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ronne). Le maire de Saint-Gaudens, département de la Haute-Garonne, est autorisé à vendre, dans la forme prescrite pour l'aliénation des domaines nationaux, un terrain communal où était la halle aux grains, contenant 12 ares 75 centiares, et estimé 2,600 francs, suivant procès-verbal du 16 floréal an X: le produit de cette vente sera employé à acquérir, pour le prix de 2,639 fr., le bâtiment des ci-devant Jacobins, estimé 4,000 francs, suivant le procès-verbal du 23 vendémiaire an XII. Alienation à la charge d'établissement d'une filature de coton.

Art. 110. Collège de Saint-Wast à Douai (Nord). Le préfet du département du Nord est autorisé à aliéner au sieur Perrier, membre de l'institut national, un domaine à Douai, connu sous le nom de College neuf de SaintWast, moyennant la somme de 36,000 francs en capital, porté dans le proces-verbal d'estimation du 17 nivòse an XII, à la charge d'y former un établissement de filature de coton.

Le prix de cette acquisition sera versé dans la caisse du receveur des domaines, dans le délai de cinq années, à partir de la publication de la présente loi, et ce, en cinq paiements egaux: le premier sans interêts, dans le mois de la passation du contrat de vente et avant la mise en possession, et les autres d'année en année, avec les intérêts à cinq pour cent.

L'acquéreur sera tenu de mettre son établissement en activité dans le délai d'un an, sous peine de résiliation du contrat et de perdre les sommes par lui payées. L'administration des domaines est spécialement chargée de surveiller l'exécution de cette clause.

Echange et aliénation.

Art. 111. Hospice de Bessan (Hérault). La commission administrative de l'hospice de Bessan, département de l'Hérau t, est autorisée à céder, à titre d'échange, à la commune de Bessan, 194 metres carrés de terrain, estimés 100 francs, suivant procès-verbal du 1er nivôse an XII; et à recevoir de ladite commune, en contreéchange, un terrain de 595 mètres carrés, estimé pareillement 100 francs, suivant le procès-verbal susdaté.

Les frais d'échange seront partagés également entre la commune et l'hospice.

Ladite commission est également autorisée à aliéner, dans la forme prescrite pour l'alienation des domaines nationaux: 1° un terrain contenant 2637 mètres carrés, au lieu dit Tuadon, estimé 600 francs; et 2o 226 metres carrés de terrain situés au-dessus de la grande route d'Agde à Pezenas, et estimés 300 francs, suivant le procès-verbal dudit jour 1er nivôse an XII.

L'aliénation desdits terrains se fera en différents lots, et le prix de chacun desdits lots sera stipulé payable à rentes en grains.

Echange et aliénation à charge de réparations.

Art. 112. Commune de Vassy (Haute-Marne). Le préfet du département de la Haute-Marne est autorisé à céder, à titre d'échange, à la commune de Vassy, la maison nationale dite des Dames Régentes, contenant 37 ares 82 centiares, évaluée 14,500 francs, par procèsverbal d'experts, du 2 nivôse an XII; et à recevoir en contre-échange la maison communale dite Carové, contenant 8 ares 80 centiares, estimée 8,000 francs, selon ledit procès-verbal.

Pour soulte dudit échange, la commune de Vassy sera tenue de faire à la maison Carové les réparations nécessaires pour y établir le casernement de la brigade de gendarmerie, conformément au devis dressé le 2 nivôse an XII, par l'ingénieur des ponts et chaussées, qui porte lesdites reparations à 7,744 francs.

La maison dite des Dames Regentes sera destinée au logement: 1o de l'école secondaire et des professeurs; 2o du curé, mais de manière que les deux logements soient séparés et sans aucune communication entre eux. La commune de Vassy subviendra aux frais desdites réparations et établissements par les fonds qui lui restent en caisse, et par la vente de trois granges communales, désignées et confrontées dans le procès-verbal d'experts, du 4 nivôse an XII, et évaluées ensemble à la somme de 2,900 francs, lesquelles seront vendues à l'enchère, devant le sous-préfet.

Concession à charge de construction.
Art. 113. Commune de Saint-Amans-la-Bastide.

(Tarn). L'adjoint à la mairie de la commune de SaintAmans-la-Bastide, département du Tarn, est autorisé à concéder au sieur Gayzard, maire de ladite commune, un cazal de bâtiment appelé Place, et estimé 800 francs, suivant procès-verbal, du 12 ventôse an XII; à la charge par ledit sieur Gayzard de construire à ses frais un chemin d'embranchement qui communique de Saint-Amans à la grande route de Castre à Saint-Pons, conformément au devis dressé le 22 thermidor an XI.

TITRE VII.

Dispositions générales.

Art. 114. Les impositions accordées aux communes auront lieu sur les contributions foncière, mobilière, personnelle et somptuaire, au centime le franc.

Art. 115. Toutes les fois qu'un des preneurs à rente voudra l'amortir, il en aura la faculté en payant vingt années du montant de la rente.

Art. 116. Si la somme que chaque commune ou hospice aura à sa disposition, provenant du remboursement, aliénation ou soulte d'échange par suite de la présente loi, n'a pas d'affectation spéciale, et peut suffire à acquérir 50 francs de rente sur l'Etat, cette acquisition sera faite sous la surveillance du préfet, à moins qu'il n'y ait autorisation contraire et spéciale.

Si elle n'est pas suffisante pour acheter 50 francs de rente, le préfet en règlera l'emploi.

Art. 117. Tous les travaux qu'une commune ou un département aura à faire en vertu de la présente loi, seront, si fait n'a déjà été, évalués par devis, adjugés au rabais, et ensuite faits, reçus et payés comme Les travaux publics nationaux, sous l'inspection gratuite d'un ingénieur du département, et sous la surveillance du préfet.

La discussion du projet de loi est indiquée au 29 pluviôse.

Le Corps législatif arrête que le projet de loi présenté par M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) sera communiqué aux sections du Tribunat.

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à l'exemption de contribution foncière pour Ville-Napoléon.

Les orateurs du Conseil d'Etat et ceux des sections du Tribunat sont introduits.

M. le Président. La parole est aux orateurs du Tribunat.

M. Jard-Panvilliers. Messieurs, trop souvent cette enceinte a retenti du récit des maux qu'éprouva la Vendée. Tant que l'esprit de parti, la prévention ou l'impéritie s'obstinaient à les méconnaître ou même à les aggraver par des mesures qui ne pouvaient que les aigrir, if fallait bien en retracer le tableau, pour intéresser au moins les hommes sensibles à les faire cesser. Mais depuis qu'un génie bienfaisant veille sur la France, nous n'avons plus à vous en entretenir que pour vous proposer les moyens de les réparer.

Parmi les diverses causes qui favorisèrent les desseins des premiers moteurs de la guerre terrible, dont ces désastres furent la suite, on doit compter l'ignorance de la plupart des habitants des campagnes, dans un pays où il n'y a que de très-petites villes éloignées les unes des autres, et presque point de moyens de communication avec les autres parties de l'Empire. L'éloignement du centre de l'administration y a peut-être aussi contribué; au moins est-il certain que son action fut trop faible ou trop lente pour arrêter les troubles même dans leur principe. Mais ce ne fut pas tant sous ce rapport que l'éloignement des administrations devint nuisible au maintien de la paix, que parce qu'il les mettait dans l'impossibilité d'éclairer les citoyens du département sur leurs véritables intérêts, de détruire les fàcheuses préventions qu'on cherchait à leur inspirer contre les agents de l'autorité, et d'exercer à leur égard la force de la persuasion, toujours plus puissante que celle des armes, sur des hommes d'un carac

tère naturellement ferme et généreux, comme le sont en général ceux de la Vendée.

A ces causes premières s'en joignirent d'autres, que la fureur des partis et d'horribles spéculations inventèrent, mais qu'il est inutile de rappeler, maintenant que le rétablissement de la paix inté rieure en a rendu le retour désormais impossible.

Grâces éternelles soient rendues au héros qui mit un terme a de si grandes calamités ! Son noin, cher à tous les Français, sera toujours l'objet de l'amour et de la vénération particulière de ceux qui lui doivent le repos, la paix et la vertu. Oui, Messieurs, la vertu; car ces mêmes hommes, qui pendant nos discordes civiles, immolaient sans pitié tous ceux qui n'étaient pas de leur parti, nous offrent aujourd'hui, comme autrefois, l'exemple de la philanthropie la plus touchante. Dans ce même pays où pendant six ans. la terre fut abreuvée du sang de tant de milliers de victimes, pas un assassinat privé n'a été commis depuis plus de trois ans. Longtemps encore les traces des maux qu'on y a soufferts rappelleront le bienfaiteur qui les a fait cesser; mais quels sentiments de reconnaissance ne doivent pas y exciter les soins qu'il prend pour les réparer et en prévenir de nouveaux ?

Pour atteindre à ce double but, un décret de Sa Majesté a ordonné qu'à peu près au centre du département de la Vendée, sur les bords de l'Yon et sur les ruines de l'ancienne ville de la Roche, qui fut détruite de fond en comble pendant la dernière guerre, il serait bâti une nouvelle ville, qui doit être le siége de la préfecture et des tribunaux, dans laquelle on construira un lycée, des casernes pour deux mille hommes, et tous les édifices accessoires à ces établissements. De grandes routes seront ouvertes pour la faire communiquer avec toutes les villes importantes des environs. Cette nouvelle cité s'appellera la VilleNapoléon.

Là, ce n'est point un prince qui, à l'instar du conquérant de l'Asie, avec lequel il a, d'ailleurs, tant de rapports de gloire et de célébrité, veut fonder une nouvelle ville pour lui donner son nom, et en faire un monument de ses triomphes. C'est encore moins un prince mù par les motifs du fastueux Constantin qui,pour satisfaire son orgueil et sa vengeance, voulut fonder une nouvelle capitale de l'empire qu'il ruina. Ce sont les habitants de la Vendée, qui ont sollicité et obtenu que leur nouvelle ville portât un nom déjà gravé dans tous les cœurs, afin que leurs descendants eussent sans cesse présent à la mémoire celui du monarque, réparateur des maux qu'ils ont soufferts. Ainsi, la ville Napoléon sera toujours un monument de leur amour et de leur reconnaissance.

Elle sera un centre commun, où les lumières se réuniront d'abord, pour se répandre ensuite dans les autres parties du département, et en préserver les habitants des erreurs auxquelles sont exposés ceux qui vivent dans les ténèbres de l'ignorance. On y verra se développer tous les genres d'industrie, qui ne peuvent guère naître qu'au sein d'une population nombreuse. L'esprit du commerce y attirera les produits d'un sol naturellement fertile pour les manufactures et les exporter, par le moyen des grandes routes et d'un canal, dont l'ouverture est ordonnée. La présence de l'administration favorisera l'essor de ces diverses sources de prospérité; et les améliorations promptement sensibles, qui en résulteront dans la fortune des habitants de ce pays, auquel l'ancien gouvernement n'avait jamais pensé que pour en tirer d'énormes contributions, les

attacheront de plus en plus à celui qui s'occupera si efficacement de leur bonheur. D'ailleurs, ces habitants, plus rapprochés des agents de l'autorité publique, seront plus à portée de leur faire entendre leurs réclamations, et en obtiendront une justice plus prompte. Il s'établira entre eux et leurs magistrats des relations plus fréquentes et plus intimes, desquelles naîtront des sentiments de confiance et de bienveillance réciproques. Ainsi, tous les cœurs remplis de ces douces affections se trouveront fermés aux suggestions des ennemis de la paix, qui régnera desormais dans ce beau pays; et s'il s'en trouvait encore quelques-uns qui voulussent y jeter de nouveaux brandons de discorde, la force publique serait là pour les réprimer.

Tel est, Messieurs, l'aperçu des avantages qui doivent résulter de l'établissement de la ville Napoléon; mais pour en accélérer la jouissance, il faut hater la construction de cette ville. Un des principaux moyens d'y parvenir est d'accorder une prime d'encouragement à ceux qui, les premiers, voudront y faire bâtir et s'y fixer. C'est l'objet du projet de loi soumis en ce moment à votre délibération, et qui accorde une exemption de contribution foncière pendant quinze années consécutives, à compter de l'an XIV, sur les maisons, jardins et dépendances, et généralement sur tous les édifices qui seront construits dans la ville Napoléon.

L'assentiment que vous avez déjà donné, l'année dernière, à des dispositions à peu près pareilles, en faveur des villes de Bressuire et Châtillon, qui avaient été également détruites par la guerre civile, est le présage de celui que vous donnerez au projet qui vous est soumis aujourd'hui; on est d'ailleurs sûr de l'obtenir, lorsqu'il s'agit d'acte de bienfaisance.

Habitants de la Vendée, vos longs malheurs sont finis! Le sauveur de la France a jeté sur vous ses regards paternels. Celui qui releva les autels du Dieu de l'univers veut aussi relever vos villes et vos chaumières. Sa tendre sollicitude ne se borne pas à vouloir vous rendre votre ancienne prospérité; elle veut encore l'accroître ; et le bonheur dont les circonstances ne lui permettent pas de vous faire jouir dès ce moment, elle vous le fait espérer. Une maison impériale de chasse va être construite aux frais de la couronne, à une lieue environ de Napoléon. Ainsi, vous verrez luire le jour si désiré, où vous pourrez faire éclater, en présence de l'auguste chef que la nation s'est donné, l'expression de votre amour et de votre reconnaissance. Sa Majesté se convaincra qu'il n'est point de Français plus fidèles ou plus dévoués à sa personne, ni plus susceptibles de la tendre affection que sa bienveillance seule suffit pour inspirer à vos âmes généreuses; et dans l'épanchement de vos sentiments de gratitude, vous bénirez aussi la puissance législative qui aura sanctionné l'acte de bienfaisance dont vous êtes aujourd'hui l'objet.

Messieurs, la section de l'intérieur du Tribunat vous exprime, par mon organe, le vœu d'adoption du projet de loi relatif à l'exemption de la contribution foncière pour la ville Napoléon.

Aucun autre orateur ne demandant la parole, la discussion est fermée.

L'assemblée procède au scrutin. Le nombre des votants était de 226, dont 222 ont voté pour l'adoption et 4 pour le rejet.

La séance est levée.

CORPS LÉGISLATIF.

21 pluvióse an XIII (dimanche 10 février 1805). Aujourd'hui à deux heures une députation du Corps législatif, composée des membres dont les noms suivent,

MM. Fontanes, président; Béguinot et Lombard-Taradeau, vice-présidents; Delatre et Terrasson, questeurs; Janet, Desribes, Mauboussin, Desprez, Dumaire, Boyelleau, Foucher, Toulgoet, Beaufranchet, Barral, Lobjoy, Lespérut, Despallières, Prunis, Vantrier, Delahaye, Debeaumont, Jubie, Delzons, Vigneron, a été introduite par le grand maître des cérémonies, auprès de l'Empereur, dans la salle du trône au palais des Tuileries, où étaient présents les princes, les grands dignitaires, les ministres, les maréchaux et grands officiers de l'Empire, les sénateurs et les conseillers d'Etat.

M. Fontanes, président, a fait lecture de l'adresse votée par le Corps législatif, le 15 de ce mois. Cette adresse est conçue en ces termes :

Sire, vous demandez la paix quand la guerre a toujours augmenté votre gloire! vos fidèles sujets, les membres du Corps législatif, touchés comme ils doivent l'être d'une démarche aussi magnanime, et des communications qu'ils ont reçues, viennent remercier l'ami de la France, de l'Europe et du genre humain.

Le monde vous a vu constamment le même aux plus grandes époques de votre vie; ce n'est jamais sur l'accroissement de votre puissance que vous mesurez vos prétentions. Les faveurs de la fortune égarent l'orgueil d'un prince vulgaire, mais elles redoublent la modération du grand homme; c'est pour cela que votre usage est de proposer la paix le lendemain ou la veille d'une victoire.

L'ennemi aurait pu apprendre comme nous, dans le récit de vos actions, qu'il est sage de terminer la guerre, quand Votre Majesté manifeste ce désir.

Il nous parle de ses alliés, mais il n'est point d'alliés sans des avantages réciproques; et quand un peuple veut régner seul sur les mers, son intérêt est en opposition avec celui de tous les autres.

Il invoque le droit des gens, mais il le viole sans

cesse.

Le plus grand des écrivains politiques (1) louait avec raison l'Angleterre d'avoir inséré dans sa grande Charte un article qui lui défend de saisir et de confisquer, en cas de guerre, les marchandises des négociants étrangers, hors dans le cas de représailles.

Les mers de Cadix ont vu naguères comme ce gouvernement est fidèle aux maximes de ses ancêtres. Il foule aux pieds ses propres lois, et leur substitue le code des pirates.

Ceux qui se permettent de tels attentats osentils affecter des alarmes sur la tranquillité future de l'Europe! Oui, sans doute, l'Europe éprouva de grands dangers; mais n'est-ce pas vous, Sire, qui les avez fait disparaître?

Un esprit séditieux menaçait dans tous les grands Etats l'autorité publique; il s'était souvent introduit dans les palais et jusque dans les conseils des princes; Votre Majesté seule en a réprimé les ravages. Elle a raffermi tous les trônes en relevant celui de la France. Elle a défendu la cause des

(1) La grande Charte des Anglais défend de saisir et de confisquer, en cas de guerre, les marchandises des négociants etrangers, à moins que ce ne soit par représailles. Il est beau que la nation anglaise ait fait de cela un des articles de sa liberté. (Montesquieu, Esprit des ois, livre 20, chapitre 14).

rois, après avoir vengé celle des peuples: tous les intérêts aujourd'hui doivent être liés aux vôtres. A ce grand service rendu au monde, que peut opposer jusqu'ici l'Angleterre ? Ses violences contre le Danemarck et l'Espagne, et l'oppression de l'Inde entière.

Sire, il était digne de vous d'invoquer encore l'humanité avant de combattre. Elle vous absout désormais de tous les malheurs de la guerre, s'ils doivent se prolonger.

Les nations et les princes ont des devoirs et des engagements mutuels. Tous les vôtres ont été remplis dans cette grande circonstance. La nation sera fidèle aux siens. Elle vous promet un dévouement nouveau; elle secondera de toutes ses ressources un prince qui était assez grand pour sacrifier la gloire des conquêtes à la prospérité de son pays.

Espérons pourtant que les calculs mercantiles. ne s'opposeront pas toujours aux sentiments héroïques de Votre Majesté, et que l'intérêt de quelques comptoirs ne sera pas mis en balance avec celui du monde entier.

L'Empereur, assis et couvert, a répondu à cette adresse en ces termes :

Messieurs les députés des départements au Corps législatif, lorsque j'ai résolu d'écrire au roi d'Augleterre, j'ai fait le sacrifice du ressentiment le plus légitime et des passions les plus honorables. Le désir d'épargner le sang de mon peuple m'a élevé au-dessus des considérations qui déterminent ordinairement les hommes. Je serai toujours prêt à faire les mèmes sacrifices. Ma gloire, mon bonheur, je les ai placés dans le bonheur de la génération actuelle. Je veux, autant que je pourrai y influer, que le règne des idées philanthropiques et généreuses soit le caractère du siècle. C'est à moi, à qui de tels sentiments ne peuvent être imputés à faiblesse, c'est à nous, c'est au peuple le plus doux, le plus éclairé, le plus humain, de rappeler aux nations civilisées de l'Europe qu'elles ne forment qu'une même famille, et que les efforts qu'elles emploient dans leurs dissensions civiles sont des atteintes à la prospérité commune. Messieurs les députés des départements au Corps législatif, je compte sur votre assistance, comme sur Ia bravoure de mon armée.

Après ce discours, la députation se retire.

TRIBUNAT.

21 pluvióse an XIII (dimanche 10 février 1805). Le Tribunat en corps est introduit auprès de Sa Majesté l'Empereur, au palais des Tuileries, par le grand maître des cérémonies.

M. Fabre (de l'Aude), président, fait lecture de l'adresse votée par le Tribunat, le 19 pluviôse, en comité général. Elle est ainsi conçue:

Sire, vos très-fidèles sujets les membres du Tribunat vienuent remercier Votre Majesté de la communication qui leur a été faite en son nom, le 15 de ce mois.

Ils ont entendu avec la plus profonde sensibilité le vœu de paix qu'elle a adressé au roi de la Grande-Bretagne, du milieu des préparatifs formidables d'une guerre soutenue pour le maintien de la foi des traités, pour la défense des droits et de l'honneur du peuple français.

La France et l'Europe entière trouveront dans cette noble démarche de Votre Majesté une nouvelle preuve de ces sentiments de modération qui l'ont constamment animée, et dans ses plus éclatants triomphes, et dans ses plus hautes espérances. Elles y verront encore une fois le rare et

généreux exemple de la puissance qui cherche elle-même des limites, et de la gloire qui veut s'imposer des sacrifices.

Elles regretteront que le gouvernement britannique n'ait pas répondu au vœu de Sa Majesté d'une manière plus digne des sentiments qui l'avaient inspirée, et qu'une fausse politique semble lui faire méconnaître et les vrais intérêts de l'Europe et les droits de l'humanité.

Sire, la nation qui vous a confié le soin de ses destinées sait que vous avez dévoué toute votre existence à son bonheur, et que la guerre qui ne vous offre rien que vous deviez redouter ne peut être pour vous qu'un moyen de conquérir et d'affermir la paix. Elle saura tout ce que vous avez fait pour mettre un terme aux calamités de la guerre, et vous trouverez toujours dans la constance de ses affections et l'énergie de son dévouement, tous les moyens qui seront nécessaires pour défendre ses droits et soutenir la gloire de votre trône.

L'Empereur a répondu à cette adresse en

ces termes :

Messieurs les membres du Tribunat, la génération actuelle a besoin de bonheur et de repos; et la victoire ne s'obtient qu'avec le sang des peuples. Le bonheur du mien est mon premier devoir comme mon premier sentiment.

Je sens vivement tout ce que vous me dites. La plus douce récompense de tout ce que je puis avoir fait de bien sera toujours pour moi l'union et l'amour de ce grand peuple.

CORPS LEGISLATIF.

PRÉSIDENCE DE M. FONTANES. Séance du 22 pluviose an XIII (lundi 11 février 1805).

Le procès-verbal de la séance du 20 de ce mois est adopté.

MM. Regnauld, Defermon et Béranger, conseillers d'Etat, sont introduits.

M. Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) présente un projet de loi relatif au budget de l'an XIII. En voici le texte et l'exposé des motifs.

Motifs.

Messieurs, l'époque où l'état des finances d'un grand peuple, présenté au Corps législatif dans son ensemble et dans ses détails, et mis aussi à la portée de tous les citoyens, par une publicité sans réserve, est une espèce de solennité politique les faits qui y sont annoncés, les résultats qui y sont publiés, touchent, dans l'intérieur de l'Empire, à tous les intérêts; et à l'extérieur, ils éveillent toutes les réflexions. Ils nous montrent à nos amis et à nos ennemis avec tous nos besoins et toutes nos ressources, et fondent en même temps la juste confiance des premiers et les craintes désespérantes des seconds.

Ce double sentiment vous paraîtra d'autant mieux justifié, Messieurs, qu'à cette occasion périodique comme à toutes celles qui ont eu lieu depuis que Sa Majesté préside à l'administration de la France, et cette fois, s'il se peut, avec plus de précision encore, le tableau de l'état des finances françaises ne vous est pas offert seulement pour l'année courante.

Ce n'est pas la situation isolée d'une période passagère que Sa Majesté a ordonné de mettre sous vos yeux, c'est la suite non interrompue de l'état des finances depuis l'an VIII; c'est la correspondance exacte de toutes les années les unes avec les autres; c'est l'intelligence facile de la

comptabilité de chaque exercice; c'est la certitude positive de l'apurement de toutes les dépenses qui y appartiennent, lorsque les liquidations permettent de les ordonnancer avec justice.

Ainsi la loi que je vous apporte, Messieurs, embrassant à la fois le temps qui s'est écoulé, le temps où nous sommes et celui qui s'approche, garantit la fidélité pour le passé, les moyens pour le présent, la sécurité pour l'avenir.

Je diviserai donc, Messieurs, l'exposé que je dois vous faire, en trois parties, dont chacune se rapportera à une des époques que je viens de vous indiquer.

PREMIÈRE PARTIE.

Dépenses antérieures à l'an XIII.

§ 1er.

Exercices antérieurs à l'an IX.

Vous n'avez pas oublié, Messieurs, ces temps de malheur et de désorganisation, dont les siècles de prospérité et d'ordre semblent déjà nous séparer, où la nation voyait, d'un côté, d'immenses besoins, et, de l'autre, de faibles ressources encore diminuées par leur mauvais emploi.

Le Gouvernement appelé, en l'an VIII, à relever les ruines de nos finances délabrées, ou plutôt à recréer nos finances détruites, eût été peut-être excusable de s'isoler de tout ce qui l'avait précédé.

Il ne le voulut pas; et la loi dù 30 ventôse an IX prépara l'acquittement entier des années V, VI et VII.

Deux millions 700,000 livres de rentes à 3 0/0 furent créés et y furent affectés.

Un million de rentes à 50/0 fut affecté par la même loi aux dépenses de l'an VIII; et on destina, en outre, à la liquidation de ces exercices, toutes les rentrées effectives qui y appartenaient.

L'état comparatif de l'actif et du passif, pour les exercices antérieurs à l'an VIII, donne, au 1er vendémiaire an XIII, un résultat disponible, savoir en numéraire, sur les rentrées probables, 1,073,356 francs;

En capitaux de rentes à 3 0/0, 32,095,200 francs;
En capitaux à 5 0/0, 1,917,560 francs;
En tout 34,012,760 francs.

Ces deux sommes réunies suffiront, d'après les états par aperçu fournis par les divers départements du ministère, pour acquitter toutes les dépenses qui remontent au delà de l'an IX. La loi n'a rien à statuer à cet égard, et je n'en fais mention ici, Messieurs, que pour ne laisser dans votre pensée aucun doute, aucune obscurité sur toutes les années dont vous pouvez embrasser la comptabilité et connaître la régularisation.

§ II.

Compte de l'an IX.

Les fonds affectés par la loi aux dépenses de l'an IX étaient de 526 millions 477,041 francs. Les dépenses ont été plus fortes.

Mais, d'un autre côté, par une amélioration heureuse qui s'est renouvelée successivement chaque année dans nos revenus, ceux de l'an IX se sont élevés à 4,541.809 francs de plus que l'évaluation qui en avait été faite.

Les recettes en numéraire des exercices antérieurs à l'an IX, dont j'ai parlé à l'article précédent, offraient une somme supérieure aux besoins, un excédant qui a permis de disposer de 8 millions pour les dépenses de l'an IX.

Ces deux sommes laissaient encore une différence entre les dépenses et les moyens.

Et telle est, d'une part, Messieurs, la rigoureuse

fidélité commandée par l'Empereur, à ses administrateurs, dans l'accomplissement de leurs engagements; telle est, de l'autre, l'étendue de nos ressources actuelles, que Sa Majesté a voulu que l'an XIII, quoique chargé d'une masse de dépenses proportionnées à notre position, vint au secours de l'an IX, et en complétât la liquidation.

En conséquence, Messieurs, 5,981,150 francs seront pris sur les recettes extraordinaires de l'an XIII, et joints aux deux sommes que je viens d'énoncer, satisferont à tous les besoins de l'an IX, en_portant son crédit à la somme de 545 millions. Ces dispositions sont consacrées dans le titre ler de la loi.

§ III.

De l'an X.

Les revenus de l'an X, estimés à 500 millions, ont atteint cette évaluation, et les dépenses, fixées à la même somme, ne l'ont pas excédée.

Il reste sur cette année pour une somme de 13,210,390 livres de rentrées à opérer, de liquidations à consommer, ou plutôt de pièces à régulariser.

Conséquemment il n'est besoin d'aucune disposition législative pour cet exercice.

Mais je ne puis me refuser, Messieurs, à vous faire observer que dès lors a commencé la régularité des rentrées au trésor public, suite de l'exactitude dans le paiement des contributions; exactitude déjà si remarquable, qu'il n'est pas resté à recouvrer 300 mille francs sur plus de 273 millions de contributions directes de l'an X. Les années suivantes vous offriront, Messieurs, les mêmes motifs de vous étonner d'un progrès aussi heureux, d'une amélioration aussi prompte, et d'applaudir aux mesures qui l'ont préparée.

S IV.

De l'an XI.

En l'an X, la signature de la paix avait permis de restreindre les dépenses : la violation du traité d'Amiens créa de nouveaux besoins, commanda de rechercher de nouvelles ressources pour l'an XI.

La loi du 4 germinal an XI n'avait ouvert qu'un crédit de 589 millions 500 mille francs.

Celle du 5 ventôse an XII a accru ce crédit de 30 millions, et porté le budget de l'an XI à 619, 500,000 francs.

La dépense excédera cette dernière somme, et sera portée à 624,500,000 francs.

C'est conséquemment un supplément de crédit de 5 millions à accorder pour l'an XI, et le titre II de la loi contient cette disposition.

Mais telle a encore été, pendant l'an XI, la marche de l'administration, que la somme de 30 millions accordée de plus pour cet exercice en l'an XII, et celle de 5 millions qui vous est demandée aujourd'hui, seront prises sur les produits de l'année même à laquelle ces accroissements doivent s'appliquer; et notre système de finances, comme notre crédit, se soutiennent et s'améliorent ainsi d'année en année, sans arriéré comme sans anticipations.

Le titre Il de la loi régularise sur ces bases le compte de l'an XI.

S V.

De l'an XII.

Nous voici arrivés, Messieurs, à l'époque remarquable de l'an XII. Quelle était alors notre situation?

Une guerre maritime à soutenir; une guerre

continentale à prévenir; des flottes à créer; une flottille à construire; des ports à creuser pour la recevoir; des armements à faire; des matelots à rassembler; des équipages à solder; une armée à mettre sur le pied de guerre ; des remontes à accélérer des approvisionnements extraordinaires à ramasser; de l'artillerie à faire fondre; des équipages à renouveler; des fortifications à édifier où à réparer.

Et cependant des travaux intérieurs à continuer; les deux mers à réunir par de nouveaux canaux; les deux sommets des Alpes à aplanir au mont Saint-Bernard et au mont Cenis; des villes à fonder; des communications territoriales à établir; des marais à dessécher; des ponts à jeter sur de grands fleuves; des lycées à organiser. Tel est, Messieurs, le tableau rapide des dépenses auxquelles devait pourvoir cette année mémorable.

Ces dépenses ont été prévues, proposées, résolues, ordonnées, exécutées: elles sont acquittées jusqu'à concurrence de près des sept huitièmes; et les ressources de l'année qui les vit effectuer suffiront pour les solder tout entières.

Håtons-nous, en développant des faits incontestables et prouvés, d'expliquer ce prodige: hâtons-nous de faire taire les incrédules du déhors ou du dedans, et de convaincre ceux qui hésitent par étonnement, qui doutent par ignorance, qui contestent par prévention ou qui nient par mauvaise foi.

Le budget qui vous fut présenté l'année dernière, Messieurs, évaluait nos ressources et nos besoins à une somme égale de 700 millions; nos besoins comme nos ressources, nos dépenses comme nos recettes dépasseront cette estimation de 62 millions, suivant les tableaux joints au compte du ministre des finances.

Les départements de la guerre et de la marine ont absorbé la majeure partie de cet excédant; mais aussi ils se sont enrichis de tout ce qu'ils ont créé de grands vaisseaux et de petits bâtiments, d'équipages et de munitions, et ils ont amassé des approvisionnements de toute espèce. Le ministre des cultes réclamait aussi un accroissement de dépense que le vœu général commandait à la justice de Sa Majesté. Il fallait pourvoir aux besoins pressant des prêtres desservants des succursales; et, dès l'an XII, un décret impérial, en attendant la loi que vous allez rendre, a satisfait à ce devoir de l'humanité autant que de la religion.

Le ministère de l'intérieur a pris part aussi à cet accroissement de dépenses, par l'accélération des travaux d'arts de tous genres qui appartiennent à son département.

La fortune secondant la sagesse a voulu que les moyens ne manquassent pas à des besoins si honorables et si bien justifiés, et il ne reste à Sa Majesté qu'à s'applaudir avec vous, Messieurs, d'avoir été secondée dans ses vastes projets, par la confiance et le crédit public qui sont venus au secours d'une administration éclairée et vigilante.

Vous verrez, Messieurs, dans les comptes des ministres des finances et du trésor, qui, formés séparément et sur des éléments divers, donnent partout cependant des résultats identiques, comment plusieurs parties du revenu public ont excédé l'appréciation donnée par les directeurs généraux.

Vous verrez que, malgré la guerre, la régie de l'enregistrement et du domaine a dépassé cette appréciation de près de 19 millions. Vous remar querez que cette administration, chargée jusqu'en

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