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sa marine à tant de vaisseaux, que telle autre n'en aurait point du tout?

Ces projets furent arrêtés par une convention conclue à Pétersbourg, le 16 décembre 1800, par la Russie, la Suède et le Danemark, à laquelle la Prusse adhéra le lendemain. Cette convention était exactement calquée sur la neutralité armée de 1780. Les puissances contractantes s'engageaient à ne conclure aucun traité de commerce, sans prendre pour base les principes que le pavillon neutre neutralise la cargaison d'un vaisseau; que la garantie des vaisseaux de guerre, escortant des bâtimens de commerce, affranchit ces bâtimens de toute visite de la part des puissances belligérantes; que les mesures les plus rigoureuses empêcheraient les vaisseaux neutres de se livrer à un commerce prohibé par les lois de la guerre, mais qu'on ne regarderait comme bloqué que les seuls ports auprès desquels se trouverait une force maritime redoutable.

Cette mesure n'était pas hostile. L'Angleterre, prétendant dominer sur toutes les mers, la regardait comme une violation de ses droits. Les vaisseaux russes, suédois, danois et prussiens furent arrêtés dans ses ports. Ces dispositions amenèrent des représailles.

La colossale puissance de l'Angleterre serait détruite par la seule inertie de l'Europe. L'Angleterre ne produit pas assez de blé pour la consommation de ses habitans et de ses flottes; elle ne

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produit presque point de bois; elle tire du conti nent le matériel de sa marine. La prospérité bri tannique se maintient par l'étendue de son commerce; ce commerce manquerait d'activité du moment où le continent refuserait de communiquer avec les Anglais..

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On peut fermer tous les marchés au peuple qui veut tout vendre exclusivement; ses vaisseaux sillonneraient en vain toutes les mers, si la haîne les repoussait de toute part; ses marchandises s'entasseraient dans ses ports. Chargé des richesses du monde, il maudirait bientôt l'excès de son abondance; comme Midas, il périrait de faim sur des monceaux d'or.

Qu'on ne dise pas que cette interruption nuirait aux peuples de l'Europe; elle produirait sans doute quelques privations momentanées, mais. elle ruinerait entièrement l'Angleterre. Les Anglais, ne pouvant débarquer les produits de leur industrie sur aucun rivage, depuis le détroit du Sund jusqu'aux Dardanelles, désavoueraient des ministres qui forcèrent les ressorts de la puissance publique, et se flattèrent de la maintenir, en éternisant la faiblesse des états voisins. L'Angleterre se hâterait de signer avec les puissances continen tales un traité de navigation, sur des principes de réciprocité, ou, si ce gouvernement persistait dans. son système oppresseur, les jours de sa détresse succéderaient rapidement à ceux de son opulence; sa chute servirait d'exemple pour arrêter les pré

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tentions des peuples qui voudraient, à l'avenir, neutraliser la libre industrie de leurs voisins.

XIX. Pendant que cette combinaison diplomatique inclinait d'une manière nouvelle la balance de l'Europe, la paix entre la France, l'Autriche et l'Allemagne était signée à Lunéville, Je 9 février, par Joseph Bonaparte, commissaire français, et par le comte de Cobeuzel, commissaire autrichien. Les avantages assurés à la France par ce traité et par celui de Campo-Formio étaient les mêmes. Le Rhin et les Alpes devenaient les limites françaises vers l'Allemagne et l'Italie. François II cédait à la France le petit pays de Frichtal, conservé par la maison d'Autriche, à la gauche du Rhin, dans les enclaves du canton de Bâle. Le gouvernement français se proposait de donner cette province au corps helvétique, en échange du BasVallais, dont la possession livrait à la France tous les passages de France en Italie, depuis le Simplon, sur lequel pouvait être ouverte une superbe

route.

Il était stipulé que les princes séculiers, privés de leurs possessions à la gauche du Rhin, seraient indemnisés, par la voie des sécularisations, d'une quantité suffisante de bénéfices princiers, à la droite du fleuve. La république italienne était reconnue. La maison d'Autriche conservait les provinces vénitiennes. L'Adige devait servir de limites entre ces provinces et la république italienne. L'infant

de Parme obtenait le grand-duché de Toscane, érigé en royaume. François II se chargeait d'indemniser le grand duc Ferdinand, par des terres en Allemagne, des pertes éprouvées par lui en Italie. Ce traité fut ratifié, le 7 mars, par la diète de l'empire, et, à Paris, le 18 du même mois, par le corps législatif. La suspension d'armes entre la France et le roi des Deux-Siciles fut convertie en traité définitif.

Les vaisseaux anglais continuaient à parcourir les mers. Le gouvernement français avait ordonné à l'amiral Gantheaume de porter dans Alexandrie sept à huit mille hommes, et les munitions dont manquait l'armée d'Egypte. L'escadre chargée de cette expédition sortit de Brest, sans être aperçue par les Anglais. Des obstacles ayant retardé sa marche, le fruit de cet armement fut perdu. Les Anglais eurent le temps de réunir leurs forces, disséminées sur la Méditerranée. Ils rendirent vaines toutes les tentatives de la flotte française, pour débarquer des troupes et des munitions sur les bords du Nil. Gantheaume, après une longue croisière, ramena ses vaisseaux à Toulon. L'armée d'Orient perdit l'espoir d'être secourue.

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Dans cette extrémité, les troupes combattaient continuellement, sans être rebutées par les fleaux physiques dont elles étaient dévorées, ni par le nombre de leurs ennemis. Non-seulement quinze mille Anglais, sous les ordres du lord Abercrombie, attaquaient les places sur les bouches du Nil,

mais une autre armée anglaise, venue de Bombai par la mer Rouge, prenait terre sur la côte de Suez, tandis que le grand-visir, auquel le divan de Constantinople avait envoyé toutes les forces dont il pouvait disposer, marchait sur le Caire.

Abercrombie parut sur la plage d'Aboukir, dans les premiers jours de mars. Le général comte de Menou aurait repoussé cette attaque, s'il eût été dans la position de Kléber, quand il livra la bataille d'Héliopolis; mais son armée occupait toute l'Egypte; il put à peine rassembler dix mille combattans dans la plaine Rahmanié. Abercrombie emporta le fort d'Aboukir, et prit position à deux lieues d'Alexandrie. Menou marche en bataille sur les ennemis, deux heures avant le jour, le 20 mars. L'armée anglaise était supérieure en nombre. Keith, pour augmenter cet avantage, avait renforcé Abercrombie de tous les militaires dont la présence n'était pas nécessaire à la manoeuvre des vaisseaux. La victoire se déclara pour les Anglais. Menou ordonna la retraite à l'entrée de la nuit, et se replia dans Alexandrie.

Il avait chargé le général Béliard de la défense du Caire, avec un corps de trois mille cinq cents hommes. Quatre mille hommes, aux ordres du général Lagrange, couvraient le Caire du côté de Rahmanié. Des garnisons peu nombreuses occupaient Suez et Cosséir, sur la mer Rouge, Belbéis et Salachik, à l'entrée du désert. Avec ces ressources, Béliard avait à combattre l'armée du

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