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12.5

constant observateur; il ne cessera point d'être fidèle à sa gloire, et notre zèle ne peut pas plus se démentir que ses actions et son génie.

Les plus vils applaudissements se renouvellent de toutes parts.

M. LE PRESIDENT. Je déclare, au nom du Corps législatif, qu'en exécution du décret impérial du 14 ventôse présent mois, la session ouverte le 6 nivôse, en vertu de celui du 26 frimaire précédent, est terminée.

Le Corps législatif arrête que cette déclaration sera transmise par des messages à Sa Majesté l'Empereur, au Sénat conservateur et au Tribunat.

Un secrétaire fait lecture du procès-verbal. Le procès-verbal ayant été approuvé, le Corps législatif se sépare.

SÉNAT CONSERVATEUR.

Séance du 27 ventóse an XIII.

(Lundi 18 mars 1805).

Aujourd'hui, lundi 27 ventôse, à deux heures après midi, Sa Majesté l'Empereur s'est rendu au Sénat avec le cortège et dans l'ordre annoncé par le programme qui a été inséré au Moniteur du 27 ventôse, et en traversant un immense concours de citoyens qui se pressaient sur son passage.

Sa Majesté a été reçue à la porte extérieure du palais du Sénat, par les grands officiers de ce corpset vingt-quatre de ses membres qui l'ont précédée dans la nouvelle salle, dont les dispositions sont très-belles, et qui offrent un magnifique coup d'œil.

Sa Majesté a pris place sur le trône, entourée des princes, de ses ministres, de ses grands officiers, et des officiers de sa maison.

Le grand maître des cérémonies ayant pris les ordres de l'Empereur, a appelé M. de Sémonville et M. le général Férino. sénateurs nouvellement nommés, qui ont été présentés par S. A. I. Mgr le prince Joseph, grand électeur, au serment qu'ils ont prêté entre les mains de l'Empereur.

Le grand maître des cérémonies ayant pris de nouveau les ordres de Sa Majesté, les a communiqués à M. Maret, ministre secrétaire d'Etat, qui a donné lecture du message et du décret suivants : Sénateurs, la principauté de Piombino, que la France possède depuis plusieurs années, a été depuis ce temps administrée sans règle et sans surveillance. Située au milieu de la Toscane, éloignée de nos autres possessions, nous avons jugé convenable d'y établir un régime particulier. Le pays de Piombino nous intéresse pour la facilité qu'il offre pour communiquer avec l'île d'Elbe et Ja Corse nous avons donc pensé devoir donner ce pays, sur le haut domaine de la France, à notre sœur la princesse Elisa, eu conférant à son mari le titre de prince de l'Empire. Cette donation n'est pas l'effet d'une tendresse particulière, mais une chose conforme à la saine politique, á l'éclat de notre couronne et à l'intérêt de nos peuples.

Signé: NAPOLÉON.
Par l'Empereur,

Le secrétaire d'Etat, signé H. B. MARET.

Au palais des Tuileries, le 27 ventôse an XIII. NAPOLEON, par la grâce de Dieu et par les Constitutions de la République, EMPEREUR DES FRANÇAIS, à tous présents et à venir, salut.

Nous avons décrété et décrétons ce qui suit:

Art. 1er. L'EMPEREUR NAPOLEON cède et donne en toute propriété la principauté de Piombino à la princesse Elisa, sa sœur.

Art. 2. Le gouvernement de cet État et la propriété

du domaine du prince sont héréditaires dans la descendance de la princesse Elisa, et se perpétuent dans sa branche aînée; les cadets et les femmes n'ayant droit qu'à une légitime viagère.

Art. 3. A chaque mutation, le prince héréditaire de Piombino ne pourra succéder, s'il n'a reçu l'investiture de l'EMPEREUR DES FRANÇAIS.

Art. 4. Les enfants, nés ou à naître de la princesse Elisa, ne pourront se marier sans le consentement de I'EMPEREUR DES FRANÇAIS.

Art. 5. La descendance de la princesse Elisa venant à s'éteindre, ou ayant perdu ses droits par l'infraction de la règle prescrite dans l'article précédent, l'EMPEREUR DES FRANÇAIS disposera de nouveau de la principauté de Piombino, en consultant l'intérêt de la France et celui du pays.

Art. 6. Le mari de la princesse Elisa prend le nom et le titre de prince de Piombino; il jouira du nom et des prérogatives de prince de l'Empire français.

Art. 7. Le prince de Piombino maintiendra en bon état la forteresse de Piombino. Il donnera ses soins à favoriser les communications avec l'ile d'Elbe. П assurera la défense des côtes en maintenant le nombre de batteries qui sera jugé nécessaire pour leur sûreté.

Art. 8. Le prince de Piombino sera tenu d'avoir à sa solde, pour le service de la côte et de la forteresse, un bataillon de cinq compagnies de 80 hommes chacune.

Art. 9. En recevant l'investiture de son État, le prince de Piombino prête le serment dont la teneur suit:

« Je jure obéissance et fidélité à Sa Majesté N..... « EMPEREUR DES FRANÇAIS. Je promets de secourir de << tout mon pouvoir la garnison française de l'ile d'Elbe, de contribuer en tout ce qui dépendra de moj « à l'approvisionnement de cette ile; et je déclare que je « ne cesserai de remplir, dans toutes les circonstances, « les devoirs d'un bon et fidèle sujet envers Sa Majesté << l'EMPEREUR DES FRANÇAIS. »

Signé NAPOLÉON.

Par l'empereur,

Le secrétaire d'État, signé : II. B. Maret. D'autres ordres de l'Empereur ont été communiqués par le grand maître des cérémonies à M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures, qui est monté à la tribune et a lu le rapport suivant :

Rapport fait à Sa Majesté l'Empereur en séance du Sénat, par M. de Talleyrand, ministre des

relations extérieures.

Sire, les pensées dont je vais occuper Votre Majesté tiennent à ses affections les plus chères comme aux intérêts les plus importants de l'Empire; et en même temps l'objet de ces pensées se lie, par les plus intimes rapports, aux grands principes de la politique extérieure, à la sûreté d'un grand nombre d'Etats, qui ne peuvent se maintenir et prospérer sans votre appui, et enfin à la tranquillité de toutes les puissances du continent.

Depuis plusieurs mois l'Europe entière a les yeux fixés sur l'Italie. Les plus grands souvenirs, une longue suite de malheurs, l'immense gloire que Votre Majesté y a recueillie, attachent tous les esprits à sa destinée. On se demande si le sort de cette belle contrée, qui si longtemps gouverna le monde, qui, depuis qu'elle est déchue de sa première grandeur, de siècle en siècle est devenue le théâtre et le jouet de toutes les ambitions, sera enfin déterminé. De toutes parts on entend éclater le vœu généreux que l'Italie retire de l'honneur d'avoir décidé du sort de la dernière guerre, l'avantage inespéré d'exister par ellemême, de se conduire par les règles d'une politique indépendante, et enfin de rester pour toujours étrangère aux débats, à la mésintelligence, à la jalousie des grandes puissances.

Sire, sous un règne tel que le vôtre, toutes les conjectures qui s'attachent à des choses justes et grandes ne sont que le pressentiment et le pré

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sage des desseins magnanimes du souverain. L'Italie, ses intérêts, ses besoins, n'ont cessé d'être l'objet de votre sollicitude, et on peut l'annoncer avec confiance, le sort que vous lui destinez comblera toutes les espérances qu'elle peut former, lorsqu'à la suite de vos belles victoires, la première entre toutes les nations, elle fit éclater son admiration et sa reconnaissance, et vous exprima le vœu de s'attacher pour toujours à votre grande destinée.

Ce fut par suite de ce vou souvent renouvelé, que vingt peuples réunis, impatients de consolider leur liberté ou de consacrer leur obéissance par la solennité d'une transaction publique, reçurent à Lyon une organisation commune, et déférèrent à Votre Majesté la première magistrature. Cette institution, indéterminée par sa dénomination et indécise par sa durée, ne répondait qu'à l'intérêt et au besoin d'associer les affections et d'apaiser les inquiétudes du moment; mais si l'organisation de la France avait permis à ces peuples de s'ouvrir sans réserve sur le Gouvernement qu'ils préféraient, dès lors ils auraient exprimé à Votre Majesté tout ce que, depuis la fondation de l'Empire, l'armée italienne, les autorités constituées et des réunions nombreuses de citoyens, douées de prévoyance et de lumières, lui ont unanimement exposé, dans leurs adresses, que même quand le système héréditaire ne serait pas établi en France, le nombre, la diversité, la rivalité, la faiblesse, les habitudes, les opinions des peuples qui habitent l'Italie, y rendaient son rétablissement indispensable.

De telles considérations ont dû prévaloir sur toutes les théories. Votre Majesté voulait assurer à ce peuple une existence indépendante. Elle a senti que quelle que fût la force de son autorité et celle de son génie, elle ne pouvait remplir ce généreux dessein, si elle entreprenait de lutter contre l'empire de toutes les circonstances et contre la tendance de toutes les opinions et la monarchie italienne a été fondée.

Mais un autre obstacle s'opposait à l'accomplissement des destinées de cet Etat. Deux trônes réunis ont paru présenter à Votre Majesté une complication difficile et dangereuse de puissance et de devoirs, et elle a voulu que la séparation des couronnes fùt positivement déterminée. A regret ses sujets d'Italie ont dû se soumettre à cette disposition, mais ils ont hautement demandé que l'exécution en fût différée. « Sire, vous ontils dit, il n'appartient à aucun homme, quelque grand qu'il puisse être, de subordonner à des vues de modération les sentiments libres et unanimes des peuples.

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Il n'appartient à aucun homme, quelque puissant qu'il soit, de devancer la marche du temps. Plus d'un grand dessein a échoué par l'effet d'une précipitation peu réfléchie; plus d'une nation a manqué sa destinée parce qu'on a voulu accélérer pour elle ce qui, faute de patience et de durée, n'avait pu acquérir une suffisante maturité.

Nous sommes un peuple nouveau, et vous êtes le souverain d'un grand Empire. En séparant aujourd'hui les deux couronnes, que deviendrons-nous, éloignés que nous sommes des regards immédiats de notre fondateur, et délaissés, sans appui et sans guide, au milieu des discussions qui peuvent s'élever dans notre sein et autour de nous? Qui nous défendra des agitations, suite nécessaire d'une situation longtemps indécise? Qui nous préservera du tort de trop nous défier de nous-mêmes, ou du malheur d'une trop aveugle confiance?

La séparation des deux couronnes déterminerat-elle l'éloignement des troupes françaises de notre territoire? Mais le royaume d'Italie n'est pas isolé; il est contigu à de puissants voisins.

Il se compose d'un grand nombre d'éléments autrefois ennemis, récemment incorporés. Il touche à des rivages qui peuvent être exposés à des invasions soudaines. La formation d'une armée nouvelle, quelle que soit sa fidélité, quel que soit son courage, calmera-t-elle toutes les alarmes qui peuvent s'élever? Garantira-t-elle l'Etat contre la possibilité de toute entreprise?

Et si la séparation des couronnes ne détermine, que dans un avenir indéfini, l'éloignement des troupes françaises, il n'en faut pas douter, une confiance juste, mais fâcheuse par ses suites, en nous rendant moins nécessaire le devoir pénible et dispendieux de pourvoir nous-mêmes à notre défense, éloignera peut-être pour jamais l'établis sement d'une armée nationale, sans laquelle cependant toute nation, quelles que soient sa population et son étendue, perd le droit de prendre la part qui lui appartient dans les sentiments réciproques de considération et de respect que les peuples se doivent les uns aux autres.

Si de ces considérations nous passons à celles que présente la politique extérieure, le danger devient plus pressant; une armée française occupe l'Etat de Naples, où elle n'a rien à faire. Elle y existe pour observer une armée anglaise qui occupe Malte, et une armée russe qui peutêtre n'existe dans les îles Ioniennes que pour observer l'armée française. Dans cette attente confuse d'événements, dans cette complication de rapports incertains et lorsqu'une fausse mesure, de quelque part qu'elle vienne, peut attirer sur nous les plus grandes calamités, couvrir notre pays de sang et de deuil, nous rendre victimes de la guerre, et ce qui est plus effrayant encore, nous rendre peut-être victimes de la paix, que pouvons-nous faire que de nous attacher, tant que le danger existe, à notre seul garant, à notre seule espérance, à notre seul défenseur, et de l'enchaîner, s'il se peut, par sa généreuse volonté, à l'ouvrage de son génie et de sa bienfaisance?

Sire, tels sont les vœux de vos peuples d'Italie; ils sont si pressants, si décisifs et si légitimes, que vous avez dû les exaucer.

Ainsi Votre Majesté régnera en Italie; et pendant quelque temps encore, l'Empire et le Royaume que vous avez institués, liés par les mêmes affections, engagés par les mêmes serments, s'élèveront, se raffermiront à l'abri du même pouvoir.

Et le temps étant venu où cette association ne sera plus indispensable à l'Italie, ne sera d'aucun intérêt pour la France, et n'importera plus à la tranquillité de l'Europe, elle sera rompue. Votre Majesté en a marqué irrévocablement le terme. Sur ce point, elle a résisté aux plus vives, aux plus touchantes sollicitations. Elle n'a voulu laisser aucun doute, aucune illusion, aucune espérance à ses peuples d'Italie. Elle a sagement pensé que dans d'aussi grands intérêts. et dans une aussi solennelle circonstance, il lui convenait, avant tout, de faire un digne et libre usage de sa puissance.

Tout n'est pas incertain dans l'avenir; les âmes fortes, les esprits élevés savent y distinguer ce qui est du domaine de leur prudence et ce qui appartient au grand arbitre des événements. Votre Majesté prévoit avec certitude l'événement futur de l'affranchissement de Malte, et de l'in

dépendance légitime de la république Ionienne. Elle ne veut pas mettre un prix à la séparation des couronnes d'Italie et de France, et c'est pour cela même qu'elle en détermine l'époque, pour ne pas l'exposer un jour à s'entendre proposer l'alternative offensante de la séparation des couronnes, ou de la guerre; car alors le soin de sa dignité lui imposerait de faire prévaloir la voix de l'honneur sur le vœu même de l'humanité.

La générosité est un sentiment qui, dans les âmes élevées, s'associe toujours à une sorte de délicatesse jalouse. Renoncer à une couronne, dissoudre soi-même ces liens de dépendance et de fidélité, d'autant plus flatteurs qu'ils sont un résultat légitime et comme un mouvement consacré d'une grande gloire acquise, par des efforts heureux de courage et de génie, abdiquer enfin le suprême pouvoir, est une détermination assez grande pour qu'on ait le droit de vouloir que rien n'altère la satisfaction noble et pure de l'avoir prise, par la simple et libre impulsion d'une disposition magnanime et modérée.

Et la France, sur qui doit rejaillir l'éclat d'une telle modération, ne peut que sentir avec orgueil et reconnaissance toute la grandeur de la position à laquelle Votre Majesté l'élève. Cette noble détermination l'honore et l'agrandit autant et plus que la plus brillante conquête. Elle peut se dire et dire à l'Univers, qu'ainsi que l'Océan, elle a vu poser les bornes de sa puissance et les limites de l'ascendant de son souverain, dans ses propres lois, dans la mesure de ses droits, dans la règle de ses intérêts, et non pas dans de vaines digues qui pourraient être élevées par les prétentions de la jalousie, de la susceptibilité et de la haine.

L'avenir, le passé, sont pour la malveillance un texte inépuisable de mensonges; elle calomnie par de vains présages, elle calomnié par de vaines comparaisons. N'a-t-elle pas souvent affecté d'abuser de l'éclat des victoires de Votre Majesté, en exagérant leurs résultats? N'a-t-elle pas cherché à répandre l'alarme en rappelant la gloire, le nom et la destinée d'Alexandre et de Charlemagne? Frivoles et trompeuses analogies! Charlemagne n'a eu ni successeurs ni voisins; son empire ne lui a pas survécu; il fut partagé, et il devait l'être. Charlemagne a été conquérant et non pas fondateur. Les fondateurs gouvernent pendant leur vie et ensuite pendant des siècles. Charlemagne vivait à une époque où l'esprit humain, affaibli par l'ignorance, ne pouvait se porter sur l'avenir.

Alexandre, en reculant sans cesse les limites de ses conquêtes, ne fit que se préparer des funérailles sanglantes; la grande, l'héroïque pensée de la succession n'entra jamais dans son esprit; Charlemagne, Alexandre, léguèrent leur empire à l'anarchie.

Comme ces grands hommes, nous avons vu Votre Majesté porter avec rapidité ses armes en Europe et en Asie; son activité, comme la leur, a su embrasser en peu de temps la plus vaste étendue et franchir les plus grandes distances. Mais dans ses plus glorieuses expéditions et dans ses plus hardies entreprises, a-t-elle été entraînée par une passion vague et indéfinie de dominer et d'envahir? Non, sans doute, et l'histoire l'a déjà inserit dans ses fastes dès le début de sa noble carrière, Votre Majesté voulut rappeler la France à des idées d'ordre, et l'Europe à des idées de paix. Elle vit avec horreur une guerre qui menaçait de ramener la barbarie, et avec effroi, une révolution qui couvrait la France de

deuil, de destruction et de débris; et elle crut que lá Providence l'avait suscitée pour mettre un terme à ces deux grandes calamités en Italie, elle a vaincu pour réconcilier l'Allemagne avec la France; elle est allée vaincre en Asie, pour attendre le temps où elle pourrait en revenir triomphante, et à son retour réconcilier la France avec elle-même. Telles ont été les vues, telle a été la noble ambition de Votre Majesté.

Et agissant toujours d'après l'impulsion d'un caractère incapable de se démentir, aujourd'hui, en organisant un Etat nouveau, Votre Majesté est occupée du désir de manifester encore à tous les peuples ses principes de stabilité, de conservation et de justice, et en même temps elle donne à la paix future un gage généreux de ses invariables dispositions.

J'ose l'assurer à Votre Majesté, quelque effort que l'on puisse faire pour égarer l'opinion, cet irrésistible penchant qui entraîne tous les esprits vers la gloire des nobles actions, et qui attache tous les cœurs par l'enthousiasme qu'inspireat les grands sacrifices, triomphera de toutes les mécréances. La France, l'Italie vous chérissent comme fondateur de leurs lois et comme défenseur de leurs droits et de leur puissance; l'Europe révère en vous le conservateur de ses intérêts, et pourquoi craindrais-je de le dire, un jour viendra où l'Angleterre même, vaincue par l'ascendant de votre modération, abjurera ses haines, et, à l'exemple de tous les peuples contemporains, ne manifestera plus envers vous que le sentiment de l'estime, de l'admiration et de la reconnaissance, qu'en secret, même aujourd'hui, les hommes justes et éclairés de cette nation ne refusent pas à Votre Majesté.

Le Sénat va entendre avec reconnaissance la communication des actes constitutionnels qui ont fondé le royaume d'Italie.

Ensuite est monté à la tribune M. de Marescalchi, ministre des relations extérieures de la République italienne, averti par le grand maître des cérémonies. Ce ministre à lu le statut constitutionnel conçu en ces termes :

Estratto dei registi della consulta di stato del giorno.

STATUTO COSTITUZIONALE.

La consulta di stato, veduto il voto unanime della consulta e deputazione unité del giorno;

Veduto lo articulo 60 della costituzione sulla iniziativa costituzionale.

Decreta :

Art 1er. L'IMPERADORE DE FRANCESI NAPOLEONE Io È RE D'ITALIA.

Art. 2. La corona d'Italia è ereditaria nella sua discendenza legitima e per retta linea, sia naturale, sia adottiva, di maschio in maschio escluse in perpetuo le femine, e discendenza loro; il dirito d'adozione non potrà estendersi ad altri che ad un citadino dell Impero francese, o del regno d'Italio.

Art. 3. Tosto che le armate straniere si saranno.ritirate dal regno dit Napoli, dalle isole Ionie, e da quella di Malta, l'Imperadore Napoleone transmetterà la corona d'Italia ad uno de suoi figli maschi legitimi, sia naturale, o addotivo.

Art. 4. Da quest' epoca la corona d'Italia non potrà essere più unita colla corona di Francia, nella stessa persona, ed i successori di Napoleone lo nel regno d'Italia dovranno stabilmente rissiedere sul territorio delle Republica italiana.

Art. 5. Entro l'anno corrente l'Imperadore Napoleone col parere della consulta di stato, e delle deputazioni de collegi elettorali darà alla monarchia italiana constituzioni fondate sopra le stesse basi di quelle d'ell' Impero francese, et sopra i principi medesimi delle leggi ch' egli a già date all' Italia.

NAPOLÉON, PAR la grace de Dieu ET LES CONSTITUTIONS,
EMPEREUR DES FRANÇAIS ET ROI D'ITALIE, A TOUS CEUX
QUI LES PRÉSENTES VERRONT, SALUT :
Extrait des registres de la consulte d'Etat du jour
17 mars 1805.

STATUT CONSTITUTIONNEL.

La consulte d'Etat, vu le vœu unanime de la consulte et de la députation réunies, du jour 13;

Vu l'article 60 de la Constitution, sur l'initiative constitutionnelle,

Décrète :

Art. 1er. L'EMPEREUR DES FRANÇAIS, NAPOLÉON [er, EST ROI D'ITALIE.

Art. 2. La couronne d'Italie est héréditaire dans sa descendance directe et légitime, soit naturelle, soit adoptive, de mâle en måle, et à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance, sans néanmoins que son droit d'adoption puisse s'étendre sur une autre personne qu'un citoyen de l'Empire français ou du royaume d'Italie.

Art. 3. Au moment où les armées étrangères auront évacué l'Etat de Naples, les îles Ioniennes et l'île de Malte, l'EMPEREUR NAPOLÉON transmettra la couronne héréditaire d'Italie à un de ses enfants légitimes måle, soit naturel, soit adoptif.

Art. 4. A dater de cette époque, la couronne d'Italie ne pourra plus être réunie à la couronne de France sur la même tête, et les successeurs de NAPOLÉON PREMIER dans le royaume d'Italie, devront résider constamment sur le territoire de la République italienne.

Art. 5. Dans le courant de la présente année, l'EMPEREUR NAPOLÉON, de l'avis de la consulte d'Etat et des députations des colléges électoraux, donnera à la monarchie italienne des constitutions fondées sur les mêmes bases que celles de l'Empire français, et sur les mêmes principes que les lois qu'il a déjà données à l'Italie.

Signé NAPOLÉON.

Melzi, Marescalchi, Caprara, Paradisi, Fenakoli, Costabili, Luosi, Guicciardi. MANDONS ET ORDONNONS QUE LES PRÉSENTES, REVÊTUES DES SCEAUX DE L'ETAT, INSÉRÉES AU BULLetin des lois, SOIENT ADRESSÉES AUX TRIBUNAUX ET AUTORITÉS ADMINISTRATIVES, POUR QU'ILS LES TRANSCRIVENT DANS LEURS REGISTRES, LES OBSERVENT ET LES FASSENT OBSERVER, ET NOTRE GRAND JUGE, MINISTRE DE LA JUSTICE DE NOTRE ROYAUME D'ITALIE, EST CHARGÉ D'EN SURVEILLER L'EXÉCUTION.

Donné au palais des Tuileries. le 17 mars 1805,
et de notre règne le premier.

Signe: NAPOLÉON.
Par l'Empereur et Roi,
Signé: MARESCALCHI.

M. Marescalchi étant descendu de la tribune, le grand maître des cérémonies a appelé au serment, dont la formule a été présentée par ce ministre, d'abord M. MELZI, vice-président de la cidevant République italienne, qui a juré obéissance aux constitutions du royaume, et fidélité au roi.

Le grand maître a appelé ensuite au serment M. PARADISI, membre de la consulta, qui a prononcé le discours suivant :

Sire, Voi fondaste la libertà italiana, e creaste di là dell' Alpi una Républica che langui nel disordine tosto che vene dipartiste, e cessò di esistere quando rimase del tutto priva dè vostri auspici.

Fedele alle date promesse accoreste poscia trionfando fra di noi nel colmo dé nostri mali ed i bri giorni ricomparvero con voi nelle nostre contrade.

Una replicata esperienza ci ha dunque dimonstrato che la nostra sicurenzza dipende interamente dal vestro genio, e la nostra felicità dal vostro cuore.

La consulta straordinaria in Lione ne fù convinta, allorchè proclamando una nuova constituzione per la Républicata rinascente vi supplico di accettare l'incarico del sommo potere. Ella si diresse per tal modo verso un sistema migliore, e fece quanto poteva sperarsi co' lumi e nelle

circonstanze de qué tempi. Ma l'inqietudine che non ha doppoi cessato di agitare l'Europa nel riposo stesso della parce ci ha dato a conosere che quel passo fù ancor troppo debole per assicurar fermamente i nostri destíni.

a

Mentre le armate straniere minacciano l'Italia, et ne occupano una parte, la nostra salvezza consiglia imperiosamente d'imprimere nelle ma zioni un' alta e nobile opinione della forza e della stabilità del nostro governo.

Et dunque necessario che l'Europa sappia che il vostro baccio non cesserà di sostener ci fin chè viseranno per noi rischi et pericoli; che la confidenza che riponiamo in V. M. non ha verum li mite e che voi avete sopra gli italiani tutta l'autorità bastevole per dar loro un governo potente ad un tempo tranquillo, e degno del grand' animo vostro e della vostra gloria.

La deputazione italiana in Parigi vi ha diretti i suoi voti a questo intendimento, supplicandovi di accettare lo scettro italiano, e di circondarvi di tutta la forza e di tutto lo splendore che si richicggono per sostenerlo. Voi avete aderito alle sue preghiere et quando ne ricusaste alcuna che tendesse alla nostra felicità? Ora la nostra sorte è al dissopra di tutte le vicende.

Sire, noi abbiamo l'onore di precedere il popolo italiano nel manifestarvi i sentimenti della profonda nostra ricon noscenza. L'gloriosa e dolce cosa per noi di poterveli offerire in questo ecelso consesso dí pradi, il consiglio de' quali ci precorce nel' esempio luminoso che ora seguiamo, ed in mezzo del popolo francese che vi debbe la sua prosperità, è tanta parte della gloria ond'è rivestito.

Sire, noi sospiravamo questo momento, quando le circostanze sembrevano allontanarlo. Noi siamo i secondi nella carriera; ma l'amore rispettoso che ne stringe alla sacra vostra persona non teme di verum confrouto ma noi non ci lascieremo superare giammai nella sommessione e nella fedeltà che veniamo a guirarvi.

Le grand maître a appelé ensuite les autres membres de la consulte; savoir: MM. Marescalchi,

Caprara, Fenaroli, Costabili,

Et Guicciardi, qui ont prêté serment. Enfin, il a appelé au serment les députés ita liens dont les noms suivent :

MM. Guastavillani, conseiller de législation; Lambertenghi, conseiller de législation; Carlotti, conseiller de législation; Dabrowsky, général de division; Rangone, orateur au Corps législatif; Calepio, du Corps législatif;

Litta, du collége électoral des propriétaires; Fé, du collège électoral des propriétaires; Alessandri, du collège électoral des proprié taires;

Salimbeni, général de brigade, et du collège électoral des savants;

Appiani, du collége électoral des savants; Busti, du collége électoral des commerçants; Guilini, du collège électoral des commerçants; Negri, commissaire du gouvernement près du tribunal de cassation;

Sopranzi, président du tribunal de révision à Milan;

Et Voldrighi, président du tribunal de révision à Bologne.

Chacun de ces députés s'est approché du trône et a successivement prété serment.

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Le serment prêté, l'Empereur a parlé en ces

termes :

Sénateurs, nous avons voulu, dans cette circonstance, nous rendre au milieu de vous, pour vous faire connaître, sur un des objets les plus importants de l'Etat, notre pensée tout entière.

La force et la puissance de l'Empire français sont surpassées par la modération qui préside à toutes nos transactions politiques.

Nous avons acquis la Hollande, les trois quarts de l'Allemagne, la Suisse, l'Italie toute entière. Nous avons été modérés au milieu de la plus grande prospérité. De tant de provinces, nous n'avons gardé que ce qui était nécessaire pour nous maintenir au même point de considération et de puissance où a toujours été la France. Le partage de la Pologne, les provinces soustraites à la Turquie, les conquétes des Indes et de presque toutes les colonies, avaient rompu à notre détriment l'équilibre général.

Tout ce que nous avons jugé inutile pour le rétablir, nous l'avons rendu, et par là nous avons agi conformément au principe qui nous a constamment dirigé, de ne jamais prendre les armes pour de vains projets de grandeur, ni par l'appât des conquêtes.

nous ne

L'Allemagne a été évacuée; ses provinces ont été restituées aux descendants de tant d'illustres maisons, qui étaient perdues pour toujours, si leur eussions accordé une généreuse protection. Nous les avons relevées et raffermies, et les princes d'Allemagne ont aujourd'hui plus d'éclat et de splendeur que n'en ont jamais eu leurs ancêtres.

L'Autriche elle-même, après deux guerres malheureuses, a obtenu l'État de Venise; dans tous les temps elle eut échangé de gré à gré Venise contre les provinces qu'elle a perdues.

A peine conquise, la Hollande a été déclarée indépendante. La réunion à notre Empire eût été le complément de notre système commercial, puisque les plus grandes rivières de la moitié de notre territoire débouchent en Hollande; cependant la Hollande est indépendante, et ses douanes, son commerce, et son administration, se régissent au gré de son gouvernement.

La Suisse était occupée par nos armées, nous l'avions défendue contre les forces combinées de l'Europe. Sa réunion eût complété notre frontière militaire. Toutefois la Suisse se gouverne par l'acte de médiation, au gré de ses dix-neuf cantons, indépendante et libre.

La réunion du territoire de la République italienne à l'Empire français eût été utile au développement de notre agriculture; cependant après la seconde conquête, nous avons à Lyon confirmé son indépendance: nous faisons plus aujourd'hui, nous proclamons_le_principe de la séparation des couronnes de France et d'Italie, en assignant pour l'époque de cette séparation, l'instant où elle devient possible et sans danger pour nos peuples d'Italie.

Nous avons accepté, et nous placerons sur notre tête cette couronne de fer des anciens Lombards, pour la retremper, pour la raffermir, et pour qu'elle ne soit point brisée au milieu des lempêtes qui la menaceront, tant que la Méditerranée ne sera pas rentrée dans son état habituel.

Mais nous n'hésitons pas à déclarer que nous transmettrons cette couronne à un de nos enfants légitimes, soit naturel, soit adoptif, le jour où nous serons sans alarnies, sur l'indépendance que Dous avons garantic des autres Etats de la Méditerranée.

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Le génie du mal cherchera en vain des prétextes pour remettre le continent en guerre; ce qui a été réuni à notre Empire par les lois constitutionnelles de l'Etat y resterà réuni. Aucune nouvelle province n'y sera incorporée, mais les lois de la République batave, l'acte de médiation des dix-neuf cantons suisses, et ce premier statut du royaume d'Italie, seront constamment sous la protection de notre couronne, et nous ne souffrirons jamais qu'il y soit porté atteinte.

Dans toutes les circonstances et dans toutes les transactions, nous montrerons la même modération, et nous espérons que notre peuple n'aura plus besoin de déployer ce courage et cette énergie qu'il a toujours montrés pour défendre ses légitimes droits.

S. M. s'est ensuite levée, est descendue du trône, et s'est rendue aux Tuileries, où elle a successivement reçu les félicitations des princes, des ministres et des grands officiers.

Les membres de la consulte d'État, et des députations des corps et autorités du royaume d'Italie, ayant alors été introduits, S. M. leur a donné une audience qui a duré plus d'une heure, et pendant laquelle elle les a entretenus des différents intérêts de leur patrie.

SENAT CONSERVATEUR.

PRÉSIDENCE DE M. FRANÇOIS (DE NEUFCHATEAU). Séance du 2 germinal an XIII (samedi 23 mars 1805).

M. Lacepède fait un rapport au nom de la commission spéciale nommée dans la séance du 28 ventôse, et composée des sénateurs Barthélemi, Cacault, Démeunier, François (de Neuchâteau) et Lacépède.

Messieurs, vous avez renvoyé à votre commission spéciale les actes et le rapport dont vous avez entendu la lecture, dans la séance mémorable où S. M. Impériale et Royale a bien voulu venir parmi vous, pour vous faire connaitre sa pensée toute entière sur un des objets les plus importants de l'Etat. Telles sont, sénateurs, les propres expressions du discours de S. M. L'EMPEREUR et Roi.

Seules elles montreraient combien est grand et élevé l'objet dont votre commission va vous entretenir.

L'EMPEREUR Vous a annoncé lui-même qu'il avait accepté la couronne d'Italie.

Quel grand événement pour le monde et pour la postérité !

Qu'il inspire de vastes pensées et de sentiments profonds!

Quel spectacle que celui du héros des Français, fixant le destin de l'Italie!

La voix de vingt peuples de cette Italie deux fois sauvée par L'EMPEREUR s'est fait entendre autour de lui. Leurs représentants ont paru devant son trône. Ils ont réclamé la permanence pour leurs institutions, et la garantie de leur bonheur pour leurs descendants.

Eclairés par l'expérience des siècles et par les heureux effets du gouvernement de NAPOLEON, ils ont demandé pour eux l'appui de L'EMPEREUR, et pour leurs neveux, celui d'une monarchie constitutionnelle et héréditaire.

Ils ont désiré que ce double lien retînt à jamais dans le sein d'une partie commune des Etats rendus pendant longtemps trop étrangers les uns aux autres, et par la diversité de leurs territoires et par la différence de leurs habitudes.

Ils ont montré tous les dangers dont ce double bienfait pouvait seul les préserver.

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