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ou d'une maladie reconnue incurable qui le rend incapable de subvenir par son travail aux nécessités de l'existence, reçoit... l'assistance instituée par la présente loi » (Rédaction de l'art. 35 de la loi financ. du 31 décembre 1907). Cf. D. 3 août 1909 et circulaire du 6 mars 1910 (J. off., 10 mars 1910), sur l'application de la loi du 14 juillet 1905. Cons. Campagnole, L'assistance obligatoire aux vieillards, Commentaire de la loi du 14 juillet 1905, 2o édit., 1908. Rap. la loi anglaise de 1909 sur l'assistance aux vieillards. Cf. lettre de M. H. Monod, Le Temps, 18 août 1909.

Pour assurer l'accomplissement de ces devoirs, le législateur a imaginé un procédé ingénieux: il a mis une partie des dépenses de l'enseignement et la plus grande partie des dépenses de l'assistance à la charge des personnes administratives subordonnées, départements et communes, el ainsi, par le système des dépenses obligatoires, l'Etat peut directement contraindre les départements et les communes à accomplir les obligations qui assurent le fonctionnement des services d'enseignement et d'assistance.

La législation positive moderne n'a point encore consacré l'obligation pour l'Etat d'assurer du travail à tout individu qui, voulant s'en procurer, n'en trouve pas. Mais on admet en général que l'Etat est obligé d'intervenir pour réglementer le travail et pour protéger le travailleur (cf. § 65). On doit signaler une loi qui se rattache à l'idée que l'Etat est obligé de procurer du travail à tout individu qui veut travailler, la loi du 14 mars 1904, qui oblige les communes ayant plus de 10.000 habitants à créer un bureau municipal de placement, et toutes les communes à avoir un registre constatant les offres et demandes de travail et d'emploi (art. 4).

Quant au fondement de ces diverses obligations positives de l'Etat, il est facile de le déterminer, si l'on admet la doctrine de la solidarité sociale exposée au § 6. La règle de droit impose à tous l'obligation de ne rien faire qui soit contraire à la solidarité sociale et de faire tout ce qu'ils peuvent pour assurer le développement de cette solidarité. La règle de droit ainsi fondée et ainsi comprise s'impose à tous, gouvernés et

gouvernants; elle s'impose au monarque absolu, aux Aparlements élus soit au suffrage restreint, soit au suffrage universel; elle s'impose au peuple directement consulté si c'est lui qui fait la loi. En un mot, elle s'impose à l'Etat, quelles que soient ses formes politiques. Il est obligé non seulement de ne faire aucunes lois qui portent atteinte à la solidarité sociale, mais encore de faire toutes les lois qui sont nécessaires pour assurer la réalisation de la solidarité sociale. Or comme le facteur de la solidarité sociale (on l'a montré au § 6) est avant tout l'activité individuelle, l'Etat est non seulement obligé de ne rien faire qui porte atteinte au libre développement de l'activité physique, intellectuelle et morale de l'individu, mais encore de faire toutes les lois, d'organiser tous les services qui permettront à tous les individus de développer complètement leur activité physique, intellectuelle et morale.

Par exemple, il est inadmissible qu'un individu valide et qui veut travailler ne puisse pas trouver du travail, et c'est un devoir pour l'Etat d'organiser les choses de telle manière que tout individu qui veut travailler et qui a besoin de travailler pour vivre puisse trouver du travail. Il est inadmissible que celui qui travaille pour le compte d'autrui soit exploité par son patron et soit obligé d'accepter des salaires de famine ou de faire un travail au-dessus de ses forces; c'est un devoir pour l'Etat de faire des lois protectrices du travail; en les édictant il ne fait que remplir son obligation d'assurer le libre développement de l'activité physique de l'individu. C'est pour la même raison que l'Etat est obligé d'assurer des soins à tous ceux qui sont malades, des moyens de subsistance aux vieillards, aux infirmes et aux incurables, et à tous enfin un minimum de culture intellectuelle, car c'est la condition première pour que chacun puisse développer librement son activité intellectuelle et morale.

Cf. pour le développement de ces idées, Duguit, L'Etat, le droit objectif et la loi positive, 1901, p. 255-318; Traité de droit constitutionnel, 1911, II, p. 158 et suiv.

78. De la résistance à l'oppression. - La garantie de l'accomplissement par l'Etat des obligations négatives et positives qui lui incombent, se trouve avant tout dans une bonne organisation des pouvoirs publics. C'est la sûreté qui est le droit pour l'individu que l'Etat s'organise de telle manière que soit réduit au minimum le danger de violation du droit. Les éléments protecteurs par excellence se trouvent, on l'a montré, dans une répartition et une hiérarchie des fonctions, dans un contrôle juridictionnel énergique de tous les actes des pouvoirs et des agents publics et enfin dans une responsabilité fortement sanctionnée de l'Etat et des fonctionnaires.

Si malgré toutes les garanties qui sont établies dans les pays modernes pour assurer le respect et l'application du droit par l'Etat, il y a violation du droit, on dit, d'après la terminologie de nos Déclarations des droits, qu'il y a oppression. Il y a oppression lorsque l'Etat législateur fait une loi qu'en vertu du droit il ne peut pas faire. Il y a oppression, lorsque l'Etat législateur ne fait pas les lois qu'il est juridiquement obligé de faire. Il y a oppression même quand ces violations de la règle de droit supérieure émanent d'un parlement élu au suffrage direct et universel ou même du corps du peuple directement consulté. Il y a oppression quand un acte individuel, acte administratif ou juridictionnel, est fait en violation de la loi, quel que soit l'organe ou l'agent qui le fait; et même l'oppression est d'autant plus oppressive qu'elle émane d'un organe plus élevé dans la hiérarchie des pouvoirs, parlement ou corps électoral.

La loi faite en violation du droit est oppressive bien qu'elle soit par définition une règle générale et abstraite, ne s'appliquant pas à une personne déterminée. Mais contraire au droit, elle établit pour le corps social

tout entier un régime d'oppression qui fait que chacun de ses membres est opprimé. A l'inverse, un acte individuel fait en violation de la loi est oppressif non pas seulement pour l'individu auquel il s'adresse, mais encore pour tous les membres du corps social liés par une intime et étroite solidarité. Qu'on ne dise donc pas qu'importe un acte individuel fait en violation de la loi? Qu'on ne dise donc pas que la collectivité tout entière n'est pas intéressée à la réparation d'une injustice individuelle, que même quelquefois elle est intéressée à ce qu'il y ait des injustices individuelles ! Tous les membres du corps social sont étroitement unis les uns aux autres, et l'injustice, quelle qu'elle soit, faite à l'un d'eux réagit toujours sur tous les

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autres.

Ce sont les idées qui étaient exprimées dans une formule aussi exacte que concise par les rédacteurs de la Déclaration de 1793 : Il y a oppression contre le corps social lorsqu'un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé » (art. 34). L'art. 32 de la Déclaration des droits girondine disait aussi très exactement : « Пуа oppression lorsqu'une loi viole les droits naturels, civils et politiques qu'elle doit garantir. Il y a oppression lorsque la loi est violée par les fonctionnaires publics dans son application à des faits individuels. Il y a oppression lorsque les actes arbitraires violent les droits des citoyens contre l'expression de la loi. Dans tout gouvernement libre, le mode de résistance à ces différents actes d'oppression doit être réglé par la constitution ».

Quand, malgré les garanties organisées par la législation positive d'un pays, le législateur édicte des lois contraires au droit ou que l'administrateur ou le juge font des actes contraires à la loi, les sujets de l'Etat peuvent-ils résister par la force à l'application des lois contraires au droit, à l'exécution des actes administratifs ou juridictionnels contraires à la loi? C'est la question très ancienne, très célèbre et très complexe de la résistance à l'oppression.

Elle n'a point échappé aux rédacteurs de nos Déclarations des droits. A l'art. 2 de la Déclaration des droits de 1789, on lit dans l'énumération des droits

naturels et imprescriptibles de l'homme : la résistance à l'oppression. En quel sens les hommes de 1789 entendaient-ils ce droit? Ils se sont bien gardés de le dire. Ni dans la Déclaration, ni dans la constitution de 1791, ni même dans les discussions qui les ont précédées, on ne trouve rien qui permette de saisir la pensée exacte de l'Assemblée nationale sur ce point. I importe cependant de noter que la résistance à l'oppression, pas plus que la sûreté, n'est un droit individuel distinct de la liberté et de la propriété. Elle est tout simplement l'ensemble des droits individuels en tant qu'ils s'opposent à toute puissance oppressive. L'individu, en vertu même de ces droits individuels, peut résister à tout acte de l'Etat y portant atteinte. Le principe est affirmé. Mais comment et dans quelle mesure l'individu peut-il résister, l'Assemblée de 1789 ne le dit point.

Au contraire, les auteurs de la Déclaration et de la constitution de 1793 ont déterminé nettement le fondement et l'étendue de la résistance à l'oppression. Ils déclarent qu'elle est la conséquence des autres droits de l'homme. Elle peut être non seulement passive et défensive, mais encore agressive et aller jusqu'à l'insurrection tendant à renverser le gouvernement. On lit en effet aux art. 10 et 11 de la Déclaration de 1793: «... Tout citoyen, appelé ou saisi par l'autorité de la loi, doit obéir à l'instant; il se rend coupable par la résistance. Tout acte exercé contre un homme hors les cas et sans les formes que la loi détermine est arbitraire et tyrannique; celui contre lequel on voudrait l'exécuter par la violence a le droit de le repousser par la force ». Il n'y a donc pas de délit de rébellion dans le fait de celui qui repousse par la violence même un acte de l'autorité fait en violation de la loi. On va encore plus loin, et si le peuple est opprimé par des lois tyranniques, l'insurrection est un droit, même un devoir. C'est la disposition du célèbre art. 35 de la Déclaration de 1793: « Quand le gouvernement

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