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par l'emploi de la contrainte s'il y a lieu. Nous disons dans cette seconde hypothèse qu'il y a juridiction objective.

Il y a encore juridiction objective quand la question posée au juge est celle de savoir si ont été accomplis les faits ou les actes qui sont les conditions de la naissance d'une situation légale ou objective au profit d'une personne déterminée et que le rôle du juge consiste à reconnaître ou à refuser de reconnaître à celle-ci cette situation légale. D'un mot il y a juridiction objective pour toutes les questions d'état. 37. La prétendue fonction exécutive. Beaucoup d'auteurs enseignent encore que l'une des fonctions juridiques de l'Etat est la fonction dite fonction. exécutive, qu'on oppose à la fonction législative, soit qu'on la subdivise en fonction exécutive générale, fonction administrative et fonction judiciaire, soit qu'on admette l'existence de trois fonctions distinctes, la fonction législative, la fonction exécutive et la fonction judiciaire.

Le droit positif français admet-il l'existence d'une fonction exécutive ? A cette question on répond presque toujours affirmativement. Les traités élémentaires de droit public et de droit privé français distinguent toujours la fonction législative et la fonction exécutive. Cependant l'expression fonction exécutive ne se trouve pas une seule fois dans nos lois constitutionnelles, politiques, administratives. L'expression qu'on y trouve à chaque instant est pouvoir exécutif. Or, c'est une erreur de croire que fonction et pouvoir soient synonymes. Dans la pensée des rédacteurs de la constitution de 1791, les pouvoirs n'étaient ni les fonctions ni les organes, mais les divers éléments constitutifs de la souveraineté; et notamment le pouvoir exécutif était la souveraineté elle-même en tant qu'elle se manifestait dans l'ordre exécutif (cf. infra), les fonctions étant les manifestations de la volonté de l'Etat en tant qu'elles produisent un certain effet dans

le domaine du droit. Cela montre qu'on ne peut tirer aucun argument de nos constitutions et de nos lois politiques pour soutenir que le droit positif français admet l'existence d'une fonction exécutive; ces constitutions et ces lois parlent de pouvoir exécutif et non de fonction exécutive, et dans la terminologie de 1791, qu'elles n'ont fait que reproduire, il y avait une différence capitale entre les pouvoirs et les fonctions. Mais comme il y avait un pouvoir exécutif, on a été amené à en conclure qu'il y avait une fonction exécutive. On a tâché de déterminer le domaine de cette fonction exécutive. On a soutenu qu'il y avait une fonction exécutive proprement dite, qui n'était ni la fonction administrative, ni la fonction juridictionnelle, mais qui contenait la fonction administrative, et peut-être aussi la fonction juridictionnelle (on disait surtout la fonction judiciaire).

Encore ici il y a eu confusion du point de vue formel et du point de vue matériel, et le point de vue formel l'a emporté à tort. Parce qu'on affirmait que la souveraineté se divisait en pouvoir législatif, en pouvoir exécutif, on créait un organe législatif et un organe exécutif, qu'on appelait par extension le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, et comme on avait une fonction législative répondant au pouvoir législatif, on voulut avoir aussi une fonction exécutive répondant au pouvoir exécutif, et finalement on ne donna pas d'autre définition de la fonction exécutive que celle-ci est fonction exécutive tout ce que fait le pouvoir exécutif. C'était évidemment une définition purement formelle.

Mais cette fonction exécutive n'est-elle pas reconnue par l'art. 3 de la loi const. du 25 février 1873 : « Le président de la République assure et surveille l'exécution des lois »? Quelle a été exactement la pensée des rédacteurs de la loi de 1875, il est difficile de le dire. Mais nous sommes convaincu que le texte n'implique pas la reccnaissance d'une fonction particu

lière, la fonction exécutive. Ce texte indique seulement dans une formule générale de style une série d'attributions qui appartiennent au président de la République. Si l'on passe en revue une à une ces diverses attributions, il est facile de montrer qu'elles rentrent toutes dans l'une des trois fonctions législative, administrative ou juridictionnelle et que par conséquent elles ne forment pas le contenu d'une quatrième fonction distincte des autres.

C'est d'abord la disposition de la force armée (L. 25 février 1875, art. 3, § 3). Quel est exactement le caractère de cette fonction? Si l'on y voit le commandement même des troupes, cela n'est pas à proprement parler une fonction juridique, mais simplement une opération d'ordre matériel que l'on ne peut pas faire rentrer dans le cadre d'une fonction juridique quelconque de l'Etat. Si l'on y voit la fonction consistant à mettre en mouvement, d'une manière obligatoire pour elle, une autorité militaire déterminée, l'acte qui sera fait réunira tous les caractères de l'acte administratif et sera un acte administratif,

Beaucoup d'auteurs font rentrer dans la fonction exécutive les règlements, aussi bien ceux qui ont pour but de compléter une loi, de régler les détails. d'application d'une loi que ceux qui ont pour but d'organiser un service public. On a montré déjà au § 34 que les règlements complémentaires d'une loi ont le caractère législatif matériel et qu'il en est de même des règlements organisant des services publics, parce qu'ils établissent eux aussi une règle générale dont l'application forcément, et quoi qu'on en dise, réagit toujours sur les particuliers.

On fait encore rentrer très souvent dans la fonction exécutive les actes qui sont relatifs à l'impulsion que le gouvernement donne à toute la machine administrative et judiciaire d'un pays, la direction qu'il lui imprime pour l'application de telle ou telle loi, pour e fonctionnement de tel ou tel service.

Que les hommes qui détiennent le gouvernement doivent faire tout cela, c'est incontestable; mais pour le faire ils feront des actes qui n'auront au point de vue du droit que le caractère législatif, administratif ou juridictionnel.

CHAPITRE III

LES ORGANES DE L'ÉTAT

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38. Les gouvernants et les agents. Nous employons cette expression, les organes de l'Etat, parce qu'elle est passée dans l'usage et parce qu'elle est commode. Mais il va de soi que dans notre conception réaliste de l'Etat, elle n'est point adéquate à la réalité. Puisque l'Etat n'est pas une personne naturelle, puisqu'il n'est même pas une personne juridique, il n'y a, il ne peut pas y avoir d'organes de l'Etat, ni au sens biologique, ni au sens juridique. Il y a seulement des individus ou des groupes d'individus qui exercent les différentes fonction étatiques. Ils expriment une volonté qui est la leur, et non point celle d'une prétendue personne collective dont ils seraient. les organes. Par conséquent il n'y a point à édifier une théorie juridique sur les rapports qui existeraient entre la prétendue personne collective que serait l'Etat et les individus humains qui veulent et qui agissent dans le domaine du droit public.

Mais, cependant, s'il n'y a point à édifier une théorie juridique de rapports qui ne peuvent exister puisque l'un des termes manque, la personnalité de la collectivité n'existant pas, néanmoins dans les grands Etats modernes les groupes d'individus qui détiennent la puissance ont acquis peu à peu une structure soumise à des règles de droit, dont il importe de déterminer le principe. Il est d'ailleurs sensiblement le même dans presque tous les pays modernes parvenus à un degré

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