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conflits sont soumis à la réélection tous les trois ans, et indéfiniment rééligibles. - Ils choisissent leur président au scrutin secret et à la majorité absolue des voix. »>

M. le président. M. Gaslonde propose de remplacer l'article 25 par la disposition sui

vante :

« Les conflits d'attributions entre l'autorité administrative et l'autorité judiciaire sont réglés par un tribunal spécial, composé de quatre membres de la cour de cassation et de quatre conseillers d'Etat, désignés tous les trois ans par leurs corps respectifs,

« Ce tribunal est présidé par le ministre de la justice.

M. Gaslonde. Sila commission combat mon amendement, il vaut mieux que je réponde aux attaques dont il sera l'objet.

M. le rapporteur. C'est vous qui attaquez le projet de la commission; développez d'abord votre amendement.

M. le président. Justifiez votre amendement.

M. Gaslonde. Messieurs, je ne vous propose pas une innovation, mais un retour à l'ancien état de choses. Dans la Constitution de 1848 et dans la loi organique de 1849, on avait institué un tribunal des conflits. Je fais appel aux ancienes conseillers d'Etat sortis de l'élection de l'Assemblée en 1849, et dont plusieurs siégent aujourd'hui sur ces bancs; aucune institution n'a mieux fonctionné que le tribunal des conflits.

M. Gambetta. Et moins fonctionné!

M. Gaslonde. On peut dire que ce tribunal a laissé les meilleurs et les plus durables souvenirs par ses lumières et par son indépendance.

D'après la loi organique de 1849, ce tribunal était composé en nombre égal de conseillers d'Etat et de membres de la cour de cassation, et la présidence en était attribuée au garde des

sceaux.

Je regrette que la commission vous ait proposé une innovation que, pour mon compte, je regarde comme périlleuse. Cette innovation consiste, d'une part, à diminuer le nombre des conseillers d'Etat et des membres de la cour de cassation, et, d'autre part, à ajouter pour la composition du tribunal des conflits trois membres élus par l'Assemblée nationale.

Je ne dirai pas ici que la mémoire de Montesquieu en sera offensée, non, c'est trop grave. Mais enfin, je n'aime pas cette importation directe de l'élément législatif dans un tribunal judiciaire. (Mouvements divers.)

Permettez, je n'entends pas dire que la nomination des magistrats soit, de la part du pouvoir exécutif, une entreprise sur le judiciaire, pas plus que la nomination par l'Assemblée des conseillers d'Etat ne constitue un empiétement du législatif sur l'exécutif. Tout cela serait de l'exagération. Mais je dis qu'il n'est pas bon que trois membres de l'Assemblée, siégeant au milieu de vous et participant aux impressions politiques de cette Assemblée, pénètrent dans le sanctuaire de la justice, et dans son sanctuaire le plus élevé, dans ce tribunal qui fera le départ entre l'ordre judiciaire et l'ordre administratif proprement dit.

Je comprends que vous soyez appelés à élire parmi vos collègues des membres des commis

sions chargés d'exercer un contrôle administratif ou financier. Il y a des commissions dans lesquelles, à juste titre, on fait entrer des membres de cette Assemblée, lesquels s'inspirent de votre esprit, de vos tendances, et qui impriment une certaine direction à la marche des grands services qu'ils sont appelés à contrôler. Mais je crois que c'est aller trop loin, et que c'est fausser l'intervention de l'Assemblée que de faire entrer trois de ses membres dans le tribunal des conflits. (Réclamations.)

Un membre. Ils ne seront pas choisis dans l'Assemblée !

M. Gaslonde. S'ils ne sont pas pris dans votre sein, il y aura moins d'inconvénients, sans doute, mais il y en aura encore. Je suis contraire, je le répète, à l'intervention directe de l'Assemblée dans la composition d'un corps absolument judiciaire.

Maintenant, messieurs, une des plus heureuses pensées des auteurs de la Constitution de 1848, et de la loi organique de 1849, avait été de confier la présidence de ce grand tribunal des conflits au garde des sceaux, et vous allez comprendre pourquoi.

Le garde des sceaux est le chef de la justice administrative et le chef de la justice civile, il est le trait d'union indiqué entre ces deux justices, il est membre du Gouvernement, et à ce titre, qui mieux que lui pourrait s'inspirer des nécessités administratives? D'un autre côté, il est placé à la tête de la magistrature, et plus que personne il doit s'opposer à tout empiétement illégitime sur les attributions judiciaires.

Je trouve donc que la présidence du garde des sceaux avait été admirablement combinée avec les éléments du tribunal des conflits et que ce tribunal, tel que l'avait institué l'Assemblée nationale de 1849, répondait à toutes' les exigences et rassurait tous les intérêts.

Je demande à l'Assemblée de revenir purement et simplement à la combinaison de 1849. (Très-bien sur plusieurs bancs.)

M. Antonin Lefèvre-Pontalis. Je demande la parole.

M. le président. La parole est à M. LefèvrePontalis.

M. Antonin Lefèvre-Pontalis. Messieurs, avec l'amendement de M. Gaslonde, l'organisation du tribunal des conflits, telle qu'elle est proposée par la commission, serait viciée dans son principe, et je vous demande de ne pas y laisser porter atteinte.

Qu'est-ce que le conflit? Pour ne pas reproduire ici des formules d'école, le conflit c'est le litige entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, entre la justice administrative et la justice ordinaire, entre les droits des particuliers protégés par la justice ordinaire et les intérêts de l'Etat protégés par la justice administrative. (C'est cela!)

Eh bien, dans ces circonstances, il est de toute équité que la justice ordinaire soit représentée par ses délégués, qui sont les conseillers à la cour de cassation, et que la justice administrative ait également ses représentants qui sont les conseillers d'Etat. Sur cette question nous sommes d'accord; nous ne voulons plus que le conseil d'Etat seul reste saisi, au moyen des conflits, du droit de fixer, d'étendre lui-même sa juridiction, qu'il soit ainsi

juge et partie et qu'il justice ordinaire des très-bien!)

puisse faire la loi à la tribunaux. (Très-bien!

Il s'agit seulement de savoir qui départagera les délégués de la justice ordinaire et les délégués de la justice administrative. Si c'était le garde des sceaux, comme vient de le proposer tout à l'heure M. Gaslonde, j'avoue que j'aimerais mieux que le conseil d'Etat restat seul le juge des conflits, parce que au moins le conseil d'Etat délibère hors la présence du garde des sceaux.

Avec l'amendement de M. Gaslonde, en prévoyant que les délégués de la justice ordinaire, c'est-à-dire les conseillers à la cour de cassation, et les délégués de la justice administrative, c'est-à-dire les conseillers d'Etat, seront souvent tentés de céder, de part et d'autre, à l'esprit de corps, c'est la volonté du garde des Sceaux qui fera la majorité, et c'est le garde des sceaux qui deviendra le juge des conflits. -Or, qui soulève les conflits? D'après les lois qui nous régissent, c'est le préfet. Qu'est-ce que le préfet? C'est le représentant du ministre de l'intérieur. D'autre part, qu'est-ce qu'un garde des sceaux ? Dans un gouvernement parlementaire, - les uns déclarent que nous en avons la réalité, les autres prétendent, il est vrai, que nous en avons seulement l'espérance (Sourires et rumeurs), dans un gouvernement parlementaire, le garde des sceaux, ministre de la justice, c'est le collègue du ministre de l'inérieur. (Mais oui! c'est évident!)

Or, dans un gouvernement qui est un gouvernement de cabinet, comme le disait il y a quelques jours M. Duvergier de Hauranne, en se référant peut-être aux traditions paternelles, comment supposer que M. le garde des sceaux oublie qu'il est le collègue de M. le ministre de l'intérieur et se résigne à lui donner tort en la personne de ses préfets? (C'est vrai! sur divers bancs.)

D'ailleurs, le conflit il ne faut pas l'oublier, et c'est surtout à ce point de vue que nous devons nous placer le conflit peut avoir un intérêt politique, car nous vivons dans un temps bien mobile où les partis peuvent se succéder l'un à l'autre au pouvoir et y exercer leurs violences: eh bien, si le conflit a un intérêt politique, s'il vient jamais à rappeler l'odieux conflit de 1852 qui avait fait rentrer la confiscation dans nos lois (Très-bien! trèsbien!), et qui a laissé de si tristes souvenirs dans les annales du conseil d'Etat, comment admettre que le garde des sceaux, hélas! M. le garde des sceaux d'aujourd'hui peut avoir d'indignes successeurs...

M. Gaslonde. Il n'y avait pas alors de tribunal des conflits!

com

M. Antonin Lefèvre-Pontalis. ment admettre que M. le garde des sceaux, en venant siéger dans un tribunal des conflits où il suffirait de sa présence pour départager la majorité, ne se donnerait pas la mission de faire prévaloir les volontés du Gouvernement sur les droits de la justice, et ne serait pas tenté de répéter cette déplorable phrase que nous devons maudire dans tous les temps: « Laissez passer la justice d'Etat », c'est-à-dire l'iniquité triomphante? (Très-bien! très-bien! sur divers bancs.)

Au contraire, si c'est le pouvoir législatif qui

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En effet, le pouvoir législatif, représenté par ses délégués, est désintéressé dans les conflits, d'abord parce que ce n'est pas le pouvoir législatif qui nomme les préfets, auxquels il appartient de soulever les conflits; ensuite parce que ce ne sont pas les actes du pouvoir législatif qui peuvent donner lieu à un conflit.

Dans ces circonstances, il me semble qu'il y a tout avantage à faire représenter dans le tribunal des conflits le pouvoir législatif par ses délégués. Le pouvoir législatif, tel qu'il est constitué aujourd'hui, pour moi c'est la nation, je ne reconnais pas la nation ailleurs. (Trèsbien très-bien! au centre.)

Eh bien, c'est donc au pouvoir législatif qu'il faut donner le dernier mot dans les conflits; c'est au pouvoir législatif qu'il faut attribuer, entre les délégués de la justice ordinaire et les délégués de la justice administrative, le rôle tutélaire et protecteur d'arbitre. (Très-bien! trèsbien! Aux voix!)

M. le rapporteur. La commission n'adopte pas l'amendement de M. Gaslonde.

Le motif qui a décidé la commission à vous proposer l'adjonction de ces trois membres départiteurs entre l'administration et la justice, c'est que le garde des sceaux, à cause de la nature politique de ses fonctions, introduirait dans la composition du tribunal un élément mobile, dont les changements pourraient trop fréquemment produire des variations de jurisprudence. Telle a été, indépendamment des raisons développées par l'honorable M. Lefèvre-Pontalis, la raison qui a décidé la commission à faire départager les conseillers d'Etat et les conseillers à la cour de cassation par trois personnes au choix de l'Assemblée nationale. Je pense, messieurs, qu'après le vote qui a été émis sur le mode de nomination des conseillers d'Etat, vous ne trouverez pas extraordinaire qu'on appelle également l'Assemblée nationale à désigner trois membres du tribunal des conflits.

M. Gambetta. Quelles sont ces personnes? M. le rapporteur. Je dois dire que plusieurs de nos honorables collègues ont été offensés de la rédaction qui est proposée et de cette expression : « de trois personnes désignées par l'Assemblée nationale. » Ils préfèrent, et nous nous empressons de leur donner satisfaction, la rédaction suivante : « de trois membres et deux suppléants désignés par l'Assemblée nationale. »

Quant à la question de savoir quelles sont les catégories dans lesquelles ces membres du tribunal seront choisis, il n'y a pas de conditions légales, et c'est l'Assemblée qui, dans la liberté de ses appréciations, les désignera parmi les jurisconsultes connus. (Mouvements divers. Aux voix !)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement de M. Gaslonde.

(L'amendement, mis aux voix, n'est pas adopté.)

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M. le président. Je mets aux voix l'article 25 avec la modification indiquée par M. le rapporteur.

(L'article 25, modifié, est mis aux voix et adopté.)

« Art. 26. Les ministres ont le droit de revendiquer devant le tribunal des conflits les affaires portées à la section du contentieux et qui n'appartiendraient pas au contentieux administratif. Toutefois ils ne peuvent se pourvoir devant cette juridiction qu'après que la section du contentieux a refusé de faire droit à la demande en revendication, qui doit lui être préalablement communiquée. »

(L'article 26 est mis aux voix et adopté.)

M. le président. M. Roger-Marvaise présente un article additionnel à intercaler entre les articles 26 et 27. En voici le texte :

« Lorsque, devant un tribunal de l'ordre judiciaire, il sera soutenu que la contestation ou une question préjudicielle est de la compétence de l'autorité administrative, et réciproquement, lorsque devant la juridiction administrative il sera soutenu que la contestation ou une question préjudicielle est de la compétence de la juridiction ordinaire, les parties pourront, tant que la question de compétence n'aura pas reçu une solution définitive, se pourvoir directement devant le tribunal des conflits, pour faire régler la compétence.

sera sursis devant les tribunaux judiciaires, en première instance ou en appel, à tout acte de procédure relatif à la question de compétence, à partir du jour de la notification de l'ordonnance de soit communiqué, faite au domicile ou à la personne des parties en cause ou à leurs avoués. »

La parole est à M. Roger-Marvaise.

M. Roger-Marvaise. L'amendement que nous avons l'honneur de soumettre à l'Assemblée a pour but d'apporter une grande simplification dans la procédure à suivre pour arriver à la solution des questions contentieuses administratives et judiciaires. Dans l'état de choses actuel, avec notre organisation judiciaire, avec le projet de loi sur lequel l'Assemblée délibère en ce moment, que peut-il arriver?

Une question contentieuse administrative est soulevée devant un tribunal judiciaire soit par les parties, soit d'office, par les juges ou par le ministère public.

Cette question de compétence administrative sera débattue successivement en première instance et en appel,— or, l'appel est suspensifdevant la cour de cassation et quelquefois devant une cour de renvoi.

De là un retard considérable apporté dans la solution du procès porté devant le tribunal judiciaire; de là aussi des frais considérables. Ce retard apporté à la solution du procès, ces frais considérables vont-ils nécessairement amener un résultat définitif pour les parties sur la question de compétence? Non, messieurs, car après avoir plaidé pendant plusieurs années, il est possible que l'autorité judiciaire rende un arrêt d'incompétence sur la question qui est portée devant elle.

Que feront alors les parties?

Les parties, en présence de cet arrêt d'incompétence rendu par l'autorité judiciaire, s'adresseront à la juridiction administrative; mais, comme la juridiction administrative n'est

pas liée par la décision sur la compétence émanée de l'autorité judiciaire, il peut arriver, il arrive souvent qu'elle se déclare, à son tour, incompétente.

Les parties auront ainsi plaidé en première instance devant le conseil de préfecture, et en appel devant le conseil d'Etat, et après avoir plaidé de nouveau devant le conseil de préfecture et devant le conseil d'Etat, elles seront dans la nécessité de s'adresser au tribunal des conflits pour faire vider le conflit négatif. Ainsi les parties auront, je le répète, plaidé pendant plusieurs années, et c'est alors, alors seulement, qu'elles pourront s'adresser au tribunal des conflits.

Et pourquoi ces retards considérables apportés à la solution du procès? Pourquoi ces frais si lourds? Est-ce dans l'intérêt privé des parties? Non, car les questions de compétence administrative et judiciaire ne sont pas des questions d'intérêt privé; ce sont des questions d'intérêt public, dont la solution importe essentiellement à la marche régulière des pouvoirs publics.

Ainsi, voilà des parties qui, de par notre organisation judiciaire, sont dans la nécessité de plaider pendant plusieurs années pour faire élucider une question dont la solution intéresse essentiellement la marche régulière des pouvoirs publics. (Très bien!) C'est, messieurs, ce qui nous a portés à formuler notre amendement. Dans cet amendement, que demandons-nous? Nous demandons d'introduire devant le tribunal des conflits une procédure qui fonctionne avec tant de profit pour les justiciables devant la cour de cassation.

Lorsque, devant un tribunal judiciaire, une question de compétence exclusivement judiciaire est soulevée, et que cette question exclusivement judiciaire peut donner lieu à un règlement de juges de la part de la cour de cassation, les parties peuvent s'adresser directement à la cour de cassation, après un simple déclinatoire en première instance, sans être obligées de passer par la cour d'appel; et la cour de cassation, chambre des requêtes, rend, en quelques mois, un arrêt définitif sur la question de compétence. Par là, les parties évitent des frais considérables et les retards énormes apportés à la solution de leur procès, puisqu'elles n'ont qu'à se présenter devant le tribunal qui aura été désigné par la cour de cassation.

Pourquoi cette procédure ne serait-elle pas introduite devant le tribunal des conflits, qui a pour mission de faire respecter le principe de la séparation des pouvoirs, de poser les principes qui doivent servir de guide à l'administration dans la direction de ses affaires?

Ainsi, messieurs, si vous adoptiez cet amendement, il en résulterait une économie considérable de temps et une économie non moins considérable de frais, et les parties pourraient en quelques mois obtenir sur les questions de compétence administrative et judiciaire des arrêts définitifs.

Quelles objections peut-on faire à cet amendement? Craindrait-on, par hasard, d'encombrer le tribunal des conflits? Je suis de ceux qui pensent que, lorsqu'on organisé une juridiction, il faut qu'elle fonctionne utilement, dans le but de rendre service à l'Etat. Si vous

appelez un peu plus souvent le tribunal des conflits à statuer sur les questions de compétence, il en résultera que le tribunal sera ainsi appelé à poser les principes qui serviront de guide désormais à l'autorité judiciaire dans ses décisions, et à l'administration dans l'impulsion à donner aux services publics.

Mais cet encombrement, je ne crains pas de le dire, est une véritable chimère.

Voyons ce qui a lieu devant la cour de cassa tion. Y a-t-il encombrement d'affaires? Non, en ce qui concerne les règlements de juges, la cour de cassation rend à peu près une quinzaine d'arrêts par an.

Exemple plus saisissant encore : nous avons les recours pour excès de pouvoir devant le conseil d'Etat, et certes c'est là une matière beaucoup plus féconde que celle des exceptions d'incompétence administrative et judiciaire, puisque les recours pour excès de pouvoir peuvent être portés directement devant le conseil d'Etat sans passer par tous les degrés de la hiérarchie administrative.

Eh bien, ces recours pour excès de pouvoir qui peuvent être adressés au conseil d'E tat directement et sans frais, n'ont, jusqu'à présent, jamais entravé la marche régulière des travaux du conseil d'Etat.

Objecterait-on encore que cette procédure, introduite devant le tribunal des conflits, aura pour conséquence d'arrêter la solution des procès? Vous voyez que cette objection est diamétralement opposée au but que nous poursuivons. Aussi ne peut-elle pas subsister si on la rapproche de la seconde partie de notre amendement, où nous appliquons absolument les règles du droit commun.

Nous disons, en effet, que devant les tribunaux judiciaires seulement, et en première instance, il y aura suspension des actes de procédure; mais que devant la juridiction administrative, où l'appel n'est pas suspensif, si les parties s'adressent au tribunal des conflits, l'affaire n'en suivra pas moins son cours en première instance et en appel.

Ainsi, les objections qu'on voudrait formuler contre l'amendement se trouvent, j'ose le dire, écartées d'avance. Reste seulement que cet amendement aurait pour conséquence de hâter la solution des procès, d'économiser des frais considérables aux parties et, en même temps, de servir l'intérêt général. (Vive approbation sur plusieurs bancs à gauche.)

M. le rapporteur. Messieurs, l'innovation proposée par M. Roger-Marvaise est des plus graves.

Dans une loi sur la matière des conflits et sur la procédure en matière de conflits, les idées émises par l'honorable M. Roger-Marvaise trouveraient leur place, et elles seraient, à l'occasion d'un pareil projet, sérieusement étudiées. En ce moment, je prie l'Assemblée de considérer que nous faisons une loi de juridiction pour créer un tribunal des conflits. Nous ne faisons pas une loi pour modifier les lois ou ordonnances suivies jusqu'à présent en ma

tière de conflits.

J'ajoute que j'ai soumis la proposition de M. Roger-Marvaise à des conseillers d'Etat et à des magistrats très-expérimentés, et je demande à l'Assemblée la permission de lui faire connaître l'objection qu'ils m'ont faite, objec

tion qui devrait au moins amener une modification dans la proposition de M. Roger-Marvaise.

Si l'amendement était adopté, non-seulement le droit d'élever les conflits appartiendrait à l'administration, droit qu'elle a eu jusqu'à présent d'une manière exclusive; il appartiendrait même aux particuliers, à toutes les parties en cause; de telle sorte que, dans tout procès, un plaideur aurait la faculté de dire « Vous me traduisez devant une juridiction dont je ne reconnais pas la compétence. Je demande à faire juger la question par le tribunal des conflits! »

Ce serait là, messieurs, une cause permanente de retards dans la procédure; oui, de retards dans la procédure, et en tous cas un prétexte facile pour la mauvaise foi des parties qui voudraient embarrasser les adversaires par des moyens dilatoires, car on pourraît devant toutes les juridictions contester la compétence et exiger que le jugement du fond fùt ajourné jusqu'à ce que la question de compétence fût décidée par le tribunal des conflits. Il y aurait là un moyen de procédure dont le plaideur de mauvaise foi se servirait pour traîner le procès en longueur. (C'est vrai!)

Nous demandons, tout en rendant justice à la pensée qui a guidé l'honorable M. RogerMarvaise, et du reste en réservant la question pour le moment où on fera, non pas, comme aujourd'hui, seulement une loi de juridiction, mais une loi de procédure, nous demandons, dis-je, à l'Assemblée de ne pas admettre une innovation aussi considérable. (Très-bien! très-bien!)

Un membre à gauche. Le renvoi à la commission! (Non! non!)

M. le rapporteur. La commission n'est pas chargée de faire une loi sur la matière des conflits.

M. le président. Je mets aux voix l'article additionnel proposé par M. Roger-Marvaise. (L'article additionnel, mis aux voix, n'est pas adopté.)

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Je propose d'autoriser les jeunes gens admis à concourir pour l'auditorat de 2e classe, jusqu'à l'âge de 27 ans, à se présenter au concours pour l'auditorat de re classe jusqu'à l'âge de 32 ans. Cette disposition est très-équitable.

En effet, l'article 6 limite l'entrée de la re classe d'auditeurs à 30 ans, et, d'autre part, l'article 5 exige des auditeurs de 2e classe pour être admis à concourir à la 1re classe, d'avoir fait un stage de quatre ans dans la 2o.

Ceux qui, par suite de la disposition transitoire de la loi, auront été admis à la 2e classe au-delà de 25 ans, ne pourraient donc plus se présenter au concours.

La commission n'avait nullement eu pour la Are classe l'intention de les mettre dans cette situation fâcheuse, et elle a bien voulu admettre la disposition additionnelle que je propose. J'espère que l'Assemblée voudra bien l'accepter à son tour. (Très-bien !)

M. le rapporteur. Cette disposition nous parait équitable.

M. le président. La commission adopte le paragraphe additionnel proposé par M. Wilson. Je le mets aux voix.

(Le paragraphe additionnel proposé par M. Wilson est mis aux voix et adopté)

L'ensemble de l'article 29 est ensuite mis aux voix et adopté.

M. le président. Tous les articles sont votés. Je consulte l'Assemblée sur la question de savoir si elle entend passer à la troisième délibération sur le projet de loi.

(L'Assemblée, consultée, décide qu'elle passera à la troisième délibération.)

M. le président. M. le général Ducrot à la parole pour le dépôt d'une proposition.

M. le général Ducrot. Au nom d'un certain nombre de nos collègues et au mien, j'ai l'honneur de présenter à l'Assemblée une proposition de loi ayant pour objet la création d'un comité de défense, conformément aux dispositions des lois du 10 juillet 1791 et du 10 juillet 1851, sur la construction et l'extension des places de guerre.

Nous demandons l'urgence et le renvoi à la commission de réorganisation de l'armée. (Mouvements divers.)

Messieurs, nous sommes d'accord avec M. le ministre de la guerre.

Du reste, notre proposition est précédée d'un exposé des motifs très-court; je vais vous le lire si vous le voulez.

Voix nombreuses. Oui! oui! Lisez! lisez ! M. le général Ducrot, lisant. Un crédit est demandé à l'Assemblée nationale dans le compte de liquidation des diverses charges résultant de la guerre, pour le remaniement du système de fortifications de la France, dont l'insuffisance n'a été que trop démontrée pendant et depuis la dernière guerre. Tout en entrant dans la pensée du Gouvernement au sujet des inconvénients que pourrait entraîner la discussion publique du nouveau système, l'Assemblée nationale souveraine, et par cela même directement responsable devant le pays, non seulement de l'allocation des fonds dont elle lui demande le sacrifice, mais encore de la manière dont il en sera fait emploi pour la défense de son territoire dans l'avenir, ne peut

ANNALES. - T. XI.

néanmoins se désintéresser de cette double question.

Dans ces conditions, et conformément aux dispositions des lois du 10 juillet 1791 et du 10 juillet 1851, sur la construction et l'extension des places de guerre, nous avons l'honneur de lui proposer le projet de loi suivant, dont nous demandons la déclaration d'urgence et le renvoi à la commission de réorganisation de l'armée. »

« Article unique. Un comité de défense, composé de cinq membres choisis par l'Assemblée et dans son sein, et de cinq membres pris en dehors de l'Assemblée et nommés par le Président de la République, sera institué pour étudier et arrêter, sous la présidence du ministre de la guerre, l'ensemble des nouvelles défenses à élever sur le territoire, et rendra ultérieurement à l'Assemblée un compte spécial de ces travaux et de l'emploi des crédits qui y auront été affectés. »

Cette proposition est signée par :

MM. le général Martin des Pallières, le général Loysel, Joseph de Carayon-Latour, baron Wast-Vimeux, de Combariea, de Crussol, Audren de Kerdrel, le vice-amiral d'Hornoy, baron de Barante, le vicomte d'Aboville, le général Ducrot.

M. le président. Les auteurs de la proposition demandent la déclaration d'urgence. Je consulte l'Assemblée.

(L'Assemblée, consultée, déclare l'urgence de la proposition.)

M. le président. On a demandé aussi le renvoi à la commission de réorganisation de l'armée.

Il n'y a pas d'objection? (Non! non!)
Le renvoi est ordonné.

La parole est à M. le ministre du commerce pour une communication du Gouvernement.

M. Teisserenc de Bort, ministre de l'agriculture et du commerce. J'ai l'honneur de déposer sur le bureau de l'Assemblée, au nom de mon collègue, M. le ministre des finances, les trois projets de lois suivants :

Le premier, portant ouverture au ministre des finances, sur l'exercice 1871, d'un crédit de 53,658,759 francs à affecter au remboursement des sommes payées aux Allemands à titre d'impôt;

Le second, ayant pour objet la prorogation d'une surtaxe sur les vins à l'octroi de la commune de Grenoble (Isère);

Le troisième, ayant pour objet l'établissement de surtaxe sur les vins, l'alcool et l'absinthe à l'octroi de Voiron (Isère).

M. le président. Ces projets seront imprimés, distribués et renvoyés : le premier à la commission du budget; les deux autres à la commission des intérêts locaux.

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