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de cette circonspection qui ont reçu ici tant d'opposition par les outrages dont la partie de Vissac s'est trouvée la victime;

» Considérant que le premier jugement du tribunal d'Aurillac ne présentait rien de complet et de définitif; que son exécution était dépendante des vouloirs des deux parties litigantes, étrangères au président d'Aurillac, qui, placé sous le poids d'une diffamation éclatante, ne pouvait être arrêté dans sa marche ultérieure par ces circonstances indépendantes de sa volonté;

» Considérant que le texte des lois, les art. 11 et 91 du cod. de proc. et la jurisprudence des arrêts invoqués par la partie de Bayle, pour échapper aux plus justes rigueurs, ne sont pas applicables à la cause présente, puisqu'elle offre des faits diffamatoires, des faits publics, et qui se sont cependant passés hors la présence du président, qui se trouvait dans l'impossibilité, au milieu de ces conjonctures, de dresser des procès verbaux et de se constituer juge;

En ce qui touche la fin de non recevoir tirée du défaut de publicité, » Considérant qu'il est impossible de ne pas reconnaître cette publi cité, telle que l'entend la loi du 17 mai 1819, dans des faits diffamatoires insérés dans des conclusions signifiées à deux avoués, lues à l'audience, déposées au greffe, et amplement paraphrasées ensuite dans une requête de 1826;

>> En ce qui touche la troisième fin de non recevoir tirée de ce que cet écrit, même diffamatoire, rentrerait dans le procès et serait une suite de défense;

» Considérant qu'il serait inutile de revenir sur les bornes et les règles d'une défense, pour avoir le caractère de légitime, dont rien n'est plus éloigné que la fureur et le mépris de toute règle;

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Considérant, néanmoins, que, si la modération, et même une empreinte de douceur, doivent le plus souvent accompagner les actes émanés de la justice, le président du tribunal d'Aurillac, par ses conclusions et ses explications diverses, a laissé une ample latitude à tous les avisements et au mis en œuvre de ces dispositions; d'ailleurs la fixation des dommages et intérêts pécuniaires n'a pas pour but principal d'apprécier le degré de l'offense reçue par le magistrat offensé, et la satisfaction due à la partie de Vissac doit se trouver plus spécialement dans la réparation publique et solennelle qu'elle a demandée, mais avec ce caractère de sagesse séant au magistrat ;

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Considérant, sur le fond, que l'outrage fait à la partie de Vissac, à l'occasion de ses fonctions, est pleinement établi ; que c'est une explosion de fureur d'autant plus coupable, qu'il y a persistance, augmentation, même publicité, en un mot tout ce qui peut porter atteinte

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à cette puissance d'inertie qui produit tant de bien, et dont on ne peut calculer les heureux effets;

»Par tous ces motifs, Dir que le président du tribunal d'Aurillac a été recevable dans ses plaintes et demandes, et qu'il n'y a que trop licu de les accueillir; et sans s'arrêter ni avoir égard aux fins de non recevoir présentées par la partie de Bayle, faisant droit au fond, et renouvelant les défenses de récidiver faites à ladite partie de Bayle, y ajoutant même l'injonction formelle d'être plus circonspect et mieux avisé, par les motifs exprimés au jugement don't est appel, dit qu'il a été bien jugé, mal et sans cause appelé; réduit néanmoins la condamnation aux dommages et intérêts à celle de trois mille francs, dont dispensation et distribution sera faite par la partie de Vissac, ainsi et comme elle avisera......

B.

COUR D'APPEL DE BOURGES.

La vente faite moyennant une rente viagère est-elle
nulle, si le produit annuel du bien vendu, charges dé-
duites, excède la valeur de la rente? (Rés. aff.)
La vente est-elle également nulle dans le cas où le prix
consiste dans la charge de nourrir et entretenir le ven-
deur, tant en santé qu'en maladie, si cette charge est de
beaucoup inférieure, d'après l'évaluation méme des
parties, au revenu des biens aliénés ? (Rés. áff.)

MILLET, C. LATOUR.

C'est la chance du gain ou de la perte qui imprime au contrat de rente viagère la nature aléatoire qui lui appartient essentiellement. Il n'y a donc point de contrat lorsque l'acquéreur ne court aucun risque, et il n'en court aucun lorsque la rente viagère qui représente le prix de l'aliénation est inférieure au produit annuel des biens vendus. Cela est sans difficulté: aussi la première question a-t-elle été tranchée dans ce sens par un arrêt de la cour royale de Paris, du 12 juillet 1808 (1). C'est sur le même fondement que la cour de cassation a jugé, par arrêt du 2 juillet 1806, qu'une vente d'immeubles faite moyennant une rente viagère, convertie ultérieurement en la moitié des fruits provenant des biens vendus, était nulle comme faite sans prix. (2)

(1) V. ce Journ,, n. édit., t. 9, p. 406; anc. col., 2o sem. de 1808, p. 357. (2) Attendu que la cour Daix n'a violé aucune loi en déclarant la

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Mais l'hypothèse n'est pas la même lorsque la vente a été consentie à la charge par l'acquéreur de nourrir, loger et entretenir le vendeur, tant en santé qu'en maladie. Cette charge, dont il est difficile ou plutôt impossible d'apprécier l'importance, constitue bien réellement le contrat aléatoire; et lors même que les revenus de l'immeuble paraîtraient égaux à la somme à laquelle on voudrait évaluer cette espèce de pension, il est toujours certain qu'il y a un prix sérieux, un prix aléatoire, dépendant des événements de la bonne ou mauvaise santé, de la durée plus ou moins longue de l'existence du vendeur, et que cela suffit à la validité du contrat. Ainsi l'a décidé un arrêt de la cour suprême, du 16 avril 1822 (1), et l'arrêt contraire, émané de la cour de Bourges, peut d'autant moius balancer cette autorité, qu'il paraît avoir été rendu dans une espèce où la mauvaise foi de l'acquéreur était reconnue par la cour elle-même.

Le 23 juin 1820, acte notarié par lequel Madeleine Boulet vend au nommé Latour différents immeubles, et tous les effets mobiliers servant à son usage, moyennant la somme de 1,000 fr., savoir, 900 fr. pour les immeubles, et 100 fr. pour les meubles. En paiement de cette somme l'acquéreur s'oblige de loger chez lui la fille Boulet, de la nourrir, éclairer, chauffer, blanchir, et enfin de lui fournir les habits, le linge et toutes autres choses nécessaires, le tout tant en santé qu'en maladie. L'acte porte en outre « que, dans le cas où l'humeur des parties ne pourrait pas sympathiser, ledit Latour s'engage à payer à ladite Boulet la somme de 100 fr. par an, à titre de pension viagère, jusqu'au décès de la vende

vente faite sans un prix réel, et par conséquent nulle, puisque les demandeurs ne devaient payer au plus que la moitié des fruits pendant la vie du vendeur et de son épouse, et qu'elle jugeait en fait que, suivant l'usage du pays, un fermier ou un métayer eût bien fourni cette moitié de fruits, pour prix d'une simple jouissance. » (Motifs de l'arrêt de cassation. ) Il ne juge pas la question en termes clairs et précis, puisqu'il est fondé sur une décision de fait, touchant l'usage du pays: c'est pourquoi il n'est point rapporté dans notre nouvelle édition. Il se trouve dans l'ancienne, 2° sem. de 1806, pag. 481.

(1) Voy. nouv. édit., tom. 24, pag. 362; anc. collect. tom. 3 de 1822, pag. 458.

resse; que dans ce cas cette dernière aura le droit d'habiter gratuitement, pendant sa vie, la chambre haute de l'un des' bâtiments vendus, de cuire'au four qui est dans la maison, et de prendre de l'eau au puits qui est dans la cour; qu'à cet effet toute liberté de circulation lui sera permise. »

Par un acte subséquent du 1er mai 1824, Madeleine Boulet reconnaît que Latour lui a payé par avance dix années de la pension viagère de 100 fr., convenue par l'acte du 25 jain 1820. Mais, le 8 juillet suivant, elle forme, conjointeinent avec le sieur Millet, qu'elle venait d'épouser, une demande en nullité et de l'acte du 1er mai 1824, comme étant le fruit du dol, et de celui du 25 juin 1820, comme ne contenant pas le prix, puisqu'elle a vendu pour 100 fr. de rente viagère des biens qui, d'après des baux authentiques, produisent 200 fr. de revenu annuel.

Le 9 décembre 1824, jugement qui rejette la demande des époux Millet quant à l'acte de 1820, et renvoie les parties à compter relativement à celui du 1er mai 1824.

Millet et sa femme ont appelé de ce jugement, et soutenu qu'en principe un contrat n'est parfait que par la réunion de tous ses éléments; que l'un des éléments constitutifs de la vente, c'est le prix ; que, dans l'espèce, l'acte de 1820 contenait évidemment une vente sans prix', puisque le revenu annuel des biens vendus était bien supérieur au montant de la rente viagère stipulée. Indépendamment de ce moyen de droit, les appelants articulaient plusieurs circonstances de fait d'où résultait, selon eux, la preuve que Latour avait circonvenu Madeleine Boulet, et que les actes de 1820 et 1824 étaient le fruit du dol et de la fraude.

L'intimé, après avoir écarté les soupçons de fraude dirigés contre l'acte de 1820, ajoutait qu'il ne s'agissait point ici d'une simple pension viagère, mais bien de l'obligation de nourrir, loger et même entretenir sa venderesse, tant en santé qu'en maladie; que cette charge, d'ailleurs inappréciable, présentait nécessairement des chances plus ou moins périlleuses, et imprimait par là même au traité de 1820 le véritable caractère d'un contrat aléatoire; qu'à la vérité les parties avaient évalué à 100 fr. par année la charge imposée મે l'acquéreur; mais que cette évaluation, faite uniquement dans l'intérêt de la fille Boulet et pour le cas seulement où Tome II de 1827. Feuille 4.

elle cesserait de prendre ses aliments chez le sieur Latour, ne dispensait pas ce dernier d'acquitter son obligation en nature, si la partie intéressée l'exigeait.

Ensuite l'intimé soutenait qu'une vente consentie pour une rente viagère n'est pas nulle par le seul motif que la rente est inférieure au produit annuel des biens vendus, parce qu'il y a toujours un prix; et que tout ce qu'on peut en conclure, c'est que, dans ce cas, le vendeur a voulu faire une donation indirecte, sous la forme d'un contrat onéreux; que la jurisprudence permet de disposer de cette manière, et qu'ainsi l'acte de 1820 était inattaquable sous tous les rapports.

Dn 10 mai 1826, ARRÊT de la cour d'appel de Bourges, 1re chambre, M. Sallé président, MM. Mater et Fravaton avocats, par léquel;

(1);

--

que

« LA COUR, Considérant la vente du 23 juin 1820 est faite moyennant 900 fr. pour les immeubles et 100 fr. pour les meubles, pour lesquelles sommes l'acquéreur s'obligeait de nourrir et entretenir la venderesse tant en santé que maladie, et qu'en cas d'incompatibilité d'humeur, l'obligation de nourriture et entretien serait convertie en une pension viagère de 100 fr, par an; Que cependant partie des immeubles vendus était affermée, par bail du 12 novembre 1815, 150 fr. par an, avec la charge pour le fermier de payer les contributions en sus;'- Qu'ainsi l'acquéreur de 1820 trouvait dans le prix du bail non seulement de quoi payer la rente viagère de 100 fr., mais encore 50 fr. en sus et deux morceaux de vigne non compris dans le bail, mais vendus avec tout le reste, d'où il résulte qu'il n'y avait aucun prix;

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Qu'en vain on veut faire considérer l'acte de 1820 comme une donation, et exciper de la règle suivant laquelle une donation sous la forme de vente est valable; · Que ce cas peut se trouver entre successibles ou un étranger disputant contre les héritiers du vendeur, mais non contre le vendeur expliquant lui-même ce qu'il a fait ou voulu faire; qu'ainsi on n'a plus à rechercher ses intentions secrètes, outre l'action en rescision serait interdite au vendeur lui-même;

que

» A Mis le jugement dont est appel au néant; émendant, déclare nul le

(1) Dans un premier motif la cour énumère différentes circonstances de fait desquelles il résulte qu'il y à eu dol de la part de Latour envers la fille Boulet.

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