Page images
PDF
EPUB

Universités de l'Etat sont ouvertes toute l'année, dimanches et jours de fête exceptés. Pendant les vacances légales, les bibliothèques sont fermées en France. Elles ouvrent, en Belgique, de 9 heures du matin à midi et demi, sauf les lundis et depuis le jeudi qui précède la fête de Pâques jusqu'au mercredi qui la suit inclusivement. Dans la période scolaire, elles sont ouvertes, à Gand, de 9 heures à 1 heure, de 3 heures à 7 heures; à Liège, sans interruption, de 8 heures du matin à 6 heures du soir, sauf pour le cabinet des périodiques qui n'ouvre qu'à 9 heures.

Le prêt est organisé à peu près dans les mêmes conditions qu'en France. Chaque Faculté communique à l'administrateur, au début de l'année scolaire, une note des ouvrages dont elle juge nécessaire et convenable de faire l'acquisition. L'administrateur arrête la liste; le bibliothécaire qui, de son côté, peut faire des propositions à l'administrateur, est chargé des achats et, chaque trimestre, adresse aux Facultés un relevé des ouvrages achetés pour chacune d'elles. Chaque Faculté, à Liège, délègue un de ses membres en qualité de commissaire pour les affaires de la bibliothèque. La salle des périodiques y reçoit, aussitôt après leur entrée, les revues et les publications; les revues y restent au moins un mois; les journaux, pendant huit jours avant de rentrer à la bibliothèque et d'être soumis aux prescriptions du règlement général.

Toutes ces dispositions sont excellentes et pourraient être examinées utilement par ceux qui s'occupent de nos bibliothèques universitaires. Il en est de même de celle qui a pour objet d'autoriser le conservateur de la bibliothèque royale à délivrer les doubles qui manquent aux bibliothécaires de Liège ou de Gand et inversement de mettre à la bibliothèque royale les doubles qui lui manquent et qui sont à Gand ou à Liège.

Conseil de perfectionnement de l'enseignement supérieur. Ce conseil comprend huit professeurs, un par Faculté, de Gand et de Liège. un professeur de la Faculté technique de Liège, un professeur de l'Ecole spéciale du génie civil et des arts et manufactures de Gand, les recteurs et les administrateurs des deux Universités, d'autres personnes choisies en dehors du corps enseignant. Le secrétaire général du ministère de l'intérieur et de l'instruction publique, le directeur général de l'enseignement supérieur y siègent avec voix consultative.

Le ministre le préside et désigne celui des membres qui doit le suppléer, comme le secrétaire chargé de rédiger les procès-verbaux des séances. Les dix professeurs sont nommés pour quatre ans et

renouvelés par moitié. Les autres membres, à moins qu'ils n'aient été nommés pour un espace de temps déterminé, ou qu'ils ne soient révoqués, exercent leurs fonctions sans interruption.

Le conseil se réunit au moins une fois chaque année, en général à la fin de décembre Il délibère sur les améliorations à introduire dans l'enseignement supérieur, sur les questions importantes pour la prospérité des études universitaires. Il est consulté sur toute division des cours établis par la loi, et, si le ministre le réclame, donne son avis sur les nominations de professeurs et d'agrégés. Chacun de ses membres peut, de son côté, appeler l'attention sur tout objet qui rentre dans sa compétence, prendre l'initiative d'une proposition à soumettre au gouvernement ou d'un vou à lui exprimer. C'est le conseil qui décide, en ce cas, s'il y a lieu de s'en occuper et qui fixe l'époque de la délibération.

Les membres du conseil qui sont obligés de se déplacer reçoivent des indemnités de route et de séjour, un franc par lieue de 5 kilomètres sur les chemins de fer, 2 francs sur les routes ordinaires, 20 francs par nuit de séjour.

Le conseil fonctionne depuis 1853.

Nous examinerons, dans un prochain article, les statuts organiques de l'Université catholique de Louvain et de l'Université libre de Bruxelles.

FRANÇOIS PICavet.

UN ANCIEN RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE PARIS

ADOLPHE MOURIER (1)

Adolphe Mourier naquit le 21 juin 1807 à Angoulême: son père... perruquier, était un homme intelligent, qui ambitionna pour ses fils les bienfaits d'une éducation libérale. En 1821, Adolphe Mourier était au nombre des boursiers communaux qui suivaient comme externes les cours du collège. En 1825, il était élève de rhétorique et remportait le prix d'honneur; l'année suivante, il obtenait le même prix en philosophie ; et c'est en mémoire de ce double succès que, par une clause de son testament, il a institué deux prix, consistant en une médaille d'or et des livres, à décerner aux deux premiers lauréats de rhétorique et de philosophie...

Ses classes terminées, Mourier ne quitta pas le collège communal. A la rentrée de 1826, il devint maître d'études et eut à surveiller des élèves qui avaient été ses camarades. Il sut employer les loisirs que lui laissaient ses fonctions. A ce moment même, l'Ecole normale, fermée depuis quatre ans, se rouvrait sous le nom d'Ecole préparatoire qu'elle devait garder jusqu'à la fin de la Restauration. Mourier forma le projet de s'y présenter et trouva le moyen de le réaliser : il fit partie de la promotion de 1827.

-

Pendant deux ans c'était alors la durée du séjour à l'Ecole normale il vécut dans cette atmosphère intellectuelle qu'on ne trouve qu'à Paris... A l'École, il travaillait sous la direction de maîtres savants dont l'un conquit son admiration et son affection: c'était Michelet avec qui il garda toujours des relations amicales. A la Sorbonne, où il était obligé d'assister aux cours des professeurs de la Faculté des lettres de Paris, et où les normaliens jouissaient du privilège d'avoir leur place marquée au premier banc, il put voir des auditoires de deux à trois mille personnes se presser devant la chaire où enseignaient Villemain, Cousin et Guizot. On comprend facilement quel enthousiasme ces voix éloquentes devaient exciter dans des cœurs de vingt ans. « On nous eut bien étonnés, dit Mourier dans ses Souvenirs, en venant nous parler du bien-être pour l'opposer aux biens de l'esprit ; nous ignorions le taux des traitements qui nous attendaient en province, sous les formes distinctes de fixe et

(1) Extraits d'un discours prononcé à la distribution des prix du lycée d'Angoulême.

d'éventuel; toute l'ambition alors était de rentrer un jour dans Paris, foyer des études, après un long et laborieux pèlerinage. L'apre scuci du gain, ou l'ambition prématurée des situations en vue, des postes supérieurs, hantaient peu ces jeunes esprits ».

D'ailleurs, il ne faudrait pas croire que cette jeunesse ignorât ou méprisât la vieille gaieté française. Je puis bien citer ici, devant nos espiègles écoliers qu'elle ne scandalisera pas, une anecdote que Mourier, plus de cinquante ans après, racontait en ces termes :

L'inspection de M. Ampère nous était annoncée. La section scientifique, qui allait être examinée, projeta de donner pleine satisfaction au savant qui aimait tant la science chez les élèves. Le plus mathématicien de la promotion se faisait fort de répondre pour tous ses camarades, sans que l'illustre distrait s'aperçût qu'il était toujours en présence du même élève. Il suffisait, à chaque nouvel appel, de changer un peu les inflexions de la voix. Ampère ne voyait pas l'élève, les traits lui importaient peu ; il sui-. vait et admirait cet esprit si libre et si à l'aise au milieu des problèmes ; parfois il confondait son mouchoir et le linge blanc du tableau, et se maculait de craie. On voit d'ici les sourires sur les lèvres et dans les yeux du jeune auditoire. Inutile d'ajouter que toute la section fut parfaitement notée; M. Ampère la félicita et s'étonna de n'avoir pu trouver chez aucun un moment de faiblesse. - Rien que d'innocent dans ce tour de Scapin. L'Ecole au fond était respectueuse de la gloire d'Ampère ; c'était pour elle une expérience, une manière de savoir ce que pouvait avoir de vrai sur les distractions du savant la legende qui le montrait inscrivant des chiffres derrière un fiacre, et courant ensuite après le char qui les emportait ».

Mourier quitta l'Ecole en 1829 avec le grade de licencié ès-lettres, le cours normal des études ne comportant pas alors la préparation à l'agrègation. Il revint à Angoulême, et il rentra dans son vieux collège en qualité de régent de seconde. Il occupa pendant deux ans la chaire où je le compte au nombre de mes prédécesseurs. Mourier n'a pas consigné ce détail dans ses Souvenirs, et l'auteur de la notice nécrologique qui lui est consacrée dans l'Annuaire de l'Association amicale des anciens élèves de l'École normale supérieure, a commis une erreur en le faisant arriver au collège d'Angoulême avec le titre de professeur de philosophie.

A cette époque, nous apprennent les auteurs d'une excellente histoire du collège et du lycée d'Angoulême dont je prends la liberté de vous recommander la lecture (1), il n'y avait pas ou plutôt n'y avait plus de chaire spéciale de philosophie au collège. De 1819 à 1823, il y avait bien eu un professeur de philosophie qui, suivant la règle du temps, appartenait au clergé et qui enseignait en latin les principes de la philosophie scolastique; mais, depuis lors, c'était le professeur d'histoire qui avait reçu mission de donner, et dans les mêmes conditions, l'enseignement philosophique. En 1831, on rétablit la chaire, on réorganisa la classe de philosophie où désormais le cours devait se faire en français, et où la dissertation

(1) Histoire du Collège et du Lycée d'Angoulême (1516-1895). - Etude sur l'instruction secondaire en Angoumois depuis le XVI siècle juqu'à nos jours, par MM. P. Boissonnade, ancien professeur au lycée d'Angoulême, maître de conférences à la Faculté des lettres de Poitiers et J. Bernard, économe du lycée d'Angoulême. Cet ouvrage, qui forme un volume in-8° de 472 pages, a été publié en 1895 chez les libraires Coquemard et Trillaud. Voir pages 347-348, (411 et 430).

française prit place à côté de la dissertation latine. Le lauréat de 1826 échangea son titre de régent de seconde contre celui de régent de philosophie, et commença à « développer avec éclat les doctrines alors nouvelles de la philosophie spiritualiste des Jouffroy et des Cousin », dont il avait à Paris suivi les leçons. Il avait alors vingt-quatre ans.

Heureux de vivre au milien des siens, surveillant les études de son frère de huit ans plus jeune que lui, exerçant son activité au dehors comme au dedans du collège, notre philosophe ne songea à l'agrégation qu'au moment où le titre d'agrégé lui parut nécessaire pour rester en sécurité dans sa chaire, c'est-à-dire lorsqu'une ordonnance royale du 6 octobre 1840 érigea le collège communal en collège royal. Le succès qu'il obtint au concours de l'année suivante, en se plaçant au premier rang, eut un résultat contraire à celui qu'il avait cherché. Le président du concours, Jouffroy, lui ayant demandé, nous dit-il, d'aller représenter la philosophie spiritualiste dans son pays, au collège royal de Besançon, il s'inclina devant ce désir et partit pour la capitale de la Franche-Comté. Son obeisance fut récompensée il ne resta qu'un an dans l'exil qu'il avait accepté, et où des lettres de Michelet venaient le consoler.

Vous pensez bien, Messieurs, que Mourier ne s'était pas éloigné sans regrets de sa ville natale. Une phrase de ses Souvenirs, dans laquelle il a exprimé ces regrets, nous apprend comment il avait employé son temps durant les douze années qui venaient de s'écouler. « On pouvait, dit-il, sincèrement regretter, tout en faisant résolument le devoir, les occupations qui remplissaient l'existence; d'une part, les obligations de la classe, les communications de chaque jour avec un jeune auditoire qui s'inspirait, sans effort, de tous les sentiments généreux ; de l'autre, les relations les meilleures pour l'esprit et le cœur, des rapports par la presse avec l'opinion du dehors, et, de ce côté, les intérêts qui assuraient ultérieurement la fortune »>.

La fin de cette phrase semble indiquer que Mourier caressait alors le rêve de devenir un journaliste influent. Je regrette, Messieurs, que les bornes imposées à ce discours ne me permettent pas de vous donner des détails sur le rôle de ce professeur dans la presse locale; mais je tiens à rappeler qu'il fut un de ceux qui, après la promulgation de la loi de 1833, plaidèrent le plus chaleureusement la cause de l'enseignement primaire, et je dirai en passant que c'est peut-être à lui que les inspecteurs primaires doivent leur existence.

Vous venez d'entendre l'éloge qu'il décernait à ses élèves d'une façon générale. Certains, par leurs talents et par l'affection particulière qu'ils lui portaient, ont mérité une mention dans les Souvenirs de leur maître et leurs noms ne vous sont pas indifférents : ils s'appelaient Jean-Baptiste Hillairet, Paul Abadie, Albéric Second, Edmond Texier, Pierre MathieuBodet.

Vous avez entendu aussi comment il parle de ses relations et de ses amitiés il suffit de citer des noms comme ceux de Firmin Laferrière, de Gaudichaud-Beaupré, de Bouillaud et d'Eusèbe Castaigne, qui sont ici des noms célèbres. C'est avec des hommes de ce mérite que Mourier aimait à s'entretenir du progrès des sciences, de la rénovation des lettres et des arts, de toutes les questions qui passionnaient les esprits éclairés et libéraux; c'est avec eux aussi qu'il aimait à évoquer le passé de l'Angoumois et à explorer le champ, couvert de ruines, de l'histoire provinciale. Je n'ai

« PreviousContinue »