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elle être terminée au bout d'une demi-heure, surtout si l'on a soin d'aider la réaction au moyen de la chaleur.

Ce dernier procédé, fondé sur la neutralisation partielle de l'acide sulfurique qu'on examine, cst plus sensible et surtout plus expéditif que le précédent; cela se conçoit d'ailleurs, car l'acide fluorhydrique que, dans cette circonstance, rien n'enchaîne plus à l'acide sulfurique, est dégagé en très-peu de temps comme il le serait d'un fluorure.

Quand on fait cette expérience avec de l'acide sulfurique ordinaire et un peu de craie, de coquilles d'huitres calcinées ou un minéral capable de neutraliser une partic de l'acide, le résultat est de nature à faire croire à la présence d'une grande quantité de fluorure dans ces calcaires alors qu'ils n'en contiennent pas en proportion appréciable; aussi les chimistes et les minéralogistes qui ont appliqué cette méthode à la recherche du fluor ontils dù, en se servant d'acide sulfurique ordinaire, admettre d'après leurs résultats, de notables proportions de fluor dans les minéraux examinés. S'ils voulaient refaire leurs expériences en se plaçant dans les conditions que j'indique, ils ne manqueraient pas de reconnaitre que les conclusions qu'ils avaient tirées de leurs recherches sont entachées d'erreur causée, tant par le procédé lui-même que par l'acide sulfurique employé.

SUR LA MANIÈRE D'AGIR

DU

SUC GASTRIQUE,

PAR M. BLONDLOT.

Dans les différents travaux que j'ai successivement publiés sur la digestion, je me suis attaché à prouver que le suc gastrique se borne à faire subir aux matières protéiques ou albuminoïdes un simple ramollissement qui leur permet de se diviser par l'effet des agents mécaniques les moins énergiques. Aujourd'hui, je me propose de faire connaitre un fait aussi simple que remarquable, qui pourrait jeter quelque jour sur la modification chimique sous l'influence de laquelle ces matières perdent ainsi une partie de leur cohésion.

On sait que si le sue gastrique est constamment acide, cette acidité est très-faible (1), et que, sans l'espèce de ferment auquel cc fluide est redevable de sa vertu spécifique, son principe acide, quelle qu'en soit, du reste. la nature, resterait complétement inerte en présence des matières azotées qui font partie des aliments. Toutefois,

(1) J'ai constaté que, pour neutraliser 10 centimètres cubes de suc gastrique, il suffit de 2 à 3 centigrammes de soude caustique.

j'ai pensé qu'il pouvait être intéressant, à un autre point de vue, d'examiner l'action que produiraient sur ces matières des acides beaucoup plus concentrés.

A cet effet, j'introduisis différentes de ces substances, telles que de la viande cuite ou crue, plusieurs tissus organiques, de l'albumine durcie par la chaleur, etc., dans des tubes fermés par un bout, avec de l'eau aiguisée d'un dixième environ d'acide sulfurique ordinaire, en ayant la précaution d'agiter de temps à autre; or, je remarquai, non sans étonnement, que sous l'influence d'une température de 40 degrés, au bout de vingt à vingt-quatre heures, ces substances qui, du reste, n'avaient pas changé d'aspect, et n'avaient absorbé ou exhalé aucun gaz, avaient subi un ramollissement tel que, par l'agitation avec une baguette de verre, elles se convertissaient en une espèce de bouillie d'apparence homogène, absolument semblable à celle que l'on obtient au moyen du suc gastrique. Je répétai cette expérience un grand nombre de fois, en variant la matière organique sur laquelle j'agissais, et toujours j'obtins des résultats sensiblement identiques. Différentes substances gélatineuses, notamment de la colle de poisson, placées dans les mêmes conditions, perdirent aussi la propriété de se prendre en gelée par le refroidissement, absolument comme elles la perdent dans le fluide digestif.

Au surplus, l'expérience m'a démontré que l'acide sulfurique n'est pas le seul qui produise les effets que je viens de mentionner, tant sur les matières protéiques

proprement dites que sur la gélatine; j'ai constaté que les autres acides inorganiques les produisaient aussi, mais avec moins d'énergie. Quant aux acides organiques, aucun ne ramollit sensiblement les matières albuminoïdes, du moins à la température de 40 degrés et au-dessous; mais si l'on chauffe davantage, ils finissent aussi, pour la plupart, par amener un ramollissement semblable. Du reste, quel que soit l'acide mis en usage, la matière conserve toutes ses apparences extérieures, et, recouverte du liquide qui a agi sur elle, peut se conserver fort longtemps exempte d'altérations ou de modifications

ultérieures.

Ces faits sont assurément d'une grande simplicité; mais, tout simples qu'ils sont, ils me semblent d'une certaine valeur par les conséquences que l'on peut en déduire.

En effet, ils démontrent l'exactitude d'un rapprochement déjà indiqué depuis longtemps par M. Dumas (1), entre le ferment gastrique (gastérase de certains auteurs) et la diastase proprement dite, en ce sens que l'action spéciale déployée par chacun de ces ferments peut aussi être produite artificiellement par des agents chimiques identiques, à savoir les acides étendus.

Or, comme la molécule amylacée ne fait que s'approprier les éléments de l'eau, lorsque l'on fait agir sur elle soit les acides, soit la diastase, l'induction la plus

(1) Traité de chimie, T. VI, p. 380.

légitime conduit, ce me semble, à admettre que la molécule protéique qui subit les mêmes influences ne fait aussi que s'hydrater seulement, de part et d'autre, le résultat de cette hydratation est loin d'être identique, puisque la fixation de l'eau sur l'amidon a pour effet une véritable métamorphose, par suite de laquelle il se convertit en sucre; tandis que l'introduction de l'eau dans la molécule protéique se borne à une simple diminution de cohésion.

A l'appui de cette théorie, qui fait jouer à l'eau d'hydratation un rôle si important dans la digestion, je ferai encore valoir une remarque que j'ai eu occasion de faire c'est que si l'on dessèche préalablement à 100 degrés les matières sur lesquelles on veut faire agir artificiellement soit le suc gastrique pur, soit les acides étendus, à la température de 40 degrés, elles se montrent complétement réfractaires et n'éprouvent d'autre ramollissement que celui qu'elles éprouveraient dans de l'eau simple; comme si un certain degré d'hydratation naturelle, si je puis m'exprimer ainsi, était indispensable pour que la matière albuminoïde puisse se combiner au surcroit d'eau qui en opère le ramollissement; de même qu'il arrive à certains produits inorganiques qui, une fois complétement privés d'eau, ne peuvent plus en reprendre que très-difficilement.

En résumé, si ces idées sont justes, comme je me le persuade, le principe organique qui caractérise le sue gastrique serait done une espèce particulière de diastase

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