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CORPS LÉGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 26 nivóse an XIII (Mercredi, 16 janvier 1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. MM. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) et Ségur, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) présente un projet relatif au sceau de l'Etat. En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, le sceau de l'Etat imprime le caractère légal et solennel aux constitutions de l'Empire, aux lois, aux décrets du monarque; il commande la confiance; il ordonne le respect; il prescrit l'obéissance.

Chaque autorité constituée complète également l'authenticité de ses actes et assure l'exécution de ses ordres par l'apposition du sceau qui lui est donné.

Le type du sceau de l'Empire et des sceaux particuliers de chaque corps, de chaque individu dépositaire d'une partie de la puissance publique ou de l'action de l'administration, doit donc être connu de tous les citoyens.

Cetype doit donc être réglé,proclamé par une loi. L'Empereur nous a chargés de vous présenter celle qui détermine les empreintes du sceau de l'Empire, et règle la forme du sceau des autorités publiques.

Dans l'ancienue monarchie, lorsque le royaume était formé de tant de nominations diverses rassemblées, de tant de provinces réunies par des victoires, des traités, des alliances, il avait fallu transiger successivement avec la vanité qui avait voulu que, pour les fiefs incorporés, les titres unis, les pays concédés, les provinces achetées, les territoires conquis, le prince devenu possesseur, conservât les armoiries affectées jadis à son nouveau domaine, et scellât de leur empreinte les actes de son autorité qui les concerneraient.

C'est ainsi qu'on avait écartelé les armes des pays unis ou conservé l'usage des sceaux particuliers pour quelques provinces, telles que le Dauphiné et autres.

Cette bigarrure héraldique cessa dès les premiers temps de l'Assemblée constituante, et un sceau uniforme fut établi pour toute l'étendue du territoire français.

Mais le sceau décrété en 1790 ne dura qu'autant que la Constitution passagère à laquelle il avait été apposé.

Depuis, un sceau provisoire servit aux actes de la Convention, et ce ne fut qu'au 28 brumaire an II que le sujet de la légende du sceau de l'Etat fut décrété.

Aujourd'hui vous êtes appelés, Messieurs, à fixer le type du sceau impérial.

Un des côtés représente l'Empereur sur le trône où le vœu national l'a placé.

L'autre représente l'aigle impérial couronné, reposant sur la foudre.

En adoptant le modèle que nous vous présentons, Messieurs, vous consacrerez pour sceller les lois, l'image de celui auquel vous venez de décerner une statue, pour en avoir ramené l'empire, rétabli le respect, récompensé le Code.

Vous approprierez à la grande nation un emblème digne à la fois d'elle et de son chef.

L'aigle français, imprimé sur nos lois, porté devant nos légions, garantira toujours à nos lois l'obéissance, à nos légions la victoire.

Projet de loi.

Art. 1er. Le sceau de l'Etat portera pour type, d'un côté, l'effigie de l'Empereur assis sur son trône, revêtu des ornements impériaux, la couronne sur la tête, tenant le sceptre et la main de justice; de l'autre côté, l'aigle impériale couronnée, reposant sur la foudre, suivant le modèle joint à la présente loi.

Art. 2. Le sceau de toutes les autorités portera pour type l'aigle impériale, tel qu'il formera un des côtés du grand sceau de l'Etat, et pour légende, le titre de l'autorité publique par laquelle il sera employé.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion de deux projets de loi.

Le premier est relatif à l'établissement d'un pont sur les deux bras du Rhône, entre Avignon et Villeneuve.

Le second est relatif à la concession de travaux pour opérer la coupure du lit de la Saône.

Les orateurs du Tribunat et ceux du Gouvernement sont introduits.

M. le Président. La parole est à un de messieurs les orateurs du Tribunat, sur le premier projet de loi.

M. Daugier. Messieurs, depuis longtemps l'agriculture et le commerce réclamaient pour les départements du midi, mais particulièrement pour ceux de Vaucluse et du Gard, la construction d'un pont sur le Rhône, auprès d'Avignon. Les communications n'ont lieu sur ce point que par un bac, et elles sont tellement incertaines, que la crue des eaux oblige souvent à les suspendre, et qu'elles sont également interrompues pendant la durée de ces vents impétueux sí fréquents sur les bords du Rhône. Dans ces circonstances, le cours du commerce est ralenti, les cultivateurs perdent des moments bien précieux, et l'administration publique elle-même voit ses opérations paralysées.

Ces inconvénients, vivement sentis, avaient à différentes époques, mais principalement depuis la réunion du ci-devant comtat à la France, donné lieu à divers projets qui, souvent prêts à être effectués, n'ont cependant jamais reçu d'exécution. Il était réservé à l'Empereur d'ajouter ce nouveau bienfait à ceux qui déjà ont rendu son nom si cher aux habitants de ces contrées; et tandis que par ses ordres un pont construit sur la Durance unira les deux rives de ce torrent dévastateur, et facilitera les communications de Lyon et de Marseille, les produits de l'industrie du département de Vaucluse et de ceux qui l'avoisinent, parvenus sans détour au canal du midi, seront transportés avec rapidité sur les bords de l'Océan.

Encouragés par des avantages semblables, les départements de la rive droite du fleuve formeront aussi de plus vastes spéculations, et les cultivateurs, certains de ne plus trouver d'obstacles dans le transport de leurs denrées, s'attacheront à perfectionner leurs travaux, et à profiter des leçons de leurs voisins. Ainsi, les habitants des points les plus éloignés de l'Empire, comme ceux que les localités rapprochent, joindront bientôt de nouveaux liens à ceux qui les unissaient déjà, et la prospérité générale s'accroîtra par leurs succès.

Mais, Messieurs, comme les avantages généraux qui doivent résulter de la construction proposée se feront plus particulièrement sentir dans les départements de Vaucluse et du Gard, ces deux départements sont seuls appelés à concourir aux dépenses qu'elle doit occasionner; et la loi, comme vous avez pu le remarquer, en déterminant les quotités particulières, a balancé avec justice les avantages qui résultent des positions res

pectives. Ainsi, dans la dépense totale, évaluée à 600,000 fr., le département du Gard est compris pour 150,000, dont l'arrondissement d'Uzès, qui occupe le littoral du Rhône, fournira la moitié. Par une suite des mêmes considérations, le département de Vaucluse, pour lequel les avantages que promet l'établissement du pont sont encore plus immédiats, sera imposé dans la dépense générale à 280.000 fr., dont la ville d'Avignon devra fournir 180,000 fr.

Enfin le chef de l'Etat, déterminé par cette active sollicitude qui s'étend également sur tous les points de l'Empire, et y porte l'encouragement et l'espérance, a pensé que le trésor public devait aussi concourir à cette dépense d'une utilité générale, en fournissant le complément de la somme fixée par le devis d'estimation, et s'élevant à celle de 170,000 fr.

Le Gouvernement a également jugé, Messieurs, que le moyen le moins onéreux pour lever les sommes nécessaires à la construction proposée, était celui des centimes additionnels sur les contributions directes, à raison d'un quinzième par année. Les contribuables, l'on ne saurait en douter, feront avec plaisir ce léger sacrifice, s'élevant à peine au vingt-sixième de leur contribution annuelle, pour le département de Vaucluse, et à moins du cinquantième pour l'arrondissement d'Uzès. Cette surtaxe momentanée leur assure pour l'avenir une source de prospérité qu'ils ne peuvent méconnaître.

Le tarif du droit de passe, ainsi que vous l'avez sans doute remarqué, Messieurs, est extrêmement modéré il réduit de plus de moitié celui qui se perçoit aujourd'hui pour le passage du bac. Cette réduction est aussi un des avantages que présente la construction du pont, puisqu'elle assure aux commerçants et aux cultivateurs une économie considérable, en même temps que la communication nouvelle leur garantit et plus de sûreté et plus de rapidité dans leurs opérations.

La ville d'Avignon étant destinée par sa position à devenir un entrepôt considérable, et ses manufactures et sa population devant recevoir un accroissement rapide par une suite immédiate de la nouvelle communication, il a paru convenable de la charger de l'entretien et des réparations du pont, et de lui imposer aussi d'obligation de fournir à perpétuité les sommes nécessaires à ces travaux, dans le cas même où la taxe dont le profit lui est attribué serait insuffisante. Cette circonstance peut être facilement prévue, si l'on se rappelle les désastres que l'impétuosité du Rhône a occasionnés dans ses derniers débordements, et ceux que les glaces ont fait éprouver aux ponts d'Arles et de Tarascon pendant les hivers rigoureux de 1789 et de l'an III.

Par une conséquence naturelle de cette charge perpétuelle, imposée à la ville d'Avignon, et pour prévenir tout conflit d'autorité sur la démarcation des limites de la juridiction entre les départements du Gard et de Vaucluse, le projet de loi investit les tribunaux de ce dernier département de la connaissance des délits commis sur le pont, et de ce qui est relatif à l'exécution des règlements de police. Il prescrit également, et par de semblables motifs, que les travaux de construction et d'entretien seront exécutés sous la surveillance du préfet du département de Vaucluse.

Ces dispositions, Messieurs, sont à la fois sages et prévoyantes, puisqu'elles éloignent toute cause de discussion, et qu'elles assurent dans tous les temps la prompte exécution des travaux que des circonstances peuvent urgemment nécessiter. Vous avez dû observer d'ailleurs, comme le Gouverne

ment, que les ingénieurs employés dans le département de Vaucluse résident habituellement à Avignon; que cette ville renferme de nombreux ouvriers et tous les matériaux dont le besoin peut se faire sentir, et qu'enfin l'autorité supérieure dont la loi appelle spécialement la surveillance sur les travaux sera constamment à même de remplir le nouveau devoir qu'elle lui impose.

Je viens, Messieurs, d'analyser le projet de loi soumis à votre approbation, et de vous présenter rapidement les avantages que promet l'établissement proposé. Ces avantages ont vivement frappé la section de l'intérieur du Tribunat. Elle a reconnu dans ce nouveau gage de la sollicitude du Gouvernement, pour une des parties les plus intéressantes du territoire de l'Empire, son attention constante à exciter l'industrie, à développer tous les germes de la prospérité publique, et à assurer le bonheur du peuple qui lui a confié ses destinées. La section de l'intérieur m'a chargé, Messieurs, de vous exprimer son vœu d'adoption sur le projet de loi.

La discussion est fermée.

La parole est à M. Chassiron, orateur du Tribunat, sur le second projet de loi relatif à une concession de travaux pour la coupure du lit de la Saône.

M. Chassiron. Messieurs, le projet soumis à votre sanction est relatif à la navigation de la Saône; il tend à abréger, à améliorer cette navigation par une coupure qui fera éviter un circuit de 2,700 mètres, sur une ligne difficile à parcourir par ses contours et ses sinuosités.

Sous ce rapport, ce projet de loi est avantageux au commerce, auquel il évite des dangers, des dépenses et surtout la perte du temps plus précieux que l'or dans les affaires.

Il n'est pas moins utile à l'agriculture, puisqu'il lui rend les terrains qui seront un jour très-fertiles, quand le temps et l'industrie des hommes auront procuré l'atterrissement de l'ancien lit de la Saône.

Ce projet a un dernier avantage qui semble avoir échappé à ceux qui s'en sont occupés. En faisant parcourir une ligne droite au lit de la Saône, il accélère son cours, il donne plus de rapidité à ses eaux, et diminue les dangers des inondations pendant l'hiver, et des atterrissements pendant le temps des basses eaux.

Ainsi, sous les rapports de l'art, de la navigation, du commerce et de l'agriculture, ce projet de loi est conçu dans des principes qui méritent, Messieurs, votre approbation. Considérons-le maintenant sous des rapports administratifs.

Ce projet sera exécuté par un adjudicataire ou entrepreneur qui, pour tout salaire, obtient les terrains qui forment aujourd'hui le lit de la Saône dans cette partie de son cours et au moment des eaux moyennes.

Pour rendre ces terrains à la culture, il est indubitable qu'il y aura des travaux à faire pour accélérer des atterrissements qui, abandonnés à la nature, pourraient devenir l'ouvrage d'un siècle.

Ces difficultés auraient pu décourager tout autre adjudicataire que M. Chaumette, qui a des talents réels, et dont les moyens ingénieux pour former des atterrissements artificiels et détruire par le moyen de ceux-ci les obstacles que la nature oppose à la navigation des fleuves, sont connus depuis longtemps.

Vous voyez, Messieurs, que l'adjudicataire n'obtient pour prix de son industrie que les produits de cette même industrie et ses propres conquêtes sur les eaux de la Saône.

Ce système d'administration doit obtenir votre assentiment; car vous adoptez le principe que les

gouvernements ne doivent faire par eux-mêmes que ce qu'ils ne peuvent obtenir de l'industrie particulière.

Peut-être, Messieurs, dans la rigueur du ministère que j'ai l'honneur d'exercer devant vous, pourrai-je vous dire que les travaux à faire pour la coupure de la Saône ne sont portés qu'à 26,000 francs, et la valeur des terrains concédés évalués à 32,000 francs. Peut-être devrais-je répéter, avec M. le rapporteur du Conseil d'Etat, que la culture pourra par la suite augmenter la valeur des terrains concédés. Ces avantages, fussent-ils aussi certains qu'ils sont hasardeux, ils ne seront que la faible compensation des dépenses, des avances du sieur Chaumette pour le succès d'une entreprise retardée, suspendue depuis l'ancienne. administration des États de Bourgogne.

Enfin il serait à désirer que les avantages faits au concessionnaire surpassassent ses espérances et les nôtres.

- Il serait à désirer que l'exemple utile qu'il donne aujourd'hui fût imité par un grand nombre d'adjudicataires.

Puisse bientôt, à l'aide de pareilles concessions, l'industrie particulière faire disparaître les obstacles qui s'opposent encore à la navigation des fleuves et rivières de cet Empire!

Puisse un jour, par les mêmes moyens, la navigation artificielle unir nos fleuves et rivières navigables, compléter ce grand système de la navigation intérieure, faire circuler dans tout l'Empire les produits du sol et de l'industrie française, la porter à peu de frais dans tous nos ports de l'Océan et de la Méditerranée, pour les livrer à l'exportation et au commerce maritime !

Puissent surtout nos fleuves, nos rivières, nos canaux, porter dans nos ateliers à feu les produits des mines de houille dont notre sol abonde, y faire baisser la main-d'œuvre, et enlever à une nation rivale la seule prime que la nature semble encore lui accorder, puisque nous ne lui cédons plus aujourd'hui en industrie, et que déjà plusieurs de nos machines surpassent celles qui ont fait la fortune des ateliers de l'Angleterre !

Ces grandes pensées, Messieurs, occupent sans cesse sa Majesté Impériale, qui, après avoir assuré la gloire et la grandeur de l'Empire français, lui prépare dans l'avenir les plus grandes destinées, en relevant nos ports maritimes, en creusant d'utiles canaux, en perfectionnant la navigation des fleuves et rivières navigables.

Telle est, Messieurs, la puissance du génie d'un grand homme; non-seulement il commande à son siècle, mais il prépare d'avance les destinées des siècles à venir, et déjà la postérité appartient à sa gloire.

La section de l'intérieur du Tribunat a pensé elle-même que vous seconderez les vues du Gouvernement, en adoptant un projet de loi qui peut donner un exemple utile, et qui est conçu dans de gages principes d'administration.

M. Carret (du Rhône). Messieurs, il est difficile d'ajouter à ce que vient de dire mon collègue; cependant je sollicite pour quelques instants votre attention.

J'ai depuis longtemps connaissance du projet qui vous occupe et de son auteur: il ne s'agit point ici d'une vaine théorie, d'une simple méditation de cabinet, mais de procédés heureux dont le succès est garanti par une longue expérience.

Enlever du sein des rivières les cailloux qui en obstruent le cours; déposer ces matériaux vers les bords et dans les bras inutiles; soutenir ces remblais par des plantations de saulées basses

et touffues, ou obtenir l'atterrissement des surfaces inutilement couvertes par les eaux en employant les seuls moyens de la nature, tel est le système de M. Chaumette: améliorer la navigation, garantir les terrains existants des ravages des eaux et créer de nouveaux terrains, tels sont les principaux résultats de ce système recommandable. L'auteur fait à ses dépens des opérations utiles à tous, et il n'en demande le prix à personne. Mais je dois surtout vous faire remarquer, Messieurs, qu'il ne s'agit point ici d'une opération isolée et sans suite; nou-seulement les premiers ouvrages dont vous allez charger l'auteur seront un exemple aux hommes industricux et bienveillants, mais lui-même désire d'étendre ses opérations; il veut se vouer sans réserve à ces travaux importants et sur la Saône et sur d'autres rivières; il a formé des coopérateurs, il les multipliera, il espère diriger l'industrie nationale vers un nouveau genre de spéculation qui offre d'immenses avantages sans laisser entrévoir le plus léger inconvénient.

En parcourant ces innombrables vallées qu'offre la France sur tous les points, l'observateur est attristé du désordre affreux qui y règne: les fleuves, les rivières, les moindres ruisseaux sont divisés en un nombre infini de bras sans rectitude et sans profondeur, obstrués et presque à sec pendant la belle saison, ne laissant nulle part aux grandes eaux la liberté de fluer; aussi partout les ravages sont effrayants et périodiques: vous le savez, Messieurs, l'entier produit de la contribution foncière n'indemniserait pas annuellement les agriculteurs insouciants ou inexpérimentés des pertes incalculables qui résultent pour eux du déplorable état des rivières.

Telle n'est cependant point l'intention de la nature les rivières coulent pour le bonheur de l'homme, comme la terre lui prodigue chaque jour ses trésors, mais comme la terre, les rivières exigent de sa part des travaux, des soins assidus... Loin de murmurer contre ces conditions légitimes, l'homme de bien trouve dans leur accomplissement le gage de son bonheur; car le travail est le bonheur des âmes honnêtes.

Il ne manque donc aux propriétaires riverains que de bons exemples, et surtout la démonstration pratique de procédés simples, économiques, tenant bien plus à l'agriculture qu'à l'art des constructions, n'exigeant qu'une main-d'œuvre commune sans emploi de matériaux rares et dispendieux.

C'est ce que leur offre M. Chaumette, et vous le seconderez dans ses honorables efforts: son zèle et votre appui peuvent opérer un bien inappréciable; voyez, Messieurs, la florissante Italie! elle a su donner au monde l'exemple de la plus heureuse industrie; par elle ses eaux. autrefois vagabondes et dévastatrices, fertilisent les terres qu'elles déchiraient, tempèrent les ardeurs du soleil, assurent à ses fortunés habitants la salubrité, l'abondance, pendant que chez nous les eaux coulent trop souvent pour ravager nos campagnes, ou ne s'arrêtent que pour répandre l'infection et la mort. Galilée et Léonard de Vinci donnèrent les premiers, en Italie, l'impulsion vers l'art d'utiliser les eaux; il était réservé à un gouvernement fort, éclairé, paternel, de répandre sur la France le même bienfait. Il était réservé à l'homme immortel, dont l'image rappelle de si grnds devoirs, de développer toutes les idées libérales, de vivifier à la fois tous les genres d'utilité. Ce que propose aujourd'hui M. Chaumette ne suffirait pas sans doute pour obtenir tout le bien qu'on a droit d'attendre des opérations fluviales;

mais il a de plus grandes vues, et ce premier pas doit conduire plus loin. Quand une rivière est plus régulière, les inondations sont moins fré quentes les terrains auparavant submergés sont facilement restitués à la végétation; la vallée alors redevient bien plus précieuse, le propriétaire s'y attache bien plus fortement, il songe à améliorer, à planter, à défendre, à augmenter les produits par les irrigations; le goût, l'industrie prennent une direction nouvelle, des hommes intelligents et actifs font des découvertes utiles; le Gouvernement les partage, et alors le produit, la population croissent dans des proportions inespérées. La gloire et la prospérité d'un empire sont les effets infaillibles des bonnes institutions.

C'est par votre organe, Messieurs, que le Gouvernement les proclame; fruits de sa prévoyance, elles sont aussi le but de vos méditations, comme elles sont les objets de la reconnaissancé des citoyens.

La discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère simultanément sur les deux projets de loi.

Le premier est décrété à l'unanimité de 239 votants; le second à la majorité de 229 boules blanches contre 10 noires.

Sur la demande de MM. les questeurs, énoncée par M. le président, le Corps législatif se forme en comité général.

A trois heures la séance est rendue publique. M. le Président déclare 1o qu'aux termes des lois constitutionnelles de l'Empire, portant que deux membres de la questure seront renouvelés en l'an XIII, les quatre questeurs ont tiré au sort, en présence de l'assemblée, et que MM. Vaublanc et Jacopin sont ceux que le sort a désignés comme devant cesser leurs fonctions de questeurs;

2° Que le Corps législatif a arrêté qu'il sera fait au procès-verbal de la séance du 24 une mention honorable du zèle de MM. Chaudet et Denon; le premier, pour sa belle statue de l'Empereur; M. Denon, pour avoir concouru par ses conseils à l'heureuse distribution des embellissements de la fête de l'inauguration;

3° Que le discours prononcé par M. Vaublanc, dans cette solennité sera inséré en entier au procès-verbal;

40 Enfin que M. le président voudra bien se charger d'écrire à MM. Denon et Chaudet, pour leur témoigner la satisfaction du Corps législatif. La séance est levée et indiquée à demain.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES.

Séance du 27 nívóse an XIII (jeudi 17 janvier 1805).

Le procès-verbal de la séance d'hier est adopté. MM. Regnauld et Galli, conseillers d'Etat, sont introduits :

M. Regnauld présente un projet de loi relatif à la perception, au profit de la ville de Paris, dů droit d'expédition des actes de l'état civil.

En voici le texte et l'exposé des motifs.
Motifs.

Messieurs, en l'an III, le désordre était extrême dans la tenue des registres de l'état civil.

Il fut non pas plus grand, mais plutôt aperçu et plus vivement senti par le Gouvernement, pour la ville de Paris; et dans l'embarras de prendre une mesure générale, applicable sans inconvénient à tous les départements, on fit rendre une loi particulière pour la capitale.

Cette loi, du 3 ventôse an III, partage la ville de

Paris en arrondissements, organise les bureaux, règle le mode suivant lequel les registres de l'état civil doivent être tenus, et fixe un droit à percevoir pour l'expédition des actes.

Ce droit fut établi par la loi au profit de l'Etat, et la régie de l'enregistrement fut chargée de sa perception.

Sans doute cette disposition tenait à des idées générales, dont on projetait de faire ultérieurement l'application à toute la France.

Sans doute encore le peu de suite qui existait dans les systèmes d'administration à empêché l'émission de la loi qui devait généraliser la mesure adoptée pour Paris.

Sa Majesté n'a pas jugé qu'elle fût convenable aujourd'hui.

D'un autre côté, elle a reconnu que continuer de faire intervenir une des administrations générales de l'impôt dans la délivrance des expéditions des actes de l'état civil à Paris, c'est maintenir une exception sans motif, parce qu'elle n'est utile ni à l'Etat, ni à la capitale.

Elle n'est pas utile à l'Etat, car la dépense est presque égale à la recette, et la surveillance à exercer est plus embarrassante pour la régie de l'enregistrement et ses employés, dont le service est étranger à tout ce qui touche l'état civil, que pour l'administration municipale qui en est chargée.

Elle n'est pas utile, elle est même nuisible à la ville de Paris, qui a ses employés placés dans les mêmes bureaux que ceux de la régie, qui n'exerce qu'une surveillance incomplète, parce qu'elle est partagée, et qui ne peut effectuer des améliorations avantageuses à cause de ce même partage.

Sa Majesté a donc pensé que l'ordre pour la tenue des registres de l'état civil à Paris devait être assimilé à ce qui se pratique dans tout l'Empire.

Mais une loi avait établi l'état des choses qu'il est question de changer; c'est donc par une loi qu'il doit être réformé, et c'est l'objet de celle que Sa Majesté nous a prescrit de vous présenter.

Projet de loi.

Le droit d'expédition des actes de l'état civil de la ville de Paris, dont la perception a été ordonnée par la loi du mois de nivôse an III, au profit de l'Etat, sera perçu désormais au profit de la ville de Paris. En conséquence elle sera chargée de toutes les dépenses relatives à l'expédition des actes de l'état civil, lesquelles ont été acquittées jusqu'à ce jour par la régie de l'enregistrement et du domaine.

Le Corps législatif arrête que ce projet de loi sera transmis au Tribunat par un message.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la conscription de l'an XIV.

M. le Président. L'un de messieurs les orateurs du Tribunat a la parole.

M.Sahue, rapporteur de la section de l'intérieur. Messieurs, parmi les lois décrétées dans les sessions précédentes et à la confection desquelles votre sagesse, votre amour pour la patrie et votre dévouement à son auguste chef, ont si puissamment concouru, il en est peu dont les résultats aient une influence plus directe sur les destinées de la France que la loi sur la conscription: cette institution nouvelle parmi nous a trouvé dans le principe plus d'un obstacle à combattre. Des affections bien estimables sans doute, des intérêts précieux dans les familles en repoussaient l'exécution; mais la patrie appela ses enfants, et tous volèrent à sa défense; et cette voix si puissante sur le Français fit taire toutes les affections, tous les intérêts particuliers. Bientôt les armées ne furent composées que de citoyens, et dès lors votre indépendance fut assurée. Le

théâtre de la guerre fut porté loin de nos frontières pour n'y plus reparaître; et tandis que vos ennemis tremblaient au sein de leurs capitales, vous n'étiez occupés qu'à célébrer le triomphe de vos guerriers. Lorsqu'enfin la paix vint consoler le monde, ces mêmes guerriers, terribles dans les combats, redevinrent de paisibles citoyens. Un grand nombre d'entre eux rentra dans ses foyers et cultiva la terre ou les arts; sur aucun point de l'Empire l'ordre public ne fut troublé, et ce fait, unique peut-être dans l'histoire, est encore dû à la composition purement nationale des armées. Elles sont maintenant les plus belles, les mieux disciplinées, les plus instruites de l'Europe, et réunissent au courage impétueux qui distingue si éminemment la nation française, une constance dout on la croyait peu susceptible. Elles attendent, non sans impatience, mais avec le calme que donne la conscience de sa propre force et la confiance qu'inspirent d'illustres chefs, l'instant marqué par la Providence pour punir une nation parjure et moissonner de nouveaux lauriers.

Il est donc du plus grand intérêt pour la continuation de la prospérité de la gloire de l'Empire, que l'armée reste ce qu'elle est, uniquement composée de l'élite de la nation. Mais l'expérience a trop bien prouvé l'utilité, la nécessité de cette institution pour qu'il ne soit désormais superflu de répéter ce qui a déjà été dit à cette tribune, et de multiplier les raisonnements, lorsque la conviction est complète.

La loi pour la levée de la conscription de l'an XIV, dont vous avez renyoyé, Messieurs, l'examen au Tribunat, est rigoureusement la même que celle que vous avez décrétée l'an dernier. Le nombre des conscrits appelés est également de trente mille pour l'armée active, et de trente mille pour la réserve. Les dispositions générales, les facilités pour les remplacements, sont les mêmes que les années précédentes, et en s'occupant du recrutement de l'armée, le Gouvernement n'a pas perdu de vue que les arts, les sciences, coopèrent aussi à la gloire, à la puissance de l'Etat, et que la jeunesse qui s'y livre ne doit pas être distraite de ses études.

Le seul changement notable est dans la répartition du contingent; il résulte de la plus grande perfection des bases qui ont servi à cette opération, et que l'orateur du Gouvernement vous a présentées dans l'exposé de ses motifs, d'une manière si claire et si précise, qu'il est impossible de rien ajouter aux développements qu'il vous a donnés.

Mais qui de nous, Messieurs, ne se sent pénétré d'admiration et de reconnaissance pour le héros qui nous gouverne, en considérant que c'est sans augmentation d'impôt ni de levée extraordinaire d'hommes qu'il enchaîne la fureur de ses ennemis et maintient la France au haut degré de splendeur et de puissance où son génie l'a placée? Oui, sans doute, il sera tenu, l'engagement solennel pris dans cette enceinte et de quels prodiges n'est pas capable celui qui, à peine à l'aurore de sa carrière, a déjà parcouru toutes les routes qui conduisent à l'immortalité, et fatigué du récit de ses exploits les cent bouches de la renommée ? Que ne pourra-t-il pas, à la tête d'un peuple guerrier idolâtre de la gloire, de la liberté et de son auguste Empereur!

La section de l'intérieur nous a chargés, Messieurs, de vous apporter son vou d'adoption.

Aucun autre orateur du Conseil d'Etat ni du Tribunat ne prenant la parole, la discussion est fermée.

Le Corps législatif délibère sur le projet de loi, qui est décrété à la majorité de 203 boules blanches contre 11 noires.

La séance est levée.

CORPS LEGISLALIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 28 nivóse an XIII (vendredi, 18 janvier 1805).

Un secrétaire fait lecture des procès-verbaux des séances des 24 et 27 nivòse, dont la rédaction est adoptée.

MM. Dauchy et Fourcroy, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Dauchy présente un projet de loi relatif à l'aliénation des immeubles affectés aux prytanées, En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, parmi les moyens qui doivent assurer la stabilité des grands établissements d'instruction publique, un des plus importants est le soin de faciliter l'administration des revenus destinés à en couvrir les dépenses. Le Gouvernement, en portant son attention sur la nature de ceux qui, affectés d'abord aux prytanées, forment maintenant la dotation du prytanée français établi à Saint-Cyr, a reconnu qu'ils se composaient d'immeubles dont la régie devait être plus embarrassante et plus dispendieuse que le produit n'en est avantageux et assuré.

Le projet de loi que nous avons l'honneur de vous présenter a pour objet d'en ordonner l'aliénation et le remplacement en rentes sur l'Etat.

Près de moitié de ces immeubles consiste en maisons, la plupart sises à Paris. Il n'est pas besoin de chercher à prouver que ce genre de propriétés est celui qui convient le moins à des établissements publics, à raison de la détérioration insensible qu'elles éprouvent, des non-valeurs fréquentes auxquelles elles exposent, et des détails de surveillance et d'entretien qu'elles exigent. On peut dire que leur aliénation générale est passée en maxime d'administration publique.

L'autre partie des revenus du prytanée est assise sur des fonds de terre en différentes cultures, mais ils se trouvent divisés en tant de marchés, chacun peu considérable, et dispersés dans beaucoup de départements à une grande distance de la capitale, qu'il n'est pas possible que le bureau d'administration fixé à Paris le surveille immédiatement, ni qu'il en fasse suivre la manutention par des agents dont le nombre est nécessairement hors de proportion avec l'importance des revenus partiels.

Vous verrez, dans le remplacement du produit des aliénations en rentes sur l'Etat, le double avantage d'augmenter, d'une part, le revenu du prytanée, tant par le taux de l'emploi des fonds que par la diminution des frais d'administration, et de soutenir, d'une autre, la confiance des effets. publics et leur valeur dans la circulation.

L'accroissement qu'éprouvera le revenu du prytanée laissera toute la latitude nécessaire pour en réserver annuellement un huitième destiné à former un fonds d'accumulation. Les nouvelles rentes qu'il servira à acquérir, augmentant continuellement ce revenu, seront toujours plus que suffisantes pour balancer la disproportion que la succession des temps pourrait amener entre la valeur nominale à laquelle demeurerait fixé le revenu actuel, et le prix des besoins qu'il est destiné à remplir.

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