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§ 1 et L. 26 décembre 1887). Cette règle, qui est suivie dans presque tous les pays, a pour but d'assurer l'indépendance du député à l'égard du gouvernement. Le député, qui serait en même temps fonctionnaire et par conséquent placé sous l'autorité des membres du gouvernement, serait en bien mauvaise posture pour exercer son mandat législatif avec indépendance. L'exemple des assemblées de la monarchie de juillet est une preuve incontestable du danger qu'il y aurait à ne pas établir la règle de l'incompatibilité.

On nolera que depuis la loi du 9 décembre 1905, portant séparation des églises et de l'Etat, les ministres du culte sont de simples citoyens, et que par conséquent il n'existe plus à leur égard aucune incompatibilité.

Quelque générale que soit la règle de l'incompatibilité, le législateur a admis cependant certaines exceptions. Il permet à certains fonctionnaires de conserver leur fonction et d'exercer leur mandat législatif. Ce sont les fonctionnaires qui, soit à cause de leur très haule situation, soit à cause de la situation spéciale qui leur est faite par la loi et les règlements, sont présumés pouvoir exercer leur mandat législatif avec une entière indépendance à l'égard du gouvernement.

Ces fonctionnaires sont énumérés limitativement par l'art. 8, § 3 et l'art. 9 de la loi du 30 novembre 1875. Ce sont: 1 les ministres; 2o les sous-secrétaires d'Etat ; 3° les ambassadeurs; 4° les ministres plénipotentiaires;5o le préfet de la Seine ; 6o le préfet de police; 7o le premier président à la cour de cassation; 8o le premier président à la cour des comptes; 9° le premier président à la cour d'appel de Paris; 100 le procureur général près la cour de cassation; 11o le procureur général près la cour des comptes; 12o le procureur général près la cour d'appel de Paris; 13o les professeurs titulaires de chaires qui sont données au concours ou sur la présentation des corps où la vacance s'est produite.

L'art. 9, no 2 indique comme pouvant cumuler le mandat législatif avec leurs fonctions les personnes qui ont été chargées d'une mission temporaire n'ayant pas duré 6 mois. Cela est conforme à la définition donnée par nous du fonctionnaire public: celui qui participe d'une manière permanente à un service public (cf. notre Traité de droit constitutionnel, 1911, I, p. 424 et suiv.

Un fonctionnaire dont les fonctions sont incompatibles avec le mandat législatif est élu député ou sénateur il doit, dans les huit jours qui suivront la validation de son élection, faire connaître s'il accepte ou

non le mandat de député. S'il déclare ne pas l'accepter, on pourvoit à son remplacement comme député ou sénateur suivant les règles ordinaires. S'il déclare accepter le mandat législatif ou s'il ne dit rien dans les huit jou s qui suivent la vérification de son élection, il est réputé démissionnaire de sa fonction et y doit être remplacé.

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B. Situation des membres du parlement.

88. Caractères généraux de cette situation. On a montré aux §§ 39 et 43 que le membre du parlement n'est point, dans la conception française moderne, mandataire de la circonscription qui l'a élu, qu'il est simplement partie composante de cet organe appelé parlement, qui est un organe représentatif de la souveraineté nationale. Le membre du parlement n'a donc pas de pouvoir qui lui soit propre. On dit souvent qu'il est un fonctionnaire, et l'expression n'est pas inexacte, puisque le membre du parlement concourt d'une façon normale et permanente à l'exercice d'une fonction de l'Etat. Mais quoique fonctionnaire, le membre du parlement n'est pas investi d'une compétence personnelle; il concourt seulement à former la décision émanant du parlement.

Les membres du parlement n'ayant pas de compétence personnelle, étant parties composantes de la chambre à laquelle ils appartiennent, ne peuvent perdre leur qualité de membres du parlement qu'avec le consentement de la chambre dont ils font partie. Cette proposition reçoit d'importantes applications au cas de démission et au cas de déchéance.

Démission. Il est de principe qu'une démission donnée par un membre du parlement ne produit d'effet qu'au moment où elle a été acceptée par la chambre dont fait partie le démissionnaire. Le principe est formulé par la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875, art. 10 in fine: « Elle (chaque chambre) peut

seule recevoir leur démission (de ses membres) ».

La chambre, dont un membre donne sa démission, peut surseoir à l'accepter ou la refuser. Le sénateur ou le député dont la démission est acceptée devient immédiatement étranger à la chambre et doit sortir de la salle. Cependant, les propositions qu'il a déposées ne deviennent point caduques.

Déchéance. On suppose que, au cours de son mandat, un député ou un sénateur est frappé d'une déchéance qui le rend inéligible. Perd-il de plein droit son mandat? Non. Il ne cesse d'être député ou sénateur qu'au moment où la chambre à laquelle il appartient l'a expressément déclaré déchu.

Le principe à cet égard est formulé par l'art. 28 du décret organique du 2 février 1852 reproduisant l'art. 80 de la loi du 15 mars 1849 : « Sera déchu de la qualité de membre du corps législatif tout député, qui, pendant la durée de son mandat, aura été frappé d'une condamnation emportant la privation du droit d'être élu. La déchéance sera prononcée par le corps législatif sur le vu des pièces justificatives ». Cette disposition, qui ne vise expressément que le corps législatif, s'applique évidemment au sénat. Elle ne parle que des condamnations emportant privation du droit d'être élu ; il faut l'appliquer incontestablement à toutes les causes entraînant perte de l'éligibilité. Cette règle est la conséquence directe du principe formulé plus haut un membre d'une chambre ne peut cesser de faire partie de cette chambre que par la volonté de celle-ci. D'autre part, aux termes de l'art. 10 de la loi const. du 16 juillet 1875, chaque chambre est juge de l'éligibilité de ses membres. Par conséquent chaque chambre est seule compétente pour juger si effectivement existe une condamnation ou une autre cause faisant perdre à l'un de ses membres l'éligibilité. 89. Indemnité parlementaire. L'indemnité des députés et des sénateurs, fixée à 9.000 francs par les lois du 30 novembre 1875 (art. 17) et du 2 août 1875

(art. 26), a été portée à 15.000 francs par la loi du 23 novembre 1906.

La loi du 23 novembre 1906 porte: « Elle (l'indemnité législative) est réglée par le 2o § de l'art. 96 et par l'art. 97 de la loi du 15 mars 1849, ainsi que par les dispositions de la loi du 16 février 1872 ». De cela il résulte que toutes les règles dérivant de ces dispositions restent applicables, depuis la loi nouvelle, à l'indemnité parlementaire portée à 15.000 francs.

Le principe de l'indemnité parlementaire a été très vivement discuté. Il nous semble cependant que dans un régime démocratique il n'est pas sérieusement contestable. Il faut que tout citoyen, riche ou pauvre, puisse être envoyé au parlement; autrement la liberté de choix des électeurs n'est plus complète, et d'autre part on s'expose à priver le pays du concours d'hommes très distingués auxquels leur absence de fortune ne permettrait pas d'abandonner leurs affaires ou leur profession pour venir siéger au parlement. Cependant on a dit qu'en supprimant l'indemnité parlementaire, on écarterait du parlement, au grand avantage du pays, tous les politiciens de carrière, tous ceux qui font de la politique un véritable métier et qu'on assurerait par là un meilleur recrutement des chambres. Cela ne nous paraît pas certain; et l'absence d'indemnité serait plutôt un encouragement pour les députés sans fortune à profiter, comme beaucoup n'ont déjà que trop de tendance à le faire, de leur qualité de député pour se livrer à des spéculations financières. La raison de principe qui justifie l'indemnité parlementaire reste donc tout entière.

Cette indemnité est établie non pas vraiment dans l'intérêt personnel du député, mais dans le but d'assurer un recrutement vraiment démocratique du parlement. Il résulte de cela une conséquence importante. Les députés et les sénateurs ne peuvent pas renoncer à leur indemnité. Ce principe était formulé dans l'art. 38 de la constitution de 1848. Il n'a pas été repro

duit dans les lois constitutionnelles et électorales de 1875, mais il est incontesté et incontestable.

90. Incapacité d'être nommé à une fonction publique. Pour assurer l'indépendance des chambres, il est nécessaire que leurs membres soient soustraits autant que possible à l'action du gouvernement. C'est le gouvernement qui dispose des places et des emplois; d'où cette idée très juste que pendant la durée de leur mandat les représentants ne doivent pas pouvoir être nommés par le gouvernement à une fonction publique. Une règle absolue en ce sens devrait être établie par notre législation. Or il n'en est rien. Le législateur s'est contenté de décider dans l'art. 11, § 1 de la loi du 30 novembre 1875 qu'un député nommé ou promu à une fonction publique salariée cesse d'appartenir à la chambre par le fait même de son acceptation; mais il peut être réélu si la fonction est compatible avec le mandat de député. On ne trouve aucune disposition de ce genre pour les sénateurs, ni dans la loi du 2 août 1875, ni dans la loi du 9 décembre 1884; et comme d'autre part la loi du 26 décembre 1887 n'a déclaré applicables aux sénateurs que les articles 8 et 9 de la loi du 30 novembre 1875, les sénateurs en fonction peuvent être nommés à une fonction publique salariée par l'Etat sans perdre leur mandat, et ils ne cessent d'appartenir au sénat que si la fonction à laquelle ils sont nommés est incompatible avec leur mandat. Cette différence entre les députés et les sénateurs est injustifiable; nous ne serions pas étonné qu'elle fût le résultat d'un oubli commis par le législateur de 1887.

Au reste même la disposition de l'art. 11 § 1 de la loi du 30 novembre 1875 est complètement insuffisante pour assurer l'indépendance des députés à l'égard du gouvernement, puisqu'un député peut toujours être nommé fonctionnaire, et que si la fonction est compatible il peut être réélu; que si la fonction. n'est pas compatible, le gouvernement peut toujours

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