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Son âme était fortement trempée. Jamais on n'aperçut en lui l'homme de circonstance; il était par penchant et par principes l'ami du trône et de l'autel, et il s'en montra constamment le partisan et le défenseur.

Toutes ces qualités, Messieurs, sont éteintes et ensevelies avec lui dans la tombe, ou plutôt elles survivent dans un fils, objet de toutes ses affections, de toutes ses espérances, et que tout annonce devoir être le digne successeur des vertus de son père.

Vivant, M. Salgues mérita notre estime; mort, il emporte nos regrets.

La Chambre ordonne l'impression du discours de M. Cardonnel.

L'ordre du jour appelle la nomination des cinq candidats à présenterà Sa Majesté pour le choix des deux questeurs de la Chambre.

Les membres qui réunissent successivement la majorité absolue des suffrages sont MM. de Canouville, de Calvet-Madaillan, Maine de Biran, Gourlay jeune, de Tryon-Montalembert.

M. le président les proclame candidats à la ques

ture.

La commission chargée de présenter à la Chambre un projet de règlement annonce qu'elle pourra faire son rapport vendredi ou samedi prochain.

La séance est levée et ajournée à samedi.

CHAMBRE DES PAIRS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHANCELIER (DAMBRAY).
Séance du 11 juin 1814.

A deux heux heures après midi, les membres de la chambre se réunissent en vertu de l'ajournement porté au procès-verbal de la séance du 7 de ce mois.

L'assemblée entend la lecture et approuve la rédaction de ce procès-verbal.

M. le Chancelier président annonce que plusieurs de MM. les pairs, qui n'avaient pu se trouver à la séance royale du 4 de ce mois, lui ont adressé par écrit l'acte de leur serment. Il met sous les yeux de la Chambre les lettres de M. le duc de La Rochefoucauld, de M. le duc de Castries, et de M. le comte d'Aboville.

L'assemblée ordonne qu'il en sera fait mention au procès-verbal de ce jour.

M. le Président rend compte à la Chambre de l'exécution donnée à son arrêté du 7 de ce mois, qui le chargeait d'écrire au président de la Chambre des députés pour lui annoncer l'organisation de la Chambre des pairs. Il ajoute qu'il a reçu à son tour du président de la Chambre des députés une semblable communication, et fait donner lecture à l'assemblée de la lettre qui la contient. La Chambre ordonne qu'il en sera fait mention au procès-verbal.

L'ordre du jour appelle le rapport de la commission spéciale nommée dans la dernière séance pour la formation d'un projet de règlement intėrieur.

M. le comte Barbé-Marbois, au nom de la commission, annonce que la commission s'est occupée du projet de règlement dont la rédaction lui est confiée. Il observe que le travail de la commission à cet égard a paru devoir se diviser en deux sections principales, dont une comprendra ce qui a rapport à l'ordre et à la forme des délibérations, l'autre ce qui concerne l'organisation du bureau, la formation des bureaux et comités, et l'ordre à observer dans les séances.

M. le rapporteur ajoute que sur le premier objet les matériaux abondent et que la commission aura plutôt à le réduire qu'à l'étendre; mais que son travail en ce point n'a pas encore fait de progrès dont il puisse être rendu compte.

La seconde partie, au contraire, est terminée et M. le rapporteur en donne lecture dans les termes suivants :

Projet d'articles pour un règlement de la Chambre des pairs

TITRE PREMIER.

Organisation du bureau.

Art. 1er. Dans la seconde séance de chaque session au plus tard, la Chambre nomme, au scrutin de liste simple et à la majorité absolue, deux de ses membres pour remplir pendant le cours de la session les fonctions de secrétaires.

Art. 2. En cas d'absence ou d'empêchement des secrétaires, ils sont remplacés par ceux qui les ont précédés dans leurs fonctions.

Art. 3. Les secrétaires sont spécialement chargés de veiller à la rédaction du procès-verbal.

Ils observent le résultat des votes dans les délibérations, et en rendent compte au président lorsqu'il les consulte.

lls tiennent note des votes dans le dépouillement des scrutins.

Ils font lecture des projets de loi, et autres actes et pièces qui doivent être lus à la Chambre.

Art. 4. Il y a un garde des registres chargé de tenir la plume et de rédiger provisoirement le procès-verbal.

Il a son siége et sa table dans le parquet.

Art. 5. Il soumet au président et aux secrétaires la rédaction du procès-verbal, et ce n'est qu'après que la rédaction a été approuvée par eux qu'il en fait lecture à la Chambre, sur l'ordre que lui en donne le président.

Art. 6. Le garde des registres est à la nomination du président.

Art. 7. Deux messagers d'Etat et quatre huissiers sont attachés au service de la Chambre.

Les messagers sont à la nomination du chancelier, président.

Les huissiers sont à la nomination du grand référendaire.

TITRE DEUXIÈME.

Des bureaux, commissions et comités. Art. 8. Après l'élection des secrétaires, et au plus tard dans les trois jours de l'ouverture de la session, la Chambre se partage en bureaux de vingt-cinq membres au plus. Cette division de la Chambre s'opère par la voie du sort. Il est mis dans une urne autant de numéros qu'il y a de pairs composant la Chambre. Les dix-huit premiers forment le premier bureau, et ainsi de suite. S'il reste pour le dernier bureau moins de dix membres, en attendant que le nombre de dix-huit pairs ait été complété par quelque nouvelle nomination du Roi, les membres restants sont partagés entre les bureaux déjà complets.

Art. 9. La Chambre détermine le jour où la discussion aura lieu en assemblée générale.

Tous les projets de loi, ainsi que les propositions dont la Chambre aura arrêté de s'occuper, seront examinés dans les bureaux avant d'être discutés en assemblée générale.

Art. 10. La distribution de la Chambre des pairs eh bureaux n'empêche pas la Chambre, toutes les fois qu'elle le juge convenable, de nommer des comités spéciaux, dont les fonctions cessent

quand l'affaire pour laquelle ils ont été nommés est terminée. Ces comités se nomment au scrutin de liste simple, à la majorité absolue, ou bien, sur l'autorisation de la Chambre, ils sont formés de membres désignés par le président.

TITRE TROISIÈME.

Vétements et rangs dans les séances.

Art. 11. Les pairs ne prennent le manteau et l'habit de cérémonie que dans les solennités; et, dans ce cas, la lettre de convocation indique l'obligation de les porter.

Art. 12. Dans les autres séances, les pairs peuvent siéger en habit français, mais jamais ils ne paraissent à la Chambre en habit négligé.

Art. 13. Dans les séances solennelles, immédiatement après les princes du sang, chaque pair prend son rang d'ancienneté, et dans l'ordre de la liste proclamée dans la séance royale du 4 juin 1814.

Art. 14. Les ministres qui ne sont pas pairs ont place dans la Chambre sur des siéges pareils à ceux des pairs et placés dans le parquet en face du président.

Un membre demande que les 14 articles du projet de règlement soient imprimés et distribués à domicile.

L'assemblée adopte cette proposition.

On demande également que la Chambre détermine le jour où elle s'occuperà de la discussion des mêmes articles.

L'assemblée ajourne cette discussion au samedi 16 de ce mois, en transférant à ce jour la séance'ordinaire qui devait avoir lieu mardi pro

chain.

Un membre propose d'inviter M. le président ou le bureau à se retirer par devers le Roi pour supplier Sa Majesté d'accorder aux pairs de son royaume la décoration du Lys, ainsi qu'elle a daigné le faire aux membres du ci-devant Corps législatif (aujourd'hui Chambre des députés), sur la demande des vice-présidents et questeurs de ce corps. Il se persuade que cette demande serait favorablement accueillie, et que MM. les pairs recevraient avec reconnaissance, et porteraient avec plaisir, ce signe destiné à rappeler une époque à jamais mémorable, celle du retour de Sa Majesté et de son auguste famille, époque à laquelle a reecommencé le bonheur des Français.

Cette proposition est appuyée.

Un membre observe que toute distinction ou décoration devant émaner du propre mouvement de Sa Majesté, il ne convient pas à la Chambre de prendre l'initiative à cet égard.

On réclame l'ordre accoutumé des délibéra.tions.

D'autres membres demandent que la proposition soit déposée par écrit sur le bureau.

Cette proposition est adoptée.

La séance est levée.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHEVALIER FÉLIX FAULCON. Séance du 11 juin 1814.

Le procès-verbal de la séance du 8 de ce mois est lu et adopté.

M. Jalabert, au nom de M. J.-H. Valant, fait hommage à la Chambre d'un ouvrage intitulé l'Education du poëte, poëme imité de Vida, suivi de quinze lettres académiques sur le style de plusieurs écrivains célèbres.

La Chambre ordonne la mention de cet hom

mage au procès-verbal, et le dépôt de l'ouvrage à sa bibliothèque.

Un membre demande et obtient la parole.

M. Dumolard. Messieurs, un traité de paix réclamé par le repos de l'Europe et la situation difficile de la France, nous a privés de beaucoup de collègues estimables dont nous regretterons longtemps les vertus, les lumières et la société.

Mais ces affections particulières cèdent dans les cœurs français à l'amour de la patrie, notre premier sentiment, notre premier devoir.

C'est ainsi que nous avons apprécié l'ordonnance du Roi, qui, liée à la Charte constitutionnelle, n'est d'ailleurs que l'expression des vœux constants des Etats généraux. Chaque page de notre histoire nous avertit du danger des intrigues et des influences étrangères: chaque souvenir des malheurs de nos pères et des nôtres, nous répète avec énergie le motif proclamé dans cette ordonnance:

«Il importe surtout de ne voir siéger dans les << deux Chambres que des hommes dont la nais« sance garantit l'affection au souverain et aux «<lois, et qui aient été élevés, dès le berceau, « dans l'amour de la patrie. »

Quelque recommandables que soient les collègues que nous avons perdus, de nouvelles relations, de nouveaux intérêts, de nouveaux devoirs ont brisé pour l'avenir les liens politiques qui les unissaient à la France; aucun ne doit s'introduire dans cette enceinte et délibérer avec vous, sans justifier qu'il est né Français, ou naturalisé par lettres du Roi, vérifiées dans les deux Chambres.

Vous ne pourriez le souffrir, Messieurs, sans débuter dans la carrière par la violation d'un principe qui serait bientôt suivie de violations nouvelles; et vous ne pouvez différer l'application de ce principe, sans trahir le Roi et vos commettants; car vous êtes, par la nature des choses, les juges de la capacité politique de chacun de vous et de la légalité de ses pouvoirs.

Je désire de tout mon cœur que l'examen que j'invoque confirme le droit d'un membre du dernier Corps législatif à siéger dans cette Chambre. Il a reçu plusieurs fois des témoignages de votre confiance, et ma démarche n'a qu'un but, celui de sauver un principe tutélaire de l'indépendance et du bonheur de mon pays.

Le département du Léman, formé du territoire de la république de Genève, d'une partie de la Savoie et de l'ancienne baronnie de Gex, n'existe plus.

La république est reconstituée dans ses limites; la partie savoisienne retourne au roi de Sardaigne, excepté quelques cantons réunis au MontBlanc, et le département de l'Ain réclame avec raison le pays de Gex. Au total il ne reste à la France qu'une faible partie du Léman. Il est même assez connu que si nous avons sauvé le pays de Gex des prétentions avides de Genève appuyées par les Suisses, nous le devons à la patriotique fermeté du Roi et à la promesse des alliés de ne pas entamer l'ancienne France.

Genève, devenue étrangère pour nous, et bientôt admise à la Confédération helvétique, a déja des intérêts. opposés aux nôtres, et peut-être un jour s'unira-t-elle à nos ennemis dans l'exercice de son indépendance! Mais pourra-t-elle en même temps voir ses citoyens concourir à nous donner des lois dans nos assemblées représentatives?

Je ne suis point animé des préventions aveugles et trop répandues contre les Génevois qu'à

diverses époques appela le gouvernement français à l'administration du royaume. Je n'admettrai pas non plus l'opinion qui considère ce petit Etat comme une plante parasite vivant aux dépens de la France et sourdement ennemie de sa bienfaitrice.

Je n'envisage que la question en elle-même; et la présenter, c'est la résoudre. Il répugne en effet à une sage politique et au droit des gens, comme à nos principes constitutionnels, que l'on puisse être à la fois Génevois et Français. Peuton servir deux maîtres? peut-on avoir deux patries?

Or, si je suis bien informé, M. Pictet-Deodati est né à Genève, de parents Génevois, honorés depuis des siècles du titre et de la prérogative de citoyens, et tenant ainsi à cette classe privilégiée qui, repoussant les natifs et la bourgeoisie, s'était réservé l'entrée exclusive au Sénat et les principales magistratures.

M. Pictet est propriétaire dans le pays de Gex: son père l'était aussi; mais la propriété ne donne pas le domicile, et bien moins encore le droit de cité.

Il fallait, pour l'obtenir en France, avant la Révolution, des lettres de naturalité prises en grande chancellerie et dûment enregistrées par les cours souveraines. Il fallait, de plus, que leur obtention fut suivie d'une résidence effective dans le royaume.

Les déclarations du Roi des mois d'août 1718 et février 1720, révoquent et annulent toutes los lettres de ce genre accordées à des étrangers qui ne résideraient pas. Tel était le droit public de France rien ne pouvait suppléer à ces actes solennels, à ces conditions impératives, et toute concession surprise à la religion du prince était obreptice et subreptice, et par conséquent de nulle valeur.

:

Je dis maintenant à M. Pictet, dont l'âge reporte la naissance comme la nôtre bien audelà de lu révolution Vous voulez être né Français; produisez d'abord votre extrait de baptême, et prouvez ensuite qu'abjurant le titre de Génevois, votre père avait légalement obtenu des lettres de naturalité et fixé sa résidence dans le royaume.

Mais on assure qu'il fut Génevois jusqu'à la mort, que vous en exerçâtes vous-même tous les droits jusqu'à la chute de votre république, et que depuis sa restauration vous prétendez les exercer encore. Et cependant vous paraissez dans cette enceinte; vous votez à cette tribune; vous agissez en représentant du peuple français.

Comment ne vous êtes-vous pas dit à vousmême que vos titres étant au moins douteux, la délicatesse vous prescrivait de vous abstenir d'abord, de les produire ensuite, et d'invoquer la décision de la Chambre?

En matière moins grave, j'aurais formé les yeux sur ces inconvénients; mais prenez garde, Messieurs, que votre honneur, votre fidélité au prince, et les intérêts sacrés de vos commettants vous commandent une vigilance scrupuleuse et l'exclusion sévère des étrangers du sanctuaire de nos lois!

Eb! chez quel peuple libre cette usurpation du premier de ses droits fut-elle jamais toléréo ? A Athènes, elle était punie de la peine capitale; et cependant le coupable n'était qu'un simple individu, furtivement introduit dans une assemblée de plusieurs milliers d'hommes ne délibérant que pour eux-mêmes: ici, Messieurs, vous n'êtes pas vous vous êtes les délégués conventionnels d'un peuple immense, vous êtes vingt-cinq mil

lions d'hommes dont la confiance et les suffrages sont concentrés sur vos têtes.

Une grande idée a pu seule m'appeler à cette i tribune; car je rends justice au mérite de M. Pictet, et je n'ai contre lui ni haine ni prévention.

Aussi ne demandé-je point à son égard un jugement d'exclusion rapide et téméraire. Plus le droit que l'on conteste est important, plus l'examen du tribunal doit être attentif et solide.

Non que je cherche à naturaliser parmi nous ces procès longs et ruineux que le mérite des élections entraîne parfois à la Chambre des communes anglaises. Mais au nom de notre indépendance nécessaire, et du grand intérêt national. j'exprime le vœu que le jugement de la capacite politique et des pouvoirs d'un député ne puisse jamais avoir lieu qu'avec l'appareil et la lenteur qui garantissent la pleine conviction comme le sang-froid des juges.

Je vous propose d'ordonner le dépôt de mes observations au secrétariat, et d'interpeller M. Pictet d'y fournir ses réponses et les pièces a l'appui.

Je vous propose d'arrêter ensuite qu'elles seront communiquées aux bureaux pour y subir dans chacun d'eux une discussion préalable.

Je vous propose de statuer enfin que, sur le rapport d'une commission, vous prononciez défi nitivement en séance publique.

M. Chabaud de la Tour. Messieurs, notre collègue Pictet n'étant point ici aujourd'hui, et par conséquent n'ayant pu entendre les observations qui viennent de vous être faites, je crois devoir vous attester qu'il s'était d'abord absteun d'assister à nos séances, et qu'il n'y a paru que d'après une convocation spéciale.

Un membre demande qu'on passe à l'ordre du jour.

M. Rieussec. Comme il se trouve dans la liste des députés plusieurs personnes qui sont dans le même cas que M. Pictet-Deodati, je demande que les propositions de notre collègue Dumolard soient généralisées, afin que la même mesure puisse s'appliquer à toutes.

La demande de M. Rieussec est appuyée.

M. le Président. Je vais résumer et mettre aux voix les propositions qui vous ont été faites.

M. Dumolard demande de nouveau la parole, et reproduit les trois propositions par lesquelles il a terminé son discours.

M. le président les met aux voix; elles sont adoptées à une grande majorité.

L'ordre du jour appelle la présentation d'un projet de règlement.

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La parole est à M. Chabaud de la Tour, organe [ de la commission qui a été chargée de s'occuper de ce travail.

La Chambre se forme en comité général pour | entendre le rapport de sa commission.

La séance redevenue publique, la Chambre décide qu'elle s'occupera lundi de la discussion du projet de règlement qui lui a été présenté, et M. le président lève la séance.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

PRÉSIDENCE DE M. LE CHEVALIER FELIX FAULCON. Séance du 13 juin 1814,

La séance est ouverte à midi.

Le procès-verbal de la séance du 11 de ce mois est lu et adopté.

M. le président communique à la Chambre les deux messages dont la teneur suit :

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LOUIS, PAR LA GRACE DE DIEU, ROI DE FRANCE et de NAVARRE, à tous ceux qui ces présentes verront, salut.

Vu le message en date du 8 du présent mois, par lequel la Chambre des députés des départements nous a présenté comme candidats aux deux places de questeur pour la session actuelle,

MM. le comte de Canouville, le baron de Calvet-Madaillan, le chevalier Maine de Biran, Gourlay jeune, le comte de Tryon-Montalembert,

Avons nommé et nommons questeurs de la Chambre des députés des départements, M. le chevalier Maine de Biran, M. le baron de Calvet-Madaillan,

Au château des Tuileries, le 11 juin 1814.
Signé LOUIS.

Et plus bas :

L'ABBÉ DE MONTESQUIOU,

En conséquence de cette notification des choix faits par Sa Majesté, MM. Lainé, Maine de Biran et de Calvet-Madaillan sont proclamés par M. Felix Faulcon, le premier comme président, et les deux autres en qualité de questeurs de la Chambre des députés des départements.

M. Félix Faulcon. Messieurs, avant de quitter le fauteuil où je fus appelé par vos suffrages, que j'osai occuper au milieu de circonstances aussi difficiles que mémorables, où le Roi daigna me replacer provisoirement, et que je vais céder, avec une véritable satisfaction, à l'un de nos collègues dont la sagacité et les lumières ont été honorablement éprouvées, permettez-moi de vous remercier publiquement des témoignages répétés de bienveillance dont je vous suis redevable.

Je n'ambitionnai jamais les grandes places, dont l'exercice m'effraie beaucoup plus qu'il ne me flatte; mais j'ambitionnai toujours l'estine des amis du bien.

La vôtre, mes chers collègues, est pour moi du plus haut prix; veuillez m'en accorder la continuation et demeurer bien persuadés que mon cœur, qui vous est dévoué, la paye de toute sa reconnaissance.

La Chambre accueille par de vifs applaudissements le discours de son président provisoire, et en ordonne l'impression à l'unanimité.

La parole est accordée à M. Pictet-Deoati.

M. Pictet-Deoati. La première demande que je dois adresser à cette respectable assemblée, est celle d'excuser l'obligation, bien imprévue, où je me trouve de l'entretenir quelques moments d'intérêts presque uniquement personnels.

Messieurs les députés, pour qui n'a ni l'habitude ni le goût d'occuper le public, il est toujours pénible d'entendre parler de soi, et surtout hois de l'enceinte dans laquelle seule on devait croire qu'il pût en être question. Il l'est plus encore d'ètre forcé à en parler soi-même.

Telle est pourtant, Messieurs, la situation où m'a placé la forme donnée à une observation fort simple et fort sage en elle-même, par le membre de cette Chambre qui, dans la courte séance d'avant-hier, a fait une motion et prononcé un

discours dont je dois la connaissance au Moniteur, puisque, je dois l'avouer, ne soupçonnant guères que je dusse y jouer un rôle, j'ai eu le tort de ne pas me trouver à cette séance.

Je dis la forme, car si ce député (que par égard pour les principes de convenance qui ont dicté Particle 21 du règlement proposé à la Chambre, j'éviterai de nommer par son nom), si ce député, dis-je, eùt pu se borner à provoquer simplement, de la part de l'autorité compétente, l'examen le plus prompt à la fois et le plus attentif des pouvoirs de ceux des membres appelés à cette assemblée qui lui paraissaient en avoir d'incertains (les miens en particulier), non-seulement je n'eusse point songé à lui répondre, mais je me serais joint à lui dans sa demande, ou plutôt je me fusse borné à le remercier de ce qu'il se joignait à moi dans celle que j'avais faite avant lui.

Mais puisque la forme dramatique que, dans l'intérêt de la grande idée qui l'occupait, l'orateur a cru devoir donner à une observation de droit public (comme si nous n'étions pas encore parvenus au temps où c'est à la raison des hommes qu'il faut parler), l'a conduit à une désignation personnelle dont, en mon absence, je me suis trouvé l'objet, j'ose espérer, Messieurs, que vous ne désapprouverez pas qu'avant de quitter provisoirement cette salle où j'ai cru non-seulement pouvoir, mais devoir siéger provisoirement, je donne sur les faits qui me touchent quelques éclaircissements, que je crois aussi devoir non pas, je l'avoue, à la crainte de la terrible loi d'Athènes dont on semble nous menacer, mais au grand prix que je mets à convaincre les hommes recommandables (de qui, comme l'orateur veut bien le rappeler, j'ai reçu de précieux témoignages de bienveillance), à les convaincre tous, dis-je, que même le juste désir de prolonger les honorables rapports qui me lient à eux, ne m'a pas fait commettre l'indiscrétion qu'à travers des compliments dont je rends grâce, paraît m'imputer le discours lu à la dernière séance.

Selon l'orateur, Messieurs, je devais, dans ma position douteuse, consulter, produire mes titres et m'abstenir en attendant une réponse; mais si j'ai consulté, si dès que le sort de mon département a été fixé j'ai soumis la question et remis mes titres aux seuls officiers des corps alors existants, avec prière de les soumettre à l'autorité compétente; si, comme on a bien voulu en faire déjà ici l'observation, j'ai commencé par m'abstenir et n'ai pris séance que lorsque ceux auxquels j'avais dù m'adresser, les officiers du corps chargé de sa convocation, m'ont eu confirmé de bouche l'invitation que contenaient les billets de convocation que j'en avais reçus à mon domicile dans la forme accoutumee,et la liste de la Chambre qui avait été dressée et depuis a été imprimée, il me semble que, quel que pût être au fond le mérite réel des titres qui leur avaient été soumis, il ne pouvait au moins y avoir de ma part, dans cette conduite, je ne dirais pas d'indélicatesse, car je suis encore trop Français pour oublier la valeur des mots, mais même d'inconsidération.

Quant au droit en lui-même, l'orateur a paru l'attaquer de deux manières : l'une en faisant entendré que le département dont javais reçu mes pouvoirs (le Léman), n'existant plus sous cette forme, ceux de ses habitants restés Français n'avaient plus de droits à être représentés autrement que par la députation des départements auxquels ses débris pourraient être réunis ; l'autre, en soutenaut que, dans tous les cas, d'après la déclaration de Sa Majesté du 4 de ce mois, ma

qualité d'étranger à la France m'interdisait la faculté de représenter mes commettants.

Sur la première de ces questions, la commission que vous nommerez, Messieurs, et après elle la Chambre, jugeront si, d'après les principes sur la matière, les 50 à 60,000 habitants du Léman, démeurés Français, peuvent être régulièrement représentés par les députés des départements voisins,dignes assurément de toute leur confiance, mais auxquels cependant ces citoyens n'ont jamais donné aucune mission à cet effet.

Sur la seconde (qu'il n'est peut-être ni facile ni juste d'isoler aujourd'hui complétement de la première), la commission voudra bien aussi examiner les titres qui déterminent mes rapports avec le royaume de France et que j'ai eu l'honneur de déposer sur le bureau, comme je les avais précédemment déposés à la questure; elle verra que réellement né hors du royaume et dans une ville où ma famille possède en effet depuis longtemps les droits polítiques et a exercé des magistratures, ce n'est point au titre de Français-né que je veux ni puis prétendre; elle verra de même que ce n'est ni celui de propriétaire foncier dans deux départements du royaume, ni celui d'officier municipal de ma paroisse toujours française, ni de fils d'un ancien soldat de la vieille France, que je cite aujourd'hui comme ayant pu faire penser que je n'étais pas atteint par l'exclusion sagement motivée, que consacre l'article 1er de la déclaration royale du 4 de ce mois, article qui, en rappelant l'effet des anciennes constitutions françaises, ne semble pas avoir voulu déclarer inhabile à siéger en 1814, parmi les députés des provinces, celui qui y avait été reconnu habile en 1789; les titres que je soumets en ce moment à la commission consistent uniquement:

1o En l'extrait des registres du parlement de Bourgogne, relatant les lettres patentes accordées à M. Pictet de Sergy, mon père, par le Roi en son conseil, dûment scellées et enregistrées au greffe de la cour souveraine de la province, par lesquelles, comme on pourra le vérifier, Sa Majesté, en reconnaissant la qualité de l'exposant, veut que lui et les siens, inscrits désormais au catalogue des nobles de son royaume, jouissent sans aucune distinction, dans l'étendue de ses Etats, de tous les droits et priviléges compétents aux autres gentilshommes du royaume;

2o En la décision qu'en mars 1789, et sur une difficulté du même genre que celle élevée en ce jour, le Roi, en son conseil, donna en faveur dudit M. Pictet et de quelques autres individus dans la même position que lui, par laquelle Sa Majesté leur reconnut formellement le droit d'être électeurs et éligibles aux Etats généraux, droit qui leur était également contesté, et par les mêmes raisonnements, dans l'assemblée du bailliage de

Gex.

Verront donc dans leur sagesse la commission et la Chambre, d'abord ce qu'elles penseront sur le principe libéral qui, prenant la partie pour le tout, a placé sur la liste des membres de la Chambre les députés des départements morcelés par les traités de paix; et ensuite, dans la cause personnelle, elles verront si elles estiment devoir confirmer aujourd'hui la décision rendue par le Roi en 1789, d'après les anciennes constitutions françaises, et les traités avec la nation suisse, ou si, au contraire, par de nouvelles idées, elles penseront devoir la réformer, en tout ou en partie, et là-dessus j'attendrai avec calme et recevrai avec respect la décision définitive.

Je n'ai déjà, Messieurs, et j'en renouvelle mes excuses à l'assemblée, que trop longuement parlé de moi; quelques mots cependant me restent à dire, ou plutôt un sentiment pénible me reste à exprimer c'est celui que j'ai dû éprouver, en voyant ma ville natale exposée par occasion à des imputations auxquelles, pour obtenir auprès de gens peu informés un caractère d'importance, il pourrait suffire d'avoir été prononcées à cette honorable tribune, et dont, pour en annuler l'effet, il ne suffit pas de les présenter sous la tournuré d'opinions qu'on n'admet pas, dit-on, mais que cependant on propage; imputations, au surplus, que j'ai dû être frappé de reconnaître pour les avoir, il y a quelques mois déjà, entendues de la bouche de celui dont pesait alors sur la France la fatale toute-puissance, auquel alors, il est vrai, j'avais pu mériter de déplaire, mais non pas, j'ose le croire, pour avoir dans mes fonctions porté des sentiments trop peu français.

Ce n'est point toutefois que je redoute chez vous, Messieurs, chez les Français éclairés, chez celui surtout le plus éclairé de tous peut-être, comme il en est le plus grand, les ridicules préventions que l'on suppose n'être que trop répandues contre une ville dont ce n'est pas à moi à faire le panégyrique, ville un peu moins redoutable peutêtre que ne l'a présentée l'orateur, mais pourtant honorable sous plus d'un rapport, et qui ne s'attendait guères à se voir encore exposée aux dénonciations de la tribune, et menacée encore d'un avenir sinistre, après qu'elle a pu, par trois jours de fête, célébrer l'heureux retour de la maison de France au trône de ses pères, et après que naguère encore, en réponse aux vœux aussi sincères que respectueux qu'elle avait été admise à lui exprimer, elle a eu le bonheur de recevoir de la bouche d'un Roi, non moins désiré par ses voisins que par ses sujets, la précieuse assurance de voir continuer la bienveillante protection dont l'ont honorée ses augustes aïeux, et que Genève se flatte de ne pas cesser de mériter.

La faiblesse de la voix de M. Pictet n'ayant pas permis à MM. les députés d'entendre bien distinctement tout son discours, l'impression en est de mandée, ainsi que son renvoi à la commission chargée de l'examen de cette affaire.

M. Dumolard demande et obtient la parole. La Chambre presque entière réclame de nouveau l'impression. Quelques voix demandent l'ordre du jour.

M. Dumolard. Je demande à parler et sur l'impression et sur le fond même du discours de M. Pictet.

Plusieurs voix. Nous ne l'avons pas entendu. M. Dumolard. Je suis inculpé; j'ai le droit de répondre.

La parole est maintenue à M. Dumolard.

M. Dumolard. Messieurs, tous ceux qui auront entendu et lu attentivement l'opinion que j'ai eu l'honneur d'émettre à cette tribune dans la dernière séance, auront pu s'apercevoir que je n'ai attaqué ni .prétendu attaquer la moralité et les lumières de M. Pictet-Deodati.

J'ai examiné une question constitutionnelle. Je sais que quelques personnes m'ont reproché de n'avoir parlé que de M. Pictet. Je le devais, Messieurs, par la raison que j'avais la conviction, et que je l'ai encore, qué lui seul s'est trouvé dans le cas de cette motion.

Remarquez, Messieurs, qu'il n'était pas question d'examiner si les députés des départements, dont une partie avait été soustraite à la France, devaient rester ou ne pas rester parmi nous. Il

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