêchait le créancier contredisant de se désister d'un acte qui n'émanait que de lui seul, auquel les autres créanciers n'avaient point adhéré; que d'ailleurs il était de principe que res eodem modo dissolvi debent quo fuerunt colligatæ; que, si le sieur Damiron avait pu former seul un contredit, il avait pu seul y renoncer; que dès lors son désistement était valable, et devait produire son effet.

Sur la seconde question, les intimés disaient que, si l'art. 757 du cod. de proc. permet des productions tardives, et autorise par là implicitement de nouveaux contredits après les délais fixés par l'art. 756, cette disposition est spéciale pour les créanciers non produisants, et ne s'applique pas à ceux qui avaient déjà produit; qu'en cela même se manifestait la sagesse du législateur; que le créancier qui ne produisait pas pouvait en avoir été empêché par des événements graves; que dès lors il était juste de l'admettre à l'ordre, et que c'était à ce cas que s'appliquait le passage cité de l'orateur du gouvernement; mais que le créancier qui avait produit ses titres, qui avait été présent à l'ordre, qui en avait examiné les opérations, et qui n'avait pas élevé ses réclamations en temps utile, n'avait à imputer qu'à lui seul sa propre négligence. A l'appui de cette doctrine les intimés invoquaient un arrêt de la cour de cassation du 12 décembre i814. Voy. anc.

édit., tom. 3 de 1815, pag. 166, et nouv. édit., tom. 16, pag. 762, et un arrêt de la cour d'Orléans du 29 août 1821. Voy. Gerissay et Leroy, nouv. édit., tom. 25, pag. 624.

Du 1er décembre 1826, ARRÊT de la cour royale de Lyon, deuxième chambre, M. Montviol président, MM. Bernard et Marnas avocats, par lequel :

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LA COUR, Sur les conclusions conformes de M. Guillibert, avocat-général; — Attendu que Louis Bay a vendu à Pierre Goyet, par acte du 5 février 1823, deux pièces de terre provenant de la succession de Philippe Bay, moyennant la somme de 1,600 fr.;- Que, par acte du 18 avril 1825, les enfants de Philippe Bay, en procédant entre eux à la liquidation de la succession de leur père, ont laissé à la charge de Louis Bay une somme de 572 fr. due par ladite succession à Pierre Goyet, et que, par le même acte, celui-ci a consenti à faire la déduction de cette somme sur le prix de son acquisition, qui a été réduit par ce moyen à la somme de 1,028 fr.;

Attendu qu'un ordre a été ouvert devant le tribunal de Trévoux sur ladite somme de 1,028 fr., solde du prix de la vente passée par Louis Bay à Pierre Goyet; Que Philippe Damiron, créancier inscrit de Louis Bay, produisant à l'ordre, a demandé, à la date du 1er avril 18244, que, sans avoir aucun égard à la compensation opérée par l'acte du 18 avril 1823, le prix à distribuer fût porté à 1,600 fr., prix total de la

vente;

»Attendu qu'à la date du 23 mai 1824, Philippe Damiron s'est désisté de cette demande, et a consenti à ce que la distribution ne fût faite que sur ladite somme de 1,028 fr.; Que c'est en suite de ce désistement, qui anéantissait la prétention qu'il avait élevée, que, le 6 août 1824, l'ordre provisoire a été dressé par M. le juge-commissaire sur ladite somme de 1,028 fr.;—Que, le lendemain 7 août, les créanciers produisants ont été sommés de prendre communication de l'ordre provisoire et de le contredire, conformément aux dispositions des art. 755 et 756 du cod. de proc. civ.;

» Attendu qu'il est constant que ce n'est que le 3 décembre 1824, ou tout au plus au mois d'octobre précédent, "c'est-à-dire, dans tous les cas, plus d'un mois après la sommation, que Jean Guillon, créancier, ayant produit, a contredit l'état de collocation provisoire, et a demandé que le prix à distribuer fût porté à 1,600 fr.; Que Damiron n'a luimême reproduit son premier contredit qu'après le renvoi à l'audience prononcé par M. le juge-commissaire, sur le contredit de Jean Guillon, et même après la plaidoirie de la cause;

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