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ticle 387, classé sous la rubrique de vol et prévoyant un délit complétement étranger à la définition de vol, l'article 409, classé sous la rubrique de l'abus de confiance et prévoyant un délit sans rapport aucun avec l'abus de confiance, le démontrent surabondamment encore. Ce sont des délits tout à fait spéciaux, et ayant avec le projet de loi actuel ce caractère commun de specialité. Le paragraphe additionnel que votre commission vous propose d'adopter ne sera donc pas une innovation opposés aux principes du droit criminel, puisque son seul but est d'atteindre un acte délictueux, un fait d'improbité qui se commet impunément chaque jour.

Revenons maintenant, messieurs, au texte même de la proposition, et voyons quelle est la rédaction définitive soumise à votre approba

tion.

Votre commission a cru devoir apporter diverses modifications à la rédaction primitive.

Il n'est d'abord plus question du logement qu'un individu, dénué de toutes ressources, se serait fait donner dans un hôtel. L'assimilation de cet acte à l'acte de se faire servir des boissons ou des aliments dans un restaurant pouvait présenter certains dangers et n'était pas entièrement exacte. Le fait retenu est d'ailleurs celui qui se commet le plus grand nombre de fois, et qui constitue véritablement ainsi un danger social.

Une seconde modification a été apportée, afin d'arriver à mieux déterminer encore les conditions nécessaires pour que l'existence même du délit soit facilement et sûrement reconnue. C'est dans ce but que, à ces mots : « Quiconque, sachant qu'il est dans l'impossibilité de payer, se sera fait servir des boissons ou des aliments», ont été ajoutés ceux-ci : « qu'il aura consommés. » Par là se trouve écartée la simple tentative du délit, et la définition est ainsi en rapport avec la réalité même des actes délictueux contre lesquels il importe de sévir.

Au lieu d'énumérer les établissements qui sont le théâtre habituel de ces sortes de délits, il a

paru, en outre, préférable d'employer une formule générale comprenant tous les établissements destinés à recevoir le public et à lui servir sur sa commande, à prix d'argent, des boissons ou des aliments.

La pénalité a été enfin réduite à 6 jours d'emprisonnement au moins et à 6 mois au plus ainsi qu'à 16 francs d'amende au moins et à 200 francs au plus.

L'article 463 du code pénal reste dans tous les cas applicable.

Les auteurs de la proposition avaient pensé qu'il convenait de placer le nouveau paragraphe sous l'article 405 du code pénal, relatif à l'escroquerie; mais votre commission a été d'avis qu'il serait mieux placé sous l'article 401, qui, après avoir édicté des peines contre le vol simple, prévoit aussi les larcins et les filouteries, et par ces expressions diverses semble mieux se prêter à recevoir la définition d'un nouveau délit.

Il est d'ailleurs bien entendu que la nouvelle disposition pénale ne recevra son application que dans les cas strictement prévus par elle. Cet article 405 resterait seul applicable, si le délinquant employait des manœuvres frauduleuses ou faisait usage d'un faux nom, d'une fausse qualité pour déterminer le chef de l'établissement à lui livrer des boissons ou des aliments.

Votre commission vous propose en conséquence d'adopter le projet de loi suivant.

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SÉANCE DU JEUDI 25 AVRIL 1872

Annexe n° 1079.

RAPPORT fait au nom de la commission (*) chargée d'examiner le projet de loi relatif à la réorganisation du conseil d'Etat (Amendement de M. Target tendant au renvoi de la discussion.), par M. Batbie, membre de l'Assemblée nationale.

Messieurs, l'honorable M. Target et plusieurs autres de nos collègues ont, à la séance du 23 avril, déposé une proposition qui tend à différer la discussion du projet de loi sur la réorganisation du conseil d'Etat, jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur les institutions politiques de la France. Provisoirement, le décret du 15 septembre 1870, qui a institué une commission chargée d'expédier les affaires urgentes, continuerait à être en vigueur.

Les signataires de la proposition demandent

(*) Cette Commission est composée de MM. Saint-Marc Girardin, président; de Rémusat, secrétaire; Limpérani, Hamille, Clément, Ciraud, le baron de Jouvenel, Kolb-Bernard, Baze, le marquis de Chasseloup-Laubat, Marc-Dufraisse, le duc de Broglie, Batbie, Grivart, Bethmont.

seulement que le Gouvernement soit autorisé à doubler cette commission, ce qui porterait à 16 le chiffre des conseillers, à 20 celui des maîtres de requêtes et à 24 celui des auditeurs. Il est, en effet, unanimement reconnu que les membres de la commission provisoire sont en nombre insuffisant pour l'expédition des affaires. Vous avez ordonné le renvoi à la commission chargée d'examiner le projet de loi sur la réorganisation du conseil d'Etat, de la proposition que M. Target appelle son contre-projet et qui n'est, en réalité, qu'une demande d'ajournement d'un projet de loi déjà mûr pour la discussion.

Les mesures provisoires sont indispensables quand elles sont motivées par l'urgence, si le temps manque pour élaborer une matière et lorsque cependant il faut pourvoir à un service nécessaire. Est-il possible, au contraire, de recourir à cet expédient la veille d'une discussion qui a été préparée par une longue élaboration du projet de loi? Ne serait-ce pas reculer devant la solution, hésiter au moment d'agir et faire un aveu d'impuissance qui serait de nature à diminuer cette Assemblée.

Nous ne nions pas que le régime politique ne puisse exercer de l'influence sur la composition

du conseil d'Etat; mais nous n'entendons pas faire une loi immuable, et si plus tard des modifications sont commandées par la nature de notre constitution, elles seront faites à mesure que le besoin en sera démontré. Il ne faut pas, selon nous, sous prétexte d'obéir à une logique rigoureuse, laisser plus longtemps languir un service important; et nous croyons qu'il vaut mieux organiser fortement le conseil d'Etat, sauf à modifier plus tard quelques détails de la loi, que de conserver un provisoire dont l'expédition des affaires a incontestablement souffert jusqu'à présent et souffrirait encore malgré l'atténuation qui résulterait de la proposition de nos collègues.

Il est vrai que l'Assemblée est ou doit être saisie de projets qui tendent à supprimer la juridiction contentieuse des conseils de préfecture, et M. Target part de là pour dire que cette proposition rend l'ajournement indispensable; car, à son avis, la suppression du contentieux administratif, en première instance, entrainerait la suppression du contentieux en appel. Notre honorable collègue exagère la compétence des Conseils de préfecture. Ils ne sont pas les seuls juges administratifs de première instance; car, d'après une doctrine généralement adoptée, ces conseils ne sont qu'une juridiction d'exception et c'est aux ministres, chacun dans son département, qu'appartient la qualité de juge ordinaire du contentieux administratif.

Alors même que les conseils de préfecture seraient supprimés, le conseil d'Etat aurait encore à statuer sur un grand nombre d'affaires, et d'affaires importantes, spécialement, sur les recours pour excès de pouvoir qui peuvent être formés directement (omisso medio) sans passer par une juridiction de première instance. D'ailleurs nous pourrons à toute époque, après avoir organisé le conseil d'Etat, modifier ses attributions et aussi diminuer son personnel si le changement de sa compétence rendait inutile un certain nombre de conseillers. En admettant même qu'elle fût radicale, la suppression du contentieux, n'entrainerait pas la chute du conseil d'Etat entier, mais seulement celle de la section du contentieux.

Enfin la proposition de M. Target a l'inconvénient de trancher, sous l'apparence d'une mesure qui réserverait tout, les questions auxquelles donne lieu notre projet de loi. Il est évident que s'il était réconforté par l'adjonction de nouveaux membres, le provisoire acquerrait assez de force pour durer et nous ne doutons pas qu'après avoir pris haleine il ne vécut aussi longtemps que 'Assemblée elle-même. Le provisoire tel que M. Target propose de l'établir serait donc définitif relativement à la durée de nos travaux.

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caisse municipale de Paris et aux caisses des travaux de Paris et de la boulangerie, par M. A. Louvet, membre de l'Assemblée nationale.

Messieurs, l'incendie de l'Hôtel-de-Ville de Paris a entraîné la destruction des registres des saisies, arrêts ou oppositions. des significations de cession de transports, ou de tous autres actes conservatoires faits à la caisse municipale de Paris et à celle des travaux et de la boulangerie, ainsi que des registres et répertoires sur lesquels ils étaient inscrits.

Dès le 12 juin dernier, par un avis placardė, l'administration s'empressait d'informer les intéressés de la destruction de ces pièces, et les invitait à les renouveler avant le 30 juin suivant. Il semblait permis d'espérer que les ayants droit s'empresseraient, à la lecture de cet avis, de fournir soit une signification nouvelle de leurs titres, soit la présentation des originaux aux caisses municipales.

Cependant, depuis dix mois que cet avis a paru, il n'a guère été renouvelé que 600 significations ou oppositions, sur un nombre de 5,000 environ inscrites aux registres antérieurement au 24 mai dernier, d'après les souvenirs du conservateur.

Cette situation fait courir à l'administration le danger de réclamacions dont il serait impossible de prévoir la limite, si une décision législative ne venait régler ses obligations vis-à-vis des tiers. I importe donc à ses intérêts qu'elle soit armée d'une loi analogue à celle qui est intervenue, le 15 septembre dernier, pour la caisse des dépôts et consignations.

Un' temps déjà si long s'est écoulé depuis que les documents en question ont été brûlés, et que les ayants droit ont été invités à les renouveler, qu'il semble juste de restreindre le délai laissé pour le renouvellement des pièces, à partir de la promulgation de la loi.

Toutefois, votre commission est d'avis de fixer à trois mois au lieu de deux le terme proposé par l'article premier du projet du Gouvernement. Elle a pensé que bien des intéressés pourraient se trouver hors de France, et n'avoir que tardivement connaissance de la loi; qu'il convenait dès lors de leur accorder toutes les facilités nécessaires pour qu'ils puissent se mettre en règle vis-à-vis de l'administration.

Votre commission vous propose encore d'ajouter à l'article 3 du projet; après ces mots : « Qu'autant que les tiers auraient accompli les formalités prescrites par l'article premier dans le délai qu'il détermine, » ceux-ci« ou qu'ils auraient produit leurs réclamations avant le payement de la somme. >>

Ces réserves faites, les dispositions générales de la loi du 15 septembre 1871 seront appliquées avec avantage au nouveau projet de loi, pour assurer les intérêts de tous. Parmi ces dispositions, il est à signaler, en première ligne, pour leur caractère de justice, celles qui accordent aux intéressés, dans le cas où la demande aura été produite dans le délai fixé, le remboursement, après taxe, des frais occasionnés par la production des pièces jugées nécessaires au remplacement des documents incendiés et celles qui dispensent des droits de timbre et d'enregistrement, les actes faits, les copies et pièces justificatives fournies en exécution de la présente loi, ainsi que tous actes de procédure et d'instances auxquels elle donnerait lieu.

En conséquence, votre commission a l'honneur de vous proposer à l'unanimité l'adoption du projet du Gouvernement, avec les deux légères modifications indiquées au présent rapport.

PROJET DE LOI

Art. 1. Dans le délai de trois mois, à partir de la promulgation de la présente loi, tous prétendant droit sur des sommes dues par les caisses

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municipales de Paris, des travaux de Paris et de la boulangerie, à quelque titre que ce soit, seront tenus, pour conserver le bénéfice des actes par eux faits antérieurement au 24 mai 1871, de re mettre auxdites caisses, et contre reçu, une demande énonçant les motifs de leur réclamation, et la qualité en laquelle ils agissent. Ils y joindront, si cela est possible, les originaux, ou, à défaut des originaux, les copies dûment certifiées et légalisées de tous récépissés, actes de versement, de saisie, d'opposition ou de notification, relatifs aux sommes sur lesquelles ils prétendent droit. En cas de perte de l'original, l'opposition ou signification de transport devra être renouvelée.

Les frais occasionnés par ces productions de pièces ou par toutes autres qui seraient nécessaires en remplacement des documents qui ont péri dans l'incendie, seront, après taxe, remboursés par les caisses, mais seulement quand la demande aura été produite dans le délai ci-dessus fixé.

Art. 2. Dans les trente jours qui suivront l'expiration du délai fixé par l'article précédent, les caisses, si les justifications paraissent suffisantes. réinscriront sur des registres établis suivant les formes réglementaires :

1° Les oppositions formées sur chaque somme; leurs dates, leur montant, les noms et domiciles des opposants, et les qualités en lesquelles ils agissent;

2 Les cessions, transports et tous autres titres notifiés aux caisses chacun à sa date;

3° Les payements partiels déjà faits par les caisses, et l'indication des parties prenantes et du titre auquel elles ont reçu.

Lorsque ces réinscriptions auront été faites, il en sera délivré des certificats dûment visés pour contrôle.

En cas de refus de réinscription, les caisses devront en faire connaître le motif aux parties intéressées, sauf recours de celles-ci devant les tribunaux.

Art. 3. Ces payements effectués ne pourront être attaqués par les tiers, en vertu d'actes notifiés antérieurement au 24 mai 1871, qu'autant que ces tiers auraient accompli les formalités prescrites par l'article premier dans le délai qu'il détermine, ou qu'ils auraient produit leurs réclamations avant le payement de la somme.

A défaut d'accomplissement desdites formalités, les oppositions et significations antérieures à cette date ne seront pas mentionnées dans les états d'opposition délivrés par le conservateur.

Art. 4. Les actes faits, les copies et pièces justificatives fournies en exécution de la présente loi, ainsi que tous actes de procédure et d'instance auxquels elle donnerait lieu, seront dispensés des droits de timbre et d'enregistrement.

Il en sera de même pour les actes portant mainlevée des oppositions que les caisses auraient inscrites d'office, s'il est justifié que la mainlevée a été donnée avant le 24 mai.

Art. 5. Il n'est pas dérogé au droit appartenant à toute personne intéressée de faire, à ses frais et risques, en se conformant aux lois, toute opposition qu'elle croira fondée.

Annexe n° 1081.

RAPPORT SOMMAIRE fait au nom de la 7° commission d'initiative parlementaire (*) sur la proposition de loi de M. Follet, ayant pour objet :

(*) Cette Commission est composée de MM. Princeteau, présiden, Malézieux, vice-président; Voisin, de Tarteron, secrétaires; Bastid, le comte de Kergorlay, le marquis de LurSaluces, Francisque Rive, Louis de Saint-Pierre (Manche), le vicomte de Cumont, Pajót, Chatelin, Villain, de Marcère, de Kéridec, de Cazenove de Pradine, de Combarieu, Viennet, de Kermenguy, le général du Temple, Mestreau, le baron Chaurand, Langlois, Gent, de Saint-Victor, Robert de Massy, Ducuing, Gaslonde, de Ventavon, Boullier de Branche.

1° d'établir un impôt sur le revenu des valeurs mobilières; 2° d'admettre la déduction des dettes pour le payement des droits de succession, par M. de Marcère, membre de l'Assemblée nationale.

Messieurs, la 7 commission d'initiative parlementaire m'a chargé de vous présenter un rapport sur la proposition de notre honorable collègue, M. André Folliet (n° 616), ayant pour objet 1° d'établir un impôt sur le revenu des valeurs mobilières; 2° d'admettre la déduction des dettes pour le payement des droits de mutation.

Ces deux objets sont très-différents, puisque l'un consiste dans l'établissement d'un impôt nouveau, l'autre dans une modification très-importante apportée à la loi de frimaire an VII, en ce qui concerne les droits de mutation par suite de décès ou de donation entre-vifs.

Cependant, dans la pensée de l'auteur, ces deux objets se relient l'un à l'autre d'une part, il trouve dans la déclaration des créances faites par le contribuable pour le payement de l'impôt sur le revenu, un moyen d'établir la déduction des dettes lors du payement du droit de mutation d'autre part, il trouve dans l'impôt sur le revenu des créances une compensation aux pertes que doit faire le Trésor par suite de la déduction des dettes dans la supputation des valeurs frappées du droit de mutation..

:

On comprend dès lors qu'il y avait pour l'auteur de la proposition un intérêt à combiner dans un projet de loi unique les deux dispositions législatives relatives à l'impôt sur le revenu et à la déduction des dettes.

Mais cet intérêt, si grand qu'il soit à ses yeux, ne justifierait pas une confusion de matières aussi dissemblables et qui aurait pour effet de rompre l'harmonie justement admirée de notre doi de l'an VII sur l'enregistrement.

Votre commission d'initiative ne vous aurait donc pas proposé l'étude d'un projet de loi unique sur des sujets si différents: mais vos décisions antérieures l'ont dispensée du soin de marquer plus nettement la division naturelle des matières législatives proposées à votre examen. L'Assemblée, en effet, par un vote solennel, a repoussé le principe de l'impôt sur le revenu, et la 7° commission d'initiative n'a pas pensé qu'il fût opportun de rouvrir un débat sur cette délicate question. Elle vous propose, en conséquence, de ne pas prendre en considération la première partie du projet de loi présenté par M. Folliet.

Mais cette décision, si vous croyez devoir la prendre, n'implique nullement le rejet de la seconde partie de la proposition de notre honorable collègue. Cette seconde partie traite spécialement de la déduction des charges en matière de mutation, par suite de décès ou de donation, et elle se détache naturellement de la première. Votre commission a pensé que cette proposition méritait un examen approfondi; et elle m'a chargé de vous fournir les éléments de cette question maintes fois soulevée et jamais résolue, depuis que la législation de l'an VII est en vi

gueur.

Toutefois, avant d'entrer dans l'examen du principe même de la déduction des charges, et d'aborder les considérations que cet examen comporte, je crois devoir placer sous vos yeux, en la résumant, la proposition de notre collègue.

Dans les mutations par suite de décès, le droit, selon lui, se perce:rait sur le montant net de cé que l'héritier recueille. Il admet la déduction des dettes hypothécaires et des créances déclarées : le projet comprenait même parmi les charges à déduire les créances chirographaires; mais par une note remise entre nos mains, M. Folliet a déclaré qu'on ne devrait pas admettre à la déduction cette dernière nature de dettes.

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« Dans les mutations par donation entre-vifs, la déduction ne devrait s'opérer que pour les déttes hypothécaires.

« La fraude découverte pourra entraîner contre le débiteur du Trésor et contre les complices, s'il y en a, l'application du droit triple en sus du droit dù. »

Telle est la proposition qui nous est soumise. C'est putôt un cadre d'études qu'un projet de loi complet; car son auteur, par une prétérition volontaire sans doute, n'est pas entré dans les détails législatifs que son projet, ainsi qu'on va le voir, comportait. Mais telle qu'elle est, cette proposition soulève une question de principe fort connue, dont tous les éléments existent dans des travaux antérieurs, et qui n'attend plus qu'une solution.

:

Cette question s'énonce dans des termes fort simples Doit-on maintenir sur ce point la législation de l'an VII? Faut-il au contraire y introduire l'innovation qui consisterait à autoriser, pour l'établissement du droit, la distraction des charges dans les mutations par décès ou par donation? Il est utile au début de l'examen de cette question de placer sous vos yeux la législation existante. Elle est tout entière dans les articles 4, 14, 15 de la loi du 22 frimaire an VII.

« Art. 4. Le droit proportionnel est établi pour toute transmission de propriété, d'usufruit ou de jouissance des biens meubles et immeubles, soit entre-vifs, soit par décès. Il est assis sur les valeurs.

« Art. 14. La valeur de la propriété de l'usufruit et de la jouissance des biens meubles, est déterminée pour la liquidation et le payement du droit proportionnel ainsi qu'il suit, savoir:

« .....

... 8° Pour les transmissions entre-vifs à titre gratuit et celles qui s'opèrent par décès, par la déclaration estimative des parties (1), sans distraction des charges. »

« 11° L'usufruit transmis à titre gratuit ou par décès s'évalue à la moitié de la valeur entière de l'objet.

Art. 15. La valeur de la propriété de l'usufruit et de la jouissance des immeubles est déterminée, pour la liquidation et le payement du droit proportionnel, ainsi qu'il suit, savoir:

« ..... 7° Pour les transmissions de propriété à titre gratuit et celles qui s'effectuent par décès, par l'évaluation qui sera faite et portée à vingt fois le produit des biens ou le prix des baux courants sans distraction des charges. »

« 8° Pour les transmissions d'usufruit seulement, soit entre-vifs à titre gratuit, soit par décès, par l'évaluation qui sera faite et portée à dix fois le produit des biens ou le prix des baux courants, aussi sans distraction des charges.

« L'article 19 permet de requérir l'expertise si l'évaluation du revenu des immeubles faite à défaut de baux courants paraît être insuffisante, et l'article 39 3 2 édicte une peine d'un droit simple sur l'insuffisance constatée. »>

Ces articles de la loi du 22 frimaire an VII n'ont été rapportés ou modifiés par aucune loi, et ils ont servi de base à la perception de l'impôt sur les successions depuis 75 ans.

Le principe de la non distraction des charges n'a été atténué dans une mesure très-faible, que par la jurisprudence de la cour de cassation qui a décidé qu'il fallait retrancher de l'actif successoral 1° le passif social grevant une part d'intérêt dans une société, de sorte que l'actif net du défunt dans la société fût seul soumis au droit (3 mars 1829); 2° les sommes touchées par le défunt en qualité d'usufruitier (22 août 1850 et 28 février 1865); les sommes dont le de cujus avait fait la la donation entre-vifs et qui n'étaient pas

(1) Cette déclaration estimative ne s'applique, à défaut d'inventaire notarié, qu'aux meubles meublants, tableaux, etc., aux bestiaux, marchandises, grains, fourrages, etc. Pour les créances, le capital; pour les valeuvs de bourse, le cours au jour du décès, sont soumis aux droits sans qu'il y ait lieu à estimation proprement dite,

encore payées au moment de son décès (30 juillet 1862; 4 celles léguées à titre particulier et non payées au décès du légataire universel (8 décembre 1858 et 25 juin 1862).

Ainsi, dans la liquidation et le payement du droit, on prend pour base: pour les meubles, la déclaration du débiteur, héritier ou donataire; pour les immeubles, la capitalisation par vingt du produit des biens ou du prix des baux. On n'admet la distraction des charges ni pour l'une ni pour l'autre nature de ces biens. Cette règle, inflexible en ce qui touche l'évaluation des biens soumis à l'impôt, quelle que puisse être leur valeur réelle, inflexible entre deux héritiers dont l'un touchera l'héritage entier et l'autre ne recueille qu'un héritage grevé de dettes, cette règle a été, dès le premier moment, l'objet de vives critiques. Des attaques contre le système de la loi de l'an VII sur ce point n'ont jamais cessé depuis de se produire : elles ont pris un caractère plus vif dans ces derniers temps, et les adversaires de cette loi ont mis en relief les deux vices essentiels qu'ils lui reprochent un défaut d'équité et un défaut de proportionnalité.

Au moment même où la loi de l'an VII était votée, Jousselin, dans un discours au conseil des Anciens, produisait déjà à peu près tous les arguments qu'on n'a fait depuis lors que renouveler. Après avoir dit que les fermiers généraux avaient, nonobstant l'avis de quelques intendants de province, lors de l'établissement du centième denier, fait écarter la déduction des rentes foncières grevant les immeubles dépendant des successions collatérales, il ajoutait: « Maintenant les citoyens doivent espérer plus de justice, et le législateur s'empressera de la consacrer. On ne doit compter la fortune du décédé ou celle qui écherra à son héritier que déduction faite de ses dettes passives bona non intelliguntur nisi deducto ære alieno. La même maxime ne peut militer en faveur des acquéreurs ou des donataires; ceuxci deviennent propriétaires par l'effet de la convention, les héritiers en vertu de la loi naturelle. Il n'y a point de similitude entre le titre des uns et des autres. D'ailleurs, le principe de la mutation n'a pas été jusqu'à ce jour et ne sera pas à l'avenir le seul titre auquel on exigera ce droit d'enregistrement ainsi que je vais le prouver plus bas.

:

«Donc pour les mutations par décès, le droit fixé par l'article 9 pour les meubles, ainsi que celui fixé par l'article 15 pour les immeubles, ne doit être perçu que distraction faite des charges et dettes affectées à ces deux sortes de biens. En vain pourrait-on représenter les fraudes qui pourraient en résulter. A l'égard des immeubles on ne doit avoir égard qu'aux dettes hypothécaires dont les titres seraient représentés, avec aflir mation que le montant en était dû au jour du décès. A l'égard des meubles, en justifiant d'un inventaire en règle qui en comprandrait le détail, avec pareille affirmation qu'elles sont légitimement dues.

«Nest-il pas enfin contre toutes les règles du pacte social que l'Etat se trouve seul héritier au préjudice des héritiers légitimes? et c'est cependant ce qui doit arriver. Qu'il se trouve une succession collatérale dont les biens immeubles seraient d'une valeur de 100,000 francs et les dettes et charges de 95,000 francs, il resterait au profit des héritiers un bon de 5,000 francs; mais les 5,000 francs appartiendront en vertu de la loi proposée au Trésor public à raison de 5 p. 100. L'héritier alors est forcé de renoncer, et tout le bien de la succession est dévolu au fisc. »

Depuis que Jousselin prononçait ces paroles, le droit a toujours été perçu, et cette longévité de la loi a paru à quelques personnes consacrer son excellence; mais des protestations, sans cesse renouvelées, attestent que l'iniquité dont elle était marquée dès son origine, n'a jamais pu se couvrir par le temps écoulé.

Ce sont les juristes qui se sont montrés les adversaires les plus constants du système de la loi de l'an VII, et leur opinion conserve toute sa valeur dans une matière où les règles de la fiscalité ont été subordonnées aux principes du droit civil. Ils pouvaient en ellet s'appuyer sur le droit romain, qui n'autorisait l'impôt du vingtième sur les successions que prélèvement fait des legs à titre d'aliments, des frais funéraires et des dettes. Parmi eux, il faut citer MM. de Parieu, Rolland de Villargues, Championnière, Rigaut; et dans une dissertation d'un légiste distingué, je trouve, mises en un vif relief, les conséquences du système de la loi.

«En matière successorale, dit-il (1), le premier des principes est que la succession ne se compose pour l'hoirie que de ce qui reste, défalcation faite des dettes : bona non intelliguntur nisi deduclo are alieno: cela est clair, cela est mathé-. matique... Mais en finances, il en va tout autrement. Ainsi une succession s'ouvre, elle se compose d'un million, sans la moindre charge, sans la moindre dette, le droit est de x. Une seconde succession s'ouvre : elle se compose d'un million grevé de cinq cent mille francs de charges ou de dettes, le droit est encore de x. Une troisième succession s'ouvre, elle se compose d'un million, grevé d'un million et même de quinze cent mille francs, le droit est toujours de a. Eh bien! semblable au lit de Procuste, cette perception inflexible est, nous ne craignons pas de le dire, inique, immorale et impolitique. »

Ces derniers mots sont vifs, mais l'opinion qu'ils expriment ne paraitra peut-être pas excessive, quand on se rendra compte que, de tous les peuples qui nous entourent et qui ont reçu ou subi notre législation civile et notre système d'administration, aucun n'a conservé dans ses lois fiscales cette disposition sur la distraction des charges.

Dès 1807 en Hollande; dans les Pays-Bas, par une loi du 27 décembre 1818, conservée en Belgique depuis la séparation; en Suisse et notamment dans le canton de Genève, par une loi du 18 juin 1870; en Piémont, par le code sarde de 1838; et depuis l'union italienne, en Italie par une loi de 1862, on a, avec quelques différences de détail, reconnu le principe de la déduction des dettes dans la perception du droit.

Ce n'est pas non plus pour la première fois aujourd'hui que la France essaye de s'engager dans cette voie. Elle y est déjà entrée par lordonnance royale du 31 décembre 1828, qui rendait applicable la législation fiscale de l'enregistrement à nos colonies, la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane française. On y lit en effet : Art. 16. « La valeur des biens meubles est déterminée, pour les transmissions entre-vifs à titre gratuit, et pour celles qui s'opèrent par décès, par la déclaration estimative des parties sans distraction des charges, à l'exception de celles qui seraient établies par titres authentiques ou ayant date certaine antérieure au décès, faits sans dol ni fraude, et à la charge d'en affirmer l'existence réelle au jour du décès devant le juge de paix. >>

Le rapport au roi, qui précédait l'ordonnance et qui était l'œuvre de M. Hyde de Neuville, s'exprimait ainsi :

« Sur ce point, le projet s'écarte de la législatiou de la métropole: c'est une faveur qui à son exemple dans l'ordonnance qui régit l'enregistrement à l'ile Bourbon, et qu'on a cru devoir étendre aux autres colonies. Elle est fondée sur l'équité puisqu'en effet l'héritier ne profite que de ce qui excède les charges. »

Sous le gouvernement de Juillet, le comte Roy proposa dans le même sens une loi qui, il est vrai, ne fut pas accueillie par la Chambre des

(1) M. le Gentil, juge à Arras. Dissertations juridiques, t. II, p. 315.

pairs. Plus tard, en 1864, sous le dernier régime, le Gouvernement présenta un projet semblable qui fut discuté au conseil d'Etat, mais ne fut pas porté devant les Chambres. L'article 6 de ce projet était ainsi conçu :

«Dans tous les cas où le revenu capitalisé sert de base à la liquidation et au payement des droits d'enregistiement, ces droits seront perçus sur la valeur vénale.

« Cette disposition est également applicable à la liquidation et à la perception des droits de mutation par décès. Mais, sur la déclaration des héritiers ou légataires, seront déduites de la valeur vénale des immeubles grevés d'hypothèques et seulement jusqu'à concurrence de cette valeur, les dettes hypothécaires inscrites et ayant pour objet une créance certaine et déterminée au jour de l'ouverture de la succession. >>

Enfin, à la suite de la grande enquête agricole qui fut faite en 1868, et pendant laquelle des vœux presque universels furent exprimés de toutes parts en faveur d'une réforme de notre législation fiscale sur ce point, le Sénat fut saisi de pétitions qui donnèrent lieu à une discussion approfondie de la question. L'opinion du Sénat se fit jour par un vote de priorité, mais qui ne laissa aucun doute sur la signification du renvoi qui fut décidé des pétitions aux ministres des finances et du commerce. Le Sénat, à la majorité de 36 voix contre 32, se montra favorable aux vœux émis par les pétitionnaires.

C'est à la suite de ces nombreux et graves précédents que la question se trouve portée devant l'Assemblée nationale. Il est donc vrai de dire qu'elle semble mûre pour une solution. Mais il ne vous paraîtra peut-être pas hors de propos, en raison des principes et des intérêts engagés dans cette question, que je réunisse dans un abrégé aussi succinct que possible les divers éléments de la discussion qu'elle soulève.

Les thèses soutenues à ce sujet de part et d'au-tre peuvent se rattacher à trois ordres d'idées principaux dans lesquels viennent se grouper tous les arguments fournis pour combattre ou pour soutenir le système de la distraction des charges.

Les uns disent le système de la loi de l'an VII est juste et conforme au droit civil, car le droit fiscal est fondé sur la transmission: or, la chose donnée ou reçue en héritage est transmise quelles que soient les charges qui la grèvent.

Les seconds reconnaissent que la loi fiscale a fait échec au droit pur ils lui attribuent le caractère d'une sorte d'expédient. Dans l'impossibilité d'arriver à une exactitude mathématique sur la valeur de la chose donnée ou de l'héritage transmis, et d'éviter les fraudes si faciles en pareille matière, la loi a établi une règle fixe dont la rigueur est atténuée par des compensations.

Les troisièmes n'envisagent que le côté fiscal de la loi; et ce caractère lui donne à leurs yeux un mérité supérieur à toute autre considération. Ils tiennent que les lois fiscales établies sont les meilleures, qu'il n'y faut pas toucher sous peine de voir tarir les sources du trésor; et leur opinion se fortifie des besoins exceptionnels qui pressent aujourd'hui la France.

Je me placerai successivement à ces trois points de vue différents. Et d'abord le raisonnement de ceux qui résistent à toute réforme d'une loi fiscale sous le prétexte que le meilleur des impôts est celui qui est consacré par l'usage, ce raisonnement a le tort d'être trop absolu et, par conséquent, de ne rien prouver pour vouloir prouver trop. Il renferme en lui quelque chose de violent qui ne s'accorde pas avec nos mœurs administratives, et il est en contradiction trop manifeste avec le caractère essentiel de la loi en général et des lois françaises en particulier qui est la justice.

D'ailleurs, outre qu'il est nécessaire que les lois fiscales soient, autant que possible, en rapport

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