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loi const. du 16 juillet 1875, le droit de prononcer la clôture de la session des chambres; mais il n'y a plus de chambres, elles sont absorbées en quelque sorte par l'assemblée nationale. Pour la même raison, le président de la République ne pourrait point, en exerçant le droit d'ajournement qui lui est donné par l'art. 2, § 2 de la loi du 16 juillet 1875, empêcher l'assemblée nationale de se réunir. A fortiori, ne le pourrait-il pas en prononçant la dissolution de la chambre des députés conformément à l'art. 5 de la loi du 25 février 1875.

Bureau. L'assemblée nationale ne nomme pas son président, ses vice-présidents et secrétaires. En effet, aux termes de l'art. 11, § 2 de la loi const. du 16 juillet 1875, « lorsque les deux chambres se réunissent en assemblée nationale, leur bureau se compose des président, vice-présidents et secrétaires du sénat ». Il n'est rien dit des questeurs. L'assemblée nationale aurait donc le droit de nommer ses questeurs. En fait, les fonctions de questeurs de l'assemblée nationale sont remplies par les questeurs du sénat.

Siège de l'assemblée nationale. Elle ne se réunit pas à Paris, mais à Versailles, aux termes de l'art. 3, § 2 de la loi du 22 juillet 1879, relative au siège du pouvoir exécutif et des chambres à Paris. Le législateur a pensé que, la réunion pouvant provoquer une certaine effervescence dans le pays et surtout à Paris, il serait plus prudent que l'assemblée nationale siégeât à Versailles. D'autre part, il n'y a pas à Paris de salle disposée à cet effet assez grande pour une assemblée de près de 900 membres. L'assemblée nationale aurait certainement le droit de désigner ellemême une autre ville et même de décider qu'elle siégera à Paris.

Quorum. L'art. 8, § 3 de la loi const. du 25 février 1875 exige pour la validité des décisions de l'assemblée nationale un quorum spécial: elles doivent être prises à la majorité absolue des membres composant l'assemblée

nationale. Beaucoup de constitutions ont exigé une majorité exceptionnelle pour la revision. Le législateur de 1875 a exigé la simple majorité absolue; mais cette majorité absolue doit se calculer sur le nombre légal des membres de l'assemblée nationale, c'est-à-dire sur la totalité des sièges de sénateurs et de députés, sans déduction des sièges vacants par mort ou par démission ou autre cause.

Observation. Il importe de noter que malgré la similitude de nom et de composition, l'assemblée nationale réunie aux termes de l'art. 2 de la loi du 25 février 1875 et l'assemblée nationale réunie pour faire la revision sont des choses absolument différenles. La première n'est pas une assemblée délibérante, mais simplement un collège électoral et devrait être appelée congrès; la seconde est une assemblée constituante. Cf. § 111.

126. Pouvoirs de l'assemblée nationale de revision. A notre avis, elle a tous les pouvoirs d'une assemblée constituante; elle peut faire une revision partielle ou totale; elle peut même changer la forme du gouvernement. Cela résulte clairement des conditions dans lesquelles a été volé l'art. 8 de la loi du 25 février et qui ont été expliquées au § 124. Cependant ce point a soulevé beaucoup de discussions. De bons esprits, notamment M. Esmein (Droit const., 5e édit., 1909, p. 9:7 et suiv.), soutiennent qu'au moins depuis la loi du 14 août 1884 l'assemblée nationale de revision n'a que des pouvoirs limités. Pour résoudre la question, il faut distinguer deux hypothèses différentes, qu'on a eu souvent le tort de ne pas nettement séparer.

1re hypothèse. Les résolutions des chambres portent seulement ce dispositif : « Il y a lieu de reviser les lois constitutionnelles ». Nous estimons qu'en pareil cas les pouvoirs de l'assemblée sont certainement illimités, qu'elle peut faire une revision totale et qu'elle peut même changer la forme du gouverne

ment. Nous donnons cette solution parce que nous avons montré au § 124 que l'art. 8 fut inséré dans la loi du 25 février 1875 précisément pour permettre aux chambres à tout moment d'abolir la république et de constituer la monarchie. L'art. 8 était la concession faite par la gauche au centre droit qui consentait à voter la république.

Mais on soutient que depuis 1884 l'assemblée de revision ne pourrait point changer la forme du gouvernement, parce que la loi const. du 14 août 1884 contient un art. 2 ainsi conçu : « Le § 3 de l'art. 8 de la loi du 23 février 1875 est complété ainsi qu'il suit : «La forme républicaine du gouvernement ne peut faire l'objet d'une proposition de revision... ». « Désormais donc, dit M. Esmein, la portée possible de la revision est limitée sur ce point » (loc. cit., p. 977).

Nous estimons que cela n'est point certain et que la question ne peut être résolue par une simple affirmation. D'abord on fait observer que cette disposition a été votée par une assemblée nationale de revision, et que par conséquent elle peut être modifiée ou abrogée par une autre assemblée de revision, que par conséquent, si tant que ce texte existe l'assemblée nationale ne peut pas changer la forme du gouvernement, elle n'a qu'à l'abroger, et la chose faite, elle pourra très constitutionnellement changer la forme du gouvernement.

D'autre part, il nous paraît certain que la disposition de l'art. 2 de la loi du 14 août 1884 n'a pas pour but et pour effet de limiter les pouvoirs du congrès, mais bien les pouvoirs de chaque chambre. En effet il est dit que la forme républicaine du gouvernement ne peut être l'objet d'une proposition de revision. Or les propositions de revision sont faites devant les chambres conformément à l'art. 8. C'est dès lors l'interdiction adressée aux chambres de discuter une proposition de revision tendant à changer la forme du gouvernement. Ainsi comprise, la disposition est très

logique; elle est l'affirmation que la République est la forme constitutionnelle du gouvernement français ; il importait qu'une loi constitutionnelle le dit, puisque les lois constitutionnelles de 1875 ne le disaient pas. La République étant la forme constitutionnelle du pays, il en résulte que les assemblées législatives ordinaires ne peuvent pas mettre en question cette forme constitutionnelle. Mais l'assemblée nationale qui a voté cette règle peut évidemment toujours l'abroger.

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2o hypothèse. Les chambres ont spécifié, dans le dispositif des résolutions votées, les articles sur lesquels doit porter la revision. L'assemblée de revision est-elle alors liée par ces résolutions? Ne peut-elle reviser que les articles visés dans les résolutions des chambres ou au contraire même dans cette hypothèse, peut-elle faire une revision totale?

Nous n'hésitons pas à répondre que l'assemblée n'est point liée par les résolutions antérieures des chambres. En effet, si nous avons établi que le congrès, toutes les fois qu'il est réuni pour faire la revision, est une assemblée constituante, il est certain qu'il l'est et le reste alors même que les résolutions des chambres aient spécifié les points sur lesquels doit porter la revision. D'autre part si l'on admet la distinction des lois constitutionnelles et des lois ordinaires, il paraît très difficile de comprendre comment le législateur ordinaire peut limiter les pouvoirs du législateur constituant. Tout au plus peut-on admettre que le législateur ordinaire prenne l'initiative de la revision. Sans doute la const. de 1791 (titre VII, art. 7 et 8) et la const. de l'an III (art. 342) décidaient que l'assemblée de revision devait se borner à reviser les seuls articles constitutionnels visés par le corps législatif. Mais dans les lois de 1875 on ne trouve aucune trace d'une disposition semblable. Les auteurs des constitutions de 1791 et de l'an III avaient voulu soumettre la revision à toute sorte de conditions res

trictives. Les constituants de 1875 ont voulu que la revision illimitée fut toujours possible. Ou ne peut donc invoquer les précédents de 1791 et de l'an III. Le caractère de notre congrès est totalement différent de celui qu'on attribuait en 1791 et en l'an III à l'assemblée de revision.

Promulgation des lois portant revision. Bien qu'il ne soit rien dit dans la constitution, elles doivent certainement être promulguées par le président de la République; les lois du 21 juin 1879 et du 14 août 1884 portant revision de lois constitutionnelles ont été promulguées en la forme ordinaire (cf. § 114).

Mais nous croyons que l'art. 7 de la loi const. du 16 juillet 1875 est ici sans application. En effet, cet article est relatif au système d'équilibre et d'action réciproque que la constitution a voulu établir entre le président de la République personnifiant le gouvernement et les chambres. Or cela n'a rien à faire ici, puisque le président de la République se trouve en présence du pouvoir constituant. En conséquence, le président de la République ne peut pas user du délai de trois jours ou d'un mois qui lui est accordé par l'art. 7 pour les lois ordinaires. Il devra promulguer la loi portant revision dans le plus bref délai possible. Il ne peut point user du droit de veto suspensif qui lui est conféré par le même article 7, § 2: il ne pourrait point demander à l'Assemblée nationale une nouvelle délibération. Le texte lui-même s'y oppose. Il porte, en effet, que le président de la République peut demander aux deux chambres une nouvelle délibération; ici, la seconde délibération devrait être demandée à l'assemblée nationale.

Observation. L'assemblée nationale de revision, constituée conformément à l'art. 8 de la loi du 23 février, pourrait certainement se déclarer dissoute et ordonner la convocation d'une assemblée nationale constituante qui, elle, ferait la revision. En effet, en agissant ainsi, l'assemblée de revision ne ferait que

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