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tout, étre réintégré, encore qu'il n'eût pas la possession annale? (Rés. nég.) EN D'AUTRES TERMES, l'action en réintégrande, à la différence de l'action en complainte, est-elle recevable, encore que celui qui l'intente n'ait pas possédé pendant une année, et que le défendeur offre de prouver une possession annale antérieure à la possession momentanée du demandeur? (Rés. aff.) Cod. de proc., art. 23.

L'acte par lequel une partie usurpe, de sa propre autorité, sur l'autre, l'objet contesté, constitue-t-il une violence ou voie de fait qui autorise l'action civile en réintégrande, sans qu'il soit nécessaire qu'il y ait eu combat ou sang répandu? (Rés. aff.)

Ainsi, la destruction d'une digue opérée contre la volonté de celui qui l'a élevée doit-elle étre considérée comme une voie de fait donnant lieu à l'action en réintégrande ? (Rés. aff.)

LE SIEUR CHAUFFIER, C. LA VEUVE GUYOUVARD.

Un ruisseau borde l'héritage de la veuve Guyouvard et le fonds inférieur du sieur Chauffier. Depuis long-temps la veuve Guyouvard a établi un canal qui conduit à son moulin une partie des eaux du ruisseau; mais, en 1824, elle fit construire à l'entrée du canal de dérivation une digue dont l'effet était de détourner la presque-totalité de l'eau du ruisseau, au préjudice du sieur Chauffier, propriétaire du fonds inférieur.

Celui-ci, au lieu d'intenter l'action en complainte, comme il y était autorisé par l'art. 23 du cod. de proc., fit couper la digue par le sieur Brenugat, son fermier.

Action en réintégrande de la part de la veuve Guyouvard. Le sieur Chauffier soutient cette action inadmissible, attendu que la veuve Guyouvard n'a pas la possession annale de la digue et des eaux qu'elle détourne; et il offre de prouver qu'il possède ces eaux depuis plus d'un an.

Le 9 décembre 1824, sentence du juge de paix, et, le 2 juin 1825, jugement du tribunal de Vannes, qui condamnent le sieur Chauffier à rétablir le barrage tel qu'il existait avant son entreprise, et maintiennent la veuve Guyoavard dans la possession du cours d'eau, « Attendu que la veuve Guyou- ́

vard, à la jouissance de laquelle venait innover une destruction opérée contre sa volonté, pouvait intenter l'action appelée réintégrande dans l'ancien droit, et qui est encore dans l'esprit de la nouvelle législation; - Attendu qu'en refusant de s'occuper du droit au fond dont excipait le sieur Chauffier, le juge de paix a procédé suivant les principes qui régissent l'action en réintégrande, laquelle est un provisoire qui se juge avant le fond, en conséquence et en vertu de la de la seule possession actuelle, dont est venue la maxime que le spolié doit étre avant tout réintégré, lors même qu'il n'aurait aucun droit sur la chose ».

Le sieur Chauffier s'est pourvu en cassation contre ce jugement, pour violation de l'art. 23 du cod. deproc., qui porte que les actions possessoires ne seront recevables qu'autant qu'elles auront été formées par ceux qui depuis une année au moins étaient en possession... La disposition de cet article, disait-on, est générale, et sous la dénomination d'actions possessoires la loi comprend évidemment l'action en réintégrande comme l'action en complainte. Pour soutenir le contraire il faudrait nier que l'action en réintégrande soit une action possessoire: Vainement on opposerait qu'elle n'est pas désignée nominativement dans l'art. 23: car on en peut dire autant de l'action en complainte, dont le nom n'a pas été reproduit par les rédacteurs du code, dans le titre relatif aux actions possessoires. L'art. 23 est donc applicable à l'action en réintégrande : dès lors cette action n'est recevable qu'autant que celui qui l'intente possède depuis une année au moins. Dans le système du jugement attaqué, il arriverait que, s'il plaisait à un individu d'élever clandestinement un ouvrage quelconque sur le fonds de son voisin, il ne serait pas permis à celui-ci de le détruire, quelque nuisible qu'il fût; il faudrait s'exposer à toutes les longueurs d'un procès et plaider contre le spoliateur, qui serait peut-être hors d'état de rembourser tous les dommages qu'il aurait occasionés. Un tel système est trop contraire à l'équité et aux principes, il porterait une atteinte trop grave aux droits de propriété pour qu'il puisse être consacré par la cour' suprême. A l'appui de son pourvoi le demandeur produisait une consultation délibérée à Rennes, par MM. Gaillard de Kerbertin, Carré et Toullier.

Du 28 décembre 1826, ARRÊT de la section des requêtes,

M. Henrion de Penser président, M. Lasagni rapporteur, M. Mauroy avocat, par lequel :

& LA COUR, Attendu, en droit, que nul ne peut se faire justice à soi-même, cur enim ad arma et rixam procedere patiatur prætor, quos potest jurisdictione suâ componere? (L. 13, § 3, ff., de usuf.); — Que celui qui a été dépossédé par violence ou voie de fait doit, avant tout, rentrer dans sa possession : Spoliatus ante omnia restituendus; —- Que c'est sur ces principes conservateurs de l'ordre social et de la paix publique que repose l'action en réintégrande; Que cette action, généralement admise dans l'ancienne législation française, loin d'avoir été abrogée par la nouvelle, est reconnue comme étant encore en pleine vigueur par une disposition formelle de l'art. 2060 du cod. civ.; — Que l'art. 23 du cod. de proc. civ., sainement entendu, ne doit être appliqué qu'aux actions possessoires ordinaires, à l'égard desquelles c'est le droit ou la qualité, et non pas le fait de la possession, qu'on considère;— Que ces actions ont toujours été distinctes de l'action en réintégrande et par leur nature et par leurs effets:—Par leur nature, car les actions possessoires ordinaires, naissant d'un trouble quelconque, et fondées sur une jouissance civile et légitime, doivent présenter une possession annale, publique, paisible et à titre non précaire, tandis que l'action en réintégrande, naissant d'une dépossession par violence ou voie de fait, et fondée sur une jouissance matérielle, ne doit présenter qu'une simple détention naturelle au moment de la violence ou voie de fait; - Par leurs effets, car, à l'égard des premières, le jugement assure au possesseur une possession civile, légale et définitive, et qui ne peut être renversée qu'au pétitoire; tandis qu'à l'égard de la seconde, le jugement ne rend au détenteur que sa jouissance momentanée,matérielle, provisoire, et qui peut être anéantie, même au possessoire;

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suffit

que

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Attendu que, si la violence a ses caractères particuliers, il n'est pas nécessaire du tout qu'il y ait eu des combats et du sang de répandu, et que, pour l'établir, notamment dans l'action civile en réintégrande, il l'acte par lequel une partie usurpe de sa propre autorité, sur l'autre, l'objet contesté, renferme une voie de fait grave, positive, telle qu'on ne pouvait commettre sans blesser la sécurité et la protection que chaque individu en société a droit d'attendre de la force des lois : Vim putas esse solum. si homines vulnerentur? vis est quatiens quis id quod deberi sibi putat, non per judicem reposcit (L. 7, ff., ad leg. Jul. de vi priv.);

>> Et attendu qu'il a été reconnu, en fait, que c'est par violence et voie de fait que Brenugat, en coupant et détruisant, contre la volonté de la

veuve Guyouvard, la digue en question, l'avait dépossédée de la jouissance de cette digue et des eaux dont il s'agit au procès; que même ces violence et voie de fait rentraient dans la classe de celles nominativement prévues par l'art. 437 du cod. pén.; - Que, dans ces circonstances, en réintégrant la veuve Guyouvard dans la possession où elle était au moment de la violence ou de la voie de fait, sans la contraindre à prouver que cette possession avait toutes les qualités exigées par l'art. 23 du cod. de prcc., le jugement attaqué, loin de se mettre en contradiction avec aucune loi, a fait, au contraire, une juste application des principes de la matière; REJETTE. (1) »

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S.

COUR DE CASSATION.

Dans une accusation de fuux par altération d'un billet de loterie, suffit-il que la cour demande au jury si l'accusé a commis le crime de faux sur un billet de loterie, sans étre obligée de demander si la pièce fausse constitue une écriture privée, authentique, ou de commerce? (Rés. aff.) L'altération ou falsification d'un billet de loterie peut-elle étre déclarée constituer un crime de faux? (Rés. aff.) Cod. pén., art. 147.

RADON, C. LE MINISTÈRE PUBLIC.

La première question a été jugée dans le même sens par arrêt du 1er avril 1826, rapporté dans ce vol., pag. 84. Du 13 mai 1826, ARRÊT de rejet, de la section criminelle,

(1) Dans son Droit civil français, tom. 11, pag. 167 et suiv., M. Toullier a traité cette question avec de grands développements. Il n'est pas besoin de dire qu'il y professe la même doctrine que dans la consultation délibérée pour le demandeur en cassation. M. Henrion de Pensey, Compétence des juges de paix, pag. 504, et M. Garnier, dans son Régime des eaux, enseignent des principes contraires. On peut encore consulter sur cette question le Répertoire de M. Merlin, vo Réintégrande; celui de M. Favard, v° Complainte, sect. 2, et M. Poncet, Traitė des actions, pag. 98. Voy. aussi un arrêt du 10 novembre 1819, tom. 2 de 1820, pag. 284, et nouv. édit, tom. 21, pag. 655.

La section civile de la cour de cassation sera bientôt à même de statner sur cette question importante, un pourvoi ayant été formé contre un jugement qui consacre l'opinion de M. Toullier.

1. Portalis président, M. Olivier rapporteur, par lequel:

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. LA COUR, Sur les conclusions de M. Fréteau de Pény, avocat‚énéral; Attendu que, si en matière de faux il appartient aux jurés le prononcer sur la matérialité ou la moralité du fait imputé, c'est à la our d'assises qu'il appartient exclusivement de qualifier le caractère égal de la pièce fausse, et de décider, en droit, si elle constitue une criture publique et authentique, une écriture de commerce, ou uné ¿criture privée;

» Attendu qu'un billet de loterie ne peut être assimilé à une simple coɔie qui ne pourrait servir de titre au porteur, et dont l'altération ou la Falsification ne constitueraient pas le crime de faux, puisque ce billet, au contraire, est destiné à servir de titre, et procure au porteur le paiement des lots auxquels le billet atteste qu'il a droit, le cas échéant; REJETTE.

COUR DE CASSATION.

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Lorsqu'un arrêt émané d'une cour étrangère prononce une éviction, et que, par suite, les tribunaux français, saisis de la demande en garantie et en dommages et intérêts formée par l'acquéreur évincé, y'ont condamné le vendeur sans que le fait de l'éviction ait été contesté, la partie condamnée peut-elle tirer un moyen de cassation de ce que s'agissant d'un jugement rendu en pays étranger, il n'aurait pas été préalablement déclaré exécutoire par un tribunal français, et prétendre qu'il ne pouvait, en l'absence de cette formalité, servir de fondement aux condamnations prononcées contre elle? (Rés. nég.) Cod. de proc., art. 2125, et Cod. civ., art. 546.

Celui qui a vendu uvec garantie de ses faits et promesses seulement un immeuble revendu ensuite par son acquéreur à un prix plus élevé que celui qu'il en avait reçu est-il tenu, dans le cas d'éviction du second acquéreur non de la restitution de son prix seulement, mais de celui de la dernière vente et des dommages et intérêts résultant de l'éviction auxquels cet acquéreur a été condamné ? (Rés. aff.) Cod. civ., art. 1629.

LESUEUR, C. WAUTHIER.

Les biens du sieur Pioch, qui se trouvait en état d'interdiction légale, ayant été mis en vente par son curateur d'après

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